La lettre juridique n°715 du 12 octobre 2017

La lettre juridique - Édition n°715

Avocats/Honoraires

[Brèves] Honoraires de résultat : de l'appréciation de la notion de "succès"

Réf. : Cass. civ. 2, 5 octobre 2017, n° 16-23.050, F-P+B (N° Lexbase : A1894WUP)

Lecture: 1 min

N0679BXG

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 13 Octobre 2017



La convention d'honoraires définit le succès comme un profit réalisé ou des pertes évitées ; et le succès ne peut être laissé à l'appréciation discrétionnaire de l'avocat.
Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, dans un arrêt rendu le 5 octobre 2017 (Cass. civ. 2, 5 octobre 2017, n° 16-23.050, F-P+B N° Lexbase : A1894WUP).
Dans cette affaire des époux ont confié la défense de leurs intérêts à un avocat. Une convention d'honoraires a été conclue prévoyant notamment, en cas de succès, un complément d'honoraires. Les époux n'ayant pas eu gain de cause dans leur litige, un différend s'est élevé concernant le paiement de l'honoraire de résultat. L'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de celui-ci. Dans son ordonnance, le premier président rejette la demande de l'avocat retenant que les époux ont été condamnés et que la notion de "succès" ne doit pas être laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'avocat rédacteur de la convention d'honoraires (CA Rennes, 28 juin 2016, n° 15/01668 N° Lexbase : A4456RUL).

L'ordonnance sera censurée par la Haute juridiction qui énonce la solution précitée au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. En effet, le premier président, qui avait constaté que l'avocat des époux leur avait évité la perte d'une somme de 68 000 euros en limitant, compte tenu de la demande en dommages-intérêts d'un montant de 75 000 euros, leur condamnation à celle de 7 000 euros, a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4929E4C).

newsid:460679

Bancaire

[Brèves] Dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier

Réf. : Ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017, relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier (N° Lexbase : L9405LGG)

Lecture: 2 min

N0610BXU

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par Vincent Téchené

Le 12 Octobre 2017

Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 5 octobre 2017, permet une utilisation accrue des supports de communication dématérialisés dans la gestion des relations précontractuelles et contractuelles dans le secteur financier (ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017, relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier N° Lexbase : L9405LGG).

Elle couvre un champ large, constitué de cinq codes : le Code des assurances ; le livre III du Code de la consommation, qui concerne les opérations de crédit ; le Code monétaire et financier ; le Code de la mutualité ; et, enfin, le titre 3 du livre 9 du Code de la Sécurité sociale relatif aux institutions de prévoyance.

Cette ordonnance prévoit différentes garanties de nature à mieux encadrer le développement des usages liés aux supports de communication dématérialisés et à assurer aux consommateurs un niveau de protection au moins équivalent à celui actuellement prévu par le cadre légal et règlementaire.

Le professionnel devra tout d'abord, s'il souhaite engager ou poursuivre une relation contractuelle avec un client sur un autre support durable que le papier, s'assurer au préalable, puis annuellement, du caractère approprié de ce mode de communication (le client doit être en mesure de prendre connaissance des informations sur le support dématérialisé). Ce texte comporte par ailleurs plusieurs dispositions précisant l'information et le droit d'opposition du consommateur. Ce dernier devra en effet être informé de manière claire, précise et compréhensible du souhait éventuel du professionnel de poursuivre la relation commerciale sur un support dématérialisé. Il sera également informé de la possibilité dont il dispose de revenir à tout moment et sans frais à un support papier, ou d'utiliser le support durable de son choix pour ses propres démarches. Un encadrement juridique des espaces personnels sécurisés mis à disposition sur les sites internet des organismes est également prévu. Par ailleurs, des exceptions ont été aménagées pour certains produits proposés à des consommateurs particulièrement vulnérables (droit au compte dans le domaine bancaire) ou certaines procédures particulièrement sensibles pour le consommateur. De même, les produits et services d'investissement en valeurs mobilières font l'objet d'un traitement spécifique. Une accroche est néanmoins prévue pour permettre des ajustements ponctuels, le cas échéant, via le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Enfin, des champs de liberté contractuelle ont été ménagés dans des cas particuliers, tels que le financement participatif.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er avril 2018.

newsid:460610

Baux commerciaux

[Brèves] Améliorations financées par le preneur et fixation du loyer en renouvellement des locaux monovalents

Réf. : Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-18.059, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8472WTX)

Lecture: 2 min

N0580BXR

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par Julien Prigent

Le 12 Octobre 2017

La soumission du bail aux dispositions de l'article R. 145-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L0048HZS) relatif à la fixation du loyer de locaux construits en vue d'une seule utilisation exclut l'application des dispositions de l'article R. 145-8 (N° Lexbase : L0046HZQ) du même code qui précisent que les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si le bailleur en a assumé la charge (Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-18.059, FS-P+B+I N° Lexbase : A8472WTX).

En l'espèce, avait été consenti un bail commercial, d'une durée de seize années et demi à compter du 1er septembre 1994, relatif à un terrain permettant l'exploitation d'un fonds de commerce de camping. Le 30 juin 2010, le bailleur avait délivré un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel d'un certain montant. Il avait assigné ensuite le locataire en fixation du loyer à ce montant. Un arrêt définitif du 26 novembre 2013 avait dit que le bail portait sur un bien en vue d'une seule utilisation au sens de l'article R. 145-10 du Code de commerce, fixé un loyer provisionnel et avait ordonné une mesure d'instruction. Le locataire, se prévalant des améliorations qu'il a financées au cours du bail venant à renouvellement, a sollicité un abattement de ce chef lors de la fixation du loyer en renouvellement. Reprochant aux juges du fond (CA Montpellier, 8 mars 2016, n° 12/06203 N° Lexbase : A3180QYG) d'avoir fixé le loyer sans procéder à un abattement au titre des améliorations qu'il avait apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler, le locataire s'est pourvu en cassation.

Son pourvoi a été rejeté, la Cour de cassation précisant que la soumission du bail aux dispositions de l'article R. 145-10 du Code de commerce relatif à la fixation du loyer de locaux construits en vue d'une seule utilisation exclut l'application des dispositions de l'article R. 145-8 du même code. Or, le bail portant sur un bien loué en vue d'une seule utilisation au sens du premier de ces textes, le loyer devait être fixé à la valeur locative selon les usages observés dans la branche d'activité considérée (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E1055AHK).

newsid:460580

Contrats administratifs

[Brèves] Détermination de l'indemnité du cocontractant en cas d'annulation du contrat

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 6 octobre 2017, n° 395268, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2736WUU)

Lecture: 1 min

N0614BXZ

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par Yann Le Foll

Le 12 Octobre 2017

Afin de déterminer l'indemnité du cocontractant en cas d'annulation du contrat, le juge doit apprécier le caractère certain du préjudice et de l'existence d'un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 6 octobre 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 6 octobre 2017, n° 395268, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2736WUU).

Dans le cas où le contrat est écarté en raison d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si, toutefois, l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée.

Saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice. En l'espèce, les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence commis par le pouvoir adjudicateur ayant eu une incidence déterminante sur l'attribution du marché au titulaire, le lien entre la faute de l'administration et le manque à gagner dont la société entendait obtenir la réparation ne pouvait être regardé comme direct.

newsid:460614

Cotisations sociales

[Brèves] Inconstitutionnalité partielle de l'article instituant la cotisation et contribution à la charge de l'employeur finançant l'allocation de logement

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-657 QPC, du 3 octobre 2017 (N° Lexbase : A6505WT4)

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N0557BXW

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par Laïla Bedja

Le 12 Octobre 2017

Sont censurés les mots "et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la Sécurité sociale" figurant à la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5925KWD), dans ses rédactions résultant de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008 (N° Lexbase : L5488H3N) et de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 (N° Lexbase : L9901INZ). Le Conseil constitutionnel a, en revanche, déclaré conformes à la Constitution les deuxième à quatrième alinéas et le reste du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du même code, dans ces deux rédactions. Telle est la réponse apportée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 3 octobre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-657 QPC, du 3 octobre 2017 N° Lexbase : A6505WT4), à la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 29 juin 2017, n° 17-40.040, F-D N° Lexbase : A7043WLG).

La question était la suivante : "les dispositions de l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale -dans ses versions issues des lois de finances pour 2008 (article 135) et pour 2011 (article 209), applicables avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : L2844I7H)- ne méconnaissent-elles pas les exigences de compétence législative et le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi garanties par l'article 34 de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L7403HHN), et à ce titre ne portent-elles pas atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L6813BHS), au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la DDHC et l'article 34 de la Constitution de 1958, et à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4)?"

Sur le grief d'incompétence, les Sages répondent que la cotisation et la contribution instituées par les dispositions contestées, dont les recettes concourent au financement du fonds national d'aide au logement, n'ont pas pour objet d'ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par un régime obligatoire de Sécurité sociale ; elles sont donc au nombre des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, les juges énoncent qu'en exemptant de la contribution prévue au 2° les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la Sécurité sociale, le législateur ne s'est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction des buts qu'il s'est fixés de financement de l'allocation logement. Il a donc méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques.

newsid:460557

Divorce

[Jurisprudence] Conventions de divorce : jamais avant l'introduction de l'instance !

Réf. : Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 16-23.531, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0361WTK)

Lecture: 7 min

N0588BX3

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par Jérôme Casey, Avocat associé au barreau de Paris, Maître de Conférences à l'Université de Bordeaux, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit des régimes matrimoniaux"

Le 12 Octobre 2017

A l'heure où l'on parle volontiers de "contractualisation" du droit de la famille, et plus encore de celui du divorce, voici une décision, rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 septembre 2017, qui devrait donner à réfléchir. Non qu'elle soit révolutionnaire, mais parce qu'elle est rendue alors que le droit du divorce a été profondément remanié par l'apparition, depuis le 1er janvier 2017, du divorce par consentement mutuel extra-judiciaire. Les faits d'un fort classique. Un époux, commun en biens, dépose une requête en divorce, mais avant même que ne soit rendue l'ordonnance de non conciliation, un "protocole transactionnel" est signé, prévoyant, outre des dispositions relatives à la jouissance du domicile conjugal et d'une résidence secondaire, que le mari serait attributaire d'un immeuble commun moyennant le paiement d'une soulte à son épouse, et qu'il paierait aussi à celle-ci une prestation compensatoire de 240 000 euros. Le divorce est finalement prononcé et la même décision a aussi annulé le "protocole transactionnel". Le pourvoi de l'épouse, qui faisait grief à la cour d'appel (CA Dijon, 16 juin 2016, n° 15/00642 N° Lexbase : A4110RTE) d'avoir confirmé la nullité dudit protocole prononcée par le premier juge, est rejeté par la Cour de cassation, qui juge qu'"aux termes de l'article 265-2 du Code civil, les époux peuvent passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial ; qu'il s'en déduit qu'une convention comportant, ne serait-ce que pour partie, des stipulations relatives à la liquidation et au partage du régime matrimonial, ne peut être conclues avant l'assignation ou la requête conjointe en divorce ; Et qu'ayant relevé que la convention conclue entre les parties, avant l'introduction de l'instance, portait tant sur la prestation compensatoire que sur le partage de leur régime matrimonial, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle était nulle".

La solution était prévisible, car il est acquis depuis 1982 que les époux ne peuvent signer de convention relative à la liquidation-partage de leur régime matrimonial avant l'introduction de l'instance (Cass. civ. 1, 19 janvier 1982, n° 80-17.149 N° Lexbase : A0889CIR, Bull. civ. I, n° 27), et il en va de même à propos de la fixation de la prestation compensatoire, laquelle ne peut intervenir, fût-ce à titre amiable, avant tout divorce (Cass. civ. 2, 21 mars 1988, n° 86-16.598 N° Lexbase : A7750AAB, Bull. civ. II, n° 74). On rappellera juste que les époux séparés de biens peuvent, eux, liquider et partager les indivisions les liant quand bon leur chante, puisqu'il ne s'agit pas de la liquidation de leur régime matrimonial, mais qu'ils sont bien les seuls. Sous n'importe quel autre régime, la règle de l'article 265-2 du Code civil (N° Lexbase : L2831DZU), ici rappelée par la Cour de cassation, s'applique (y compris en régime de participation aux acquêts, v., Cass. civ. 1, 8 avril 2009, n° 07-15.945, FS-P+B+I N° Lexbase : A8399EES ; Bull. civ. I, n° 80 ; AJ fam., 2009, 219, obs. S. David ; D., 2009, 1201, note V. Egéa). Contrairement à ce que prévoyait l'ancien article 1450 du Code civil (N° Lexbase : L1602ABX), cette convention n'est pas toujours notariée, puisque la loi n'impose l'acte authentique que lorsqu'il y a des biens soumis à publicité foncière (c'est cependant, en pratique, la forme la plus couramment utilisée). Quant au moment à partir duquel on peut recourir à ces conventions, les choses semblent claires : après l'assignation en divorce, ou la signature d'une requête conjointe, ainsi que le présent arrêt le rappelle expressément, ce qui est conforme à l'alinéa 1er de l'article 265-2 qui dispose que ces conventions peuvent être signées "pendant l'instance en divorce". De sorte que la présente décision rejette fort logiquement le pourvoi de l'épouse, puisque la convention portait liquidation, fût-elle partielle seulement, du régime de communauté, et qu'elle avait été signée avant l'assignation en divorce (avant même l'ONC en l'espèce). Le pourvoi a bien tenté de soutenir que la convention pouvait être valide si elle était homologuée par le juge du divorce, mais pareille analyse revenait à prendre de grandes libertés avec le texte de l'article 265-2, et la Cour de cassation ne l'admet pas, ce qui ne devrait surprendre personne.

Pour logique qu'elle est dans les divorces contentieux, la solution interroge quelque peu pour ce qui est du nouveau divorce extra-judiciaire. En effet, dans cette forme de divorce, l'article 229-3, 4° (N° Lexbase : L2607LB8) impose que la convention de divorce comporte, à peine de nullité, "les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s'il y a lieu au versement d'une prestation compensatoire". Or, le chapitre visé est celui consacré aux conséquences du divorce, qui contient une section 2 consacrée aux "effets du divorce pour les époux", laquelle débute par un paragraphe premier intitulé "Dispositions générales", où figure l'article 265-2, ce paragraphe 1 s'opposant à un paragraphe 2 consacré aux "conséquences propres aux divorces autres que par consentement mutuel", ce qui accentue le sentiment que l'article 265-2 est applicable à tous les consentements mutuels. Or, rien n'est moins sûr.

Pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, il n'y a aucun problème, c'est comme avant la réforme de 2016, et il aura bien une instance judiciaire ce qui correspond aux prévisions de l'article 265-2. Mais pour le divorce par consentement mutuel extra-judiciaire, rien n'est prévu. L'article 229-3 se borne à renvoyer au Chapitre III, lequel, ainsi qu'il vient d'être vu, n'a pas été adapté sur cette question spécifique. Dès lors, comment comprendre l'expression "pendant l'instance en divorce" qui figure dans le texte de l'article 265-2 ? Les époux peuvent passer des conventions de divorce "pendant l'instance en divorce", selon ce texte, sauf que dans cette forme de consentement mutuel, il n'existe pas "d'instance en divorce" ! C'est un peu kafkaïen quand même...

Pour autant, il serait assurément illogique, voire absurde, que les époux, ne puissent pas signer de telles conventions alors que le juge n'intervient plus dans cette forme de divorce et que c'est la convention de divorce elle-même qui sert de support à l'entier divorce, comme le dit l'article 229-1. En outre, l'article 1145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1962LCN) prévoit en son alinéa 2 que l'acte de liquidation-partage devra être annexé à la convention de divorce s'il existe des biens soumis à publicité foncière. Il ne peut donc faire de doute que dans ce divorce extra-judiciaire les époux doivent signer une convention portant règlement entier des conséquences de leur divorce. On peut même le dire autrement : dans ce type de divorce, le divorce ne peut exister sans cette convention.

La conclusion s'impose d'elle-même : l'article 265-2 ne s'applique sans doute pas au divorce de l'article 229-1, n'en déplaise au législateur qui a pourtant placé ce texte parmi des "Dispositions générales", ainsi qu'il a été vu. On peut donc penser que le législateur de 2016 n'a pas vu la difficulté, et que les conventions de divorce de l'article 265-2 ne peuvent concerner celles de l'article 229-1. Il serait quand même bon de le dire clairement un jour...

Au total, la place laissée à la convention dans le droit du divorce est désormais aisée à définir. Quand une véritable procédure existe (en ce compris les cas de consentement mutuel judiciaire), toute convention en vue de liquider le régime, ou fixer une prestation compensatoire, doit être signée après l'assignation ou la requête conjointe. C'est le sens de la présente décision. Au contraire, en l'absence de procédure judiciaire, et donc lorsque les parties ont recours au processus amiable de l'article 229-1, la convention est mise au premier plan, puisque c'est elle qui devient la charpente même du mécanisme de désunion, et les dispositions de l'article 265-2 n'ont plus aucune portée, quand bien même leur place dans le Code civil indique le contraire.

L'avenir nous dira quel sera le rôle du juge dans tout ceci... Dans les divorces avec procédure judiciaire, on sait que le juge intervient en amont, et que c'est lui qui donne vie à la convention et à ses prévisions. Dans le divorce extra-judiciaire, par définition, le juge n'intervient plus en amont puisque le but même de la loi a été de le supprimer. Pourtant, qui ne voit qu'il interviendra toujours, mais cette fois en aval de la convention. Le juge homologateur deviendra donc le juge correcteur des malfaçons de la convention. Mais de quel juge s'agit-il ? Du juge du divorce (et donc le JAF), qui est rôdé à ces questions, ou le juge ordinaire des contrats, lequel dispose d'une capacité d'intervention sur les actes juridiques bien plus réduite ? Là encore, la loi n'a rien prévu, et ici aussi il serait bon de le dire clairement un jour... Pour notre part, nous faisons le pari que le juge naturel des conventions de divorce, quelles qu'elles soient, est bien le JAF et que c'est ce juge qui finira par s'imposer. Les conventions de divorce ne sont pas des contrats, et moins encore des contrats de droit commun. Ce sont des conventions, spécialement prévues par la loi, strictement règlementées, ainsi que la présente décision le rappelle. Si les conventions de l'article 265-2 relèvent du JAF (ce que nul ne discute), on ne voit pas comment celles de l'article 229-1, ne relèveraient pas du même juge, alors qu'elles sont encore plus dangereuses que celles de l'article 265-2 puisque mises à exécution sans aucun contrôle judiciaire. Le juge du divorce doit rester le JAF, que ce soit comme juge homologateur, ou comme juge correcteur, et ceci parce que ces conventions ne sont pas des contrats, mais bel et bien des conventions dérogatoires qui mettent fin à l'institution qu'est le mariage. N'en déplaise aux tenants du "tout contrat", dénouer un mariage ce n'est pas exactement la même chose que dénouer une vente.

Les praticiens peuvent donc lire cet arrêt pour ce qu'il est : le rappel d'une solution solidement acquise dans les divorces avec procédure judiciaire. Mais plus que jamais les questions s'accumulent pour le divorce sans juge...

newsid:460588

Droit des étrangers

[Brèves] Entretien personnel du demandeur d'asile par l'Ofpra : l'important c'est de se faire comprendre !

Réf. : CNDA, 18 septembre 2017, n° 17005983 (N° Lexbase : A2102WUE)

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N0587BXZ

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par Marie Le Guerroué

Le 13 Octobre 2017

Le moyen tiré de ce que l'entretien personnel à l'Ofpra (office français de protection des réfugiés et apatrides) se serait déroulé dans de mauvaises conditions est écarté comme étant inopérant dès lors qu'il est raisonnable de penser que l'intéressé avait pu se faire comprendre lors de son entretien. Ainsi statue la CNDA dans une décision du 18 septembre 2017 (CNDA, 18 septembre 2017, n° 17005983 N° Lexbase : A2102WUE).

En l'espèce, Mme K., ressortissante turque d'origine kurde, faisait valoir auprès de la CNDA que l'entretien qui lui avait été accordé par l'Ofpra s'était déroulé dans de mauvaises conditions et qu'elle avait rencontré des difficultés de compréhension avec l'interprète présent lors de cet entretien.

La Cour prend en considération la décision du Conseil d'Etat du 22 juin 2017 (CE 2° et 7° ch.-r., 22 juin 2017, n° 400366, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7214WIZ) dans laquelle il avait jugé que le moyen tiré que l'entretien personnel du demandeur d'asile à l'office se serait déroulé dans de mauvaises conditions n'était pas de nature à justifier que la Cour annule la décision de l'office et lui renvoie l'examen de la demande d'asile. En revanche, il estimait qu'il revennait à la Cour de procéder à cette annulation, et à ce renvoi, si elle jugeait que le demandeur avait été dans l'impossibilité de se faire comprendre lors de cet entretien, faute d'avoir pu bénéficier du concours d'un interprète dans la langue qu'il avait choisie dans sa demande d'asile ou dans une autre langue dont il avait une connaissance suffisante, et que ce défaut d'interprétariat était imputable à l'office.

La CNDA note que, dans cette affaire, Mme K. a été entendue en langue turque et non en kurde lors de son audition par l'Ofpra comme elle en avait fait la demande. Il résulte, néanmoins, de la lecture du compte-rendu d'entretien qu'elle a pu se faire comprendre en langue turque lors de son entretien avec un officier de protection. Une constatation corroborée par sa demande à l'interprète, lors de l'audience devant la Cour, de s'exprimer en langue turque alors même que ce dernier était en mesure de s'exprimer en langue kurde.

La Cour rend donc la solution susvisée et rejette le recours de Mme K. (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E0266E9Q).

newsid:460587

Droit rural

[Brèves] Contrôle des structures dans le cadre de la reprise des biens "de famille" : le régime simplifié de la déclaration ne peut bénéficier à la société, même à caractère purement familial, bénéficiaire de la mise à disposition du bien de famille après reprise

Réf. : Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-22.350, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8474WTZ)

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N0560BXZ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Octobre 2017

Le II de l'article L. 331-2 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L4559I4M), dans sa version applicable à la cause, qui institue un régime simplifié de déclaration préalable, par dérogation au I de ce texte, au bénéfice des biens dits "de famille", ne prévoit pas de dérogation au quatrième alinéa de l'article L. 411-58 du même code (N° Lexbase : L4470I4C), qui comporte le terme société sans autre précision, et il n'y a pas lieu d'exclure les sociétés à caractère purement familial de l'obligation prescrite par ce texte d'obtenir une autorisation d'exploiter. Telle est la précision importante apportée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d'un arrêt rendu le 5 octobre 2017 ; autrement dit, au cas d'espèce, le fait que le bénéficiaire de la reprise, aurait pu bénéficier du régime simplifié de la déclaration préalable, s'il avait envisagé d'exploiter à titre personnel les terres objet de la reprise, ne constituait pas une exception à l'obligation pour la société bénéficiaire de la mise à disposition de solliciter une autorisation d'exploiter (Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-22.350, FS-P+B+I N° Lexbase : A8474WTZ).

Pour bien comprendre la solution, il convient de rappeler qu'en vertu du II de l'article L. 331-2 du Code rural et de la pêche maritime, le régime juridique de la "reprise intrafamiliale" a été assoupli par le législateur en 2006, et que cette opération (mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus) n'est plus soumise à l'autorisation administrative du contrôle des structures, mais fait l'objet d'une déclaration préalable ; étant précisé que les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille sont assimilées aux biens qu'elles représentent. Il faut savoir, par ailleurs, qu'il est précisé à l'article L. 411-58 du même code que, lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.

De la lecture combinée de ces dispositions, la Cour de cassation approuve la cour d'appel ayant énoncé la règle précitée et en ayant exactement déduit, la société à disposition de laquelle la bénéficiaire de la reprise entendait mettre les terres reprises, ne bénéficiant pas d'une autorisation d'exploiter, que l'opération de reprise ne respectait pas les conditions imposées par l'article L. 411-58 précité. La Haute juridiction écarte ainsi l'argument du requérant qui soutenait que la reprise de biens familiaux dans le cadre d'une société exclusivement familiale relevait du régime de la déclaration préalable (cf. l’Ouvrage "Droit rural" N° Lexbase : E9144E9K et N° Lexbase : E9147E9N) (sur l'autre point de l'arrêt concernant l'obligation d'information à la charge du preneur mettant les biens loués à disposition d'une société, lire N° Lexbase : N0642BX3).

newsid:460560

Égalité de traitement

[Brèves] Extension de la présomption de justification aux différences de traitement découlant d'un accord d'entreprise

Réf. : Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7346WTA)

Lecture: 1 min

N0549BXM

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par Charlotte Moronval

Le 12 Octobre 2017

Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'ensemble de l'entreprise et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 octobre 2017 (Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7346WTA ; concernant les différences de traitement découlant d'un accord d'établissement, voir Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.844, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A4697SCX).

En l'espèce, une société X a fait l'objet d'une opération de fusion absorption par une société Y. Elle signe, le 7 octobre 2002, avec quatre syndicats représentatifs, un accord d'entreprise, mais seulement pour les salariés d'un l'établissement, les conditions de rémunération du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, issues de divers accords conclus antérieurement à la fusion.

Estimant subir une inégalité de traitement, des salariés affectés à un autre établissement, ont saisi la juridiction prud'homale. La cour d'appel (CA Nancy, 30 mars 2016, deux arrêts, n° 15/00160 N° Lexbase : A2081RC3 et n° 15/00161 N° Lexbase : A2395RCP) fait droit à leur demande, la société forme alors un pourvoi en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt de la cour d'appel au visa du huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L1356A94), du principe d'égalité de traitement, et de l'accord d'entreprise signé 7 novembre 2002 (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2592ET8).

newsid:460549

Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l'expropriation - Octobre 2017

Lecture: 10 min

N0566BXA

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine (UFR Droit, économie et administration de Metz), directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, directeur adjoint de l'IRENEE

Le 12 Octobre 2017

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de l'expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Elle traitera tout d'abord de l'indemnisation des propriétaires d'un immeuble restitué suite à l'annulation d'une déclaration d'utilité publique entraînant perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation (Cass. civ. 3, 29 juin 2017, n° 16-16.942, F-D). Elle reviendra ensuite sur la fixation de l'indemnité d'expropriation lorsque la valeur vénale des biens expropriés est négative compte tenu des abattements pratiqués (Cass. civ. 3, 21 juillet 2017, n° 16-19.127, F-D). Elle expliquera enfin pourquoi le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher une contestation sérieuse relative à l'existence et à l'étendue d'un bail commercial (Cass. civ. 3, 13 juillet 2017, n° 16-17.866, F-D).
  • Indemnisation des propriétaires d'un immeuble restitué suite à l'annulation d'une déclaration d'utilité publique entraînant perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation (Cass. civ. 3, 29 juin 2017, n° 16-16.942, F-D N° Lexbase : A7129WLM)

A moins que le juge administratif des référés ne prononce la suspension de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité (1), la procédure d'expropriation peut se poursuivre et donner lieu à une ordonnance d'expropriation et à un jugement d'indemnisation avant qu'il ne soit statué définitivement sur la légalité de ces actes administratifs. En cas d'annulation de l'un ou l'autre de ces actes, et avant l'adoption de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS) (2), il n'était plus possible de revenir sur le transfert de propriété dès lors que l'ordonnance d'expropriation était également revêtue de l'autorité de la chose jugée. La loi de 1995 a toutefois ajouté un alinéa à l'ancien article L. 12-5 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2914HLI) -dispositions désormais reprises par l'actuel article L. 223-2 du même code (N° Lexbase : L7962I4N)- selon lequel "en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale".

Il est cependant fréquent que l'annulation de l'ordonnance d'expropriation n'ait pas pour conséquence la restitution de son bien au propriétaire évincé. En effet, si le bien n'est pas en état d'être restitué -ce qui est habituel en cas de construction d'un ouvrage public (3)- l'article R. 223-6, I du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2117I7K) prévoit que "l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts". Ces dommages et intérêts vont correspondre à la valeur actuelle du bien, sous la seule déduction de l'indemnité principale de dépossession qui a été perçue au moment de l'expropriation, majorée des intérêts depuis son versement (4).

Tel n'est pas le cas en l'espèce. Par ordonnance du 18 décembre 2006, le juge de l'expropriation avait prononcé, au profit de la Société immobilière d'économie mixte de la Ville de Paris (SIEMP), le transfert de propriété des lots dépendant d'un syndicat de copropriétaires, sur le fondement d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable du 20 juillet 2005 et d'un arrêté portant déclaration d'utilité publique et de cessibilité du 10 août 2006 pris par le préfet de Paris. Ces arrêtés ont ensuite été annulés par une décision irrévocable de la juridiction administrative, ce qui avait conduit la société civile professionnelle X, ès qualités de liquidatrice du syndicat des copropriétaires, à saisir le juge de l'expropriation sur le fondement de l'actuel article L. 223-2 du Code de l'expropriation.

Au cas d'espèce, ce n'est pas le principe de restitution de l'immeuble qui pose des difficultés, mais l'indemnisation des dommages allégués par le propriétaire évincé. Dans cette hypothèse, qui est celle visée par l'article R. 223-6, II du même code, le juge va d'abord désigner "chaque immeuble ou fraction d'immeuble dont la propriété est restituée". Surtout, il détermine également les indemnités à restituer à l'expropriant et -c'est ce qui pose difficulté en l'espèce- "il statue sur la demande de l'exproprié en réparation du préjudice causé par l'opération irrégulière".

En l'espèce, la société requérante reprochait à la SIEMP et à la Ville de Paris d'avoir laissé se dégrader l'immeuble. Dans un arrêt rendu le 10 mars 2016, la cour d'appel de Paris avait considéré qu'il y avait lieu de les condamner in solidum à indemniser le syndicat des copropriétaires des dégradations subies par les parties communes de l'immeuble, postérieurement à l'ordonnance d'expropriation du 18 décembre 2006 jusqu'à la restitution de l'immeuble après le jugement du 5 mai 2014 rendu sur le fondement de l'actuel article L. 223-2 du Code de l'expropriation, rectifié le 8 juillet 2014. Le même arrêt précisait toutefois qu'étaient exclues les dégradations résultant des travaux entrepris par le syndicat des copropriétaires jusqu'au jugement statuant sur les indemnités intervenu le 15 septembre 2009.

Validant l'analyse faite par la cour d'appel, la Cour de cassation relève d'abord que l'immeuble était en mauvais état au moment de l'ordonnance d'expropriation, ce qui n'est pas surprenant dès lors qu'il a fait l'objet, antérieurement à la déclaration d'utilité publique, d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable pris en application des articles L. 1331-26 (N° Lexbase : L5356IMC) et suivants du Code de la santé publique. Elle relève également l'existence d'un constat d'huissier du 31 mai 2007 et d'un rapport de mission d'huissier du 12 février 2007, intervenus peu après l'intervention de l'ordonnance d'expropriation du 18 décembre 2006. Il résulte de ces éléments qu'à cette date, les murs, les plafonds des parties communes et les sols étaient en bon état, ainsi que les conduits verticaux et certains appartements de l'immeuble. Or, postérieurement à l'ordonnance du 18 décembre 2006, la situation de l'immeuble s'est considérablement dégradée du fait de l'arrêt des travaux et de son inoccupation pendant des années. En conséquence, la Cour rejette le pourvoi formé par la SIEMP et par la Ville de Paris.

  • Lorsque la valeur vénale des biens expropriés est négative compte tenu des abattements pratiqués, l'indemnité d'expropriation peut être fixée à un euro dès lors qu'il ne s'agit pas d'un euro symbolique (Cass. civ. 3, 21 juillet 2017, n° 16-19.127, F-D N° Lexbase : A9718WMU)

L'évaluation du préjudice résultant d'une expropriation doit permettre une indemnisation intégrale du préjudice direct, matériel et certain subi par les propriétaires évincés (5). La référence au caractère matériel du préjudice exclut par conséquent toute réparation du préjudice moral, alors qu'il n'est pas rare en matière civile que l'euro symbolique répare des préjudices qui peuvent être difficilement appréciables en argent. En conséquence, le juge de l'expropriation ne peut accorder d'indemnité symbolique qui permettrait de réparer des préjudices purement subjectifs lesquels, mêmes s'ils sont parfois certains, ne présentent pas un caractère matériel.

Il a ainsi été jugé que le droit au maintien dans les lieux n'étant pas négociable, le locataire exproprié qui refuse une offre de relogement ne peut pas prétendre à une indemnité même symbolique en compensation de l'abandon de ses droits (6). De même, la Cour de cassation a pu juger qu'est dépourvu de base légal l'arrêt d'une cour d'appel qui fixe à un franc symbolique le montant de l'indemnité d'une superficie de 114 mètres carrés de sol de voie privée au motif que la prétention des expropriés était exorbitante (7). De même, la Cour a pu censurer un arrêt qui avait attribué une indemnité symbolique pour l'expropriation du lit d'une rivière, au motif que celui-ci ne présentait pas d'intérêt pour l'exproprié (8). Comme le relève en effet le commentateur de cette décision "le lit d'une rivière a une certaine valeur peut-être minime mais non symbolique et doit être indemnisé, l'exproprié étant en droit de reconstituer son patrimoine en rachetant le lit d'une rivière" (9). En d'autres termes, il n'aurait pas été illégal de fixer l'indemnité à un euro dès lors que celle-ci aurait correspondu à la valeur vénale du bien.

C'est exactement ce raisonnement qui est tenu dans la présente affaire par la Cour de cassation. Les parcelles qui ont fait l'objet de l'expropriation au profit de la Ville de Besançon sont localisées sur un ancien site industriel devenu depuis 1987 une friche industrielle. A l'origine, deux des parcelles concernées avaient été classées dans le plan local d'urbanisme de cette commune en zone UB, ce qui correspond selon l'actuel article R. 151-18 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0324KWW) à des secteurs déjà urbanisés et des secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. Au demeurant, ces parcelles sont des immeubles régis par la législation visant à régler le statut de la copropriété et elles sont occupées par des bâtiments inutilisés depuis une trentaine d'années qui se trouvent dans un grand état de délabrement ce qui avait conduit la commune de Besançon à prendre plusieurs arrêtés de péril imminent et à se substituer au propriétaire des biens pour les sécuriser. Une troisième parcelle avait été classée en zone Up, ce qui correspondait à une zone réservée aux équipements publics, collectifs ou d'intérêt général. Toutefois, toutes ces parcelles sont aujourd'hui situées en zone NL, zone naturelle du plan local d'urbanisme, par l'effet d'un arrêté préfectoral en date du 17 juin 2013. Selon l'article R. 151-24 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0318KWP), ce classement concerne "les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison [notamment] de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues". En outre, les parcelles considérées sont localisées en zone jaune du plan de prévention des risques d'inondation.

Ce sont ces différents éléments, et plus précisément les coûts de démolition et de dépollution ainsi que les contraintes liées à l'existence d'une copropriété, qui ont conduit les juges du fond à opérer un certain nombre d'abattements, à la suite desquels il est apparu que la valeur vénale des biens expropriés était négative. Pour la Cour de cassation, l'indemnité de dépossession pouvait donc être fixée à un euro, ce qui correspond non pas à une indemnité symbolique -auquel cas l'arrêt attaqué aurait été cassé- mais à la valeur vénale des biens. La solution n'est pas illogique, mais on pourrait penser qu'à partir du moment où la valeur calculée est négative, le juge de l'expropriation pourrait ne pas accorder une indemnité à l'exproprié. Au moins une telle solution pourrait éviter tout débat contentieux sur la question de savoir si une indemnité de un euro présente ou non un caractère symbolique.

  • Le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher une contestation sérieuse relative à l'existence et à l'étendue d'un bail commercial (Cass. civ. 3, 13 juillet 2017, n° 16-17.866, F-D N° Lexbase : A9849WMQ)

Si le juge de l'expropriation est compétent pour transférer la propriété des biens et pour indemniser les préjudices liés à l'expropriation il n'est pas compétent, en application des dispositions de l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2926HLX) applicable dans la présente affaire (10), "lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité". Selon le même article, qui renvoie aux dispositions pertinentes du code de l'expropriation, il n'est pas non plus compétent pour ce qui concerne les questions relatives l'application des dispositions relatives à la réquisition d'emprise totale, à la réparation en nature et au relogement des expropriés. Selon les cas, la question litigieuse relève soit de la compétence d'un autre juge de l'ordre judiciaire, soit du juge administratif.

Ces dispositions sont interprétées strictement par la Cour de cassation. Il a ainsi été jugé, notamment, que le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher une contestation sérieuse touchant à la question de la fixation des limites des parcelles expropriées (11) ou pour modifier les limites ou les dimensions de ces parcelles (12). Il n'est pas non plus compétent pour se prononcer sur l'appartenance au domaine public d'un bien, cette question relevant exclusivement du juge administratif (13). Dans des espèces plus proches de celle qui nous intéresse, il déjà été jugé que le juge de l'expropriation ne saurait se prononcer sur l'existence d'un bai rural (14), pas plus qu'il ne peut accorder une indemnité au prétendu titulaire de ce bail une indemnité d'éviction (15).

Dans la présente affaire, la Métropole Nice Côte d'Azur avait saisi le juge de l'expropriation du département des Alpes-Maritimes d'une demande de fixation des indemnités revenant à deux sociétés à la suite de l'expropriation, à son profit, de deux parcelles leur appartenant et sur lesquelles celles-ci avaient consenti à la société Espace auto un crédit-bail immobilier. Se prétendant titulaire, sur les parcelles expropriées, d'un bail commercial conclu avec la société X, la société Y était intervenue volontairement à l'instance.

Pour rejeter la demande d'indemnité de la société Y, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait retenu que si celle-ci était toujours liée par le bail de sous-location conclu avec la société Espace auto, ce contrat vise un bâtiment et non la bande engazonnée sur laquelle porte l'emprise. Or, il ne s'agit pas ici d'un simple constat mais bien, au sens de la jurisprudence susvisée, d'une contestation sérieuse relative à l'existence et à l'étendue d'un bail commercial qui ne relève pas de la compétence du juge de l'expropriation, ce qui entraîne la cassation du jugement contesté.

On relèvera enfin que s'il avait considéré être en présence d'une contestation sérieuse, le juge de l'expropriation n'aurait pas été tenu de surseoir au jugement. Dans un tel cas, en effet, l'article L. 311-8 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L7984I4H), dont les dispositions équivalentes avaient été jugées conformes à la Constitution (16), lui imposent de fixer les indemnités de manière alternative en fonction des différentes solutions qui peuvent être apportées au litige donnant lieu à contestation et inviter les parties à se pourvoir devant la juridiction compétente (17).


(1) CJA, art. L. 521-1 (N° Lexbase : L3057ALS).
(2) JO, 3 février 1995.
(3) V. par ex. Cass. civ. 3, 4 décembre 2013, n° 12-28.919, FS-P+B (N° Lexbase : A8439KQM), Bull. civ. III, n° 154, AJDA, 2013, p. 1040, note S. Gilbert, JCP éd. A, 2014, 2230, note Y. Struillou, RD imm., 2014, p. 95, note R. Hostiou.
(4) Cass. civ. 3, 17 novembre 2010, n° 09-16.797, FS-P+B (N° Lexbase : A5793GKR), Bull. civ. III, n° 203, RD imm., 2011, p. 96, obs. R. Hostiou, AJDI, 2011, p. 460, note A. Lévy.
(5) C. expr., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L7987I4L).
(6) CA Paris, 23 décembre 1977, DS, 1978, inf. rap., p.476.
(7) Cass. civ. 3, 5 octobre 1976, n° 75-10.394, publié au bulletin (N° Lexbase : A2227CGL).
(8) Cass. civ. 3, 15 mai 1991, n° 90-70.105 (N° Lexbase : A3008ABZ) Bull. civ., III, n° 142, Gaz. Pal., 1991, Panor., p. 253, AJPI, 1991, p. 681, note M. C.
(9) Note précitée à l'AJPI.
(10) C. expr., art. L. 311-8 (N° Lexbase : L7984I4H).
(11) Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n° 99-70.231 (N° Lexbase : A8830CYP).
(12) Cass. civ. 3, 24 février 1993, n° 91-70.213 (N° Lexbase : A6099AHD), Bull. civ. III, 1993, n° 23, AJPI, 1994, p. 45, obs. A. B D., 1993, inf. rap. p. 67, D., 1993, somm. p. 196, obs. P. Carrias, JCP éd. G, 1993, IV, 1085, JCP éd. N, 1993, II, 40, Gaz. Pal., 8-10 août 1993, pan. dr. adm., p. 186, RD imm., 1993, p. 199, chron. C. Morel et F. Lamy.
(13) Cass. civ. 3, 1er juin 1977, n° 76-70.204, publié au bulletin (N° Lexbase : A6614CEP).
(14) CA Besançon, 5 mai 2011, n° 10/00256 (N° Lexbase : A5395HSM).
(15) Cass. civ. 3, 12 mars 2003, n° 02-70.005, FS-P+B (N° Lexbase : A4259A7U), Bull. civ. III, 2003, n° 60, JCP éd. G, 2003, IV, 1836, JCP éd. G, 2004, I, 143, note M. Huyghe.
(16) Cons. const., décision n° 2012-275 QPC du 28 septembre 2012 (N° Lexbase : A5381ITH).
(17) CE, 9 mars 1983, n° 22649 (N° Lexbase : A2449AMN), Dr. adm., 1983, comm. 164 ; Cass. civ. 3, 4 janvier 1990, n° 88-70.195 (N° Lexbase : A4256AH4), Bull. civ. III, 1990, n° 2, Gaz. Pal., 1990, 1, p. 13, JCP éd. G, 1990, IV, 83 ; Cass. civ. 3, 7 février 1990, n° 88-70.300, inédit au bulletin (N° Lexbase : A9230CN8), Gaz. Pal, 1990, n° 157-158, pan. p. 90, AJPI, 1990, p. 618, obs. A. B.

newsid:460566

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Le sort de la contribution de 3 % sur les montants distribués scellé par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., 6 octobre 2017, n° 2017-660 QPC (N° Lexbase : A8693WT7)

Lecture: 2 min

N0568BXC

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par Jules Bellaiche

Le 12 Octobre 2017

La contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés de 3 % au titre des montants distribués, qui n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général, est déclarée (de nouveau) contraire à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 6 octobre 2017 (Cons. const., 6 octobre 2017, n° 2017-660 QPC N° Lexbase : A8693WT7).
En l'espèce, la société requérante soutient qu'il existe une discrimination "à rebours" injustifiée entre les sociétés redevables de la contribution, selon l'origine des revenus distribués, constitutive d'une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Cette discrimination serait constituée entre, d'une part, les bénéfices redistribués par une société mère en provenance d'une filiale établie dans l'UE relevant du régime "mère-fille" et, d'autre part, l'ensemble des autres montants redistribués par les sociétés assujetties à la contribution.
La société requérante se prévaut alors de l'interprétation des dispositions contestées retenue à la lumière d'un arrêt rendu le 17 mai 2017 par la CJUE (aff. C-365/16 N° Lexbase : A9846WCN et C-68/15 N° Lexbase : A9847WCP), selon laquelle la contribution prévue à l'article 235 ter ZCA du CGI (N° Lexbase : L5825LCQ) ne pouvait être appliquée aux bénéfices redistribués par une société mère en provenance d'une filiale établie dans l'UE relevant du régime européen "mère-fille".
Faisant application de sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel relève qu'il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées, une différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes qu'elles redistribuent proviennent ou non de filiales établies dans un Etat membre de l'UE autre que la France.
Or, ces sociétés se trouvent dans la même situation au regard de l'objet de la contribution, qui consiste à imposer tous les montants distribués, indépendamment de leur localisation d'origine et y compris ceux relevant du régime "mère-fille" issu du droit de l'UE.
Ainsi, en l'absence d'une différence de situation, seul un motif d'intérêt général aurait pu justifier la différence de traitement contestée. Toutefois, en instituant la contribution en cause, le législateur a poursuivi un objectif de rendement budgétaire. A l'instar d'une précédente décision portant sur une exonération de cette taxe (Cons. const., 30 septembre 2016, n° 2016-571 QPC N° Lexbase : A7362R4G), le Conseil constitutionnel juge qu'un tel objectif ne constitue pas, en lui-même, une raison d'intérêt général de nature à justifier pareille différence de traitement.
Il en résulte que le premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du CGI est jugé contraire à la Constitution (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X2468AMD).

newsid:460568

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Imposition des revenus réalisés par l'intermédiaire de structures établies hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié : l'article 123 bis du CGI conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., 6 octobre 2017, n° 2017-659 QPC (N° Lexbase : A8692WT4)

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N0582BXT

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par Jules Bellaiche

Le 12 Octobre 2017

L'article 123 bis du CGI (N° Lexbase : L2494LDQ), qui prévoit l'imposition des avoirs d'une personne physique fiscalement domiciliée en France qu'elle détient à l'étranger par l'intermédiaire d'une entité juridique dont les actifs sont principalement financiers et soumise à un régime fiscal privilégié, est conforme, sous réserve, à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 6 octobre 2017 (Cons. const., 6 octobre 2017, n° 2017-659 QPC N° Lexbase : A8692WT4).
En l'espèce, selon les requérants, les dispositions du 1 de cet article interdiraient au contribuable de prouver que l'interposition d'une entité juridique établie hors de France n'a pas pour seul objet l'appréhension de bénéfices soumis à l'étranger à un régime fiscal privilégié. Elles institueraient ainsi une présomption irréfragable de fraude et d'évasion fiscales, contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Pour les Sages, l'article 123 bis soumet à l'impôt sur le revenu, selon des règles dérogatoires au droit commun, les bénéfices et les revenus positifs de cette entité, réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient dans cette entité.
En adoptant cet article, le législateur a donc poursuivi un but de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales de personnes physiques qui détiennent des participations dans des entités principalement financières localisées hors de France et bénéficiant d'un régime fiscal privilégié. Ce but constitue un objectif de valeur constitutionnelle.
Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être autorisé à prouver, afin d'être exempté de l'application de l'article 123 bis, que la participation qu'il détient dans l'entité établie ou constituée hors de France n'a ni pour objet, ni pour effet de permettre, dans un but de fraude ou d'évasion fiscales, la localisation de revenus à l'étranger.
Par conséquent, sous cette réserve, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4977ALW).

newsid:460582

Huissiers

[Jurisprudence] Quand la Cour de cassation explicite enfin ce qui suspend ou proroge le délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière !

Réf. : Cass. civ. 2, 7 septembre 2017, n° 16-17.824, F-P+B (N° Lexbase : A1208WR8)

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N0567BXB

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par Jean-Jacques Bourdillat, Docteur en droit, Juriste consultant au Cridon-Lyon, Chargé de cours à l'Université Lumière-Lyon 2

Le 12 Octobre 2017

Par un arrêt de la deuxième chambre civile, rendu le 7 septembre 2017, la Cour de cassation a retenu que le délai de péremption du commandement valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d'une décision de justice emportant la suspension des procédures d'exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d'une décision ordonnant le report, en vertu d'une disposition particulière, de l'adjudication ou la réitération des enchères, dans l'attente de l'adjudication à intervenir ; en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d'un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement. Parmi les trois articles de la partie réglementaire du Code des procédures civiles d'exécution consacrés à La péremption du commandement de payer valant saisie, le moins qu'on puisse affirmer est que le dernier des trois, l'article R. 321-22 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2419ITR ; sur la suspension et la prorogation du délai, cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9645E8Q) manque -ou manquait- singulièrement de clarté. Si dans le cadre d'un enseignement universitaire général, il était aisé -et confortable- de citer ce texte pour n'en souligner que le caractère obscur et attendre que la Cour de cassation vienne un jour en préciser le sens, si ce n'est son sens, pour tous les praticiens de la saisie immobilière, qu'ils soient avocats ou -surtout- magistrats, tous spécialisés, la difficulté d'application demeurait et l'évitement n'avait pas sa place. Ecrit selon toute vraisemblance à la hâte par un rédacteur qui, sans conteste, connaissait on ne peut mieux son sujet, la lecture et l'interprétation de ce texte pouvaient, néanmoins, laisser perplexes ceux à qui il s'adressait. Là où deux phrases paraissaient indispensables pour distinguer la suspension du délai de péremption de sa prorogation, pour faire simple, ou (trop) rapide, le réformateur n'en rédigeait qu'une seule. En fait, de faire simple, c'est la complication et, pire, l'obscurité, qui prenaient la place. Le sujet était pourtant on ne peut plus crucial car si du côté du créancier poursuivant -qu'il soit saisissant ou subrogé dans les poursuites-, il fallait toujours veiller à ce que le commandement soit en vigueur pour que soit maintenue la régularité des poursuites, du côté du saisi -qu'il soit débiteur ou tiers détenteur- la péremption de cet acte cardinal d'exécution était un moyen de défense imparable. Entre les deux parties, poursuivante et saisie, le juge de l'exécution devait trancher et faire de son mieux pour mettre en oeuvre un texte flou, à la limite du caractère incohérent ou inachevé, incomplet. L'intérêt de la question était on ne peut plus important et il n'est pas surprenant qu'en pratique, de nombreux avocats de créanciers poursuivants n'avaient aucun scrupule à solliciter une prorogation du délai de validité du commandement par simple précaution, c'est-à-dire alors que l'intérêt à agir ainsi n'existait forcément pas, les juges n'ayant alors pas plus de scrupule à faire droit à ces demandes, peu important alors pour eux le risque d'une infirmation, si ce n'est d'une condamnation par voie de cassation.

Au tout début de cette rentrée automnale, par l'arrêt de censure partielle rapporté prononcé en formation restreinte ce 7 septembre 2017, la deuxième chambre civile vient pour la première fois, à notre connaissance, nous préciser sa lecture, et donc son interprétation, des deux articles R. 321-20 (N° Lexbase : L2417ITP) et R. 321-22. Du moins, et compte tenu de leur articulation, elle nous livre la clé de lecture de l'article R. 321-22 en opérant la distinction entre ce qui relève de la suspension du délai de péremption du commandement d'une part, et ce qui participe de sa prorogation, d'autre part. En décidant de diriger vers son solennel Bulletin sa décision, la Haute cour assure une diffusion opportune de cette clé qu'il faudra reproduire. A tous les praticiens maintenant de vérifier si cette clé fonctionne et fonctionne bien. Quant à la manoeuvre de contournement dont pouvaient bénéficier jusqu'ici certains étudiants, elle est désormais amenée à disparaître. Le droit n'en sera que plus riche.

En décidant au double visa de censure des articles R. 321-20 et R. 321-22 "que le délai de péremption du commandement valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d'une décision de justice emportant la suspension des procédures d'exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d'une décision ordonnant le report, en vertu d'une disposition particulière, de l'adjudication ou la réitération des enchères dans l'attente de l'adjudication à intervenir ; qu'en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d'un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement", la Cour suprême écrit l'article R. 321-22 tel qu'il aurait dû l'être dans le décret initial, c'est-à-dire, dès le 27 juillet 2006 (sur la suspension ou la prorogation du délai de péremption, cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E9645E8Q). Plus de dix années après ce texte, les mots -termes- manquants sont apportés et une ponctuation salutaire est enfin opérée. Les praticiens avisés n'ont aujourd'hui pas d'autre choix que celui de coller de façon matérielle (ou immatérielle) sur le texte même de l'article R. 321-22 le double visa précité et comme par le procédé de l'encre magique, le sens exact de celui-là apparaîtra. Depuis cet arrêt du 7 septembre, les cas de suspension du délai biennal de péremption du commandement sont désormais clairement et strictement définis ; après cela, et ainsi que l'écrivent eux-mêmes les Hauts magistrats, "en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d'un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement".

Au-delà de son seul intérêt didactique qui porte sur l'interprétation qui doit être faite de l'article R. 321-22, nous estimons qu'il est plus aisé de comprendre l'arrêt rapporté en le rapprochant de la matière procédurale qui lui a servi de support. Le caractère dense de cette matière n'a rien d'exceptionnel, loin s'en faut.

A l'origine de ce contentieux d'exécution qui n'a comme limite volontaire que celle de la péremption de l'acte de saisie, la suspension de ce délai ou sa prorogation, nous trouvons un commandement de payer valant saisie immobilière qui, signifié le 16 juin 2011, est l'objet d'une publicité au service foncier compétent le 7 juillet 2011. Le 14 février 2013, un premier créancier subrogé a requis et poursuivit l'adjudication aux enchères mais l'adjudicataire n'acquittera jamais son dû. Le 4 juillet 2013, un jugement de prorogation de deux ans des effets du commandement est rendu et publié le même jour. Quelques jours après, le 18 juillet, c'est un autre jugement qui est rendu et qui fixe la date à laquelle il sera procédé à une nouvelle adjudication par réitération des enchères, cette date étant celle du 7 novembre 2013.

A cette audience du 7 novembre 2013, l'adjudication n'a pas été requise en raison d'un règlement opéré au préalable et le créancier alors subrogé n'a conséquemment pas procédé aux formalités de publicité. Toutefois, un autre créancier a sollicité sa subrogation dans les poursuites et par un jugement rendu le 5 décembre 2013, publié le 7 février 2014, faisant droit à cette demande, le juge de l'exécution a fixé au 3 avril 2014 la date d'adjudication par réitération des enchères. A cette date du 3 avril, un jugement a repoussé l'adjudication au 26 juin 2014 et à cette dernière audience, un jugement a été rendu reportant sine die l'adjudication en raison d'un pourvoi en cassation formé contre l'arrêt confirmatif rendu sur le jugement précité de prorogation prononcé le 4 juillet 2013.

Une ordonnance de déchéance du pourvoi a été rendue le 6 novembre 2014, et à la suite de cette décision, le 3 novembre 2015, un troisième créancier inscrit a sollicité du juge de l'exécution, outre sa subrogation dans les poursuites, la prorogation des effets du commandement ainsi que la fixation d'une date de vente. En défense, et pour le seul point qui nous intéresse ici, le débiteur saisi s'est opposé à toute prorogation et a exposé que le commandement est "caduc" (sic) depuis le 3 avril 2014.

Par une décision intéressante qu'il a rendu le 19 novembre 1995 (TGI Paris, 19 novembre 2015, n° 11/00260) -mais qui ne prospérera pas-, le juge de l'exécution a estimé que "la décision de réitération des enchères du 5 décembre 2013 régulièrement publiée en marge du commandement le 7 février 2014 n'a pas opéré une nouvelle prorogation mais a suspendu le délai de péremption courant jusqu'au 4 juillet 2015 et compte tenu des différentes décisions de report de la vente et faute de vente par adjudication, cette suspension est toujours en cours". Partant, il a poursuvi en décidant que "la vente n'ayant à ce jour pas abouti, [le troisième créancier subrogé] est donc bien fondé à solliciter la prorogation des effets du commandement pour une nouvelle durée de deux ans commençant à courir à compter de la vente sur réitération des enchères et à l'expiration de la durée restant à courir à compter de la suspension".

Sur appel de cette décision, la formation spécialisée de la cour d'appel de Paris statuant le 19 mai 2016 (CA Paris, 19 mai 2016, Pôle 4, 8ème ch., n° 15/23028 N° Lexbase : A7392RPH), prend de front le vice rédactionnel de l'article R. 321-22. Comme que le soutient le débiteur saisi appelant, elle considère de façon cohérente que ce texte "contient [...] un seul cas de suspension, soit la mention en marge de la copie du commandement de payer publié d'une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d'exécution, et trois cas de prorogation de la durée de ces effets : la publication d'un jugement ordonnant soit la prorogation de ceux-ci, soit le report de la vente, soit la réitération des enchères". Pour elle "il convient d'observer que, dans les deux derniers cas, la procédure approche de son terme, la vente ayant été ordonnée. L'esprit du texte conduit donc à retenir que la durée de prorogation des effets du commandement s'étend jusqu'à la publication de la vente, aucun élément ne justifiant la limitation que souhaite lui donner [le débiteur saisi], étant observé qu'en matière de réitération des enchères, la date de la vente peut être reportée sans qu'une sanction soit encourue". Et la cour de conclure, "au cas d'espèce, la publication le 7 février 2014 du jugement du 5 décembre 2013 proroge les effets du commandement jusqu'à ce que la vente soit publiée. C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le commandement n'était pas périmé. Le jugement sera donc infirmé seulement en ce qu'il a ordonné la prorogation des effets du commandement au-delà de la publication de la vente, cette mesure étant inutile au regard des dispositions de l'article R. 321-20 précité".

L'argument on ne peut mieux développé par les juges de l'exécution parisiens du second degré ne convient guère au débiteur saisi qui entend que soit constaté ce qu'il désigne à tort la "caducité" du commandement qui grève ses biens et droits immobiliers, c'est-à-dire en réalité, sa péremption. L'argument ne convient pas plus à la Cour régulatrice qui, après avoir enfin donné son code d'accès à l'article R. 321-22 parce que l'occasion lui était présentée, considère que "le jugement ordonnant la réitération des enchères avait uniquement suspendu le cour du délai de péremption, depuis sa publication et jusqu'au 7 novembre 2013, prévue par l'adjudication, et que les renvois ultérieurement ordonnés, pour des motifs étrangers aux causes de report de l'adjudication prévues par les articles R. 322-19 (N° Lexbase : L2438ITH) et R. 322-28 (N° Lexbase : L6800LEL) du Code des procédures civiles d'exécution, étaient sans effet sur le cours de ce délai de péremption".

Partant de ce qui précède, et appliquant à l'espèce cette clé qu'il ne faut pas perdre, donnée par la Haute juridiction, ensemble les articles R. 321-20 et R. 321-22 du Code des procédures civiles d'exécution, publié le 7 juillet 2011, le commandement de payer valant saisie immobilière daté du 16 juin 2011 devait être virtuellement frappé de péremption deux années après, jour pour jour. Toutefois, la décision du juge de l'exécution du 4 juillet 2013, publiée le même jour, ayant décidé de sa prorogation, celle-ci s'est trouvée suspendue par la publication du jugement du 18 juillet 2013 fixant au 7 novembre de la même année la date de l'adjudication sur réitération des enchères, et jusqu'à cette date. Après, et le cas échéant, il appartiendra aux juges composant la cour de renvoi de sortir de nouveau leur almanach et peut-être même leur calculatrice car la suspension d'un délai n'est pas son interruption. A cette heure, le débiteur saisi a déjà dû faire le calcul du délai, si ce n'est le refaire encore.

La décision rapportée aura-t-elle pour directe conséquence d'éviter les demandes de prorogation plus ou moins intempestives que connaissaient de nombreuses juridictions du contentieux de l'exécution immobilière ? Il faut en former le voeu et les juges sauront le faire savoir. Aujourd'hui, et depuis ce 7 septembre, l'article R. 321-22 est lisible. Mieux, il est lisible et compréhensible. Donc applicable. Enfin...

newsid:460567

Internet

[Brèves] Identification électronique et services de confiance pour les transactions électroniques

Réf. : Ordonnance n° 2017-1426 du 4 octobre 2017, relative à l'identification électronique et aux services de confiance pour les transactions électroniques (N° Lexbase : L9404LGE)

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N0555BXT

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par Vincent Téchené

Le 12 Octobre 2017

Le I de l'article 86 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 ; pour une République numérique (N° Lexbase : L4795LAT), a introduit dans le Code des postes et des communications électroniques un nouvel article L. 136 (N° Lexbase : L4889LAC) prévoyant que la preuve de l'identité aux fins d'accéder à un service de communication au public en ligne peut être apportée par un moyen d'identification électronique. Les 1° et 2° du II de ce même article 86 ont quant à eux prévu deux habilitations autorisant le Gouvernement :
- d'une part à prendre toute mesure afin de "faciliter l'utilisation du processus d'identification électronique défini à l'article L. 136 du Code des postes et des communications électroniques(CPCE)" ;
- d'autre part à prendre toute mesure "relevant du domaine de la loi afin d'adapter le cadre juridique existant ayant pour objet ou se rapportant à l'identification électronique et aux services de confiance par voie électronique au regard des dispositions du Règlement "eIDAS" (Règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 N° Lexbase : L1237I4L).

Tel est l'objet d'une ordonnance publiée au Journal officiel du 5 octobre 2017 (ordonnance n° 2017-1426 du 4 octobre 2017, relative à l'identification électronique et aux services de confiance pour les transactions électroniques N° Lexbase : L9404LGE). L'article 1er transfère les actuels articles L. 136 et L. 137 (N° Lexbase : L4890LAD) du CPCE dans le titre Ier du livre III de ce code intitulé "Autres services", en les renumérotant respectivement articles L. 102 et L. 103. L'article 2 vient modifier l'actuel article L. 136, devenu L. 102, du même code. Il introduit une définition des notions d'"identification électronique" et de "moyen d'identification électronique", ces dernières n'étant pas définies par ailleurs dans le droit national. Afin d'avoir un cadre harmonisé avec le cadre européen, les définitions proposées sont reprises du Règlement "eIDAS". L'article 3 vient abroger un dispositif obsolète et non utilisé de validation des certificats électroniques prévu par l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005, relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives (N° Lexbase : L4696HDB).

newsid:460555

Procédure civile

[Brèves] Irrégularité d'une assignation délivrée au nom d'une personne décédée et d'une personne protégée : quid de la régularisation ?

Réf. : Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-21.499, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8473WTY)

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N0562BX4

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par Aziber Seïd Algadi

Le 12 Octobre 2017

Si l'irrégularité d'une assignation délivrée au nom d'une personne décédée, laquelle n'affecte pas la validité de l'acte à l'égard des autres parties au nom desquelles il a été également délivré, n'est pas susceptible d'être couverte, il n'en est pas ainsi de l'irrégularité d'une assignation délivrée au nom d'une personne protégée sans celui qui la représente ou l'assiste. Telle est la solution retenue par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 5 octobre 2017 (Cass. civ. 3, 5 octobre 2017, n° 16-21.499, FS-P+B+I N° Lexbase : A8473WTY).

En l'espèce, le tribunal paritaire des baux ruraux a été saisi par les consorts Y., propriétaires indivis d'une parcelle de terre donnée à bail rural à M. X. par leur auteur, M. A., d'une demande de résiliation du bail. M. X a opposé l'irrégularité de la saisine du tribunal au motif que deux des indivisaires étaient décédés et que deux autres étaient des majeurs protégés ayant agi, l'un non représenté par son tuteur, l'autre non assisté de son curateur. Pour rejeter cette exception de nullité, la cour d'appel (CA Reims, 1er juin 2016, n° 15/00056 N° Lexbase : A2944RRH) a retenu que, si les actes introductifs d'instance établis au nom de personnes décédées et de personnes dépourvues de capacité à agir étaient entachés d'une nullité de fond, insusceptible de régularisation, cette nullité n'atteignait pas la validité des actes introductifs des autres indivisaires, qui avaient justifié de leur capacité, et que les ayants droit des défunts et les représentants des majeurs protégés s'étaient, en intervenant à l'instance, associés à la demande de résiliation valablement formée par partie des membres de l'indivision, de sorte qu'au jour où le juge avait statué la demande de résiliation était soutenue par tous les indivisaires.

La décision est cassée par la Haute juridiction qui juge qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les représentants des indivisaires dépourvus de capacité à agir, lesquels sont intervenus volontairement en cours d'instance et se sont associés à la demande de résiliation, et les indivisaires capables étaient titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 815-3 du Code civil (N° Lexbase : L9932HN8) (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3732EUR et N° Lexbase : E9898ETR).

newsid:460562

Voies d'exécution

[Doctrine] Le tiers saisi dans la saisie-attribution de créances en droit OHADA (première partie)

Lecture: 15 min

N0429BX8

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par Jérémie Wambo, Avocat au barreau du Cameroun, Juriste Référendaire / CCJA - OHADA

Le 12 Octobre 2017

L'article 156 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AUPSRVE) (N° Lexbase : L0546LGC) traite du rôle, au demeurant central, que doit jouer le tiers saisi dans cette mesure d'exécution forcée, ou mieux, détermine l'attitude qu'il est appelé à adopter à l'occasion de la saisie-attribution, ainsi que les sanctions applicables en cas de défaillance. En effet, aux termes de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé : "le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives. Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou au plus tard, dans les cinq jours si l'acte n'est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d'une condamnation au paiement de dommages-intérêts". La pertinence de cette disposition réside dans le fait que la mesure ne peut pas être menée jusqu'à son terme, ou produire le résultat escompté si la tierce personne, le détenteur des sommes appartenant au débiteur, n'apporte pas son concours, en toute bonne foi. Le tiers saisi est, en effet, tenu d'apporter son concours aux mesures d'exécution lorsqu'il en est légalement requis, toute défaillance de sa part pouvant aussi bien entraîner des conséquences fâcheuses pour le saisissant ou le saisi qu'engager sa responsabilité personnelle. C'est ainsi que, de son attitude, dépendra ou non la poursuite de l'opération de saisie. D'où son importance. On peut dès lors s'interroger sur l'étendue des obligations du tiers saisi (I) et les sanctions attachées à la violation desdites obligations (II) (cf. sur la deuxième partie N° Lexbase : N0430BX9). I - Les obligations du tiers saisi dans la saisie attribution de créances

Les obligations du tiers saisi s'entendant de sa contribution ou plutôt de sa coopération pour le bon déroulement des opérations de saisie, cette coopération est matérialisée par les déclarations qu'il est appelé à faire à l'occasion de la saisie, notamment les renseignements qu'il fournit à l'huissier instrumentaire, dans le but de permettre au créancier saisissant de donner à la saisie opérée une suite appropriée. Ces déclarations, qui sont obligatoirement accompagnées de pièces justificatives, sont déterminantes pour les suites réservées à la saisie, lesquelles suites dépendront du contenu des déclarations (A) et du moment où elles interviennent (B).

A - Le contenu des déclarations

La déclaration est la réponse donnée par le tiers saisi à l'huissier instrumentaire qui lui notifie l'acte de saisie. En réalité, cette déclaration ne recouvrira tout son sens que si elle émane du tiers saisi, détenteur des sommes appartenant au débiteur saisi (2) ; d'où la nécessité d'éclaircir la notion même de tiers saisi (1).

1 - La notion de tiers saisi

Le tiers saisi, au sens de l'article 156 de l'AUPSRVE, doit s'entendre d'une personne tierce à l'égard du débiteur saisi (1.1), mais qui est débitrice de ce dernier (1.2).

1.1 - Le tiers saisi doit être un tiers à l'égard du saisi

La notion de tiers, ici, s'entend de quelqu'un qui est étranger à la relation entre le créancier et le débiteur. En revanche, il doit exister une relation de droit entre le débiteur saisi et le tiers qui détient pour son compte. Pour la Cour de cassation française en effet, le tiers saisi est une personne qui "se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure [...] pratiquée impose des obligations" (1).

Le lien de droit, ici, exclut les notions de subordination et de dépendance. Ainsi, une caissière ou un gérant salarié du débiteur saisi ne saurait avoir la qualité de tiers saisi faute de pouvoir disposer à sa guise des sommes entre ses mains. De même, un banquier louant par exemple un coffre-fort à un client ne peut être tiers saisi dans une saisie-attribution contre celui-ci, car il n'est pas son débiteur, mais son bailleur (2).

Il convient de relever par ailleurs que peuvent se retrouver chez la même personne les qualités de débiteur saisi et de tiers saisi. C'est notamment le cas du représentant légal d'un incapable qui le représente en tant que débiteur saisi, mais est tiers saisi à titre personnel. De même, il a été jugé qu'un liquidateur amiable désigné est, non seulement représentant légal du débiteur saisi, mais a également la qualité de tiers saisi et peut être condamné au paiement des causes de la saisie (3). Mais, il faut que le tiers saisi détienne des sommes pour le compte du saisi.

1.2 - Le tiers saisi doit être le débiteur du saisi

La qualité de tiers saisi ne découlera pas simplement de la relation établie entre celui-ci et le débiteur saisi. Un auteur indiquait déjà que "la condition sine qua non pour qu'on puisse parler de tiers saisi, c'est la réalité d'une créance du débiteur saisi sur un tiers [...]" (4).

En effet, pour la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, l'article 156 sus évoqué s'applique "exclusivement au tiers saisi, terme désignant la personne qui détient des sommes d'argent dues au débiteur saisi en vertu d'un pouvoir propre et indépendant, même si elle les détient pour le compte d'autrui" (5).

Ainsi, le tiers entre les mains de qui est effectuée une saisie et qui ne détient aucune somme pour le compte du saisi, ne saurait être tiers saisi et condamné en cette qualité pour déclaration tardive : "[...] mais attendu que la cour d'appel, en décidant qu'en l'absence de fond appartenant à M. H. dans les livres du Trésor Public selon les indications du Trésorier général dans sa lettre du 19 mars 2007 prive celui-ci de la qualité de tiers saisi et ne peut par conséquent l'exposer en cas de déclarations tardives ou inexactes sur l'étendue de ses obligations à l'égard du saisi, a donné une base légale à sa décision [...]" (6).

Cependant, la détention des sommes ne peut pas se présumer. Elle doit être prouvée et la charge de la preuve incombe au créancier saisissant qui doit, dès lors, être débouté s'il ne rapportait pas ladite preuve : "[...] attendu que sieur B. déclare lui-même 'qu'il est constant en effet que le Port ne peut nier avoir opéré des ponctions sur les paiements faits au Groupement pour le remboursement de la créance de la Banque mondiale et du Trésor public, créance née de l'avance de démarrage des travaux que ceux-ci ont faite au Groupement... ; qu'il est également constant qu'au titre de ces retenues d'avances de démarrage des travaux, le Port a reconnu avoir déduit l'intégralité des avances...pour rembourser la dette du Groupement' ; que ces aveux prouvent à suffisance que le Port ne détenait pas pour le compte du Gold 2000, mais pour des créanciers super-privilégiés que sont le Trésor public et la Banque mondiale ; qu'en outre, d'une part, en reprochant à l'arrêt attaqué le manque de base légale, alors que la cour d'appel d'Abidjan a fondé souverainement sa décision sur des éléments de fait caractérisant le défaut de preuves de la qualité de tiers saisi du Port Autonome de San Pedro, d'autre part, en soutenant par ce moyen unique et vague, que 'la cour d'appel a violé la loi' sans préciser les dispositions légales qui auraient été ainsi violées, il y a lieu de retenir que la cour d'appel d'Abidjan, en statuant comme elle l'a fait, a fait une saine interprétation des dispositions de l'Acte uniforme susvisé" (7). Cette position est également celle constante de la Cour de cassation française ces dernières années (8).

En réalité, le créancier saisissant, qui dispose souvent de très peu d'informations sur les créances de son débiteur, se trouve toujours obligé, s'il veut augmenter la probabilité de réussite de ses opérations de saisie, de les multiplier en les diversifiant et en les orientant vers toute personne susceptible d'être redevable à l'égard de ce dernier, à quelque titre que ce soit. Très souvent, ce choix des tiers saisis probables est orienté, entre autres, aussi bien par la nature des activités du débiteur que par les modes de règlement auxquels il a souvent recouru pour désintéresser ses cocontractants : règlement par chèque de banque, chèque de coopérative ou chèque postal etc. D'où l'importance de la déclaration du tiers saisi, seule susceptible de sceller le sort des saisies opérées.

2 - Les déclarations du tiers saisi

Aux termes de l'article 156 de l'AUPSRVE, le tiers saisi doit non seulement faire des déclarations à l'occasion de la saisie opérée entre ses mains (2.1), mais il doit également communiquer les pièces justificatives desdites déclarations (2.2).

2.1 - Les déclarations proprement dites

Le texte ci-dessus cité précise que le tiers saisi est tenu de déclarer l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter. En effet, il doit répondre à l'huissier instrumentaire de manière suffisamment précise pour permettre au créancier saisissant de savoir quel sort est réservé à sa saisie. La jurisprudence exige que cette déclaration soit faite exclusivement à l'huissier instrumentaire, comme le prescrit la loi : "que toutefois, la déclaration qu'elle a faite au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou n'a pas respecté les forme et délai requis en ce, d'une part elle n'a pas été faite à l'huissier ou à l'agent d'exécution mais au greffe [...]" (9).

C'est ainsi que le tiers saisi a l'obligation d'indiquer par exemple le montant des sommes qu'il doit au saisi, en principal et intérêts. Il doit préciser si la créance est affectée d'un terme ou d'une condition, si elle est indisponible (10), par exemple en raison des cessions de créances, délégations et saisies antérieures. Il y a, en outre, indisponibilité de la créance lorsqu'un juge d'instruction a interdit au tiers saisi de se libérer des fonds saisis, une telle décision s'imposant à toutes les parties et constituant un obstacle à tout paiement (11).

Lorsque la saisie est opérée entre les mains d'un banquier, ce dernier doit indiquer le solde du ou des comptes ouverts par le saisi, ainsi que leur nature. Il doit, en outre, préciser s'il existe une convention de fusion de compte ou de compensation. Ainsi, ne commet aucune faute le banquier qui, accomplissant son devoir de renseignement vis-à-vis du saisissant, déclare le solde unique de l'ensemble des comptes du débiteur saisi, en vertu d'une convention de fusion : "en statuant ainsi, alors qu'une banque n'est tenue d'indiquer au créancier saisissant de l'un de ses clients que le solde unique résultant de l'application d'une stipulation d'unicité ou de fusion des divers comptes ouverts au nom de ce client, la cour d'appel violé les textes susvisés" (12).

En outre, le tiers saisi ne peut se soustraire à son obligation s'il ne justifie pas d'un motif légitime. Le banquier ne saurait par exemple refuser, sans engager sa responsabilité, de répondre au saisissant sous prétexte qu'il ne fournit pas les références bancaires précises des comptes du saisi (13), dès lors que le saisissant, de par les actes notifiés, lui donne suffisamment d'éléments lui permettant d'identifier la personne du saisi dans ses livres. C'est pour cette raison que l'acte de saisie doit contenir, entre autres, à peine de nullité, "l'indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s'il s'agit de personne morale, de leur forme, dénomination et siège social" (14). Cependant, les renseignements ci-dessus ne peuvent être crédibles et conformes aux exigences légales que s'ils sont étayés par des documents que le tiers saisi est tenu de communiquer au saisissant.

2. 2 - La communication des pièces justificatives des déclarations

La communication des pièces justificatives des déclarations du tiers saisi n'est ni une option, ni une faculté pour ce dernier. Il s'agit d'une obligation dont la violation est sanctionnée.

Ainsi, le tiers saisi doit fournir au saisissant tous les éléments à sa disposition permettant de connaître l'étendue de ses obligations à l'égard de celui-ci. C'est le cas du banquier qui, non seulement doit justifier l'existence des différents comptes de son client à l'appui du ou des soldes excipés, mais doit également prouver, le cas échéant, la convention de fusion entre lesdits comptes, prouver l'existence du compte courant par une convention d'ouverture dudit compte etc.. De même, en cas de saisie entre les mains d'une société au préjudice d'un associé ou d'un actionnaire, cette société se doit de fournir au saisissant les documents, statuts et autres éléments permettant d'établir la situation financière du saisi (modalités de répartition des dividendes et rémunérations diverses).

Le défaut de communication de pièces justificatives des déclarations est autant répréhensible que le défaut de déclaration. Une déclaration, de surcroît affirmative, qui n'est pas étayée par des pièces justificatives est incomplète et encourt sanction.

Les déclarations et communications ci-dessus explicitées doivent intervenir à l'occasion de la notification de la saisie au tiers saisi.

B - Le moment de la déclaration et de la communication des pièces justificatives par le tiers saisi

L'article 156 de l'AUPSRVE précise en son alinéa 2 que "ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l'acte n'est pas signifié à personne". Il en découle que, selon le cas, le tiers saisi peut être appelé à exécuter son obligation de renseignement immédiatement à la réception de l'acte de saisie (1), ou à différer sa déclaration et la faire dans un délai n'excédant pas cinq jours (2).

1 - Les déclaration et communication faites sur le champ

Aux termes du texte susvisé, les renseignements et les documents qui les accompagnent doivent être communiqués sur le champ à l'huissier instrumentaire, au moment de la signification de l'acte de saisie, lorsque cette signification est faite à la personne même du tiers saisi. Cette exigence a pour but essentiel de prévenir une collusion frauduleuse entre le débiteur du saisissant et le tiers saisi, les deux pouvant s'entendre pour saborder la saisie. Par ailleurs, elle permet au saisissant d'être rapidement fixé sur le sort de la saisie, et ainsi d'apprécier l'opportunité de la poursuite ou non de l'opération.

La jurisprudence interprète assez rigoureusement cette disposition et tire constamment les conséquences de toute déclaration tardive, dès lors que l'acte de saisie a été remis à la personne même du débiteur saisi qui plutôt que de répondre à l'instant a déclaré "nous aviserons dans le délai" (15). Ce qui n'est pas conforme à la lettre du texte de l'article 156.

La Cour s'est fait le devoir de rappeler dans une espèce "qu'en remettant à plus tard la déclaration, alors qu'en tant que tiers saisi la CBT était tenue de la faire sur le champ à l'huissier instrumentaire, le service juridique agissant au nom de la CBT dont il est un organe n'a pas obéi aux prescriptions de l'article 156 alinéa 2 sus-énoncées" (16). Une jurisprudence déduit même du défaut de déclaration dans le délai un préjudice subi par le saisissant qui n'a, de ce fait, pas poursuivi en connaissance de cause la saisie : "[...] que cette non déclaration dans le délai imparti par l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé, ayant empêché la société S. de poursuivre en toute connaissance de cause la saisie-attribution engagée, a causé un préjudice certain à la créancière poursuivante [...]".

Pour la CCJA en effet, ne viole pas l'article 156 de l'AUPSRVE la cour d'appel qui condamne au paiement des causes de la saisie-attribution le tiers saisi qui, non seulement ne fait pas sa déclaration sur le champ, mais également ne fournit pas les justificatifs du gage excipé sur le compte objet de la saisie : "[...] que, d'une part, il résulte des mentions de l'arrêt déféré que pour retenir que la déclaration de la SGBCI est fautive, la cour d'appel a énoncé 'qu'il ressort de l'examen de l'acte de saisie-attribution de créance en cause daté du 17 juillet 2009 que la déclaration de la SGBCI est intervenue le 21 juillet 2009 et ne donne aucune précision des gages allégués ni des pièces justificatives ; qu'il s'ensuit manifestement que non seulement cette déclaration qui n'est pas intervenue sur le champ est tardive, mais également incomplète' ; qu'il ne résulte pas de ces motifs que le juge d'appel a déduit de l'inopposabilité des gages litigieux à la CNPS que la déclaration de la SGBCI était inexacte, incomplète ou tardive, comme le soutient la SGBCI ; attendu, d'autre part, que c'est à bon droit que la cour d'appel, constatant le défaut de communication de toute pièce relative aux gages évoqués par la banque, a estimé la déclaration de celle-ci non conforme aux exigences de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a violé en rien les dispositions du texte invoqué" (18).

La Cour martèle dans une espèce où une partie soutenait que le défaut de communication des pièces justificatives n'est pas assorti de sanction, que ce manquement est autant sanctionné que le défaut de communication de renseignements : "[...] contrairement aux énonciations de l'arrêt déféré relativement à un distinguo, la déclaration de l'étendue de ses obligations par le tiers saisi va de pair avec les modalités qui pourraient affecter ces obligations, modalités qui, elles-mêmes, doivent être justifiées par la production immédiate des pièces ; qu'en l'occurrence la SGBCI, en faisant état d'un gage à son profit sans communication sur-le-champ du document y relatif, a fait une déclaration incomplète tombant sous le coup de la sanction portée à l'article 156 visé ; qu'il y a lieu de casser l'arrêt susvisé et d'évoquer [...]" (19).

Il en découle que le tiers saisi qui reçoit personnellement signification de l'acte de saisi ne saurait différer la déclaration visée par la loi sans engager sa responsabilité, à moins de justifier de circonstances particulières l'ayant empêché de faire dans le délai imparti quelque déclaration qui soit utile.

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence apprécie si le motif évoqué par le tiers saisi pour justifier la violation de l'obligation légale est légitime : "mais attendu que l'arrêt relève que le marché à forfait conclu avec M. X, entrepreneur, pour la construction de la maison individuelle de M. Y, avait subi des retards et était partiellement inexécuté du fait de l'entrepreneur, en sorte qu'une récapitulation des comptes était nécessaire, laquelle ne pouvait être immédiatement faite, sans un avis éclairé sur les droits respectifs des parties au contrat de construction, par le tiers saisi dépourvu, en l'espèce, de connaissance juridique particulière" (20).

Dès lors, toute déclaration qui n'est pas faite sur le champ par le tiers saisi qui a reçu personnellement signification de l'acte de saisie est tardive et est susceptible d'être sanctionnée. La jurisprudence considère le retard comme équivalent à un refus de renseignement, même si le retard observé est bref ou léger : "le tiers saisi doit être condamné au paiement des causes de la saisie dès lors qu'il n'a communiqué les renseignements sollicités que le lendemain du passage de l'huissier et ce sans motif légitime justifiant un tel retard" (21). Il en est ainsi également pour le banquier tiers saisi qui, consécutivement à une saisie conservatoire pratiquée entre ses mains, s'abstient de révéler tous les comptes de son client débiteur saisi, pour ne le faire que plus tard à la suite d'une sommation interpellative du saisissant, fait des déclarations mensongères l'exposant au paiement des dommages-intérêts "[...] la cour d'appel qui a déduit qu'en ne révélant pas l'existence de tous les comptes que M. B. possède dans ses livres, la SGBCI a fait des déclarations mensongères l'exposant au paiement de dommages-intérêts, a fait une juste application de la loi" (22). A contrario, une décision de la Cour de cassation française admet qu'un dysfonctionnement technique ou informatique du système bancaire perturbant la tenue des comptes peut justifier le différé de la déclaration du tiers saisi (23), ou qu'un acte de saisie-attribution remis par un clerc d'huissier sans que l'huissier lui-même interpelle le tiers saisi, peut justifier une réponse différée par courrier dans un délai raisonnable (24). Cependant, le tiers saisi qui n'a pas reçu personnellement l'acte, dispose de cinq jours pour faire la déclaration prescrite par la loi.

2 - La déclaration différée

Lorsque l'acte de saisie a été reçu par une personne autre que le tiers saisi, mais pour son compte es qualité de représentant, le tiers saisi dispose de cinq jours à compter de cette signification pour faire sa déclaration. Cette disposition est compréhensible et logique, dans la mesure où une personne autre que le destinataire de l'acte ne peut disposer ni de renseignements, ni de documents à fournir au saisissant en lieu et place dudit destinataire.

On peut cependant redouter que, dans l'intervalle, il n'y ait une collusion frauduleuse avec le débiteur saisi qui, en vertu de ses rapports avec le tiers saisi, est aussitôt informé de la saisie effectuée sur son ou ses comptes. Il n'est d'ailleurs pas rare que le tiers saisi de manière informelle (surtout lorsqu'il s'agit d'une banque), prenne des dispositions pour joindre son client et convenir avec lui de la conduite à tenir, généralement lorsque ce client est si important pour lui que sa présence dans le portefeuille de la banque, influence considérablement son chiffre d'affaires. Ainsi, pour ne pas compromettre certaines opérations en cours de son client ou lui causer quelque désagrément, le banquier tiers saisi, avant de faire sa déclaration à l'huissier, s'assure qu'il est en phase avec lui.

Par ailleurs, on peut raisonnablement se poser la question de savoir si certaines déclarations ne méritent pas d'être différées, indépendamment de toute considération, pour permettre au saisissant de disposer de réponses utiles. Ainsi par exemple, une saisie-attribution pratiquée au siège social d'une banque au préjudice d'un débiteur client de ladite banque, mais dont le compte est plutôt en agence. Il n'est pas aisé pour le tiers saisi dans ces conditions de faire de déclaration sur le champ, encore moins de communiquer immédiatement les pièces justificatives, sans un minimum de vérifications qui peuvent prendre un petit laps de temps.

Cette question mérite d'être posée dans la mesure où une jurisprudence invalide une saisie-attribution pratiquée dans une agence d'une banque, laquelle agence ne détenait aucun compte au nom du débiteur, en précisant que la théorie des gares principales ne peut pas s'appliquer (25). La Cour de cassation française ne faisait-elle pas déjà observer que l'exigence de réponse sur le champ est "irréaliste si la signification de l'acte n'a pas été faite entre les mains du destinataire ou du possesseur de renseignements" (26). Quoi qu'il en soit, l'article 156 sanctionne les déclarations aussi bien tardives, incomplètes qu'inexactes.


(1) Cass. avis, 24 janvier 1994, n° 09-30.020 (N° Lexbase : A7841CIA), Bull. civ. n° 4.
(2) M. Donnier et J.-B. Donnier, Voies d'exécution et procédures de distribution, 6ème éd., p. 196.
(3) Cass. civ. 2, 10 novembre 2010, n° 09-71.609, F-P+B (N° Lexbase : A9079GGD ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8446E8C).
(4) B. Diallo, note sous CCJA, 27 janvier 2005, n° 09/2005, Jurifis Info n° 2.
(5) CCJA, 27 Janvier 2005, n° 009/2005, précité, Recueil de jurisprudence CCJA n° 5, vol. 1, p. 7 ; voir dans le même sens : CCJA, 30 janvier 2014, n° 003/2014 (N° Lexbase : A7015WQU), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 21 janvier - juin 2014, vol. 1, p. 195 ; CCJA, 25 avril 2014, n° 062/2014 (N° Lexbase : A8359WQN), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 21, p. 246 ; CCJA, 25 avril 2014, n° 071/2014 (N° Lexbase : A8368WQY), Recueil de jurisprudence CCJA n° 21, p. 252.
(6) CCJA, 8 décembre 2011, n° 040/2011 (N° Lexbase : A3656WQH), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 17, p. 93.
(7) CCJA, 26 novembre 2015, n°153/2015, inédit.
(8) Cass. civ. 2, 10 février 2011, n° 10-30.008, F-P+B (N° Lexbase : A7387GWI).
(9) CCJA, 7 avril 2005, n° 027/2005, Recueil de jurisprudence CCJA, n° 5, p. 78 et ss.
(10) L'indisponibilité de la créance saisie peut aussi résulter de ce que l'ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire qui a servi de base à la saisie est frappée d'opposition dans l'intervalle, opposition dûment notifiée au tiers saisi.
(11) Cass. civ. 2, 21 janvier 2010, n° 08-20.810, F-P+B (N° Lexbase : A4648EQ9).
(12) Cass. civ. 2, 5 juillet 2000, n° 97-22.287 (N° Lexbase : A9083AGI), Bull. civ II, n° 113.
(13) "Ne se prévaut pas d'un motif légitime l'établissement de crédit tiers saisi qui refuse de communiquer à l'huissier le solde des comptes de son client au motif qu'il ne lui était pas donné le libellé et le numéro d'identification de chacun d'eux" TGI, Cherbourg, 8 Décembre 1993, D., 1994, J, 291, note R. Martin.
(14) AUPSRVE, art. 157.
(15) CCJA, 6 avril 2009, n° 015/2009, Recueil de Jurisprudence CCJA n° 13, p.58.
(16) CCJA, arrêt n° 015 précité.
(17) CCJA, 29 juin 2006, n° 013, Recueil de Jurisprudence CCJA n° 7, p. 74.
(18) CCJA, 11 février 2016, n° 015/2016, inédit.
(19) CCJA, 2 avril 2015, n° 017/2015 (N° Lexbase : A4891WGA), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 23, vol.1, p. 205 et s.
(20) Cass. civ. 2, 28 janvier 1998, n° 95-18.340 (N° Lexbase : A5077ACZ), D., 1998, inf. rap., p. 78.
(21) Cass. civ. 2, 2 avril 1997, n° 95-13.567 (N° Lexbase : A0424ACP), Bull. civ II, n° 107.
(22) CCJA, 22 mars 2012, n° 032/2012 (N° Lexbase : A3684WQI), Recueil de jurisprudence, CCJA, n°18, p.157
(23) CA Paris, 18 novembre 1999. Voir, cependant, en sens contraire, CA Chambéry, 8 Janvier 2002, Revue de Droit Bancaire et Financier 2002, n° 73.
(24) CA de Paris, 25 mai 2000.
(25) CA de Douai, 18 novembre 1993, Revue des Huissiers 1994, 205.
(26) Rapport annuel de la Cour de cassation, 1999, p. 33.

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