Le Quotidien du 3 novembre 2023 : Procédure pénale

[Brèves] CRPC : le juge refusant d’homologuer la peine proposée ne peut ensuite intervenir en qualité de JLD

Réf. : Cass. crim., 25 octobre 2023, n° 23-84.958, F-B

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N7274BZG

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par Adélaïde Léon

le 22 Novembre 2023

 

 

► Le juge ayant refusé d’homologuer la peine proposée par le procureur dans le cadre d’une CRPC – pour un motif distinct du cas de rétractation de cette reconnaissance de culpabilité par la personne en cause – ne peut intervenir ensuite en qualité de JLD puisqu’il serait à ce titre tenu de vérifier l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de l’intéressé aux faits reprochés pour ordonner son placement en détention provisoire ce dont il résulterait une atteinte au principe d’impartialité ; Le juge qui avait refusé d’homologuer la peine en raison d’une éventuelle qualification criminelle des faits reprochés, ne peut donc en qualité de JLD, placer un mis en examen en détention provisoire.

Rappel de la procédure. À l’issue de sa garde à vue, un individu est présenté au procureur de la République en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité des chefs de refus d'obtempérer, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, violences aggravées.

À l’issue de l’audience d’homologation, le juge délégué refuse par la suite d’homologuer la peine proposée.

Une information est ouverte et l’intéressé est mis en examen des mêmes chefs et placé en détention provisoire par ordonnance du même jour, rendue par le même juge, statuant en qualité de juge des libertés et de la détention.

Le mis en examen a relevé appel de cette ordonnance de placement en détention provisoire, estimant que le magistrat n’avait pu être impartial.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de placement en détention provisoire émise par le JLD. Pour dire n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance pour défaut d’impartialité du juge, la chambre de l’instruction a énoncé que le moyen ne pouvant être reçu en l’absence de procédure de récusation présentée lors du débat contradictoire. Le mis en examen aurait en l’espèce pu déclencher cette procédure dès lors que présenté au JLD il l’avait nécessairement reconnu comme étant le même magistrat que celui ayant quelques heures plus tôt refusé d’homologuer la proposition de peine présentée dans le cadre de la CRPC.

L’intéressé a alors formé un pourvoi en cassation.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir ainsi rejeté la demande d’annulation alors que l’impartialité du JLD peut être mise en cause à l’occasion de l’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire, nonobstant l’absence de mise en œuvre préalable d’une procédure de récusation dès lors que le mis en examen n’a pas été en mesure de demander la récusation du magistrat dans le respect des dispositions de l’article 669 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4039AZM.

Décision. La Cour cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR et au regard de sa propre jurisprudence.

La Haute juridiction rappelle ainsi qu’elle juge que le refus du juge d’homologuer la peine proposée par le procureur de la République dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne fait pas en soi obstacle à ce que ce magistrat intervienne ensuite dans la même affaire en qualité de JLD et ordonne le placement en détention provisoire du prévenu dans l’attente de son jugement en comparution immédiate (Cass. crim., 19 juin 2019, n° 17-84.930, FS-P+B N° Lexbase : A5744XUB).

Cependant, la Cour précise qu’il ne peut plus être jugé systématiquement ainsi dès lors que le magistrat chargé de statuer sur les mesures de sûreté, à chacun des stades de la procédure, doit s’assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies. Or, figure parmi ces conditions l’existence, pour motiver un placement en détention, d’indices graves ou concordants, rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés (Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, FS-P+B+I N° Lexbase : A50093XS).

Procédant à une mise en cohérence de ces deux jurisprudences, la Chambre criminelle affirme qu’il doit désormais être jugé que le juge ayant refusé d’homologuer la peine proposée par le procureur dans le cadre d’un CRPC – pour un motif distinct du cas de rétractation de cette reconnaissance de culpabilité par la personne en cause – ne peut intervenir ensuite en qualité de JLD puisqu’il serait à ce titre tenu de vérifier l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de l’intéressé aux faits reprochés pour ordonner son placement en détention provisoire. À défaut, il en résulterait une atteinte au principe d’impartialité.

En l’espèce, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé.

D’une part, en l’absence de convocation préalable au débat contradictoire, il n’est pas établi que le mis en examen avait connaissance de l’identité du JLD avant ledit débat et qu’il pouvait, effectivement et dans l’urgence, formaliser une requête devant le premier président de sorte qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas engagé de procédure de récusation.

Plus encore, et conformément au principe ci-dessus dégagé par la Cour, le juge qui avait refusé d’homologuer la peine en raison d’une éventuelle qualification criminelle des faits reprochés, ne pouvait, en qualité de JLD, placer le mis en examen en détention provisoire.

Pour aller plus loin :

  • v. J.-B. Perrier, ÉTUDE : L’exercice de l’action publique, La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), in Procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E83283CG ;
  • sur Cass. crim., 19 juin 2019, n° 17-84.930, FS-P+B : v. J. Perot, CRPC : l’intervention d’un magistrat dans le refus d’homologation d’une CRPC puis en qualité de JLD n’est pas contraire au droit à un tribunal impartial, Le Quotidien, Lexbase, juillet 2018 N° Lexbase : N4822BXU ;
  • sur Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, FS-P+B+I : v. A. Léon, L’existence d’indices graves ou concordants d’avoir participé aux faits poursuivis : une condition légale de la détention provisoire à chaque stade de la procédure, Le Quotidien, Lexbase, octobre 2020 N° Lexbase : N4979BY3.

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