Le Quotidien du 28 décembre 2023 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Validité des actes conclus pas le débiteur : précision sur la notion de période suspecte et pouvoir de conclure un avenant à un contrat de travail en période d’observation

Réf. : Cass. soc., 6 décembre 2023, n° 22-15.580, F-B N° Lexbase : A6698179

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N7753BZ8

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[Brèves] Validité des actes conclus pas le débiteur : précision sur la notion de période suspecte et pouvoir de conclure un avenant à un contrat de travail en période d’observation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/102632951-0
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par Vincent Téchené

le 21 Décembre 2023

► La nullité encourue durant la période suspecte ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date du jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci ;

Lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur peut, seul, embaucher un salarié ou conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail.

Faits et procédure. Le 11 mai 2015, un TGI a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard d’une association, convertie en liquidation judiciaire le 3 janvier 2017.

Le 1er septembre 2015, un avenant à un contrat de travail a été signé entre l'association et l’un de ses dirigeants. Le 16 janvier 2017, le liquidateur a licencié l'intéressé pour motif économique, sous réserve de la reconnaissance d'un lien de subordination. Le 27 janvier 2017, l'intéressé a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

N'ayant pas reçu du liquidateur les documents de fin de contrat et le solde de tout compte, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de l'association une créance de rappel de salaire et diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Arrêt d’appel. La cour d’appel (CA Riom, 18 janvier 2022, n° 19/01139 N° Lexbase : A62887K4) a notamment débouté l’intéressé de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur le chiffre d'affaires au motif que l’avenant au contrat de travail était nul. La nullité de l’avenant en question était alors prononcée pour deux raisons. D’une part, parce qu’il était de nature à créer des obligations disproportionnées de l'association débitrice vis-à-vis d'un salarié. D’autre part, parce qu’il a été signé sans l'autorisation du mandataire judiciaire,

Le salarié licencié a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle d’abord que la nullité encourue en application de l'article L. 632-1, I, 2°du Code de commerce N° Lexbase : L3688MB9 (nullités de la période suspecte) ne peut atteindre que les actes accomplis au cours de la période suspecte entre la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal et la date de ce jugement d'ouverture, et non ceux que le débiteur soumis à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires aurait passés postérieurement au jugement d'ouverture de celles-ci.

Dès lors, en l’espèce l'avenant du 1er septembre 2015 ayant été signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 631-8 N° Lexbase : L7315IZX et L. 632-1, I, 2°du Code de commerce en prononçant la nullité de l’avenant sur ce fondement et au motif que l'association débitrice connaissait des difficultés financières importantes, de nature à créer des obligations disproportionnées de l'association débitrice vis-à-vis d'un salarié.

Cette solution emporte la conviction. Si l’arrêt ne le dit précisément, on peut légitimement penser que la cour d’appel a cru pouvoir inclure dans la période suspecte la période d’observation de la procédure de redressement. En effet, la procédure de redressement a été ouverte le 11 mai 2015, l’acte litigieux a été passé le 1er septembre 2015 et la conversion en liquidation judiciaire a été prononcée le 3 janvier 2017. Or, la période suspecte est bien la période entre la date de cessation des paiements et la date d’ouverture. Le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure.

D’ailleurs, la Cour de cassation a déjà précisé qu’en cas de conversion d'une procédure de sauvegarde en redressement puis liquidation judiciaires et report de la date de cessation des paiements avant l'ouverture de la sauvegarde, la période suspecte, qui commence au jour de la cessation de paiements, ne peut comprendre la période d'observation de la procédure de sauvegarde (Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-24.910, FS-P+B N° Lexbase : A0769RQK, Ch. Lebel, Lexbase Affaires, juin 2016, n° 470 N° Lexbase : N3259BWM).

Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’en application de l’article L. 631-21 du Code de commerce N° Lexbase : L4032HBX, lorsqu'aucun administrateur n'a été désigné par le jugement de redressement judiciaire, le débiteur poursuit seul l'activité de l'entreprise et exerce les fonctions dévolues à celui-ci. Il a donc le pouvoir d'embaucher un salarié ou de conclure avec ce dernier un avenant au contrat de travail, sans l'autorisation ni du juge-commissaire, ni de quiconque, de tels actes ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise.

Ainsi, l’arrêt d’appel est également censuré en ce qu’il a retenu la nullité de l’avenant au motif qu’il a été signé plusieurs mois après l'ouverture de la procédure de redressement sans l'autorisation du mandataire judiciaire.

Cette solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui a déjà retenu qu’en l'absence d'administrateur, le débiteur exerce les fonctions dévolues à celui-ci, ce dont il se déduit qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié (Cass. soc., 19 janvier 2011, n° 09-68.488 F-D N° Lexbase : A2845GQG ; Cass. soc., 4 mai 2011, n° 10-16.626, F-D N° Lexbase : A2614HQU).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les nullités de la période suspecte, La notion de période suspecte, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E1386EUU ;
  • v. ÉTUDE : La gestion de l'entreprise durant la période d'observation, La répartition des pouvoirs dans la procédure de redressement, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E9661ETY.

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