La lettre juridique n°747 du 28 juin 2018

La lettre juridique - Édition n°747

Affaires

[Projet, proposition, rapport législatif] Projet de loi «PACTE» : tour d’horizon article par article

Réf. : Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, 19 juin 2018

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N4697BXA

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 27 Juin 2018

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi «PACTE» acronyme de «Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises» a été présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018 et enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le lendemain. Son examen est prévu par le Parlement à partir de septembre 2018 selon la procédure accélérée.

 

Il convient d’ores et déjà de se familiariser avec ce texte aux dispositions très disparates, composé de 73 articles mais dont il est fort à parier qu’il devrait être encore plus fourni à l’issue des débats parlementaires.

 

Nous vous proposons donc un rapide tour d’horizon des articles de ce texte.

Article 1er : simplification des démarches des entreprises lors de leur création, de la modification de leur situation et de la cessation de leur activité

 

Il prévoit de substituer aux différents réseaux de CFE un guichet unique électronique devant constituer l’interface entre les organismes actuellement destinataires des informations collectées par les CFE et les entreprises, quels que soient l’activité, le lieu d’implantation et la forme juridique de ces dernières. Cette mesure s’accompagne par voie de conséquence d’une généralisation de la voie dématérialisée comme modalité d’accomplissement des formalités.

 

L’article prévoit une entrée en vigueur de ce nouveau dispositif au 1er janvier 2021.

 

Article 2 : répertoires et registres ayant pour objet de recueillir et de diffuser l’information légale concernant les entreprises

 

Il habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour créer un registre dématérialisé des entreprises ayant pour objet de centraliser et de diffuser les informations les concernant. Il habilite également le Gouvernement à simplifier les obligations déclaratives des entreprises et les modalités de contrôle des informations déclarées.

 

Article 3 : modifications du dispositif d’inscription des journaux habilités à publier des annonces judiciaires et légales (AJL) prévu par la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955

 

Il prévoit pour l’essentiel :

- l’ouverture aux services de presse en ligne au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 (N° Lexbase : L8952IEB) de l’habilitation à publier des AJL ;

- l’augmentation du niveau d’exigence quant à la surface consacrée aux contenus d’information pour les titres publiant des AJL ;

- la suppression des habilitations par arrondissements ;

- l’extension de la tarification au forfait des AJL.

 

Article 4 : suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation pour les artisans

 

Actuellement, le futur chef d’entreprise artisanale a l’obligation de suivre auprès du réseau des CMA le stage de préparation à l’installation (SPI) d’une durée de 30 heures avant de pouvoir s’immatriculer au répertoire des métiers. Les chambres de métiers ont l’obligation de réaliser le stage dans un délai d’un mois à compter de la demande. A défaut, le créateur est enregistré de droit au répertoire des métiers.

Il est donc prévu la suppression de cette obligation et d’harmoniser les dispositions relatives à ce stage sur celles prévues pour le stage d’initiation à la gestion organisé par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) au bénéfice des commerçants.

 

Article 5 : mise en œuvre d’actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales

 

Article 6 : modifications concernant les seuils d’effectifs

 

Il engage tout d’abord un processus d’harmonisation du mode de calcul des effectifs entre les différentes législations, en reprenant les principales caractéristiques de celui actuellement prévu à l’article R. 130-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5524LEC).

 

Par ailleurs, il introduit une règle selon laquelle un seuil d’effectif est franchi uniquement lorsque celui-ci a été atteint pendant cinq années civiles consécutives.

Ces deux mesures sont appliquées pour les seuils de onze, vingt et cinquante salariés. Elles s’appliquent aux seuils du Code de la Sécurité sociale mais également à certains seuils figurant dans d’autres codes (Code du tourisme, Code général des collectivités territoriales) et législations.

 

On relèvera que :

- le nombre de seuils fixés à 20 salariés est réduit de manière substantielle ;

- certains d’entre eux sont supprimés ;

- d’autres sont relevés de 20 à 50 salariés pour que davantage d’entreprises bénéficient du taux réduit de la contribution au fonds national d’aide au logement, de l’exonération de participation à l’effort de construction et de l’absence d’obligation d’un règlement intérieur dans l’établissement. En outre, plusieurs seuils intermédiaires sont supprimés ;

- deux seuils sont relevés de 200 à 250 salariés, à savoir celui à partir duquel la mise en place d’un local syndical commun est obligatoire et celui concernant la communication aux actionnaires des rémunérations les plus élevées ;

- le seuil de l’immatriculation obligatoire au répertoire des métiers est relevé de dix à onze salariés.

 

Article 7 : évolution de la gouvernance de l’agence Business France

 

Article 8 : encadrement de la durée des soldes

Il prévoit de modifier la durée des soldes. Actuellement de six semaines, la durée serait comprise entre trois et six semaines, les dates et les heures de début et de fin devant être fixées par un arrêté du ministre chargé de l’Economie.

Selon l’exposé des motifs, cet arrêté fixera la durée à 4 semaines.

 

Article 9 : modification des conditions de désignation des commissaires aux comptes dans les sociétés commerciales

 

Il introduit des seuils pour la désignation d’un commissaire aux comptes par les SA et les SCA définis en fonction du chiffre d’affaire, du total du bilan et du nombre de salariés. Un décret fixera le niveau de ces seuils et harmonisera le niveau des seuils pour les autres formes sociales au niveau des seuils européens de référence : 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés.

 

Cet article introduit en outre une disposition imposant aux sociétés qui contrôlent d’autres sociétés à désigner un commissaire aux comptes, dès lors que l’ensemble formé par la société mère et ses filiales excède les seuils de désignation, indépendamment de l’obligation d’établir des comptes consolidés.

 

La règle spécifique aux sociétés par actions simplifiées, qui impose la désignation d’un commissaire aux comptes dès lors que la société est liée à une autre par un lien de contrôle, sera supprimée.

 

Article 10 : réforme de l’Ordre des experts-comptables

 

Article 11 : fin d’activité

 

Il prévoit que la radiation du régime de Sécurité sociale pour absence de chiffre d’affaires ou de recettes ou de déclaration de chiffre d’affaires ou de revenus pendant deux années consécutives emporte de plein droit radiation des fichiers, registres ou répertoires tenus par les autres administrations, personnes ou organismes destinataires des informations recueillies par les centres de formalités des entreprises, à savoir notamment les fichiers des services fiscaux, le registre du commerce et des sociétés, le répertoire des métiers et le répertoire SIRENE.

 

L’entrepreneur individuel pourra s’opposer à cette radiation après avoir été informé, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.

 

Article 12 : obligation d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle pour les micro-entrepreneurs

 

Il est prévu que l’obligation d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle ne soit générée que lorsque le micro-entrepreneur dépasse le seuil de 5 000 euros de chiffre d’affaires pendant deux années civiles consécutives.

 

Article 13 : modification du livre VII du Code de commerce pour adapter l’offre de services des CCI aux nouvelles exigences de leurs ressortissants et des territoires

 

Article 14 : rémunération du dirigeant en redressement judiciaire

 

Le juge-commissaire n’aura plus l’obligation de fixer la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur, s’il est une personne physique, ou par les dirigeants de la personne morale, en cas de redressement judiciaire.

 

Le principe sera désormais le maintien de cette rémunération, sauf décision contraire du juge-commissaire saisi sur demande de l’administrateur ou du ministère public. Dans les procédures sans administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire pourra également saisir le juge-commissaire.

 

Article 15 : rétablissement professionnel et liquidation judiciaire simplifiée

 

Il est prévu, l’obligation pour le tribunal de s’interroger systématiquement sur l’opportunité de faire bénéficier d’un rétablissement personnel le débiteur personne physique qui répond aux conditions fixées aux articles L. 645-1 (N° Lexbase : L2745LBB) et L. 645-2 (N° Lexbase : L7249IZI) du Code de commerce et qui donne son accord.

 

Il est, par ailleurs, proposé de modifier les articles L. 626-27 (N° Lexbase : L7300IZE), L. 631-7 (N° Lexbase : L3100I4L), L. 631-20-1 (N° Lexbase : L3426ICU) et L. 641-1 (N° Lexbase : L4160K8L) du Code de commerce afin de rendre obligatoire l’examen des critères de cette procédure pour le tribunal, qu’il soit saisi d’une demande de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, d’une demande de redressement émanant du débiteur, ou d’une demande de liquidation judiciaire émanant du débiteur, du ministère public ou d’un créancier.

 

Par ailleurs, la procédure de liquidation simplifiée est modifiée afin de permettre un traitement rapide et simplifié des procédures de liquidation ouvertes à l’encontre des plus petits débiteurs. Il développe le recours à cette procédure en la rendant, par principe, obligatoire pour les petites et moyennes entreprises employant cinq salariés au maximum et réalisant moins de 750 000 euros de chiffre d’affaires.

 

Article 16 : habilitation du Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés

 

L’article 16 comprend une habilitation du Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés dans un délai de 24 mois à compter de la publication de la loi. L’objectif affiché est ici de «simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants».

 

Le périmètre de la réforme envisagée est des plus larges puisqu’il comprend : le cautionnement, les privilèges, le gage de meubles corporels, les sûretés mobilières spéciales, la publicité des sûretés mobilières, le nantissement de créance, la réserve de propriété, la cession de créance à titre de garantie, la fiducie-sûretés, les sûretés réelles immobilières. Il est également prévu de «simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés [dans le cadre d’une procédure collective]».

 

C’est donc la quasi-totalité du droit des sûretés qui devrait être réformé.

 

Article 17 : publicité du privilège du Trésor

 

Il prévoit, d’une part, de fixer des dates fixes de publicité du privilège du Trésor au dernier jour de chaque semestre civil afin d’en accroître la lisibilité pour les tiers, les débiteurs et les créanciers et de simplifier les modalités de la publicité du privilège du Trésor.

 

Il ajoute, d’autre part, une nouvelle exception à la publicité du privilège du Trésor : en cas de dépôt par le redevable d’une réclamation d’assiette régulière, assortie d’une demande de sursis de paiement.

 

Article 18 : délais devant être pris en compte par le comptable public pour émettre son titre définitif sans entraver l’action du mandataire ou du liquidateur judiciaire et sans rallonger les délais de la procédure collective en cours

 

Il est ainsi prévu un délai maximum de 12 mois en cas d’établissement de l’impôt uniquement pour les procédures de redressement et de sauvegarde, ou la date butoir du dépôt par le mandataire de son compte rendu de fin de mission dans le cas d’une procédure de contrôle ou de rectification de l’impôt. Dans le cadre des liquidations judiciaires ainsi que des liquidations judiciaires simplifiées, le délai de droit commun, prévu par l’article L. 624-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L7294IZ8), s’applique.

 

Article 19 : clauses de solidarité stipulées dans les contrats de baux

 

Il est ici proposé de modifier l’article L. 642-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L7333IZM) afin de réputer non écrite, en plan de cession, toute clause d’un contrat de bail imposant au cessionnaire des dispositions solidaires avec le cédant.

 

Article 20 : réforme de l’épargne retraite

 

Le I de l’article 20 introduit, dans la partie du Code monétaire et financier dédiée aux produits d’épargne, un chapitre consacré au plan d’épargne retraite, en vue de préciser la définition et les règles communes applicables aux produits.

 

Le II modifie l’article L. 137-16 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L1940KGX) afin de généraliser le taux de forfait social réduit (16 % au lieu de 20 %) que la loi «Macron» (loi n°  n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC) avait introduit pour l’épargne salariale versée dans un PERCO dont les fonds sont investis à hauteur de 7 % minimum en titres de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire. Il s’agit de tirer les conséquences de la réforme de l’épargne retraite en appliquant ce taux de forfait social réduit aux sommes versées par l’employeur qui sont affectées à tout plan d’épargne retraite d’entreprise prévoyant que l’encours en gestion pilotée est investi par défaut, c’est-à-dire en l’absence de choix différent de l’épargnant, à hauteur de 10 % en titres éligibles au PEA-PME. Un décret précisera les conditions de sécurisation progressive de cette épargne.

 

Le IV de l’article habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance et dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures d’harmonisation de l’ensemble des produits, des mesures spécifiques aux produits collectifs, des mesures spécifiques aux produits individuels, des mesures propres aux produits assurantiels ainsi que toutes les mesures de coordination nécessaires.

 

Article 21 : contribution de l’assurance-vie au financement de l’économie tout en offrant à l’épargnant

 

Le I de l’article met en œuvre un produit simplifié par la mutualisation des valeurs de rachat au sein de la communauté des assurés, avant répartition de la provision collective de diversification différée, tout en conservant le principe fondamental du produit que constitue la garantie à échéance. La valeur de rachat avant échéance correspondra dans le cas général à une quote-part des actifs du canton, ce qui permet d’assouplir l’allocation des actifs pour l’assureur, qui aura la possibilité de gérer les contrats eurocroissance dans leurs anciens et nouveaux formats au sein d’une même provision comptable.

 

Le II de l’article clarifie en premier lieu les modalités de paiement en titres en cas de rachat ou de dénouement du contrat pour inciter à l’investissement sur les supports non côtés et prévoit notamment une présomption d’acceptation par le bénéficiaire de cette modalité de paiement du contrat lorsqu’elle est retenue par le souscripteur.

 

L’article 21 ouvre également la possibilité pour des particuliers d’investir dans des fonds professionnels dans le respect de conditions liées à leur patrimoine, à leurs connaissances ou à leur expérience en matière financière. Les supports d’investissements concernés et les règles d’investissement seront précisés par décret en Conseil d’Etat.

 

Il est en fin précisé que le versement de la prime d’un contrat d’assurance-vie peut être fait uniquement en numéraire, et non par apport en titres.

 

Les III, IV, V sont enfin des mesures de coordination. Elles prévoient notamment la neutralité fiscale pour l’assuré de la transformation de son ancien contrat eurocroissance dans un contrat répondant aux nouvelles caractéristiques.

 

Article 22 : simplification de l’accès des entreprises aux marchés financiers

 

Il est d’abord prévu un rehaussement du seuil d’établissement du prospectus. Cette mesure est rendue nécessaire par l’entrée en vigueur complète, à compter du 21 juillet 2019, des dispositions du Règlement 2017/1129 du 14 juin 2017 (N° Lexbase : L0645LGY), dit «Prospectus 3». Toutefois, dès le 21 juillet 2018, les Etats membres peuvent fixer le seuil de soumission à un prospectus européen pour les offres de titres comprises entre 1 et 8 millions d’euros, aucun prospectus ne pouvant être imposé en-deçà d’un million d’euros et le recours au prospectus étant obligatoire au-delà de 8 millions d’euros.

Le seuil d’exemption de prospectus serait fixé à 8 millions d’euros, soit le montant le plus élevé permis par le Règlement européen. Par ailleurs est proposée la suppression de la condition relative à la majorité du capital de l’émetteur, qui détermine le seuil actuel de prospectus (entre 100 000 euros et 5 millions d’euros) et le plafond des offres de financement participatif qui lui est lié (entre 1 million et 2,5 millions d’euros).

 

Il est prévu de créer, pour les offres «directes» de titres non cotés d’un montant inférieur à 8 millions d’euros, un document d’information analogue au document d’information réglementaire synthétique ou «DIRS» utilisé pour les offres de financement participatif.

 

Il est ensuite prévu un abaissement du seuil de retrait obligatoire de 95 % aujourd’hui à 90 %.

 

Il est également prévu d’améliorer l’accessibilité du droit des sociétés. Les mesures envisagées font suite à des débats anciens et sont inspirées du rapport du Haut comité juridique de place (HCJP) du 8 janvier 2018 proposant d’améliorer la lisibilité du droit français des sociétés, en ce qui concerne les sociétés cotées. Il est donc proposé de consacrer une division spécifique du Code de commerce aux sociétés cotées et à transférer dans le Code monétaire et financier certaines dispositions issues de la législation européenne relative aux marchés financiers. Le projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur ce point.

 

De même, le Gouvernement est habilité à reformer le droit français des offres au public de titres financiers afin de procéder à une clarification du droit rendue nécessaire par le Règlement européen avant le 21 juillet 2019.

 

Il est proposé de procéder, par voie d’ordonnance, à la «désurtransposition» de différentes mesures relatives aux conditions de vente de produits et de services financiers lors de toute prise de contact non sollicitée afin de mettre notre droit en conformité avec le droit européen.

 

Article 23 : mesures destinées à poursuivre le renforcement de l’attractivité de la place financière

 

Cet article prévoit, d’abord, la mise en place d’une mesure de dispense temporaire d’affiliation au régime obligatoire de retraite pour les salariés qui seraient relocalisés à l’avenir en France, pour faciliter les mobilités professionnelles. Cette dispense serait accordée pour une durée de trois ans (renouvelable une fois) et couvrirait l’affiliation au régime de retraite obligatoire de base et complémentaire. Cette mesure serait subordonnée à la double condition :
- de ne pas avoir été affilié en France au cours des cinq dernières années ;
- et d’être déjà affilié à un régime d’assurance.

 

Il sera fixé par décret un seuil de versement au régime d’assurance vieillesse pris en remplacement de l’affiliation à l’assurance vieille de base et complémentaire.

 

L’article vise également à rendre possible la récupération des bonus des preneurs de risques travaillant au sein des établissements de crédit, sociétés de gestion de portefeuille et entreprises d’investissement, et à exclure les bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité accordé par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

 

Il propose, par ailleurs, une adaptation du régime des succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers.

 

Cet article met également en conformité le cadre législatif français au regard des textes européens concernant les dispositifs de cantonnement des actifs illiquides, possibles dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la cession de certains actifs d’un organisme de placement collectif ne serait pas conforme à l’intérêt des porteurs de parts ou actionnaires.

 

Article 24 : cadre juridique de l’exploitation des données de connexion par l’AMF au cours de ses enquêtes

 

Le Conseil constitutionnel (Cons. const., 21 juillet 2017, n° 2017-646/647 QPC N° Lexbase : A3325WNH ; lire N° Lexbase : N9605BWN) a censuré le premier alinéa de l’article L. 621-10 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7283IZR) permettant à l’Autorité des marchés financiers de se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications.

 

L’article 24 du projet de loi prévoit :

- de soumettre les demandes d’accès aux données de connexion à l’autorisation préalable d’un contrôleur des données de connexion, entité administrative indépendante qui en apprécierait le bien-fondé :

- de limiter le recours à ces données aux manquements les plus graves (les abus de marché) ;

- de limiter leur conservation dans le temps et d’interdire leur utilisation à d’autres fins.

 

Article 25 : mesures relatives aux infrastructures de marché

 

Il transpose en droit français le considérant 7 de la Directive 98/26 (N° Lexbase : L9966AUN ; dite Directive «Finalité») à l’article L. 330-1 du Code monétaire et financier afin de faire bénéficier certains systèmes de paiement spécifiques et systémiques établis dans un pays tiers des protections apportées par cette Directive.

 

Il introduit également une optionalité dans l’obligation d’obtenir le statut d’établissement de crédit pour une chambre de compensation.

 

Il élargit enfin sous certaines conditions la liste des entités pouvant participer à une chambre de compensation et à un système de règlement interbancaire et de règlement livraison d’instruments financiers.

 

Article 26 : création d’un régime pour les ICO

 

Cet article entend permettre à l’AMF de délivrer un visa aux acteurs qui souhaiteraient émettre des jetons destinés notamment au marché français pour le financement d’un projet ou d’une activité, sous réserve qu’ils respectent certaines règles de nature à éviter des abus manifestes et à informer et protéger l’investisseur.

 

L’AMF se verrait ainsi confier le soin d’examiner les documents élaborés par les émetteurs de jetons en amont de leur offre («white paper»). Elle pourrait en outre exiger que les émetteurs se dotent d’un statut de personne morale établie ou immatriculée en France, mettent en place un mécanisme de séquestre des fonds recueillis, ou tout outil d’effet équivalent, et un dispositif d’identification et de connaissance du client.

Les acteurs ainsi labellisés figureraient sur une «liste blanche», sur laquelle l’AMF communiquerait auprès du grand public, qui identifierait les acteurs qui respectent ces règles et leur fournirait un gage important de respectabilité auprès des souscripteurs.

 

Les jetons présentant les caractéristiques d’un titre financier resteraient néanmoins soumis au régime de l’offre au public de titres financiers.

 

Article 27 : élargissement des instruments éligibles au PEA-PME

 

Cet article permettrait d’introduire dans les PEA-PME, en plus des titres de capital (ou donnant accès au capital) des PME-ETI , les autres titres proposés sur les plateformes de financement participatifs, tels que les titres participatifs, les obligations à taux fixe et les minibons.

 

Article 28 : émission d’actions de préférence

 

L’article prévoit :

- d’autoriser la création d’actions de préférence à droit de vote multiple et d’assouplir la création d’actions de préférence à droit de vote double en supprimant l’obligation pour celles-ci d’être entièrement libérées et  de justifier d’une inscription nominative depuis au moins deux ans ;

- d’étendre la possibilité de retirer le droit préférentiel s’applique de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités ;

- de préciser que la procédure des avantages particuliers s’applique non seulement aux actionnaires existants, mais aussi aux personnes qui le deviennent au moment de la souscription ;

 

Article 29 : dispositif Entreprise solidaire d’utilité sociale («ESUS»)

 

Cet article prévoit trois séries d’amélioration du dispositif :

- en faciliter l’accès, notamment dans le champ de la transition écologique, de la promotion culturelle ou de la solidarité internationale ;

- simplifier les modalités d’appréciation de l’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique des entreprises candidates à l’agrément ;

- supprimer l’obligation d’inscrire dans les statuts des entreprises candidates à l’agrément l’encadrement des écarts de rémunération et harmoniser à l’ensemble des entreprises éligibles à l’application de cet encadrement.

 

Articles 30 à 39 : modernisation de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignation 

 

Article 40 : création d’une demande provisoire de brevet et à la modernisation du certificat d’utilité

 

Cet article crée une demande provisoire de brevet. Le déposant pourra ainsi se prévaloir d’une date de priorité et détailler ultérieurement ses revendications, dans un délai maximum d’un an. Il pourra également choisir d’abandonner sa demande au terme du délai.

 

Il est également prévu un alignement de la protection qu’offre le certificat d’utilité sur celle des titres analogues en vigueur en Allemagne ou en Chine, ainsi qu’en permettant sa transformation en demande de brevet d’invention.

 

Par ailleurs l’INPI serait désignée pour l’apposition de la formule exécutoire requise dans le cadre de l’exécution forcée des décisions de l’EUIPO fixant le montant des frais relatifs aux actions en nullité ou recours formés contre les dessins et modèles communautaires.

 

Article 41 : chercheurs entrepreneurs

 

Article 42 : création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention

 

En France, la nullité d’un brevet d’invention délivré par l’INPI ne peut être prononcée que dans le cadre d’une procédure judiciaire.

 

Le brevet français est par ailleurs critiqué en ce qu’il n’offre pas un même niveau de sécurité juridique que d’autres brevets étrangers, au motif notamment que l’INPI ne peut rejeter une demande de brevet pour défaut d’activité inventive.

 

L’article habilite le Gouvernement à créer, par voie d’ordonnance, un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré.

 

Article 43 : véhicules autonomes

 

Article 44 à 50 : dispositions relatives à la société Aéroports de Paris

 

Article 51 : privatisation de la Française des Jeux (FDJ)

 

Article 52 : allègement de la contrainte de détention portant sur le capital de GRTgaz

 

Article 53 : fonctionnement de l’EPIC Bpifrance

 

Article 54 : fonctionnement du conseil d’administration de La Poste

 

Article 55 : renforcement du régime des investissements étrangers en France

 

Lorsqu’ils sont de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale, les investissements étrangers sont soumis à une autorisation préalable du ministre chargé de l’Economie.

 

Cet article renforce d’abord ses pouvoirs en complétant son pouvoir d’injonction. En outre, le ministre aura également la possibilité de suspendre les droits de vote de l’investisseur, de désigner un mandataire chargé de veiller à la protection des intérêts nationaux ou d’empêcher l’investisseur de disposer des actifs ou de percevoir des dividendes. Il confère, par ailleurs, au ministre le pouvoir de sanctionner pécuniairement quatre manquements : la réalisation d’une opération sans autorisation préalable ; l’obtention d’une autorisation préalable par fraude ; le manquement aux conditions ; le non-respect d’une injonction.

 

Article 56 : réforme du dispositif de l’action spécifique

 

Cet article modifie l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique (N° Lexbase : L0763I4Z). Les mécanismes d’actions spécifiques ou «golden shares» permettent, en l’état actuel de la législation, à l’Etat de conserver un contrôle sur les actifs sensibles des entreprises dont l’Etat se désengage, dans des secteurs stratégiquement sensibles.

 

L’article 56 du projet de loi permet à l’Etat d’en créer en dehors des cas de cession de participation. Il précise aussi les droits associés à ces actions.

 

Article 57 : diffusion des dispositifs d’épargne salariale

 

Le I de cet article supprime le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés sur les versements issus des primes d’intéressement et de participation ainsi que sur les abondements des employeurs. Par ailleurs, il supprime également le forfait social pour les entreprises de 50 à 250 salariés qui disposent ou concluent un accord d’intéressement. En outre, afin d’encourager l’actionnariat salarié, le forfait social est diminué de moitié (10 %) sur l’abondement employeur sur les fonds d’actionnariat salarié.

 

Le II de l’article 57 simplifie la mise en place d’accord de participation et d’intéressement.  Il permet au partenaire du chef d’entreprise lié par un PACS, s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, de bénéficier effectivement d’un versement au titre de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale, au même titre que le partenaire du chef d’entreprise lié par le mariage. Par ailleurs, il aligne le mode de calcul du seuil de cinquante salariés pour l’assujettissement à la participation sur celui utilisé dans le Code de la sécurité sociale afin de clarifier et simplifier la compréhension des règles par les entreprises. En vue de faciliter le franchissement de ce seuil, il introduit un délai de 5 ans pour mettre en place la participation.

 

Enfin, le III de l’article vise à développer la mise en place d’accord de participation et d’intéressement en encourageant les branches à négocier un dispositif d’intéressement, de participation ou de plan d’épargne salariale au profit des entreprises de la branche, en particulier des plus petites, qui pourront opter pour l’application directe de l’accord ainsi négocié.

 

Article 58 : développement et appropriation des plans d’épargne salariale

 

Le I de l’article 58 lève la condition de disposer d’un PEE pour mettre en place un PERCO.

 

Le II harmonise la présentation des relevés annuels de situation établis par les teneurs de compte transmis aux salariés afin d’accroître la transparence et la portabilité des droits acquis dans le cadre de l’épargne salariale. Les mentions devant figurer au sein du relevé annuel de situation seront précisées par décret.

 

Article 59 : actionnariat salarié dans les entreprises privées

 

Cet article encourage le développement de l’actionnariat salarié, en assouplissant les modalités d’offre d’actions aux salariés dans les sociétés par actions simplifiées, en permettant l’abondement unilatéral de l’employeur sur les fonds d’actionnariat salarié.

 

Article 60 : développement de l’actionnariat salarié des sociétés à capitaux publics

 

Article 61 : consécration de la notion d’«intérêt social»

 

Cet article vise, d’une part, à consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social au sein de l’article 1833 du Code civil (N° Lexbase : L2004ABT) dont un nouvel alinéa disposerait que «la société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité». Il s’agit bien là d’une simple consécration, le texte ne prévoyant aucune définition légale de l’intérêt social.

 

De même, l’article 1835 serait modifié pour prévoir que «les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité». Ici encore, le projet de loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par la raison d’être une société. Le rapport «l’entreprise, objet d’intérêt collectif» réalisé par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat indique que la notion de raison d’être peut être définie «comme l’expression de ce qui est indispensable pour remplir l’objet social». A la manière «d’une devise pour un Etat, la raison d’être pour une entreprise est une indication, qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés».

 

Les articles L. 225-35 (N° Lexbase : L5906AIL) et L. 225-64 (N° Lexbase : L5935AIN) du Code de commerce serait modifiés pour confier le soin aux conseil d’administration et aux directoires de déterminer les orientations de l’activité de la société conformément à son intérêt social et en prenant en considération ses enjeux sociaux et environnementaux. Il prend également en considération la raison d’être de la société, lorsque celle-ci est définie dans les statuts.

 

Article 62 : nombre de administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance

 

Cet article vise à renforcer le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés de plus de 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés en France et à l’étranger. Le nombre d’administrateurs salariés au sein du conseil serait porté à deux à partir de 8 administrateurs non-salariés, alors que la loi ne prévoit actuellement la présence de deux administrateurs salariés que lorsqu’il y a plus de douze administrateurs non-salariés.

 

Article 63 : transposition de la Directive 2014/55 du 16 avril 2014, sur la facturation électronique dans le cadre des marchés publics (N° Lexbase : L1238I3A)

 

Article 64 : habilitation du Gouvernement pour transposer le projet de Directive «insolvabilité»

 

Le projet de Directive dite «insolvabilité» publié par la Commission porte sur trois thèmes principaux : les cadres de restructuration préventive, la seconde chance des entrepreneurs et les mesures destinées à améliorer l’efficacité des procédures de restructuration et d’insolvabilité. Il est proposé de solliciter une habilitation autorisant le Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires pour rendre compatibles les dispositions du livre VI du Code de commerce avec le droit de l’Union européenne, ainsi que les mesures de mise en cohérence qui en résultent. L’adoption de la Directive n’est pourtant envisagée qu’au premier semestre de l’année 2019.

 

Article 65 : habilitation du Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la Directive 2014/50 du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les états membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire (N° Lexbase : L0905I3W)

 

Article 66 : transposition de la Directive 2017/828 du 17 mai 2017 (N° Lexbase : L7431LEX) en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires.

 

 Les I et II de l’article permettent de transposer directement la partie législative des articles 3 octies, nonies et decies de la Directive, relatifs à la politique d’engagement actionnarial, à la transparence des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs, ainsi que l’article 3 undecies, relatif à la transparence des conseillers en vote. Le III assure la transposition de l’article 9 quater de la directive, qui est relatif aux «transactions avec les parties liées», ainsi qu’une partie du chapitre I bis de la Directive, emportant l’ajustement de la procédure d’identification des actionnaires et permettant de faire évoluer le régime de l’intermédiaire inscrit.

Le IV de l’article introduit des habilitations à légiférer par ordonnance permettant de procéder à la transposition de la Directive. 

 

Article 67 : transposition de la Directive (UE) 2016/2341 du 14 décembre 2016, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (N° Lexbase : L9699LBT)

 

Article 68 : transposition des dispositions de nature législative de la Directive 2017/2399 du 12 décembre 2017, modifiant la Directive 2014/59/UE en ce qui concerne le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité N° Lexbase : L7248LHW)

 

Article 69 : transposition du paquet «Marques»

 

L’article habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, d’une part, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de Directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 (N° Lexbase : L6109KW8), ainsi que les mesures nécessaires pour assurer la compatibilité de la législation nationale (notamment du Code de la propriété intellectuelle) au Règlement sur la marque de l’Union européenne (Règlement 2015/2424 du 16 décembre 2015 (N° Lexbase : L3614KWR), qui est entré en vigueur le 1er octobre 2017, et d’autre part, les mesures d’adaptation de la législation nationale (du Code de la propriété intellectuelle et d’autres législations) liées à cette transposition et à l’application du Règlement.

 

Article 70 : possibilité de procéder à une réévaluation comptable des immobilisations corporelles des grands ports maritimes relevant de l’Etat et des ports autonomes de Paris et de Strasbourg

 

Article 71 : ratification de 23 ordonnances

 

Articles 72 et 73 : application avec adaptation, dans les collectivités soumises au principe de spécialité législative, des modifications des dispositions du Code monétaire et financier et du Code de commerce, introduites par le projet de loi

newsid:464697

Droit constitutionnel

[Brèves] Censure par les Sages de termes contraires à l'exigence constitutionnelle de normativité de la loi

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-766 DC du 21 juin 2018 (N° Lexbase : A5768XTS)

Lecture: 1 min

N4679BXL

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par Yann Le Foll

Le 27 Juin 2018

 Des termes contraires à l'exigence constitutionnelle de normativité de la loi doivent être censurés par les Sages. Telle est la solution d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 21 juin 2018 (Cons. const., décision n° 2018-766 DC du 21 juin 2018 N° Lexbase : A5768XTS). 

 

Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen. Ils contestent certaines dispositions de son article 9.  

 

Le premier alinéa de l'article 9 précise que la loi déférée entre en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel, «sans préjudice de l'application des dispositions prises par les autorités compétentes de l'Union européenne organisant, le cas échéant, l'élection de représentants au Parlement européen sur des listes transnationales au sein d'une circonscription européenne».  
 

Les requérants font valoir que, dans la mesure où l'adoption par l'Union européenne de dispositions instaurant des listes transnationales pour les prochaines élections européennes serait insusceptible de se produire avant l'organisation de ce scrutin, la référence qui y est ainsi faite par la loi est dépourvue de portée normative. 

 

Le Conseil constitutionnel a jugé que, dans la mesure où l'événement décrit par le membre de phrase suivant les mots «sans préjudice de» est insusceptible de se produire avant l'entrée en vigueur de la loi, il ne peut constituer une condition d'entrée en vigueur de la loi. En outre, dans la mesure où les dispositions contestées font référence à une éventuelle modification des règles européennes dont la teneur n'est pas connue, elles ne peuvent non plus avoir pour objet de préciser les conséquences qu'il conviendrait d'en tirer pour l'application de la loi déférée.  
 
Par ces motifs et sans qu'il ait à se prononcer sur leur bien-fondé, le Conseil constitutionnel a censuré les mots critiqués comme contraires à l'exigence constitutionnelle de normativité de la loi.  

newsid:464679

Entreprises en difficulté

[Brèves] Conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire : modalités procédurales

Réf. : Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-13.204, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4642XT4)

Lecture: 2 min

N4674BXE

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par Vincent Téchené

Le 27 Juin 2018

► Il résulte de la combinaison des articles L. 631-15, II (N° Lexbase : L3398ICT), R. 631-24, alinéa 1er (N° Lexbase : L1007HZC), et R. 631-3 (N° Lexbase : L6300I3Q) du Code de commerce, que, lorsqu’il n’est pas saisi par voie de requête, le tribunal qui entend exercer d’office son pouvoir de conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, doit, à moins que les parties intéressées n’aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, faire convoquer le débiteur à comparaître dans le délai qu’il fixe, à la diligence du greffier, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception à laquelle est jointe une note exposant les faits de nature à motiver l’exercice par le tribunal de ce pouvoir.
Ainsi, la convocation régulière à l’audience pour examen du plan, la comparution du représentant de la débitrice ou la demande de conversion formée à l’audience par les organes de la procédure ou le ministère public ne peuvent suppléer à l’absence d’invitation préalable faite aux parties de présenter leurs observations ou de convocation en vue de la conversion d’office du redressement en liquidation judiciaire dans les formes prévues par l’article R. 631-3 du Code de commerce, sans le respect desquelles la saisine d’office est irrégulière.
Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 20 juin 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-13.204, FS-P+B+I N° Lexbase : A4642XT4)

 

En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire le 16 juillet 2014. Par un jugement du 30 décembre 2015, le tribunal a rejeté le plan proposé par le dirigeant de la société débitrice et a converti la procédure en liquidation judiciaire.

 

L’arrêt d’appel (CA Nancy, 14 décembre 2016, n° 16/00125 N° Lexbase : A6923S7K) rejette la demande d’annulation du jugement. Pour ce faire, il retient que le tribunal, après avoir ordonné la prolongation exceptionnelle de la période d’observation, avait renvoyé l’affaire pour statuer sur le projet de plan présenté par la société débitrice et qu’à l’audience de renvoi, à laquelle cette société était représentée, il a statué sur la demande formée au cours de l’audience par l’administrateur, le mandataire judiciaire et le ministère public tendant au rejet du projet de plan et au prononcé de la liquidation judiciaire.

 

La Cour de cassation, énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E0553E9D).

newsid:464674

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Inclusion dans les BNC des revenus significatifs tirés de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2018, n° 412124, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8764XTR)

Lecture: 2 min

N4710BXQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 27 Juin 2018

Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1704IZ7), en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, alors même que le contribuable exercerait aussi par ailleurs une activité professionnelle.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 21 juin 2018 (CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2018, n° 412124, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8764XTR).

 

En l’espèce, un contribuable. a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation personnelle portant sur ses revenus en 2009 et 2010. L’administration a également procédé à la vérification de comptabilité de son activité de joueur de poker pour les années 2003 à 2010. A l’issue de ces contrôles, elle a évalué d’office, les revenus tirés par l’intéressé de cette dernière activité au titre de l’année 2010 qu’elle a regardés comme des bénéfices non commerciaux taxables sur le fondement  des dispositions de l’article 92 du Code général des impôts précité.

 

La cour administrative d’appel a relevé qu’un joueur peut parvenir, grâce à l’expérience, la compétence et l’analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants. Le Conseil d’Etat juge qu’en déduisant de telles caractéristiques de la pratique du poker que les gains en résultant devaient être regardés comme tirés d’une occupation lucrative ou d’une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux au sens des dispositions de l’article 92 précité, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit, de même qu’en se fondant sur la pratique habituelle de ce jeu et le caractère significatif des revenus qui en étaient tirés pour juger que ces gains étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8317ALM).

newsid:464710

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Inclusion dans la catégorie des BNC des revenus tirés d'un contrat de partenariat visant l'exploitation du nom et de l'image d'un joueur de poker

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2018, n° 409427, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8762XTP)

Lecture: 1 min

N4693BX4

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par Marie-Claire Sgarra

Le 27 Juin 2018

Dès lors que, en vertu d’un contrat de partenariat conclu entre un particulier et une société, d'une part, l'utilisation du nom et de l'image de joueur de poker du requérant ne porte pas sur une marque commerciale et, d'autre part, que les prestations de promotion réalisées par ce dernier pour la société n'impliquent pas la mise en oeuvre de moyens matériels particuliers ou de tout autre élément de nature à conférer un caractère commercial à cette activité, les revenus provenant de l'exécution de ce contrat de partenariat doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 21 juin 2018 (CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2018, n° 409427, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8762XTP).

 

En l’espèce, l’administration fiscale a obtenu, lors de l’examen de la situation fiscale personnelle du requérant, la copie du contrat de partenariat conclu entre ce dernier et la société G. L’administration estime qu’il résulte de ce document que le requérant exerçait, dans le cadre de ce partenariat, une activité occulte taxable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le requérant soutient que cette activité ne peut être regardée comme occulte dans la mesure où elle n’était que l’accessoire de son activité déclarée de joueur de poker.

 

Il résulte de l’instruction que la société G. s’engageait auprès du requérant à fournir tous les éléments supports de la promotion et à prendre en charge ses frais d’entrée aux compétitions de poker ainsi que ses frais de vie pour assister aux évènements promotionnels. Dès lors, le Conseil d’Etat juge que ce contrat de partenariat comporte ainsi des prestations autonomes, distinctes par leur objet et leur contenu et rejette ainsi le recours formé par le requérant (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8317ALM).

 

newsid:464693

Fiscalité du patrimoine

[Jurisprudence] Recevabilité de la demande de restitution de l’ISF et application du dispositif du bouclier fiscal

Réf. : CAA Versailles 3 mai 2018, n° 16VE02481 (N° Lexbase : A6362XML)

Lecture: 15 min

N4682BXP

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par Guy Quillévéré, Président des tribunaux administratifs de Nouvelle Calédonie et de Wallis-et-Futuna

Le 27 Juin 2018

La cour administrative d’appel de Versailles, dans un arrêt du 3 mai 2018, juge qu’une demande de plafonnement tardive au regard des dispositions de l’article 1649-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L4850IQP) n’est pas irrecevable dès lors que la requérante dispose du droit de présenter une réclamation proprement dite sur le fondement des dispositions de droit commun.

Dans cette affaire les faits sont les suivants. Pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2006 à 2010, Madame E. a bénéficié, en application de l’article 885 I quater du Code général des impôts (N° Lexbase : L8802HLL), de l’exonération à hauteur des trois quarts de la valeur des titres de la société Téthys, dont elle détenait l’usufruit ou la pleine propriété. Cette exonération était subordonnée à la condition de conservation des titres pendant une durée minimale de six ans à compter de la première année d’exonération. En février 2011, Madame E. a cédé ces titres, en méconnaissance de cette condition. En vertu de l’article 1840 G ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L1684IZE), le non-respect de cette condition a entraîné pour Madame E. l’obligation de payer les cotisations d’impôt de solidarité sur la fortune dont elle avait été exonérée en vertu de l’article 885 I quater du même Code.

Madame E. a déposé le 23 décembre 2011, des déclarations rectificatives d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2006 à 2010. Par une demande déposée le 23 décembre 2011, Madame E. a demandé, sur le fondement des dispositions des articles 1er et 1649-0 A du Code général des impôts, la restitution de la somme de 15 310 247 euros correspondant à la prise en compte des suppléments d’impôt de solidarité sur la fortune liquidés au titre des années 2006 à 2010 pour le plafonnement de ses impôts directs par rapport à ses revenus des années 2005 à 2009. L’administration fiscale n’a pas répondu à cette demande. Mme E., qui a acquitté les impositions correspondantes le 12 janvier 2012, a réitéré sa demande de restitution le 21 décembre 2012.

Par une décision du 11 juillet 2014, l’administration fiscale a rejeté cette demande. Par jugement du 7 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de Mme E. au titre du plafonnement des impôts direct à 50 % des revenus de l’année 2009 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Madame E-G, venant aux droits de Madame E., décédée le 21 septembre 2017, relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu’il rejette le surplus de sa demande. Le ministre de l’Action et des Comptes publics relève appel de ce même jugement en tant qu’il fait droit à la demande de Madame E. La cour administrative d’appel de Versailles dans son arrêt du 3 mai 2018, annule le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et remet à la charge de madame E. des impositions déchargées en première instance.

La cour administrative d’appel de Versailles juge pour l’application du dispositif du bouclier fiscal codifié aux articles 1er et 1649-0 A du Code général des impôts que la demande de restitution de l’impôt en raison de son plafonnement est une réclamation et combine pour apprécier sa recevabilité le délai particulier prévu par l’article 1649-0 A du Code général des impôts avec les dispositions des articles L. 190 (N° Lexbase : L3311LCM), R. 196-1 (N° Lexbase : L4380IXI) et R. 196-3 (N° Lexbase : L1594IND) du Livre des procédures fiscales relatives à la recevabilité d’une réclamation. La cour administrative d’appel de Versailles précise notamment que les dispositions de l’article 1649-0 A du Code général des impôts ne font pas obstacle à ce que la contribuable puisse se prévaloir des dispositions des articles L. 169 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L9496LH8) et R. 196-3 du même Livre. Ce faisant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 3 mai 2018 se place dans le prolongement de l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 2014 (CE 3° et 8° ch.-r., 20 octobre 2014, n° 371904, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0668MZR).  

 

I - Le premier alinéa de l’article 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts ne fait pas obstacle à que les redevables de l’imposition de solidarité sur la fortune (ISF) bénéficient de l’application des règles du livre des procédures fiscales relatives aux réclamations de droit commun

 

Si la requérante entendait à tort bénéficier du droit à restitution au titre du bouclier fiscal pour les années 2007 à 2011, elle pouvait toutefois présenter une réclamation sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 190 du Livre des procédures fiscales, R. 196-1 et R. 196-3 du même Livre.

 

A - La demande de restitution présentée par la requérante était tardive au regard des dispositions de l’article 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts

 

Dans cette affaire, la cour administrative d’appel de Versailles dans son arrêt du 3 mai 2018 rappelle que Madame E. pouvait bénéficier du dispositif prévu par l’article 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts. Dans cette affaire, la requérante avait initialement été exonérée d’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2006 à 2010 à raison de 75 % des titres d’une société qu’elle détenait en pleine propriété. La requérante avait déposé des déclarations rectificatives d’impôt de solidarité sur la fortune et payé les impositions supplémentaires le 12 janvier 2012. Elle avait parallèlement déposé une réclamation le 23 décembre 2011 et demandé une restitution complémentaire au titre du bouclier fiscal pour les années 2007 à 2011.

 

Aux termes de l’article 1er du Code général des impôts (N° Lexbase : L9234HZZ) dans sa rédaction applicable au litige : «Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A». En application du 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts : «Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4». Ce délai a pu être regardé par l’administration comme un délai spécial excluant le délai de droit commun avant que le Conseil d’Etat par un arrêt du 20 octobre 2014 précité, ne vienne infirmer une telle analyse. La demande de restitution déposée par Madame E. Le 23 décembre 2011 était tardive au regard de ces dispositions. Le droit à restitution a été instauré par l’article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 (N° Lexbase : L6429HET) et a été mis en œuvre en 2007 pour les revenus de l’année 2006. Ce dispositif s’est appliqué pour la dernière fois en 2012 puisqu’il a été supprimé par l’article 30, I de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ), à compter du 1er janvier 2013.

 

Madame E disposait du délai spécial du 8 de l’article 1649-0 A pour demander une restitution au titre du bouclier fiscal des impositions supplémentaires acquittées par elle (CAA Versailles, 3 décembre 2015, n° 13VE03141 N° Lexbase : A8335NYD). La demande de remboursement devait être présentée au cours de l’année suivant celle du paiement des impôts. La demande de plafonnement de l’imposition devait être déposée avant le 31 décembre de l’année 2008 pour ce qui concerne les revenus de l’année 2006, au cours de l’année 2009 pour le plafonnement des revenus de l’année 2007 et au cours de l’année 2010 pour ce qui concerne les revenus de l’année 2008. La demande présentée en l’espèce le 31 décembre 2011 était donc tardive au regard des dispositions du 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts.

 

B - Toutefois, la requérante disposait du droit de présenter une réclamation sur le fondement des dispositions de droit commun du livre des procédures fiscales

 

Le 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts dans lequel doit être présentée la demande de restitution ne fait pas obstacle à ce qu’une réclamation soit déposée sur le fondement des règles de droit commun du Livre des procédures fiscales. En effet, la demande de restitution est une réclamation au sens des dispositions de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales.

 

Sous l’arrêt du 20 octobre 2014 précité, le Conseil d’Etat a jugé que La demande de restitution constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales. La solution retenue par le Conseil d’Etat s’appuyait tout d’abord sur le texte même de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales qui prévoit que les réclamations contentieuses sont celles qui tendent à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. La doctrine administrative et notamment une instruction du 15 décembre 2006 § 59 commentait les dispositions de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales dans le même sens puisqu’elle indique. La solution retenue par le Conseil d’Etat lève le doute entretenu par la rédaction de l’article 1649-0 A du Code général des impôts dont seul le second alinéa de son paragraphe 8 qui traite des demandes de reversement des sommes indûment restituées prévoit que les réclamations étaient présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu. La même mention ne se trouvait pas au premier alinéa de ce paragraphe relatif aux demandes de restitution Toutefois, le Conseil d’Etat avait estimé suivant en cela son rapporteur public que cette divergence ne devait pas conduire la haute juridiction à exclure les demandes de restitution au titre du bouclier fiscal du champ d'application des articles L. 190 et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 3 mai 2018 retient la même solution que celle de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2014 mais se prononce aussi sur la combinaison des dispositions des articles L. 190 et R. 196-3 du Livre des procédures fiscales. 

 

 

II - Un contribuable qui fait l’objet d’une procédure de rectification portant sur des sommes indûment restituées sur le fondement notamment de l’article 1649-0 A du Code général des impôts peut présenter une réclamation sur le double fondement des dispositions de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ou de l’article R. 196-3 du même Livre

 

A - La requérante ne pouvait se prévaloir d’un évènement qui motive la réclamation au sens de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales

 

Le Conseil d’Etat a jugé que la demande de restitution est une réclamation au sens des dispositions de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales admettant l’ouverture du délai de réclamation en cas d’évènement (arrêt du 20 octobre 2014 précité). Ainsi, une demande de restitution de la fraction des impositions qui excède 50 % des revenus sur le fondement de l’article 1649-0 A du Code général des impôts constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d’un droit au sens de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales. Le délai particulier que prévoit le 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts et qui impose de déposer la demande avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la disposition des revenus à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution ne fait pas obstacle à ce que soit évoquée la réalisation d’un évènement qui motive la réclamation prévu par les dispositions de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales.

Le rapporteur public Vincent Daumas, sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 2014 soulignait qu’il était possible pour combiner les dispositions du 8 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts avec les dispositions des articles L. 190 et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales de se référer au raisonnement suivi par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 2 juin 2010 (CE 9° et 10° ch.-r., 2 juin 2010, n° 301817, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2015EYB) sous lequel la haute juridiction avait articulé les dispositions de l’article 406 nonies de l’annexe III au Code général des impôts (N° Lexbase : L6850I89)  prévoyant un délai particulier pour présenter une réclamation relative à la taxe locale d’équipement avec celles du c de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales de nature à ouvrier un nouveau délai de réclamation. La combinaison des dispositions des articles L. 190 du Livre des procédures fiscales et de l’article R. 196-1 du même Livre avec une autre disposition du Code général des impôts avait aussi été retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 28 décembre 2005 n° 263982 s’agissant d’une demande de restitution de crédit de TVA (CE 3° et 8° ch.-r., 28 décembre 2005, n° 263982, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1845DMB).

 

En l’espèce, la requérante soutenait que le paiement des suppléments d’impôt de solidarité sur la fortune consécutivement à la cession des titres qu’elle détenait dans une société Thétys constituait un évènement ayant ouvert le délai de réclamation. La requérante soulignait en outre que la cession des titres était intervenue en exécution d’un accord conclu en 2010 et mettant fin à un litige familial et était par suite extérieur au contribuable ouvrant un délai de réclamation (CE Contentieux, 20 octobre 2004 n° 255943, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6292DDE). Toutefois, le paiement des suppléments d’impôt de solidarité sur la fortune, en application des dispositions de l’article 885 I quater et de l’article 1840 G ter du Code général des impôts, ne pouvait être regardé comme extérieur à la requérante dès lors que ce paiement résultait directement de la cession des titres de la société Thétys effectuée par Madame E. Le contribuable ne peut décider un déclenchement du délai de réclamation au sens de l’article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales et un évènement ne peut pas être constitué par l’exercice de la faculté de décider du contribuable qui pourrait alors à loisir décider du moment de l’ouverture d’un nouveau délai de réclamation. La requérante ne pouvait donc en l’espèce se prévaloir de l’application des dispositions combinées des articles L. 190 du Livre des procédures fiscales et de l’article R. 196-1 du même Livre.

 

B - La requérante pouvait sur le fondement des dispositions de l’article R. 196-3 du Livre des procédures fiscales présenter une réclamation relative au plafonnement des impôts directs par rapport aux revenus pour les années 2006 à 2008

 

La cour administrative d’appel de Versailles, dans son arrêt du 3 mai 2018, juge que les dispositions de l’article 1649-0 A du Code général des impôts ne font pas obstacle à ce que la contribuable puisse se prévaloir des dispositions des articles L. 169 du Livre des procédures fiscales et R. 196-3 du même Livre. Le droit dont dispose l'administration fiscale d'assujettir le contribuable à l'impôt est soumis à un délai de prescription, déterminé par l’article L. 169 du Livre des procédures fiscales en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés. Cependant, certains événements intervenant avant l'expiration du délai de reprise, interrompent la prescription et ouvrent à l’administration un nouveau délai pour mettre en recouvrement une imposition. L’article L. 189 du Livre des procédures fiscales dispose qu'il en va ainsi, notamment, de la notification au contribuable d'une proposition de rectification (CE 3° et 8° ch.-r., 14 oct. 2015, n° 378503, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3720NTX). Ainsi, la contribuable qui fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification dispose d’un délai égal à celui de l’administration pour présenter ses propres réclamations. En matière d’impôt sur le revenu, le droit de reprise s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

 

Madame E. pouvait donc contester les rectifications portant sur les boucliers fiscaux des années 2008 à 2010 portant sur les revenus de 2006 à 2008 qui lui ont été notifiés par proposition de rectification des 14 juin et 31 août 2011. Elle pouvait donc contester les suppléments d’imposition à l’impôt sur le revenu jusqu’au 31 décembre 2014. Les dispositions de l’article 1649-0 A du Code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 (N° Lexbase : L2417HY8) éclairées par l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 avril 2017 (CE 10° ch., 28 avril 2017, n° 399180, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3246WBT) prévoient que les impositions à la charge des contribuables ne peuvent être prises en compte pour la détermination du droit à restitution prévu par cet article que lorsqu’elles ont été effectivement payées à la date de la demande de restitution. En l’espèce, les impositions avaient été acquittées avant la présentation de la deuxième réclamation par la requérante.

 

Toutefois, en l’espèce, la condition tenant à une déclaration régulière n’était pas remplie. Le b. du 2 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts n’ouvre le droit à restitution en prenant en compte les impositions établies sur des revenus et des biens déclarés spontanément et dans les délais légaux et exclut les impositions supplémentaires résultant de rectifications opérées pour quelque motif que ce soit par l’administration (sur ce point, mais pour un supplément d’impôt de solidarité sur la fortune acquitté dans le cadre d’une régularisation spontanée mais hors délais, la Cour administrative d’appel de Versailles s’est prononcée, CAA Versailles, 7 avril 2015, n° 13VE012336 N° Lexbase : A0713NRT). Par ailleurs, le Conseil d’Etat dans un arrêt du 21 novembre 2016 (CE 3° ch., 21 novembre 2016, n° 385234, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2600SI7) a aussi jugé que l’article 2 de l’article 1649-0 A du Code général des impôts éclairé par les travaux parlementaires qui ont précédé son adoption prévoit, que les dégrèvements qui doivent venir en diminution, pour le calcul du droit à restitution, des impositions payées l'année suivant celle de la réalisation des revenus, sont les dégrèvements ayant donné lieu à paiement au cours de cette année-là alors même qu'ils auraient été prononcés l'année précédente.

 

A contrario, les restitutions ou dégrèvements obtenus en application du 3 de l’article 1649-0 1 du Code général des impôts et les minorations de revenus imposables qui sont à l'origine de restitutions ou de dégrèvements, sont pris en compte pour le calcul du droit à restitution ouvert au titre de l'année suivant celle au cours de laquelle ces restitutions ou dégrèvements sont intervenus, quelle que soit l'année d'imposition à laquelle ils se rapportent. Le Conseil d’Etat a sur ce point jugé qu’un dégrèvement d'impôt sur le revenu obtenu en 2010 à raison de l'absence de réalisation de plus-values déclarées au titre des années 2005 à 2007 est, en application du 3 de l'article 1649-0 A, imputable, pour la détermination du droit à restitution ouvert aux contribuables en 2011, sur les impositions afférentes aux revenus réalisés en 2009 (CE 3° et 8° ch.-r., 4 novembre 2015, n° 377340, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8423NUI).

 

La requérante se prévalait aussi sur le terrain de l’article L 80 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8732G8W)  du point 34 de l’instruction 13 A-1-06 publiée au BOI n° 207 du 15 décembre 2006. Toutefois, les dispositions du L. 80 A ne s’appliquent pas à une demande de restitution au titre du plafonnement de l’imposition à l’impôt sur la fortune (CE 3° et 8° ch.-r., 14 juin 2017, n° 400351, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6891WHP).

 

C - L’impossibilité de prendre en compte l’ISF dans le bouclier fiscal ne constitue pas une sanction entrant dans le champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme

 

La requérante soutenait aussi que l’impossibilité en laquelle elle se trouvait de faire prendre compte l’impôt de solidarité sur la fortune dans le bouclier fiscal avait la nature d’une sanction.

 

Sur ce point le Conseil a jugé dans un arrêt du 26 septembre 2014 (CE 3° et 8° ch.-r., 26 septembre 2014, n° 370929, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2973MXE) que dès lors que les déclarations spontanées sont erronées ou minorées du seul fait du contribuable, l’impossibilité de prendre en compte l’ISF dans le bouclier fiscal n’a pas la nature d’une sanction relevant du champ d’application du 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (N° Lexbase : L7558AIR). De plus, les travaux parlementaires indiquent que le législateur a souhaité limiter les impositions à prendre en compte pour le plafonnement aux seules impositions déclarées spontanément et dans les délais.

 

Enfin, si la requérante se prévalait de la méconnaissance de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et de l’article 1er du premier protocole additionnel à la CESDH et de l’article 14 de cette même Convention ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1216020, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "CEDH 04-11-1950, art. 14", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L4747AQU"}}), la cour de Versailles sous son arrêt du 3 mai 2018, juge que la requérante ne pouvant se prévaloir d’un bien dont le respect serait garanti par les stipulations rappelées ci-dessus, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l’article 14 de la même Convention qui prohibent les discriminations dans la jouissance des seuls droits et libertés que cette convention reconnait.

newsid:464682

Informatique et libertés

[Brèves] Publication au Journal officiel de la loi relative à la protection des données personnelles

Réf. : Loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles (N° Lexbase : L7645LKD)

Lecture: 2 min

N4678BXK

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par Vincent Téchené

Le 27 Juin 2018

Après sa validation par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2018-765 DC, du 12 juin 2018 N° Lexbase : A8911XQ4, lire N° Lexbase : N4560BX8), la loi relative à la protection des données personnelles a été publiée au Journal officiel du 21 juin 2018 (loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 N° Lexbase : L7645LKD).

Elle a pour objet d’adapter le droit interne au «paquet européen de protection des données» composé du Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016, dit «RGPD» (N° Lexbase : L0189K8I ; sur ce Règlement, lire notre numéro spécial, Lexbase, éd. aff., 2018, n° 553 N° Lexbase : N4163BXH) et de la Directive 2016/680 du 27 avril 2016 (N° Lexbase : L9729K7H).

 

La loi du 2018 modifie, en conséquence, la loi «Informatique et Libertés» (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS).

 

Après avoir adapté les missions et les pouvoirs de la CNIL dans son titre Ier, le texte, dans son titre II, rassemble les différentes marges de manœuvre permises par le Règlement, à savoir :

- des dispositions relatives à la simplification des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements ;

- les obligations incombant aux responsables de traitement et à leurs sous-traitants ;

- des dispositions relatives à certaines catégories particulières de traitements ;

- des dispositions particulières relatives aux droits des personnes concernées ;

- des dispositions sur les voies de recours.

 

Le titre III de la loi procède ensuite à la transposition de la Directive 2016/680 qui fixe les règles applicables à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel en matière pénale. Les principales innovations de la Directive consistent en la création :

- d’un droit à l’information de la personne concernée par les données personnelles traitées ;
- d’un droit d’accès, de rectification et d’effacement s’exerçant par principe de manière directe, alors que la loi actuelle prévoit un exercice indirect de ces droits pour les traitements intéressant la sécurité publique et la police judiciaire.

Elle précise également les conditions applicables aux transferts de données à caractère personnel vers les autres Etats membres, vers les Etats tiers et vers des entités privées au sein d’Etats tiers en instaurant un mécanisme à plusieurs niveaux en fonction du degré d’«adéquation» du niveau de protection des données. Elle prévoit enfin que tous les accords incompatibles avec les règles de protection des données doivent être renégociés ou complétés par des protocoles pour assurer la protection des données à caractère personnel.

 

Enfin, le titre IV contient les dispositions visant à faciliter l’application des règles relatives à la protection des données à caractère personnel par les collectivités territoriales.

 

Le texte prévoit une entrée en vigueur au 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du «RGPD». Toutefois, les dispositions relatives aux opérations de collecte, de modification, de consultation et de communication des données entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard :

- le 6 mai 2023, lorsqu'une telle obligation exigerait des efforts disproportionnés ;

- le 6 mai 2026, lorsque, à défaut d'un tel report, il en résulterait de graves difficultés pour le fonctionnement du système de traitement automatisé.

newsid:464678

Institutions européennes

[Brèves] Indemnité d’assistance parlementaire au Parlement européen : recouvrement des sommes indûment versées

Réf. : TUE, 19 juin 2018, aff. T-86/17 (N° Lexbase : A3688XTR)

Lecture: 1 min

N4672BXC

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par Yann Le Foll

Le 27 Juin 2018

La violation de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen concernant l’indemnité d’assistance parlementaire doit entraîner le recouvrement des sommes indûment versées. Ainsi statue le TUE dans un arrêt rendu le 19 juin 2018 (TUE, 19 juin 2018, aff. T-86/17 N° Lexbase : A3688XTR).

 

S’agissant du constat selon lequel l’assistante parlementaire n’aurait pas apporté une assistance directe dans les locaux du Parlement, force est de constater que la requérante se borne, en substance, d’une part, à affirmer que l’assistante parlementaire l’accompagnait à chacun de ses déplacements au Parlement et passait à ses côtés les portiques réservés aux députés et, d’autre part, à reprocher au secrétaire général du Parlement de ne pas avoir examiné personnellement le listing des entrées et des sorties à Bruxelles et à Strasbourg.

 

La requérante ne fournit cependant aucun élément permettant d’établir une assistance directe qui lui aurait été fournie dans les locaux du Parlement par l’assistante parlementaire, la seule présence, au demeurant alléguée, mais non démontrée, de cette dernière dans les locaux du Parlement n’étant pas suffisante à cet effet.

newsid:464672

Pénal

[Brèves] Condamnation (à 18 mois de prison) d’une mère ayant rejoint le mouvement jihadiste, pour soustraction à ses obligations légales de parent

Réf. : Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-84.128, F-P+B (N° Lexbase : A8673XTE)

Lecture: 2 min

N4708BXN

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Juin 2018

La cour d’appel qui a souverainement apprécié que la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation des enfants avaient été compromises par l’adhésion de leur mère à une idéologie radicale et sa décision de rejoindre des combattants islamistes en Syrie, a justifié sa décision de condamner cette dernière à dix-huit mois d’emprisonnement, sur le fondement des dispositions de l’article 227-17 du Code pénal (N° Lexbase : L9292G9Z), pour s'être soustraite sans motif légitime à ses obligations légales de parent.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 20 juin 2018 (Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-84.128, F-P+B N° Lexbase : A8673XTE).

 

En l’espèce, une mère avait été poursuivie sur le fondement des dispositions de l’article 227-17 du Code pénal pour s'être soustraite sans motif légitime à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de ses cinq enfants mineurs ; la prévention relevait notamment qu’elle avait quitté le territoire national le 15 mars 2015 pour se rendre, via l’Algérie et la Turquie, avec trois de ses enfants, à Raqqa en Syrie et y rejoindre des mouvements djihadistes, qu’elle avait déscolarisé l’un d’entre eux et s’était opposée à toute intervention éducative du tribunal pour enfants et du juge des affaires familiales ; interpellée en Turquie avec ses trois enfants, le 25 août 2015, alors qu’elle regagnait la France en utilisant un passeport algérien, elle avait été expulsée de Turquie le 11 septembre 2015 ; ses enfants avaient été placés en urgence par ordonnance du juge des enfants en date du 11 septembre 2015 ; le tribunal correctionnel de Grasse n’avait retenu la prévention qu’à l’égard d’un mineur. Le ministère public avait interjeté appel de ce jugement. Pour déclarer la prévenue coupable du délit de soustraction à ses obligations légales envers ses cinq enfants, la cour d’appel avait retenu qu’elle avait exposé ses trois enfants mineurs à un environnement d'une extrême dangerosité en les faisant séjourner dans des zones de combat en Syrie, qu’elle avait compromis leur équilibre par leur descolarisation et par leur rupture avec leur environnement familial et social, que le mineur qui lui avait été confié avait ainsi été interpellé sur la voie publique, trois jours après les attentats du vendredi 13 novembre 2015, avec une arme automatique factice, qu’enfin, elle s’était totalement désintéressée du mineur resté en France, de février à septembre 2015. Sa décision est approuvée par la Cour suprême, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial» N° Lexbase : E6075EXB).

newsid:464708

Pénal

[Brèves] Condamnation (à 18 mois de prison) d’une mère ayant rejoint le mouvement jihadiste, pour soustraction à ses obligations légales de parent

Réf. : Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-84.128, F-P+B (N° Lexbase : A8673XTE)

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N4708BXN

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Juin 2018

La cour d’appel qui a souverainement apprécié que la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation des enfants avaient été compromises par l’adhésion de leur mère à une idéologie radicale et sa décision de rejoindre des combattants islamistes en Syrie, a justifié sa décision de condamner cette dernière à dix-huit mois d’emprisonnement, sur le fondement des dispositions de l’article 227-17 du Code pénal (N° Lexbase : L9292G9Z), pour s'être soustraite sans motif légitime à ses obligations légales de parent.

C’est en ce sens que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 20 juin 2018 (Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-84.128, F-P+B N° Lexbase : A8673XTE).

 

En l’espèce, une mère avait été poursuivie sur le fondement des dispositions de l’article 227-17 du Code pénal pour s'être soustraite sans motif légitime à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de ses cinq enfants mineurs ; la prévention relevait notamment qu’elle avait quitté le territoire national le 15 mars 2015 pour se rendre, via l’Algérie et la Turquie, avec trois de ses enfants, à Raqqa en Syrie et y rejoindre des mouvements djihadistes, qu’elle avait déscolarisé l’un d’entre eux et s’était opposée à toute intervention éducative du tribunal pour enfants et du juge des affaires familiales ; interpellée en Turquie avec ses trois enfants, le 25 août 2015, alors qu’elle regagnait la France en utilisant un passeport algérien, elle avait été expulsée de Turquie le 11 septembre 2015 ; ses enfants avaient été placés en urgence par ordonnance du juge des enfants en date du 11 septembre 2015 ; le tribunal correctionnel de Grasse n’avait retenu la prévention qu’à l’égard d’un mineur. Le ministère public avait interjeté appel de ce jugement. Pour déclarer la prévenue coupable du délit de soustraction à ses obligations légales envers ses cinq enfants, la cour d’appel avait retenu qu’elle avait exposé ses trois enfants mineurs à un environnement d'une extrême dangerosité en les faisant séjourner dans des zones de combat en Syrie, qu’elle avait compromis leur équilibre par leur descolarisation et par leur rupture avec leur environnement familial et social, que le mineur qui lui avait été confié avait ainsi été interpellé sur la voie publique, trois jours après les attentats du vendredi 13 novembre 2015, avec une arme automatique factice, qu’enfin, elle s’était totalement désintéressée du mineur resté en France, de février à septembre 2015. Sa décision est approuvée par la Cour suprême, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial» N° Lexbase : E6075EXB).

newsid:464708

Procédure pénale

[Brèves] Droits des personnes placées en détention provisoire : non-conformité à la Constitution de l’impossibilité de contester le refus de correspondance écrite

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-715 QPC, du 22 juin 2018 (N° Lexbase : A5767XTR)

Lecture: 2 min

N4680BXM

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par June Perot

Le 27 Juin 2018

► Au regard des conséquences qu'entraîne la décision refusant l’exercice par une personne en détention provisoire du droit correspondre par écrit, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de la décision du magistrat conduit dès lors à ce que les dispositions de l’article 40 de la loi du 24 novembre 2009 (N° Lexbase : L9344IES)  méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D).

 

En conséquence, les mots «sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas» des dispositions contestées sont déclarées contraires à la Constitution. Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 22 juin 2018 (Cons. const., décision n° 2018-715 QPC, du 22 juin 2018 N° Lexbase : A5767XTR).

 

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’Etat (CE 9° et 10° ch.-r., 11 avril 2018, n° 417244 N° Lexbase : A7053XKG) d’une QPC portant sur l’article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui prévoit que «Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix». 

 

La section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) qui s’est emparée de la question soutenait que ces dispositions méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif. Elle critiquait, d’une part, le fait que la décision par laquelle l'autorité judiciaire s'oppose à l'exercice, en détention, du droit de correspondre par écrit des personnes prévenues ne puisse être contestée. Elle relevait, d'autre part, que les motifs susceptibles de justifier cette opposition n’étaient pas précisés. Il en résulterait également une méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale et du droit au respect de la vie privée.

 

Pour conclure à la non-conformité des dispositions et énoncer la solution susvisée, les Sages de la rue de Montpensier relèvent que ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction une décision refusant l’exercice de ce droit.

 

Dispositions transitoires

 

Le Conseil relève par ailleurs que l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver l'autorité judiciaire de toute possibilité de refuser aux personnes placées en détention provisoire de correspondre par écrit.

 

Tout en reportant au 1er mars 2019 la date de cette abrogation, le Conseil énonce une réserve transitoire imposant, dans l’intervalle, que les décisions de refus de l’autorité judiciaire peuvent être contestées devant le président de la chambre de l’instruction dans les conditions prévues par la deuxième phrase du 4ème alinéa de l’article 145-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2774LBD).

newsid:464680

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Droit de rétractation et indemnité spécifique de rupture conventionnelle, quelle cohérence ?

Réf. : Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-24.830, FS-P+B (N° Lexbase : A3249XRR)

Lecture: 9 min

N4715BXW

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 27 Juin 2018

Rupture conventionnelle/indemnité spécifique/droit de rétractation

 

Résumé

 

Une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l'homologation de cette convention à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du Code du travail (N° Lexbase : L8385IAS), y compris lorsque cette convention a été conclue après une première qui a fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative.

 

Les conditions de validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail sont à la fois rigoureuses et très peu nombreuses. Rigoureuses, parce que la procédure de conclusion de l’accord doit être scrupuleusement respectée en raison, notamment, de sa vocation à garantir la liberté de consentement des parties. Peu nombreuses, parce que, si l’on met de côté les conditions procédurales, l’obligation de verser au salarié une indemnité spécifique minimale est la seule véritable exigence de fond, comme une contrepartie destinée à compenser la perte d’emploi. Cette dernière n’est pas toujours aussi bien garantie par la Chambre sociale de la Cour de cassation que ne sont protégées les conditions de forme de la convention. L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 juin 2018 permet de rappeler l’importance cardinale du droit de rétractation dans la procédure de rupture conventionnelle (I). Par l’exigence qu’un nouveau délai de repentir soit respecté à la suite d’un refus d’homologation en raison de l'insuffisance de l'indemnité spécifique, il impose de poser un regard renouvelé sur celle-ci et l'on finit par ne plus très bien savoir si le respect des minima légaux ou conventionnels en la matière constitue ou non une condition de validité de la convention de rupture (II).

 

 

Commentaire

 

I - L’impérativité du droit de rétractation après toute convention de rupture

 

Le droit de rétractation, élément clé de la rupture conventionnelle. Le consentement des parties à la rupture conventionnelle en constitue l’élément cardinal [1] et l’ensemble de la procédure légale de conclusion de la convention est ainsi focalisée sur sa validité [2]. Le ou les entretiens de préparation, la faculté des parties de s’y faire assister, l’existence d’un délai de rétractation et la procédure d’homologation administrative tendent tous vers l’objectif de s’assurer que les parties ont consenti librement et en connaissance de cause à la rupture du contrat de travail.

 

D’une manière générale, il en résulte qu’à de rares exceptions près, il ne peut plus aujourd’hui être conclu de rupture amiable du contrat de travail sans respecter les dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI) [3]. Plus spécifiquement, le manquement à l’une des règles légales garantissant le consentement est généralement sanctionné par la nullité de la convention. Il en va naturellement ainsi de l’absence d’entretien de préparation qui entache la convention de nullité [4]. Le respect du délai de rétractation tient lui aussi une place fondamentale comme le démontrent de nombreuses décisions.

 

C’est au nom de celui-ci que la Chambre sociale a interprété les règles du Code du travail pour juger que la remise d’un exemplaire de la convention au salarié était une condition de validité de celle-ci, parce qu’elle est nécessaire pour lui permettre d’exercer son droit de rétractation [5]. C’est aussi parce que l’écoulement du délai de rétractation scelle le consentement du salarié à la rupture qu’il ne lui est plus permis, après ce terme, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, sauf à démontrer un manquement de l’employeur à ses obligations, postérieur à l’échéance du délai [6]. Enfin, la Chambre sociale garantit l’efficacité du droit de rétraction en interdisant que la demande d’homologation à l’administration du travail n’intervienne avant l’écoulement du délai de rétractation [7].

 

Puisque l’exercice du droit de rétractation correspond à une manifestation de volonté de retrait, il prend effet au jour où cette volonté est émise, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre de rétractation qui peut [8], toutefois, être formalisé par tout moyen permettant de lui conférer date certaine [9].

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation n’a admis que de rares entorses au caractère impératif du droit de rétractation et aux modalités qui l’entourent. On se souviendra néanmoins qu’elle juge depuis 2014 que l’erreur dans la date d’échéance du délai de rétractation mentionné dans la convention ne permet pas d’obtenir la nullité de la convention, étant observé que dans l’affaire en cause, les parties avaient effectivement bénéficié d’un délai plein de rétractation malgré l’erreur matérielle [10].

 

L’affaire. Les parties au contrat de travail choisissent de conclure une convention de rupture le 27 juin 2013, laquelle mentionne un entretien de préparation ayant eu lieu le 26 juillet 2013 et l’échéance du délai de rétractation au 11 août 2013. La demande d’homologation présentée à l’administration du travail leur est refusée, non pas en raison de l’incohérence des dates mentionnées à l’acte [11], mais au motif que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle était inférieur au minimum conventionnel. Elles signent un second formulaire de rupture conventionnelle qui mentionne les mêmes dates d’entretien et d’échéance du délai de rétractation et envisage la date de rupture du contrat de travail au 9 octobre 2013.

 

La salariée conteste la rupture conventionnelle en raison d’un vice du consentement qui résulterait d’un harcèlement moral, ce que la cour d’appel de Douai refuse d’admettre. Elle juge, en revanche, que «l'importance du changement à opérer justifiait que [la salariée] bénéficie d'un nouveau délai de rétractation» et décide, par conséquent, d’invalider la convention et de faire produire à la rupture les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur forme pourvoi en cassation.

 

Par un arrêt rendu le 13 juin 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle juge «qu'il résulte de l'application combinée des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 (N° Lexbase : L8504IA9) du Code du travail qu'une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l'homologation de cette convention à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes» et approuve, par conséquent, les juges d’appel d’avoir constaté que «la première convention avait fait l'objet d'un refus d'homologation par l'autorité administrative […] que la salariée devait bénéficier d'un nouveau délai de rétractation et que, n'en ayant pas disposé, la seconde convention de rupture était nulle».

 

II - Discussion relative aux conditions de validité de la convention de rupture

 

La réfaction d’une convention de rupture non homologuée. En fonction de quelles considérations doit-on imposer l’écoulement d’un nouveau délai de rétractation lorsqu’une convention initiale n’est pas homologuée par l’administration du travail et que les parties s’entendent pour modifier les éléments qui justifient ce refus ? Pour répondre à cette question, deux propositions peuvent être envisagées.

 

La première aboutirait à apprécier l’importance de la modification apportée par les parties : si elle est de faible importance, il est inutile de respecter un nouveau délai de rétractation alors qu’à l’inverse, si le changement touche aux fondements de la convention, un nouveau droit de repentir doit être accordé. Avec des résultats différents, c’est bien ce raisonnement qui était adopté par la cour d’appel et par l’employeur au soutien de son pourvoi. La première jugeait en effet que la modification du montant de l’indemnité était un changement d’une telle importance qu’il ne s’agissait plus d’une simple modification de la convention initiale. A l’inverse, l’employeur soutenait que l’insuffisance du montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle n’entachait pas la validité d’une rupture conventionnelle et qu’il ne s’agissait donc pas d’une modification d’une ampleur suffisante pour faire naître un nouveau droit de rétractation.

 

La seconde consisterait à prendre en considération non plus l’ampleur du changement apporté, mais les effets de la décision de refus d’homologation de l’administration du travail. La convention de rupture non homologuée est nulle et ne peut produire aucun effet, elle disparaît. Il est alors indispensable de conclure une nouvelle convention, de respecter à nouveau le formalisme du Code du travail et de s’astreindre à un nouveau délai de rétractation.

 

C’est cette seconde option que semble choisir la Chambre sociale de la Cour de cassation. A aucun moment de son argumentation, elle ne reprend le raisonnement fondé sur l’importance du changement apporté par la stipulation d’une nouvelle indemnité conforme aux minima imposés par le Code du travail. Au contraire, elle énonce clairement que la modification du montant de l’indemnité à la suite du refus d’homologation a fait naître une «seconde convention de rupture» qui devait donc être soumise à l’ensemble des conditions du Code du travail. En suivant ce raisonnement et au regard des faits de l’espèce, ce n’est d’ailleurs pas seulement l’absence de délai de rétractation qui fait difficulté, mais encore le défaut d’un nouvel entretien qui aurait pu être constaté, cela d’autant que la détermination du montant de l’indemnité spécifique est l’un des objectifs conférés à celui-ci par l’article L. 1237-12 du Code du travail (N° Lexbase : L8193IAP).

 

Sur ce plan, la décision de la Chambre sociale peut être approuvée. Elle permet de rappeler l’importance de l’homologation dans le processus de conclusion d’une rupture conventionnelle. Le refus d’homologation n’a pas pour simple effet d’exiger des parties de remettre l’ouvrage sur le métier ; elle est indissociable de la convention de rupture elle-même, comme en témoigne le bloc de compétence offert au juge prud’homal sur ces questions. Le refus d’homologation doit avoir pour effet de détruire intégralement la convention de rupture.

 

Là où le bât blesse, c’est que la cause de refus d’homologation avancée par l’administration du travail n’est pas toujours vue comme un élément conditionnant la validité d’une convention de rupture.

 

Les incertitudes relatives à l’importance de l’indemnité spécifique de rupture. Faut-il faire produire à l’insuffisance du montant de l’indemnité spécifique stipulé par la convention de rupture des conséquences comparables à celles qui résultent de la violation d’autres mesures imposées par le Code du travail et relatives à la négociation de la rupture conventionnelle ?

 

Techniquement, la réponse à cette question devrait être affirmative. En effet, l’autorité administrative ne délivre l’homologation qu’après avoir vérifié le «respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties» [12], parmi lesquelles figure la stipulation d’une indemnité spécifique minimale. Si une convention prévoit une indemnité dont le montant est insuffisant, elle ne peut être homologuée parce que l’une de ces conditions n’a pas été respectée [13]. En somme, dans ce cas de figure, la convention de rupture ne respecte pas l’une des rares conditions de fond imposées par le Code du travail.

 

Ce n’est pourtant pas la voie choisie par les juridictions judiciaires. La Chambre sociale de la Cour de cassation a d’abord admis la possibilité pour un salarié de demander le paiement de l’indemnité spécifique minimale au juge prud’homal sans quereller la validité de l’accord, ce qui semblait déjà dissocier les deux questions [14]. Plus clairement, elle a jugé par la suite que «la stipulation par les deux parties d'une indemnité dont le montant est inférieur à celle prévue par l'article L. 1237-13 du Code du travail […] [n’entraîne pas, en elle-même] la nullité de la convention de rupture» [15].

 

Il apparaît alors une forme de contradiction entre ces décisions et celle rendue le 13 juin 2018. Alors que les premières refusent de faire du respect de l’indemnité minimale une cause de nullité de la convention de rupture, la seconde avalise le raisonnement selon lequel la convention stipulant une indemnité insuffisante doit disparaître faute d’homologation et que la réfaction de celle-ci, par une nouvelle clause prévoyant une indemnité d’un montant adéquat, ne constitue pas une simple modification de la convention initiale, mais une nouvelle convention à part entière.

 

L’ombre du droit de rétractation, dont l’importance a été précédemment rappelée, plane sans doute sur le raisonnement de la Chambre sociale. La cohérence de l’ensemble exigerait toutefois que la stipulation d’une indemnité insuffisante permette, aussi bien devant l’autorité administrative que devant le juge prud’homal, d’obtenir la remise en cause intégrale de la convention et que soit prononcée sa nullité.

 

Décision

 

Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-24.830, FS-P+B (N° Lexbase : A3249XRR).

 

Rejet (CA Douai, 30 septembre 2016, n° 15/01538 N° Lexbase : A4177SQR).

 

Texte concerné : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS)

 

Mots-clés : rupture conventionnelle ; indemnité spécifique ; droit de rétractation.

 

Lien base : (N° Lexbase : E0220E7B).

 

[1] V. notre étude, Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase, éd. soc., n° 516, 2013 (N° Lexbase : N5793BTQ).

[2] La convention «est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties», C. trav., art. L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI).

[3] Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6594MYU) et nos obs., La (quasi) disparition de la rupture amiable du contrat de travail, Lexbase, éd. soc., n° 589, 2014 (N° Lexbase : N4455BUK).

[4] Cass. soc., 1er décembre 2016, n° 15-21.609, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7976SLY) et les obs. de Ch. Radé, La nullité de la rupture conventionnelle en raison du défaut d'entretien préalable : la rigueur de la sanction tempérée par la mansuétude de la règle de preuve, Lexbase, éd. soc., n° 680, 2016 (N° Lexbase : N5643BWW).

[5] Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase, éd. soc., n° 516, 2013 (N° Lexbase : N5793BTQ) ; RDT, 2013, p. 258, obs. F. Taquet.

[6] Cass. soc., 6 octobre 2015, n° 14-17.539, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0465NTE) et nos obs., Le rôle fondamental du délai de rétractation dans la rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 630, 2015 (N° Lexbase : N9546BU4).

[7] Cass. soc., 14 janvier 2016, n° 14-26.220, FS-P+B (N° Lexbase : A9536N3L) et les obs. de G. Auzero, Précisions autour de l'homologation de la rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 641, 2016 (N° Lexbase : N1108BWX).

[8] Cass. soc., 14 février 2018, n° 17-10.035, FS-P+B (N° Lexbase : A7669XDE) et nos obs., Rupture conventionnelle : efficacité de la rétractation au jour de l'envoi de la lettre, Lexbase, éd. soc., n° 733, 2018 (N° Lexbase : N2982BXQ).

[9] Cass. soc., 6 octobre 2015, n° 14-17.539, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0465NTE) et nos obs., Le rôle fondamental du délai de rétractation dans la rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 630, 2015 (N° Lexbase : N9546BU4). Par ex., rétractation par courriel : CA Bourges, 16 septembre 2011, n° 10/01735 (N° Lexbase : A9102HZ7).

[10] «Une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 1237-13 du Code du travail ne pouvant entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation», Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.539, FS-P+B (N° Lexbase : A2278MDQ) et nos obs., Rupture conventionnelle : précisions procédurales et intégrité du consentement, Lexbase, éd. soc., n° 558, 2014 (N° Lexbase : N0766BUW).

[11] Le rappel des faits opéré par la Chambre sociale, parfaitement conforme à celui de la cour d’appel de Douai, montre en effet que la conclusion de rupture a été conclue antérieurement à l’entretien, ce qui semble contraire à la temporalité prévue par l’article L. 1237-12 du Code du travail. Par ailleurs, quoiqu’il n’y ait là rien d’illicite à accroître la durée du délai légal de rétractation, celui-ci aurait en principe dû courir pour une durée de 15 jours calendaires après la conclusion de la rupture et ainsi s’achever le 13 juillet 2013.

[12] C. trav., art. L. 1237-14 (N° Lexbase : L8504IA9).

[13] Faisant entrer le contrôle du montant de l’indemnité dans le champ du contrôle de l’administration du travail, v. circulaire DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008 (N° Lexbase : L7308IAW).

[14] Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-22.134, FS-P+B (N° Lexbase : A6058M7I) et nos obs., Des conséquences de l'absence ou de l'insuffisance de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, Lexbase, éd. soc., n° 596, 2015 (N° Lexbase : N5316BUG).

[15] Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-10.139, FS-P+B (N° Lexbase : A7439NMH) et les obs. de G. Auzero, Rupture conventionnelle : confirmation du caractère exceptionnel de la nullité de la convention de rupture, Lexbase, éd. soc., n° 625, 2015 (N° Lexbase : N8937BUK). V. également CA Grenoble, 8 janvier 2015, n° 13/02031 (N° Lexbase : A9793M89) et nos obs., Validité de la rupture conventionnelle : les juges du fond plus sévères que la Cour de cassation ?, Lexbase, éd. soc., n° 599, 2015 (N° Lexbase : N5708BUX).

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Sécurité sociale

[Brèves] La possession d’un compte bancaire ou postal n’est pas une condition d’affiliation au régime d’assurance maladie maternité

Réf. : Cass. civ. 2, 21 juin 2018, n° 17-13.468, F-P+B+I (N° Lexbase : A5769XTT)

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N4694BX7

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par Laïla Bedja

Le 27 Juin 2018

L'affiliation d'une personne à un régime obligatoire de sécurité sociale est exclusivement subordonnée à la réunion des conditions fixées à cet effet par la loi. Partant, en subordonnant l’affiliation effective d’une personne à une condition afférente au service des prestations (fourniture d’un relevé d’identité bancaire ou postale) et non prévue par la loi, la cour d’appel viole l’article 19, II et III de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 (N° Lexbase : L4324GUP). Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 juin 2018 (Cass. civ. 2, 21 juin 2018, n° 17-13.468, F-P+B+I N° Lexbase : A5769XTT).

 

Dans cette affaire, une personne, domiciliée à Mayotte, a sollicité, le 8 juillet 2013, son affiliation et celle de son enfant mineur au régime d’assurance maladie maternité auprès de la caisse de Sécurité sociale de Mayotte. La caisse l’a affilié, à compter du 27 février 2014, sans possibilité d’être remboursées de ses éventuelles dépenses de santé tant qu’elle ne produirait pas un relevé d’identité bancaire ou postal. L’assurée a alors saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale.

 

La cour d’appel (CA Mamoudzou, 12 mai 2015, n° 14/00017 N° Lexbase : A6444NLA), pour la débouter de sa demande, retient que s'il n'existe en principe aucune obligation d'avoir un compte en banque, l'article L. 312-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9624LGK) institue un droit de chaque individu de disposer d'un compte bancaire, par le biais de la Banque de France ou, concernant les personnes domiciliées dans un département d'outre-mer, de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), que l’appelante n’est pas fondée à invoquer l’impossibilité pour elle d’ouvrir un compte, eu égard la faiblesse de ses revenus, que l'exigence imposée par la caisse de fournir un relevé d'identité bancaire ou postal pour le remboursement des prestations ne constitue pas une restriction démesurée à la liberté individuelle et n'est pas non plus discriminatoire, dans la mesure où elle concerne tous les assurés et n'a ni pour objet, ni pour effet d'exclure une partie de la population de l'accès aux soins et de leur remboursement.

 

A tort, pour la Haute juridiction, qui rappelant les conditions d’affiliation au régime d’assurance maladie et énonçant la solution précitée, casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

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Sécurité sociale

[Brèves] Sur le fond, rien que sur le fond…peu importe l’irrégularité de la composition de la commission de recours amiable

Réf. : Cass. civ. 2, 21 juin 2018, n° 17-27.756, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5770XTU)

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par Laïla Bedja

Le 27 Juin 2018

Si elle n’est valablement saisie qu’après rejet explicite ou implicite de la réclamation préalable prévue par l’article R. 142-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8772K9R), il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige, les moyens soulevés devant elle et tirés d’une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérants. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 21 juin 2018 dans un arrêt destiné à une large publication (Cass. civ. 2, 21 juin 2018, n° 17-27.756, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5770XTU).

 

Dans cette affaire la commission de recours amiable d’Ile-de-France, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France ayant rejeté la réclamation formée par une société contre une décision de redressement consécutive à un contrôle, cette dernière a saisi d’une recours la juridiction de Sécurité sociale.

Le Conseil d’Etat (CE 1 ch., 4 novembre 2016, n° 398443, inédit N° Lexbase : A9172SGS), sur sursis à statuer de la cour d’appel de Versailles, a déclaré que l’article 6 de l’arrêté interministériel du 19 juin 1969 était entaché d’illégalité en tant qu’il déterminait la composition des commissions de recours amiable des unions de recouvrement et a renvoyé une partie de l’affaire devant le Tribunal des conflits. Les juges de ce dernier dans une décision du 24 avril 2017 (T. confl., 24 avril 2017, n° 4077 N° Lexbase : A8224WAT), ont décidé que la juridiction judiciaire était compétente pour se prononcer sur la légalité de la délibération du 22 novembre 2011, déclaré nul et non avenu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 24 mars 2016 en ce qu’il avait transmis à la juridiction administrative la question de la légalité de ladite délibération et renvoyé la cause et les parties devant ladite cour, devant laquelle l’instance s’est poursuivie.

 

Pour annuler la décision de la commission de recours amiable et ordonner le remboursement de la somme versée en exécution de la mise en demeure, la cour d’appel (CA Versailles, 5 octobre 2017, n° 14/04272 N° Lexbase : A8535WYR) retient qu’il résulte de la décision du Conseil d’Etat que l’arrêté en cause est illégal et, qu’en conséquence, la composition de la commission de recours amiable est nécessairement irrégulière. Elle rappelle que la société ne peut contester, devant la juridiction de Sécurité sociale, la mise en demeure qui lui a été délivrée sans saisir préalablement la commission de recours amiable, mais cette saisine est inopérante puisque cette dernière étant irrégulièrement composée, la décision qu’elle rendra sera nécessairement irrégulière.

 

Telle n’est pas l’avis de la Haute juridiction qui, énonçant la solution précitée, casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la société avait formé, au préalable, une réclamation auprès de la commission de recours amiable de l’URSSAF, qui l’avait rejetée, de sorte qu’elle était saisie du fond du litige, la cour d’appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 (N° Lexbase : L2854K9L) du Code de la Sécurité sociale, 5 (N° Lexbase : L1114H4Z) et 12 (N° Lexbase : L1127H4I) du Code de procédure civile (cf. l’Ouvrage «Droit de la protection sociale» N° Lexbase : E8053ADM).

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