Le Quotidien du 2 janvier 2002 : Libertés publiques

[Jurisprudence] La liberté d'association implique celle de ne pas s'associer

Réf. : Cass. com. 5 décembre 2001 (N° Lexbase : A5515AXK)

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N1581AAS

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par Marine Parmentier, SGR - Droit des sociétés

le 07 Octobre 2010

La liberté d'association implique, d'une part, la liberté de créer une association et celle d'y adhérer librement et, d'autre part, la liberté de ne pas être contraint de s'associer. C'est sur ce second aspect que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu récemment à se prononcer : elle a jugé, dans un arrêt en date du 5 décembre 2001, que nul ne peut être obligé de s'associer.

En l'espèce, un agent d'assurances avait pris à bail, en 1996, un local se situant dans un centre commercial. Le contrat de bail prévoyait l'adhésion du preneur à l'association des commerçants et le maintien de cette adhésion pendant toute la durée du bail et en faisait une condition déterminante du contrat. L'association des commerçants a assigné le preneur en vue d'obtenir le paiement des cotisations pour les années 1996, 1997 et 1998. Les juges du fond, statuant en référé, l'ont condamné au paiement estimant que son obligation n'était pas sérieusement contestable eu égard à l'obligation que faisait peser sur lui le contrat de bail, à son acceptation des projets de statuts de l'association et au paiement du droit d'entrée qu'il a volontairement et consciemment effectué.

La Cour de cassation a censuré l'arrêt rendu en appel sous le visa de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile qui prévoit, à peine de nullité (article 458 du même code) l'obligation de motivation des arrêts. Elle juge que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions du preneur qui faisaient valoir que l'adhésion obligatoire à une association méconnaissait le principe de la liberté fondamentale de ne pas s'associer.

S'il n'a pas le mérite de trancher le problème soulevé, cet arrêt aborde le concept juridique important que représente la liberté d'association qui fut affirmée avec force pour la première fois par la loi fondamentale du 1er juillet 1901. Elle entretient des liens étroits avec d'autres libertés, telles la liberté de réunion - liberté essentiellement politique -, la liberté contractuelle - l'association trouvant son fondement dans une convention - et la liberté syndicale.
Cette liberté est également importante dans l'histoire constitutionnelle française puisqu'elle fut l'occasion pour le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 juillet 1971, d'étendre le bloc de constitutionnalité au préambule de la Constitution de 1958, à celui de la Constitution de 1946 et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En outre, la liberté d'association est consacrée et protégée par le droit européen : la Convention européenne des droits de l'homme dispose, dans son article 11, que toute personne a le droit à la liberté d'association.

Si son aspect positif, celui de la liberté de créer une association ou de pouvoir librement y adhérer, n'est aujourd'hui plus contesté, son aspect négatif, la liberté de ne pas s'associer ou celle de sortir de l'association, n'a été découvert que plus tard, notamment dans le cadre d'un conflit impliquant des associations communales de chasse agrées. La liberté d'association a ainsi été au coeur d'un contentieux opposant, devant la Cour européenne des droits de l'homme, la France à des propriétaires de parcelles incluses dans le territoire d'associations communales de chasse agréées. En l'espèce, en vertu d'une loi de 1964, les propriétaires étaient membres de droit desdites associations et devaient leur faire apport de leur terrain. Trois requérants s'étaient opposés à cette adhésion et avaient revendiqué leur qualité de tiers par rapport aux associations.

La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 16 mars 1994 (N° Lexbase : A6459ABT), avait rejeté leurs prétentions jugeant que la loi ne mettait à leur charge aucune obligation, qu'ils pouvaient participer à l'association ou s'abstenir et que ladite association assurait une mission de service public primant sur leur droit de propriété. Saisie par les requérants, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, le 29 avril 2000 (N° Lexbase : A6231AX3), aux motifs qu'une loi ne peut contraindre un individu à une adhésion profondément contraire à ses propres convictions et l'obliger, du fait de cette adhésion, à apporter le terrain dont il est propriétaire pour que l'association en question réalise des objectifs qu'il désapprouve.

Ainsi, la liberté de ne pas adhérer à une association est clairement établie au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. Les juges français devront s'aligner sur cette position. A défaut, une nouvelle condamnation serait prononcée par la Cour européenne.

Par ailleurs, il existe, en droit français, des limites à la liberté de ne pas adhérer à une association : en effet, les banques sont tenues d'adhérer à l'Association française des banques (AFB) et ne disposent, à ce titre, d'aucune liberté. Il en va de même pour l'adhésion à l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés. Toutefois, "pour ces associations, c'est plus souvent leur monopole que le principe d'une adhésion obligatoire qui est discuté" (1).


(1) Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 6e éd., 2000, p. 357.

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