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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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par Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public
Le 07 Octobre 2010
Il s'agit ici de comprendre pourquoi, aujourd'hui, il existe des limites quant au déroulement de carrière d'un agent public non titulaire.
1. Quel est le système de fonction publique qui permet de gérer les agents contractuels ?
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Un système de fonction publique fondateur d'un "statut" des agents non titulaires
Les fonctionnaires se situent dans un système de fonction publique de carrière (garantie d'emploi, mobilité possible, vocation à un déroulement de carrière) qui met l'accent sur l'individu dès lors qu'il leur garantit un certain nombre de droits.
Dans le cas des agents non titulaires, le système est totalement différent puisqu'il n'est pas focalisé sur l'agent, mais sur l'emploi. En effet, il suffit d'évoquer le cas de la suppression d'emploi : le fonctionnaire dont le poste est supprimé est nécessairement reclassé ; pour l'agent non titulaire, la seule issue possible est le licenciement. De même, si l'on se réfère au mode de recrutement : par la voie du concours, mode de recrutement de principe dans la fonction publique, il est reconnu au fonctionnaire un certain nombre d'aptitudes à remplir une fonction dévolue au sein du cadre d'emploi ou du corps. En revanche, lors du recrutement d'un agent non titulaire, la collectivité publique recherche l'aptitude à remplir directement la fonction, le poste qu'elle lui propose.
Il y a donc bien un système statutaire pour les agents non titulaires, qui découle d'un mécanisme connu (répandu, notamment, dans tous les pays anglo-saxons), celui d'un système statutaire d'emploi.
Contrairement au système de carrière, le système statutaire d'emploi n'organise pas un déroulement automatique de la carrière. En effet, à cet égard, le ministre de la Fonction publique indiquait, récemment, que "la possibilité ouverte par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, de reconduire le contrat pour une durée indéterminée au-delà d'une période d'emploi en CDD de six ans n'implique pas la mise en oeuvre à l'adresse des agents en CDI d'un déroulement automatique de carrière à l'instar de celle existant pour les fonctionnaires" (Rép. Min. n° 84109, JOANQ, 28 mars 2006 p. 3423 [LXB=]). Dans sa réponse, il rappelle également que "l'avis du Conseil d'Etat du 30 janvier 1997 aux termes duquel 'aucun principe général du droit imposant de faire bénéficier les agents non titulaires de règles équivalentes à celles applicables aux fonctionnaires' reste pertinent. Au surplus, dans ce même avis, la Haute Assemblée rappelait 'qu'aucun principe n'impose au Gouvernement de fixer, par voie réglementaire, toutes les conditions de rémunération d'agents contractuels ainsi que les règles d'évolution de ces rémunérations'".
Le seul point d'accroche pour organiser, alors, un éventuel déroulement de carrière, se situe au niveau du lien existant entre l'agent et son employeur, le lien contractuel (par opposition au lien unilatéral). C'est sur cet acte d'engagement que l'on va pouvoir trouver les éléments d'un éventuel déroulement de carrière.
2. La question des clauses contractuelles substantielles
Les éléments de définition découlent de la jurisprudence. Il en ressort que la clause substantielle est une clause qui ne peut être imposée unilatéralement à l'agent. Du moins, si elle l'est, le refus de l'agent sera considéré comme un licenciement.
Le décret n° 88-145 du 15 février 1988, relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale N° Lexbase : L1035G8T), en son article 3, dispose que "l'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du 26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi [fondement juridique]. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin [durée d'engagement] et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi. Il indique les droits et obligations de l'agent".
Les dispositions sont similaires dans la fonction publique d'Etat (décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, article 4 N° Lexbase : L1030G8N), et dans la fonction publique hospitalière (décret n° 91-155 du 6 février 1991, article 4 N° Lexbase : L1061G8S).
Sans dresser une liste des éléments qui feront nécessairement l'objet d'une clause substantielle, on peut évoquer ceux qui, de par la jurisprudence, revêtent une importance substantielle.
Il s'agit, donc, du fondement juridique du contrat (article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale N° Lexbase : L7448AGX ; article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 pour la fonction publique d'Etat N° Lexbase : L7077AG9 ; ou article 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 pour la fonction publique hospitalière N° Lexbase : L8100AG4), de la durée d'engagement, de la définition du poste et des conditions d'emploi (taux d'emploi, rémunération, lieu géographique...).
Au regard de ce type de clauses, il conviendra de s'interroger sur l'existence d'un éventuel bouleversement économique du contrat.
3. Le bouleversement économique du contrat
A partir de quel moment la modification en cours de contrat est telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat initial ? Autrement dit, quand faut-il constater un bouleversement économique du contrat ? Le juge administratif considère que si la modification bouleverse l'économie de l'acte d'engagement initial, il convient de requalifier l'acte initial et sa modification, en nouvel acte d'engagement : il constate la rupture du contrat initial et l'obligation de recontractualiser.
Exemples de changements significatifs :
- hausse de la rémunération de plus de 50 % (CE Contentieux, 25 novembre 1998, n ° 151067, Préfet de Corse c/ M. Cianfarani N° Lexbase : A8996ASY). Dans cette affaire, Monsieur C. avait été recruté par contrat comme agent administratif par l'Etablissement public régional Corse. Sa rémunération, résultant d'un avenant, était fixée à l'indice brut 597, assortie d'une indemnité forfaitaire mensuelle représentative de frais d'un montant de 3 000 F (soit environ 450 euros). Elle avait été portée, par un avenant contesté, à la somme annuelle de 203 503 F (soit 30 000 euros), assortie d'une prime indemnitaire annuelle brute de 49 960 F (près de 7 500 euros), cette rémunération équivalant à l'indice brut 837 correspondant à des fonctions d'administrateur territorial. Le Conseil d'Etat considère, alors, "qu'eu égard à l'importance de l'augmentation de rémunération prévue par l'avenant contesté au contrat d'engagement de M. C. dont les fonctions étaient alors celles de chef du service des affaires financières de la région, une telle modification doit être regardée comme un nouveau contrat dont la conclusion était soumise aux dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 combinées à celles de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des conditions requises par ces dispositions aient été respectées lors de la conclusion de l'avenant litigieux" ;
- changement d'emploi (au sens de poste de travail : exemple d'un chef de cabinet qui passe directeur des affaires sociales ou culturelles, cf. infra) ;
- passage d'un temps partiel à temps complet...
Dans toutes ces hypothèses, dès lors que le juge relève un bouleversement économique du contrat, il estime que les parties ne se trouvent plus dans le cadre de la poursuite du contrat initial ; il faut donc constater la rupture du contrat, c'est-à-dire le licenciement. Il y a alors obligation de recontractualiser dans le respect de toutes les règles de recrutement d'un agent non titulaire (conditions et motifs très restrictifs : nature des fonctions qui le justifient et absence de cadre d'emplois ou de corps). A défaut, la collectivité publique déroge à toutes les règles générales de recrutement dans la fonction publique.
En effet, rappelons que, contrairement à un fonctionnaire qui est recruté dans un corps ou un cadre d'emplois, l'agent contractuel est recruté sur des fonctions précises.
A partir de ces éléments de réflexion, on peut exposer les axes du déroulement de carrière d'un agent public non titulaire.
II. Les axes du déroulement de carrière
Par déroulement de carrière, on entend modalités d'avancement, de promotion, de changement de rémunération, etc. Nous nous cantonnerons, ici, à évoquer l'évolution des fonctions et de la rémunération.
1. L'évolution des fonctions
Comme indiqué précédemment, tant qu'il n'y a pas de "bouleversement économique du contrat", une évolution des fonctions reste possible. Par exemple, il ressort d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qu'une modification des fonctions peut avoir lieu en cours de contrat, à partir du moment où ces modifications découlent d'une exécution logique du contrat initial (en l'espèce, le contrat confiait à un agent les fonctions de coordonnateur de la sécurité ; le maire de Colmar, par une note de service, avait précisé que l'intéressé était chargé de la gestion administrative du service de la police municipale) (CAA Nancy, 3 mars 2005, n° 01NC00859, Union syndicale professionnelle des policiers municipaux N° Lexbase : A8765DPC).
Autrement dit, sans devoir signer un nouveau contrat, de nouvelles fonctions peuvent être confiées à l'agent si celles-ci découlent ipso facto du poste.
La cour administrative d'appel de Bordeaux fournit un autre exemple d'évolution de fonctions non significative. Elle considère que si les fonctions comptables confiées à l'intéressé entraînaient une nouvelle répartition de ses tâches, elles n'avaient pas eu pour effet de lui ôter ses attributions de spécialiste du financement du logement social ni de le mettre dans l'impossibilité d'assurer correctement les obligations liées à sa qualification. Il n'était donc pas fondé à invoquer une modification substantielle et unilatérale de son contrat de recrutement à l'initiative de l'office, qui l'aurait empêché d'exercer ses fonctions dans des conditions satisfaisantes (CAA Bordeaux, 2ème ch., 3 février 1997, n° 95BX00835, M. Alain Bend N° Lexbase : A9313BDB).
De même, dans une affaire où un agent avait été recruté comme programmeur informatique par la Région d'Ile de France, et s'était vu confier des fonctions d'analyste par un avenant qu'il contestait, la cour administrative d'appel de Paris a considéré qu'eu égard, notamment, à la faible ampleur de ce changement de fonction induite par l'avenant contesté au contrat d'engagement, de telles modifications ne pouvaient être regardées comme nécessitant la passation d'un nouveau contrat (CAA Paris, 4ème ch, 18 janvier 2005, n° 02PA01686, Région Ile de France N° Lexbase : A0304DHQ).
En revanche, une modification des fonctions telle qu'elle entraîne un bouleversement économique du contrat fera l'objet d'une requalification en nouveau contrat (CAA Lyon, 3ème ch., 8 février 1999, n° 95LY02421, Département des Alpes-maritimes N° Lexbase : A9736BEC). Dans cette affaire, il s'agissait d'un agent occupant d'abord les fonctions de chef de cabinet du directeur des services départementaux, puis qui avait été nommé adjoint au directeur de l'éducation, de la culture et des sports, et, enfin, qui avait été nommé sur un emploi de directeur des relations publiques, lui accordant, alors, le bénéfice du régime indemnitaire des administrateurs territoriaux. Eu égard à l'augmentation de rémunération résultant du bénéfice de ce régime indemnitaire, ajouté au fait que l'emploi de directeur des relations publiques correspond à un niveau hiérarchique supérieur à celui des emplois jusqu'alors occupés par l'agent en cause, la cour administrative d'appel considère que l'avenant litigieux devait être regardé non comme une simple modification du contrat initial mais comme un nouveau contrat, lequel était soumis aux dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 combinées avec celles de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. Le contrat, qui n'a pas été conclu pour une durée déterminée, méconnaît ces dispositions. L'avenant est annulé.
En résumé, la personne publique peut modifier par voie d'avenant les fonctions d'un agent en CDI, si ses nouvelles attributions rentrent dans la logique de la poursuite du contrat initial (la justification pouvant être liée à une évolution réglementaire, technique du métier). En revanche, si les modifications bouleversent l'économie du contrat, il ne s'agit plus d'un déroulement de carrière, mais d'une rupture du contrat initial, faisant naître l'obligation de renouveler les procédures de recrutement sur un nouveau contrat.
2. L'évolution de la rémunération
Rappelons que dans le système d'emploi des agents non titulaires, il ne peut pas y avoir de mécanisme automatique de déroulement de carrière.
Un arrêt du Conseil d'Etat, en date du 30 juin 1993, en donne une illustration au regard de la rémunération. Dans cette affaire, une commune avait institué, par délibération du conseil municipal, la possibilité de faire évoluer la carrière des agents non titulaires en répartissant les emplois occupés par ces agents dans six catégories, qualifiées d'échelles ou de groupes. Chacune de ces catégories comportait un nombre variable d'échelons, de dix à quatorze, affectés d'indices de rémunération. La commune instaurait, de ce fait, un système de quasi-avancement d'échelon, quasi-avancement de grade. Cette délibération a été annulée par la Haute juridiction administrative (CE Contentieux, 30 juin 1993, n° 120658, Préfet de la région Martinique c/ commune du Robert N° Lexbase : A9881AMW).
Il n'est donc pas possible de mettre en place un système de déroulement de carrière équivalent à celui des fonctionnaires (cf. réponse ministérielle du 28 mars 2006 précitée).
En revanche, la clause contractuelle d'évolution de salaire paraît s'imposer à l'administration.
En effet, dans un arrêt du 10 juillet 1992, le Conseil d'Etat reconnaît que la clause d'évolution de salaire incluse dans le contrat s'impose à l'administration (CE Contentieux, 10 juillet 1992, n° 86640, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c/ Mme Ducasse N° Lexbase : A7398ARG). En l'espèce, les contrats d'engagement conclus entre l'administration pénitentiaire et les médecins qu'elle recrutait comprenaient des conditions particulières fixant les horaires et la rémunération de chaque médecin et des "clauses et conditions générales", identiques pour tous les contrats et relatives au déroulement de la carrière. La Haute juridiction administrative considère, alors, que ces clauses constituent un élément du contrat dans lequel elles sont insérées et s'imposent à l'administration pénitentiaire dans l'exécution de ce contrat.
Donc, aujourd'hui, en termes de revalorisation de salaire, il est conseillé de prévoir une clause d'évolution de salaire. L. Deshayes invite les rédacteurs d'une telle clause à adopter une formulation hypothétique ("cette rémunération pourra évoluer en fonction de l'ancienneté, du mérite..."), et non affirmative ("évolue"), afin de contourner le caractère automatique interdit.
Enfin, il convient de signaler qu'en l'absence de bouleversement économique du contrat et alors que le contrat ne prévoit aucune clause d'évolution de salaire, le juge administratif admet la validité d'un avenant qui prévoit une légère augmentation de la rémunération de l'agent (CAA Paris, 4ème ch., 18 janvier 2005, n° 02PA01686 précité). En l'espèce, par un avenant contesté, la rémunération de l'agent, fixée à l'indice majoré 546, était portée à l'indice majoré 576. La cour estime qu'eu égard, notamment, à la modicité de cette augmentation de rémunération induite par l'avenant contesté au contrat d'engagement, de telles modifications ne pouvaient être regardées comme nécessitant la passation d'un nouveau contrat.
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Réf. : Ass. plén., 23 juin 2006, n° 04-40.289, Société Air France, P+B+R+I (N° Lexbase : A0244DQ4)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Il ne peut être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci. La signature d'un planning de rotation ne peut être considérée comme un engagement de ne pas cesser le travail. Lorsque le salarié avise son employeur de son état de gréviste suffisamment tôt pour permettre son remplacement, le risque de désorganisation de l'entreprise n'est pas caractérisé. |
Décision
Cass. Ass. Plén., 23 juin 2006, n° 04-40.289, Société Air France c/ M. Michel X. et autres,P+B+R+I (N° Lexbase : A0244DQ4) Rejet (Paris, 20 novembre 2003) Textes concernés : C. trav., L. 521-1 (N° Lexbase : L5336ACM) Mots clef : grève ; sanction disciplinaire |
Faits
1. Le syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) de même que plusieurs autres syndicats de pilotes de ligne ont déposé un préavis de grève pour la période comprise entre le 2 février 2003 à 0 heure 01 et le 5 février à 23 heures 59. M. X ., président du SPAF, a effectué, en qualité de commandant de bord, le vol Paris - Pointe-à-Pitre le 31 janvier 2003. Sans assurer le vol Pointe-à-Pitre - Paris du 2 février 2003 à 23 heures, heure de Paris, compris dans sa mission, il a quitté Pointe-à-Pitre le 1er février à 23 heures, heure de Paris, comme passager d'un avion qui est arrivé le 2 février à 10 heures 25 à l'aéroport d'Orly où il s'est joint au mouvement de grève déclenché depuis 0 heure 01. Il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire. 2. M. X. a, sur le fondement de l'article R. 516-31 du Code du travail (N° Lexbase : L0634ADT), saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes d'une action tendant à faire juger que cette sanction était constitutive d'un trouble manifestement illicite. La cour d'appel de Paris a retenu l'existence d'un tel trouble. |
Solution
1. "La cour d'appel a, sans dénaturation ni modification de l'objet du litige, souverainement retenu que le véritable motif de la sanction infligée à M. X. tenait à sa participation au mouvement de grève". 2. "Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ; [...] aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal de ce droit ; [...] ayant constaté que M. X., commandant de bord, était chargé d'assurer une rotation d'équipage comprenant deux services distincts de vol Paris - Pointe-à-Pitre et retour séparés par un temps de repos et qu'il avait cessé son service après le premier vol, la cour d'appel, sans méconnaître ni la mission spécifique du commandant de bord et la nécessité d'assurer la continuité des vols résultant du code de l'aviation civile ni les dispositions du code du travail, a pu en déduire que les sanctions prises contre M. X. étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite". 3. "Ayant exactement retenu qu'il ne pouvait être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci et relevé que la signature d'un planning de rotation ne pouvait être considérée comme un engagement de ne pas cesser le travail, puis constaté que M. X. avait avisé de son état de gréviste suffisamment tôt pour permettre son remplacement dans le commandement du vol Pointe-à-Pitre - Paris, de sorte que le risque de désorganisation de l'entreprise n'était pas caractérisé, la cour d'appel a pu en déduire que l'abus dans l'exercice du droit de grève n'était pas établi". 4. Rejet |
Commentaire
I - Situation du problème
Selon une définition constante établie par la jurisprudence, le droit de grève apparaît comme la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles (Cass. soc., 28 juin 1951, n° 51-01.661, Dame Roth N° Lexbase : A7808BQA, Dr. soc. 1951, p. 523, note P. Durand). Dans le secteur privé, le régime juridique de la grève est minimaliste. La loi n'a, en effet, prévu aucune condition préalable avant le déclenchement du conflit, et on sait que les conventions collectives ne peuvent pas encadrer l'exercice du droit de grève, cette prérogative étant de la compétence exclusive de la loi (Cass. soc., 7 juin 1995, n° 93-46.448, Transports Séroul c/ M. Beillevaire et autres N° Lexbase : A2101AA3, RJS 1995, n° 933, chron. J. Déprez, p. 564 s. ; Dr. soc. 1996, p. 37, et la chron. ; D. 1996, p. 75, note B. Mathieu). Dans les services publics, le législateur est, en revanche, intervenu, sous le contrôle vigilent du Conseil constitutionnel, pour concilier l'exercice du droit de grève et le principe constitutionnel de continuité du service public (décision n° 79-105-DC du 25 juillet 1979 N° Lexbase : A7991ACX, D. 1980, p. 101, note M. Paillet, chron., p. 333, L. Hamon). Le Code du travail impose donc le dépôt, par un syndicat représentatif, d'un préavis au moins cinq jours francs avant le déclenchement du conflit, préavis pendant lequel le ou les syndicats doivent négocier avec l'employeur (C. trav., art. L. 521-3 N° Lexbase : L6609ACR).
Le non-respect de ces règles est susceptible d'entraîner un contentieux sur le plan collectif et individuel. Sur le plan collectif, l'employeur peut en effet saisir le juge des référés d'une demande de suspension du préavis, soit par ce que ce dernier est irrégulier, soit parce que le déclenchement du conflit porterait une atteinte excessive aux intérêts des usagers. Sur le plan individuel, le gréviste s'expose à des sanctions disciplinaires. Si le mouvement engagé ne répond pas à la définition juridique de la grève, les salariés ne pourront revendiquer le bénéfice de l'article L. 521-1 du Code du travail et s'exposeront à des sanctions, dans les conditions du droit commun disciplinaire (Cass. soc., 16 novembre 1993, n° 91-41.024, Société Ondal France, publié N° Lexbase : A6673ABR, Dr. soc. 1994, p. 35, rapp. P. Waquet, note J.- E. Ray ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-16.114, FS-P N° Lexbase : A3427DMU, Dr. soc. 2006, p. 470, obs. P.-Y. Verkindt). Si le mouvement apparaît bien comme une grève, au sens juridique du terme, l'article L. 521-1 est applicable et confère aux salariés une immunité qui ne pourra céder qu'en cas de faute lourde. Cette faute lourde résultera, la plupart du temps, des modalités d'exercice du droit de grève, singulièrement lorsque le salarié commettra des actes détachables de l'exercice normal du droit de grève. Parfois, la faute lourde résultera des conditions du déclenchement de la grève. Il en ira ainsi si le salarié se met en grève sur la base d'un préavis illicite, à condition toutefois que l'irrégularité ne résulte pas du caractère irrégulier des mentions qui doivent y figurer (Cass. soc., 25 février 2003, n° 01-10.812, Syndicat CFDT santé sociaux de la Haute-Garonne c/ Association MAPAD de la Cépière, publié N° Lexbase : A2630A7K, et nos observations, L'employeur ne peut obtenir en référé la réquisition de grévistes pour prévenir un dommage imminent, Lexbase Hebdo n° 61 du 6 mars 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6279AAS). Le salarié pourra également être sanctionné s'il ne respecte pas le principe du déclenchement collectif de la grève prévu à l'article L. 521-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6610ACS). Mais le salarié peut-il être sanctionné pour d'autres raisons, notamment parce qu'il n'aurait pas informé son employeur de sa volonté de se mettre en grève, parce qu'il aurait renoncé à exercer son droit, ou exercé son droit dans des conditions ne permettant pas d'assurer la continuité du service public ? C'est à ces questions que répond l'assemblée plénière de la Cour de cassation dans cet arrêt rendu le 23 juin 2006. II - Déclenchement de la grève et information de l'employeur
La jurisprudence a précisé, au fil de ses arrêts, les obligations qui pèsent individuellement sur les salariés avant de se mettre en grève. En premier lieu, la décision de se mettre en grève n'est pas subordonnée au rejet préalable par l'employeur des revendications des grévistes (Cass. soc., 12 février 1985, n° 81-42.115, Mlle Jourget, Duchene c/ Association Centre Saint Exupéry N° Lexbase : A7609AGW, Bull. civ. V, n° 96. Cass. soc., 11 juillet 1989, n° 86-43.497, MM. Bobrie et Combeau c/ Société nouvelle des ateliers et chantiers de La Rochelle-Pallice (SNACRP) N° Lexbase : A8773AA8, Dr. soc. 1989, p. 718, obs. J. Déprez), ni au respect d'un quelconque préavis autre que celui qui résulte des dispositions de l'article L. 521-3 du Code du travail. La jurisprudence avait, toutefois, considéré que le salarié devait informer son employeur de sa décision de faire grève au moment de l'arrêt du travail (Cass. soc. 24 mars 1988, n° 85-43.604, GIE Transel c/ AMRI et autres N° Lexbase : A1518ABT, Dr. soc. 1988, p. 649, note J. Déprez ; Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.104, Société Euronetec France c/ M Garnier et autres N° Lexbase : A4727AG8, RJS 1999, n° 725). Cette exigence est parfaitement légitime car elle permet à l'employeur d'organiser la continuité du service public et de faire bénéficier le salarié de l'immunité légale. Mais, il ne saurait être question d'exiger que cette information lui soit communiquée avant le déclenchement du conflit, comme l'indique, ici, très clairement la Cour de cassation : "il ne pouvait être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci".
Cette affirmation est totalement justifiée. Le droit de grève est, en effet, une liberté fondamentale du salarié qu'il doit exercer souverainement. Il est donc libre de se mettre en grève ou pas et, sous réserve de respecter les principes du Code du travail, et éventuellement les autres contraintes légales existantes (ici, les dispositions particulières du Code de l'aviation civile), de décider, jusqu'au dernier moment, de faire grève. L'obliger à informer l'employeur avant le moment du déclenchement ferait peser sur le salarié une contrainte qui ne figure dans aucun texte, et l'exposerait à des pressions qui ne sont pas admissibles. III - Déclenchement de la grève et renonciation du salarié
Il est constant qu'on ne peut renoncer par avance à exercer une prérogative d'ordre public ; la renonciation à exercer un tel droit n'est possible qu'une fois ce droit acquis (notre art. L'ordre public social et la renonciation du salarié, Dr. soc. 2002, p. 931). Or, jusqu'au déclenchement effectif du conflit, déterminé par le jour et l'heure précisée dans le préavis, le salarié n'est pas en mesure de l'exercer. Toute renonciation anticipée est donc nulle. Il est alors parfaitement justifié d'affirmer, comme le fait la Cour de cassation dans cet arrêt, que "la signature d'un planning de rotation ne pouvait être considérée comme un engagement de ne pas cesser le travail". La solution doit donc être totalement approuvée, même si on regrettera que l'Assemblée plénière n'ait pas marqué plus nettement le principe selon lequel la renonciation du salarié à exercer le droit de grève était impossible. Elle est également à rattacher à d'autres décisions qui refusent de considérer que la signature apposée par un salarié sur un bulletin de paye puisse valoir renonciation à réclamer des sommes qui n'auraient pas été payées (Cass. soc., 16 février 1999, n° 96-41.838, M. Faye c/ Mme Faye N° Lexbase : A4597AGD, Dr. soc. 1999, p. 411, et les obs.). IV - Déclenchement de la grève et désorganisation de l'entreprise
On sait, depuis l'épisode "Air-Inter", que le déclenchement d'une grève peut être considéré comme abusif dès lors que le choix de la date est dicté par l'intention de causer aux usagers, et à l'entreprise, un préjudice qui excède les limites du raisonnable (CA Paris, 27 janvier 1988, 2ème esp., D. 1988, p. 351, note J.-C. Javillier ; Dr. soc. 1988, p. 242, obs. J.-E. Ray ; JCP éd. E 1988, II, 15140, note B. Teyssié : "le choix des dates pour un arrêt total du service, inspiré par une évidente volonté de créer un violent impact, devait être pris en comptes par les premiers juges pour prévenir la réalisation d'un dommage -au surplus susceptible de provoquer troubles et violences- dans l'importante catégorie des usagers du moment, dont les intérêts méritaient d'être pris en considération"). Cette jurisprudence avait été dégagée dans le cadre des différends collectifs opposant les entreprises de transport aérien et les syndicats, dépositaires des préavis de grève, mais elle peut également s'appliquer dans le cadre des litiges individuels opposant les grévistes aux employeurs, comme le montre cet arrêt.
La Cour de cassation accepte, en effet, ici, en creux le principe selon lequel les conditions du déclenchement de la grève puissent apparaître comme abusives, tout en affirmant qu'en l'espèce le gréviste n'avait pas apporté au fonctionnement de l'entreprise un trouble justifiant la sanction infligée. Ce faisant, la Cour de cassation reprend une distinction entre la désorganisation de l'activité, conséquence inhérente à l'exercice du droit de grève et à ce titre licite, et la désorganisation de l'entreprise qui apparaît comme une conséquence excessive autorisant l'employeur à placer les non grévistes en chômage technique (Cass. soc., 13 décembre 1962, n° 61-40.531 N° Lexbase : A1487DQ7, Dr. soc. 1963, p. 226, obs. J. Savatier). L'analyse du comportement du salarié doit, ici, être pleinement approuvée puisque ce dernier ne s'était mis en grève qu'une fois le premier vol achevé et "suffisamment tôt pour permettre son remplacement dans le commandement du vol" retour. |
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Réf. : Cass. com., 23 mai 2006, n° 03-15.486, Mme Evelyne Bayle, épouse Debosse c/ M. Bruno Henckes, F-P+B (N° Lexbase : A7316DPN)
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N0520ALT
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
La solution adoptée par la Haute juridiction, dans son arrêt de cassation, s'inscrit dans la droite ligne des derniers arrêts rendus, confirmant, ainsi, sa volonté de faire respecter une interprétation stricte des textes, et refermant une porte qu'elle avait semblé ouvrir, dans un arrêt que nous avions commenté (voir nos obs., La reprise des actes conclus pour le compte d'une société en formation et ses incidences en matière de droit au renouvellement d'un bail commercial, Lexbase Hebdo du 3 mars 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4860ABM, note sous Cass. civ. 3, 2 février 2005, n° 03-18.575, FS-P+B N° Lexbase : A6320DG8).
Il sera rappelé que les personnes, qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société (C. civ., art. 1843 N° Lexbase : L2014AB9 et C. com., art. L. 210-6 N° Lexbase : L5793AIE).
La reprise des engagements souscrits pour le compte d'une société en formation peut être effectuée selon trois modalités (décret n° 78-704, du 3 juillet 1978, art. 6 N° Lexbase : L5172A4C) dont deux sont automatiques, l'immatriculation entraînant, ipso facto, la reprise de certains engagements :
1 - pour la période précédent la signature des statuts : l'annexion aux statuts, avant leur signature, d'un état des actes accomplis avec, pour chacun d'eux, l'engagement qui en résulterait pour la société. Les juges veillent au respect de cette dernière condition dont le but est de protéger les associés qui doivent pouvoir engager la société en connaissance de cause. L'immatriculation entraînera la reprise de ces actes ;
2 - pour la période courant entre la signature des statuts et l'immatriculation de la société : le mandat donné dans les statuts ou par acte séparé par les associés à l'un d'eux ou au gérant non associé. L'acte devra être déterminé et ses modalités précisées dans le mandat sous peine de n'être pas repris automatiquement lors de l'immatriculation ;
3 - pour la période postérieure à l'immatriculation : la décision prise, une fois la société immatriculée, à la majorité des associés. La Cour de cassation exige une véritable décision de l'assemblée, prise en pleine connaissance de cause, et refuse la possibilité d'une reprise tacite qui résulterait d'une exécution spontanée par la société de ces engagements.
En l'espèce, l'acte de cession du droit au bail avait, vraisemblablement, été conclu après la signature des statuts et préalablement à l'immatriculation de la société. Les associés étaient donc tenus de donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux ou, le cas échéant, au gérant non associé, pour que cet acte soit valablement et automatiquement repris par la société lors de son immatriculation (sous réserve, toutefois, que cet acte soit déterminé par le mandat et que ces modalités soient également précisées).
La reprise automatique des actes accomplis pour le compte de la société en formation par l'immatriculation de la société est prévue par quatre articles :
Quelques différences sont à noter entre ces différents articles :
article | société visée | personnes susceptibles de donner un mandat | personnes susceptibles de recevoir un mandat | forme du mandat |
article 6 du décret du 3 juillet 1978 | toutes les sociétés, sauf disposition spéciale dérogatoire | les associés | un ou plusieurs associés ou un gérant non associé | dans les statuts ou par acte séparé |
article 26 du décret du 23 mars 1967 | SARL | les associés | un ou plusieurs associés ou un gérant non associé | dans les statuts ou par acte séparé |
article 67 du décret du 23 mars 1967 | SA constituées avec appel public à l'épargne | l'assemblée générale constitutive | une ou plusieurs des personnes désignées en qualité de premiers membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance | non précisé |
article 74 du décret du 23 mars 1967 | SA constituées sans appel public à l'épargne | les actionnaires | un ou plusieurs actionnaires | dans les statuts ou par acte séparé |
Les questions posées à la Cour de cassation, dans l'arrêt rapporté, étaient les suivantes :
A ces deux interrogations, la Cour de cassation a répondu par la négative.
Rappelant une nouvelle fois les trois modalités de reprise des engagements souscrits pour le compte d'une société en formation et au visa des articles L. 210-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5793AIE), 26, alinéa 3, du décret de 1967 et 6 du décret de 1978, la Haute juridiction indique que statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes précités.
Cette position n'est pas nouvelle.
Ainsi, dans un précédent arrêt du 6 décembre 2005, il avait été précisé que viole les dispositions légales et réglementaires précitées l'arrêt qui, pour décider que l'immatriculation de la société avait entraîné valablement la reprise du bail, pris en son nom avant son immatriculation, retient d'un côté, que tous les associés ayant concouru à la conclusion du bail, cet engagement doit être réputé pris en vertu d'un mandat donné par les futurs associés, même si un acte constatant un tel mandat n'a pas été dressé et, de l'autre, que l'accomplissement d'une telle formalité n'était pas nécessaire, dès lors que tous les futurs associés avaient expressément donné leur accord à l'engagement souscrit en le ratifiant (Cass. com., 6 décembre 2005, n° 03-16.853, Société civile immobilière (SCI) du 34, place Cormontaigne c/ Société LFR, F-P+B N° Lexbase : A9812DLY).
En revanche, dès lors que le mandat est établi et qu'il précise la nature des engagements à accomplir et leurs modalités, l'acte est réputé avoir été dès l'origine contracté par la société (Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-12.528, Société civile immobilière (SCI) La Bastide c/ Société Mobi-Dock international, F-P+B N° Lexbase : A9970DLT).
Par cet arrêt, la Cour de cassation met donc fin à toute interrogation née d'un précédent arrêt du 2 février 2005 à propos duquel nous nous interrogions sur l'admission d'une reprise tacite des actes accomplis pour le compte de la société en formation lorsque tous les associés ont concouru à l'acte et lorsque la société a spontanément exécuté les engagements en résultant (arrêt et note précités).
Il est donc important d'appeler l'attention des praticiens sur cette série d'arrêts très sévères pour ceux qui ne se conformeraient pas à une application très stricte des modalités de reprise telles que prévues par les textes précités.
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Réf. : Loi du 23 juin 2006, n° 2006-728, portant réforme des successions et des libéralités (N° Lexbase : L0807HK4)
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N0536ALG
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Le 07 Octobre 2010
L'article 5 de la loi modifie le régime du rapport des libéralités afin de mieux respecter la volonté du disposant et de renforcer l'égalité entre les héritiers. C'est ainsi que, d'une part, l'article 851 nouveau du Code civil précise, désormais, que le rapport est dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n'ait été faite expressément hors part successorale, et d'autre part, l'article 852 nouveau du même code énonce, notamment, que les présents d'usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
1.1. Donation de fruits
En prescrivant légalement le rapport des donations de fruits et revenus, est ainsi validée la position de la Cour de cassation, qui s'appuyant sur le fait que l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L3484ABN), visant le rapport à succession de tout ce qu'un héritier à reçu par donation du défunt, n'opérait aucune distinction selon que le défunt avait donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci (1). Or, dans la pratique, l'administration fiscale s'était emparée de cette décision pour, par exemple, exiger le rappel fiscal de la donation indirecte résultant de l'occupation gratuite d'un logement, appartenant au défunt, par un héritier, lorsqu'il était constaté que cette occupation avait perduré sur une longue période. L'article 851 nouveau devrait désormais servir de fondement légal au rappel fiscal prévu à l'article 784 du CGI . On sait que cette disposition vise les "donations consenties à un titre et sous une forme quelconque" permettant ainsi, au jour de l'ouverture de la succession, de taxer les donations non encore taxées et intervenues auparavant entre les mêmes personnes.
1.2. Présents d'usage
Même si l'article 784 du CGI impose fiscalement le rapport de toutes les donations de moins de six ans dans l'actif successoral taxable, il est admis de ne pas opposer ces dispositions aux présents d'usage au sens de l'article 852 du Code civil (N° Lexbase : L3493ABY) (Doc. adm. 7 G 3162, du 20 décembre 1996, n° 2). Cette doctrine tient ainsi compte du fait que l'article 852 édictait l'absence de rapport de telles donations. En effet, les donations consenties à des héritiers sont, en principe, soumises aux règles du rapport civil prévu par l'article 843 du Code civil, sauf stipulation contraire, ce qui était précisément le cas des présents d'usage. Or, en précisant, désormais, le caractère supplétif de cette dispense, l'article 852 ouvre la voie à une taxation dans l'hypothèse où le défunt prévoirait un tel rapport. On remarquera, également, que la loi précise le caractère du présent d'usage, auparavant défini par la jurisprudence, comme s'appréciant à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.
2. Succession, rapport et réduction
L'article 14 de la loi nouvelle (2), institue une procédure au sein du droit des successions, la renonciation anticipée à l'action en réduction. La réforme autorise donc les "pactes successoraux". Or, jusqu'à présent un héritier réservataire ne pouvait renoncer à demander la réduction des libéralités susceptibles de porter atteinte à sa réserve. En effet, une telle renonciation constituait un pacte sur succession future, pacte prohibé. Bien entendu, une telle démarche, tacite ou expresse était, et est toujours, possible après le décès du donateur. La renonciation anticipée, désormais permise et qui autorise donc une répartition des biens dérogeant aux règles de la réserve héréditaire (3), doit être faite au profit d'une ou plusieurs personnes déterminées.
En pratique, un tel acte ne peut prévaloir qu'une fois intervenue la donation susceptible de porter atteinte à la réserve du renonçant. Ce dernier peut moduler la portée de son acte. Autrement dit, il pourra prévoir que la renonciation ne porte que sur une portion déterminée de sa réserve, ou encore ne vaut que pour la libéralité portant sur un bien déterminé. Par exemple, un descendant pourra décider, par avance, et du vivant de ses parents, de renoncer à tout ou partie de la succession future, dans le cadre d'une négociation générale.
Le régime fiscal actuel de la renonciation à réduction, une fois le droit ouvert, c'est-à-dire après le décès du donateur, n'est pas véritablement fixé. Il est cependant permis de considérer un tel acte comme abdicatif. En effet, si le droit est ouvert, encore est-il nécessaire de demander la réduction, celle-ci n'étant pas automatique. Par suite, seul le droit fixe prévu à l'article 680 du CGI est exigible. Cette analyse paraît confirmée par celle développée dans le Maguéro (4) selon laquelle "étant donné le principe [selon lequel] la réduction ne s'opère pas de plein droit, il est clair qu'aucun droit ne doit être perçu sur l'acte de partage ou autre par lequel les réservataires renoncent à demander la réduction. Cela ne peut être douteux, quand la renonciation est pure et simple, car en pareil cas, le gratifié comme l'héritier tiennent leurs droits directement du défunt".
S'agissant de la renonciation anticipée, le rapport de la Commission des lois de l'Assemblée nationale (5) faisait état d'un amendement adopté en commission, selon lequel une telle renonciation ne constitue pas une libéralité et ne peut donner lieu à taxation au titre des droits de mutation à titre gratuit. Cet amendement, relevant de la loi de finances, a été retiré en cours de discussion, avec promesse d'examen d'ici à la loi de finances pour 2007. Cependant, la solution ne fait pas de doute : la renonciation à un droit avant qu'il ne s'ouvre est extinctive (6). Seul un droit fixe doit être perçu puisque l'acte constatant cette renonciation anticipée, obligatoirement reçu par deux notaires, doit être enregistré en raison de son caractère authentique.
3. Les libéralités résiduelles
La loi donne un fondement légal au legs de residuo, admis par la jurisprudence et élargit cette possibilité aux donations (7). Un tel legs est la disposition testamentaire par laquelle une personne lègue tout ou partie de ses biens à un premier légataire qui devra, lui-même, remettre à son décès ce qui restera des biens à un second bénéficiaire, sans être tenu de conserver les biens. En effet, ce mécanisme, contrairement à la substitution, laisse au grevé, ou premier gratifié, la liberté de disposer des biens. Ainsi, par exemple, dans le cadre d'une famille ayant un enfant handicapé, les parents pourront laisser à ce dernier, au moyen d'une libéralité résiduelle, un portefeuille de valeurs mobilières dont les revenus dégagés par sa gestion lui permettront de mener une existence normale, même s'il n'est pas en état d'y pourvoir lui-même. Si les besoins de cet enfant changent et qu'il nécessite des frais importants, la personne chargée de veiller sur lui pourra vendre les valeurs mobilières. Dans le cas contraire, le portefeuille continuera à être géré normalement. Au décès de l'enfant vulnérable, ses frères et soeurs, ou leurs descendants, qui pourront avoir été désignés comme seconds gratifiés, récupèreront le portefeuille.
Le régime fiscal du legs de residuo fixé par la jurisprudence, et retenu par la doctrine administrative (8) devrait s'appliquer aux donations résiduelles. Ainsi, lors de la donation, le premier donataire paiera les droits de mutation à titre gratuit en fonction de son lien de parenté avec le donateur et le second gratifié ne devra rien. Lors du décès du premier gratifié, la taxation s'opèrera d'après le degré de parenté entre le donateur initial et le second gratifié, puisque ce dernier tient ses droits de la donation d'origine. Le tarif applicable et la valeur des biens transmis au second gratifié seront déterminés en se plaçant à la date du décès du premier gratifié. De surcroît, il devrait être admis, comme cela l'est actuellement pour le legs de residuo, que les droits acquittés par le premier donataire puissent être imputés sur ceux dus, sur les mêmes biens, par le second bénéficiaire au moment du décès du premier. Cette analyse permet ainsi au second gratifié d'éviter un taux d'imposition défavorable si le premier gratifié n'est pas un parent.
Un amendement présenté, et retiré en cours en discussion, par le rapporteur de la commission des lois proposait de valider ce mode de calcul des droits (9).
4. Libéralités graduelles
Selon l'article 1048 nouveau du Code civil, une libéralité peut être grevée d'une charge comportant l'obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné à l'acte. Le premier donataire a donc l'obligation de conserver les biens reçus, ce qui distingue les libéralités graduelles des libéralités résiduelles. Autrement dit, la libéralité graduelle n'est autre qu'une "substitution fidéicommissaire". Or, le régime fiscal de la substitution est le suivant : au moment de la donation, le grevé, ou premier donataire, doit les droits de mutation à titre gratuit entre vifs, en fonction de son lien de parenté avec le donateur, comme si la charge n'existait pas et le second donataire ou "appelé" ne doit rien. Au décès du grevé, l'appelé est redevable des droits de mutation par décès calculés en fonction de son lien de parenté avec le grevé. La libéralité graduelle devrait donc donner lieu à une double taxation sans imputation.
5. Mutations trans-générationnelles
5.1.Donation-partage trans-générationnelle
La loi offre, désormais, la possibilité d'effectuer des donations-partages trans-générationnelles, c'est-à-dire une mutation à titre gratuit à des héritiers de générations différentes. Ainsi, un enfant, descendant direct du donateur, peut renoncer à être gratifié au profit de ses propres descendants, les petits-enfants du donateur (10). Autrement dit, le texte modifié permet de faire concourir à une même donation-partage des descendants de générations différentes. L'enfant qui renonce à être gratifié au profit de ses propres descendants doit exprimer son consentement dans l'acte de donation.
5.2. Renonciation au profit d'un héritier de rang subséquent
L'article 783, modifié, du Code civil précise que la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit de l'un ou plusieurs de ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent emporte acceptation pure et simple. Ainsi, à la suite d'un décès, un enfant peut renoncer à sa part au profit de sa propre descendance.
5.2.1.Régime fiscal
La difficulté que soulève la taxation de ces renonciations in favorem, est l'application des dispositions de l'article 785 du CGI (11). En effet, en application de ce texte, le bénéficiaire de la renonciation peut, soit payer plus de droits que le renonçant, soit, de façon exceptionnelle en payer autant, mais jamais en payer moins. Dès lors, pour donner plein effet à la nouvelle disposition civile deux hypothèses sont envisageables ; soit modifier l'article 785 du CGI, soit l'écarter et traiter la mutation trans-générationnelle comme une transmission directe entre grands-parents et petits-enfants.
Pour limiter le caractère pénalisant de cette disposition, l'auteur du rapport sur le projet de loi avait proposé un amendement, lui aussi retiré, qui substituait aux mots "qui, nonobstant tous abattements, réductions ou exemptions, ne peut être inférieure" le mot "égale". Autrement dit, le bénéficiaire du saut de génération ne pouvait pas payer plus de droits que n'en aurait payés son auteur, qui "transmettait" la part lui revenant dans la succession de son propre auteur ou dans la donation-partage effectuée par ce dernier. Une telle modification soulève, cependant, une difficulté : la modification est générale et ne peut être limitée aux seules mutations trans-générationnelles.
Lorsqu'une succession est recueillie par des petits-enfants venant en tant que représentants d'un enfant prédécédé, il leur est permis de bénéficier de l'abattement dont leur auteur, décédé, aurait pu faire état. Cette règle découle de la représentation. Cependant, l'application de cette même règle ne paraît pas possible, eu égard aux dispositions de l'article 1078-9 nouveau du Code civil. En effet, cet article précise que, concernant notamment la réunion fictive et le rapport, les biens reçus par les petits-enfants sont traités comme s'ils les tenaient de celui qui a renoncé à leur profit à sa part dans la donation-partage. Autrement dit, ils n'appréhendent pas cette part en tant que représentants.
6. Elargissement des donations-partages aux enfants d'un premier lit ou donations au sein de familles recomposées
Les époux ayant des enfants non communs peuvent, désormais, procéder avec eux à des donations-partages. L'article 1076-1 nouveau du Code civil précise ainsi que "l'enfant non commun peut être alloti du chef de son auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse toutefois être codonateur des biens communs". Ainsi, même si l'enfant non commun est attributaire de biens communs, le tarif applicable doit être celui entre parents. En revanche, cette donation biens communs par un seul des époux devrait donner lieu à récompense au jour de l'ouverture de la succession du donateur.
7. Protection des incapables majeurs et son incidence sur l'article 751 du CGI
L'article 911 nouveau du Code civil prévoit que sont frappées de nullité, lorsqu'elles interviennent au profit d'un incapable, d'une part, les libéralités déguisées sous la forme d'un contrat à titre onéreux, d'autre part, les libéralités faites sous le nom de personnes interposées, ce qui vise, notamment, les pères et mères ainsi que l'époux de l'incapable. Afin d'éviter un contournement du juge des tutelles, habilité à défendre les intérêts de l'incapable, par le biais de libéralités faites au profit de celui-ci avec interposition de société dans laquelle des proches pourraient avoir des intérêts directs (SCI, par exemple), la loi précise, désormais, que sont frappées de nullité les interpositions de personnes tant physiques que morales.
En précisant que l'interposition peut être le fait d'une personne morale, la loi pourrait avoir une incidence sur les dispositions de l'article 751 du CGI . En effet, cet article, qui, on le sait, présume, sauf exceptions, faire partie de la succession de l'usufruitier les biens qu'il détient en usufruit et dont la nue-propriété appartient à l'un de ses héritiers, vise les personnes interposées. Il conviendra donc de vérifier si l'administration fiscale, à la faveur de l'actualisation des règles d'interposition, entend appliquer l'article 751, lorsque la nue-propriété des biens, dont le défunt détenait l'usufruit appartient, au jour du décès, à une société dont les enfants sont associés.
Daniel Faucher
Consultant au CRIDON de Paris
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Réf. : Projet de loi portant engagement national pour le logement, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture
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par Nicolas Wismer, Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales, Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon
Le 07 Octobre 2010
Le titre I regroupe six chapitres : faciliter la réalisation de logements sur les terrains publics ; faciliter l'adaptation des documents d'urbanisme aux objectifs fixés en matière de logement ; sécuriser les autorisations d'urbanisme et les constructions existantes ; améliorer les outils d'acquisition foncière ; accroître la transparence du marché foncier ; soutenir la construction de logements dans les communes.
La réalisation de logements sur les terrains appartenant à l'Etat, ou à ses établissements publics, présente un caractère d'intérêt national lorsqu'elle contribue à atteindre un objectif de mixité sociale ou du programme local de l'habitat (PLH) du territoire concerné. En cas de difficulté ou d'opposition locale, le Gouvernement a la possibilité de délimiter par décret des périmètres d'intervention présentant le caractère et les effets d'opérations d'intérêt national : les zones d'aménagement concerté et les permis de construire relèvent de la compétence du préfet.
Comme les collectivités territoriales, l'Etat peut désormais déclarer d'intérêt général un projet de construction dont il a l'initiative par une "déclaration de projet" (C. urb., nouv. art. L. 300-6). Les documents d'urbanisme applicables sont ainsi adaptés de manière rapide et souple, en concertation avec la commune. Enfin, les cessions de terrains par l'Etat ou ses établissements publics à l'intérieur des périmètres d'intervention ne peuvent faire l'objet d'une préemption au titre des zones d'aménagement différé ou du droit de préemption urbain.
Enfin, l'Etat peut, désormais, aliéner des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale (C. dom. Et., nouv. art. L. 66-2) lorsqu'ils sont destinés à la réalisation de structures d'hébergement d'urgence, aux aires d'accueil des gens du voyage et, dans les départements d'outre-mer, aux logements locatifs sociaux bénéficiant d'une aide de l'Etat.
A compter de la publication de la loi, les communautés de communes (compétentes en matière d'habitat, de plus de 50 000 habitants et comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants), les communautés d'agglomération et les communautés urbaines élaborent un programme local de l'habitat et l'adoptent dans un délai de trois ans.
Les communes qui le souhaitent peuvent faire figurer dans leur plan local d'urbanisme un échéancier prévisionnel de l'ouverture à l'urbanisation des zones à urbaniser (C. urb., nouv. art. L. 123-12-1). Au moins tous les cinq ans, un débat est organisé au sein du conseil municipal sur les résultats de l'application de ce PLU au regard de la satisfaction des besoins en logements et, le cas échéant, de l'échéancier prévisionnel et de la réalisation des équipements correspondants. Le conseil municipal délibère sur l'opportunité d'une révision.
Le projet de loi maintient la faculté ouverte au PLU d'imposer sur certains terrains la réalisation de programmes de logement qu'il détermine. Il propose de permettre aux communes de délimiter des secteurs dans lesquels elles pourront imposer la réalisation d'un pourcentage minimum de logements locatifs sociaux ou intermédiaires. Lors d'une demande d'acquisition fondée sur ce motif, seuls la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale qui a fait l'objet de la mise en demeure peuvent saisir le juge de l'expropriation (C. urb., nouv. art. L. 230-3, al. 4 et 5).
Les conseils municipaux des communes de plus de 20 000 habitants et de celles de plus de 1 500 habitants appartenant à un établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants compétent en matière d'habitat peuvent déroger aux coefficients d'occupation des sols (majoration qui ne peut excéder 50 %), pendant la durée du Plan de cohésion sociale et pour réaliser des logements.
Les EPCI compétents en matière de PLH sont consultés lors de l'élaboration des PLU et des SCOT.
Les constructions de logements sociaux respectant un certain nombre de critères environnementaux et réalisées dans le cadre du plan de cohésion sociale bénéficient d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties portée de 20 à 30 ans (CGI, nouv. art. 1384). La perte de recettes pour les collectivités locales ne sera pas compensée par l'Etat.
L'ordonnance relative aux permis de construire et aux autorisations d'urbanisme sera ratifiée par la loi portant engagement national pour le logement, moyennant certaines modifications.
Les associations sont recevables à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols si le dépôt de leurs statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire (C. urb., nouv. art. L. 600-1-1).
Le droit de priorité et le droit de préemption urbain des communes et EPCI sont fusionnés en cas d'aliénation d'immeubles situés sur leur territoire et appartenant à l'Etat, à des sociétés dont il détient la majorité du capital ou à certains établissements publics.
Les modalités de création des établissements publics fonciers locaux (EPFL) sont assouplies. Ces EPFL sont compétents pour réaliser pour le compte de leurs membres toute acquisition foncière ou immobilière en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement. Le texte prévoit qu'à défaut de l'accord du préfet dans les trois mois à compter de la transmission des délibérations, l'arrêté est acquis tacitement (C. urb., nouv. art. L. 342-2).
Les établissements publics d'aménagement compétents pour conduire des opérations de rénovation urbaine (C. urb., nouv. art. L. 326-1) sont désormais des établissements publics locaux de rénovation urbaine, EPIC dont le champ d'intervention n'est plus limité aux seules zones urbaines sensibles (ZUS).
Des sociétés publiques locales d'aménagement, prenant la forme de SA dont le capital est entièrement détenu par les collectivités territoriales et leurs groupements, peuvent être créées à titre expérimental (C. urb., nouv. art. L. 327-1). La durée d'expérimentation est de cinq ans et au terme du délai, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport établissant un bilan d'application. Ces dispositions permettraient d'appliquer pleinement la notion de contrats "in house".
L'administration fiscale transmet gratuitement les données foncières. A leur demande, les propriétaires faisant l'objet d'une procédure d'expropriation, les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les EPCI à fiscalité propre obtiennent ainsi les éléments d'information relatifs à la valeur vénale des terrains.
Les EPCI à fiscalité propre peuvent décider de percevoir la taxe d'habitation et les taxes foncières (CGI, nouv. art.1609 nonies C) mais doivent verser une attribution de compensation à leurs communes membres. La majoration d'une fraction du prélèvement opéré auprès des communes ne respectant pas la mixité sociale est effectuée à la condition que la commune l'affecte à la réalisation d'opérations de logements locatifs sociaux.
Afin de lutter contre la rétention foncière, le texte procède à une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles (valeur forfaitaire de 0,5 euros/m²). Toutefois, le dispositif est assoupli : le conseil municipal peut supprimer cette majoration ou la fixer à un montant supérieur ; un abattement est instauré pour les 1 000 premiers m2 ; le produit perçu ne peut être supérieur à 3 % de la valeur vénale.
Pour accompagner l'effort de construction des maires, la taxe locale d'équipement devrait être majorée. Les résidences hôtelières à vocation sociale sont assujetties au même taux que les logements locatifs sociaux, les foyers hôtels pour travailleurs.
II. Favoriser le développement de l'offre de logements et l'accès au logement
Le titre II regroupe six chapitres : favoriser l'accession à la propriété ; développer l'offre locative privée à loyers modérés ; lutter contre l'insalubrité et la vacance des logements ; dispositions relatives aux bailleurs sociaux ; renforcer la mixité sociale ; dispositions en faveur des plus défavorisés.
Le texte a pour objet de faire bénéficier certaines opérations d'accession sociale à la propriété d'un taux de TVA réduit à 5,5 % pour les immeubles situés à moins de 500 mètres des quartiers situés en zone ANRU.
Les bailleurs sociaux auront la possibilité d'instaurer une décote ou une surcote sur la vente des logements sociaux à leurs occupants. Le maire de la commune d'implantation donne son avis. Afin d'éviter une spéculation par les acquéreurs, le texte encadre les conditions de revente (priorité à l'organisme, restitution de plus-value) ou de relocation (plafond de loyer). L'organisme HLM peut exercer les fonctions de syndic de copropriété tant qu'il possède un logement mais les propriétaires détenant au moins 60 % des voix peuvent désigner un autre syndic.
Un guichet unique d'accession sociale à la propriété peut être institué par les communes qui le souhaitent afin de mieux informer le public sur les dispositifs mais aussi le maire sur les opérations d'accession menées sur son territoire.
Les collectivités territoriales pourront vendre leurs logements locatifs conventionnés, dans les mêmes conditions que les organismes HLM, à leurs occupants ou aux locataires de leur patrimoine conventionné informés par une publicité. Le surplus des sommes perçues par la collectivité est affecté en priorité au financement de programmes nouveaux de construction de logements locatifs sociaux conventionnés.
Les communes et les départements ont la faculté d'exonérer de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement les cessions de parts de SCI d'accession progressive à la propriété dont le texte définit les statuts et l'objet. Ils notifient leur décision aux services fiscaux.
Le projet de loi procède à un élargissement des compétences de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) afin de lui permettre de passer des conventions avec des propriétaires bailleurs, sans réalisation de travaux d'amélioration dans les logements conventionnés. La mission nouvelle confiée à l'ANAH doit faciliter sur l'ensemble d'un territoire donné l'offre locative.
L'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux sera ratifiée par la loi portant engagement national pour le logement, moyennant certaines modifications.
Les communes pour lesquelles la taxe n'est pas applicable peuvent, sur délibération de leur conseil municipal, assujettir à la taxe d'habitation les logements vacants depuis plus de cinq ans, pour la part communale et celle revenant aux EPCI sans fiscalité propre.
Le texte instaure, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un régime de déclaration obligatoire de mise en location d'un logement situé dans un immeuble de plus de trente ans ou dans un secteur (ou une catégorie d'immeubles dans ce secteur). Le maire serait ainsi informé de toute signature de bail et pourrait intervenir de façon préventive, sans que l'occupant n'ait besoin de le solliciter, au titre de ses pouvoirs de police ainsi que de ceux qu'il détient au titre de son service communal d'hygiène et de santé (SCHS). Les communes de plus de 50 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, comprenant une commune de plus de 15 000 habitants et compétents en matière d'habitat peuvent se porter candidats à l'expérimentation.
Le Gouvernement se trouverait habilité à légiférer par voie d'ordonnance pour réformer le statut des offices publics d'HLM (OPHLM) et des offices publics d'aménagement et de construction (OPAC). L'ordonnance doit créer un statut unique d'office public de l'habitat (OPH). La transformation sera réalisée au plus tard trois ans après la publication.
Les SEM devraient bénéficier d'un taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les plus-values réalisées lors de la vente d'immeubles, à condition de réaffecter le montant au financement de logements locatifs sociaux. Les SEM de construction et d'aménagement devraient également bénéficier de l'exonération de contribution sociale de solidarité dont bénéficient les sociétés privées d'HLM.
Les SEM, les organismes HLM, les collectivités territoriales pourront vendre leurs logements-foyers (structure d'hébergement pour personnes âgées non dépendantes) aux collectivités territoriales, à leurs groupements, aux centres d'action sociale et aux organismes sans but lucratif.
Les offices publics, SA ou sociétés coopératives d'HLM verront leurs compétences étendues, en particulier aux résidences hôtelières à vocation sociale, à la réalisation d'opérations de conception, réalisation, entretien ou maintenance d'équipements hospitaliers ou médico-sociaux pour les besoins d'un établissement public de santé, à la réalisation de travaux, acquisition, construction et gestion des immeubles à usage d'habitation au bénéfice des fonctionnaires de la police et de la gendarmerie nationales, ou des services pénitentiaires, ainsi que les annexes et locaux accessoires à ces immeubles. Ils pourront également intervenir en faveur du logement des personnels des services départementaux d'incendie et de secours. Enfin, ils pourront être syndic de copropriété ou administrateur de biens d'immeubles bâtis, construits ou acquis soit par eux, soit par un autre organisme d'habitations à loyer modéré, une collectivité territoriale, une société d'économie mixte.
Afin d'éviter que les représentants des collectivités au sein des conseils d'administration ne soient condamnés pour prise illégale d'intérêt, le législateur encadre la gouvernance des sociétés anonymes d'HLM. Le conseil d'administration ou le conseil de surveillance doit donner son autorisation préalablement à la signature d'une convention entre l'organisme et l'un des membres de ce conseil, hormis pour les opérations courantes et conclues à des conditions normales. L'intéressé est tenu d'informer le conseil dès qu'il a connaissance d'une telle convention. Il ne peut prendre part au vote sur l'autorisation sollicitée.
Le texte procède à une simplification des procédures de démolition d'immeubles de logements sociaux. L'ensemble des immeubles des organismes HLM est soumis à un accord préalable du préfet, de la commune d'implantation et des garants des prêts. Le droit au maintien dans les lieux ne peut être opposé au bailleur qui a obtenu l'autorisation préfectorale de démolir.
La description de la situation globale du logement des personnes défavorisées dans le département doit faire partie de la liste des éléments figurant dans le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD). Les objectifs à atteindre, par secteur géographique, doivent également y figurer. Le comité responsable du plan peut instaurer une commission spécialisée de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. Elle délivre des avis aux instances décisionnelles en matière d'aides personnelles au logement, d'attribution d'aides financières sous forme de prêts ou de subventions et d'accompagnement social lié au logement, en faveur des personnes en situation d'impayés.
Le texte prévoit une information des maires des communes concernées, ainsi que du préfet lorsque le bailleur de logements conventionnés a décidé de ne pas renouveler la convention le liant à l'Etat. Au plus tard deux ans avant l'expiration, il informe de son intention et de l'augmentation prévue les locataires.
Le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) est prolongé de 2011 à 2013. Les crédits consacrés par l'Etat à ce programme sont portés de 4 à 5 milliards d'euros sur la période.
Les logements conventionnés dont la convention arrive à échéance demeurent pris en compte, pendant cinq ans après leur déconventionnement dans les 20 % de logements sociaux que doivent comporter les communes concernées (loi n° 2000-1208, 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU N° Lexbase : L9087ARY, art. 55).
Le texte propose certaines adaptations de l'article 55 de la loi "SRU" devant permettre d'aider les communes en difficulté mais désireuses de satisfaire à leur obligation. Pour ne pas pénaliser plus fortement, relativement, les communes les moins riches, le principe de proportionnalité est généralisé à toutes les communes pour le calcul du prélèvement. Les communes peuvent déduire les sommes pour la création d'aires d'accueil permanentes des gens du voyage du prélèvement, c'est-à-dire de la pénalité qu'elles doivent payer si elles ne respectent pas l'article 55 de la loi SRU. De même elles peuvent déduire les dépenses liées à des baux emphytéotiques. La déduction des dépenses faites en faveur du logement locatif social peut être reportée sur plusieurs années au prorata du nombre de logements que ces dépenses permettent de construire. Dans les DOM, les sommes collectées au titre de l'article 55 peuvent être reversées aux Fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain en l'absence d'un EPCI compétent pour constituer des réserves foncières ou d'un établissement public foncier local.
Dans les communes relevant de la loi SRU ou dans les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'un programme local de l'habitat, le nombre de logements locatifs sociaux mis en chantier pour chaque période triennale ne peut être inférieur à 30 % de la totalité des logements commencés sur le territoire de la commune au cours de la période triennale écoulée.
Le préfet rend public le bilan annuel du respect par les communes de leurs obligations, au titre de l'article 55. Tous les trois ans, le Gouvernement transmet un rapport au Parlement qui porte sur le bilan des obligations triennales des communes en matière de construction de logements sociaux.
La loi institue des commissions départementales chargées de l'examen du respect des obligations fixées par l'article 55. Elle est réunie et présidée par le préfet, composée de celui-ci, du maire de la commune concernée, du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat, des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations agréées concernées. La commission examine les difficultés rencontrées par la commune. Elle peut, selon son appréciation de la situation, recommander un échéancier de réalisation pour la nouvelle période triennale permettant de rattraper le retard. Elle peut doubler la majoration prévue par l'arrêté de carence. Elle peut aussi saisir la commission nationale avec l'accord du maire en cas d'obstacles objectifs. Cette commission nationale, placée auprès du ministre chargé du Logement, est présidée par un conseiller d'Etat, et compte dans sa composition deux députés et deux sénateurs, un membre de la Cour des comptes, des représentants d'associations d'élus locaux... Elle entend le maire et le préfet concernés pour éventuellement aménager les obligations.
Un syndicat mixte fermé peut réaliser des études de cadrage sur l'habitat servant de base à l'élaboration du programme local de l'habitat lorsque les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat diffèrent de ceux des bassins d'habitat ou des pays.
L'EPCI compétent en matière d'habitat et disposant d'un programme local de l'habitat adopté peut proposer aux organismes disposant d'un patrimoine locatif social dans le ressort territorial de ces établissements de conclure pour trois ans un accord collectif intercommunal. Il se substitue à l'accord collectif départemental, prévoit la création d'une commission de coordination. Celle-ci est présidée par le président de l'EPCI et composée du préfet, des maires des communes membres, de représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de l'EPCI, de représentants du département, de représentants de tout organisme titulaire de droits de réservation et de représentants des associations agréées intéressées. Cette commission examine les dossiers des demandeurs de logement social concernés par l'accord collectif intercommunal.
Le texte ne retient pas la procédure de "coupe-file" du projet initial : la liste des publics prioritaires est allongée (personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ; personnes mal logées reprenant une activité après une période de chômage de longue durée).
Dans chaque département est créée une commission de médiation, auprès du préfet qui désigne une personnalité qualifiée pour la présider. Elle est composée de représentants du conseil général, de représentants des EPCI, de représentants des organismes bailleurs, de représentants des associations de locataires et de représentants des associations agréées intéressées. Cette commission reçoit toute réclamation relative à l'absence de réponse à une demande de logement répondant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social. Les bailleurs en charge de la demande lui adressent tous les éléments d'information sur la qualité du demandeur et sur les motifs justifiant l'absence de proposition.
Après avis du maire de la commune concernée, le préfet (ou le délégataire des droits à réservation de ce dernier) saisi du cas d'une personne dont la demande est considérée comme prioritaire par la commission de médiation, peut désigner le demandeur à un organisme bailleur en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger. Ces attributions s'imputent sur ses droits à réservation.
Les fournisseurs d'électricité, de gaz et les distributeurs d'eau se voient opposer une interdiction de coupure de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz ou de la distribution d'eau, du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, pour les personnes en difficulté qui ne paient pas les factures de leur résidence principale (C. act. soc. fam., nouv. art. L. 115-3). Le fournisseur avise le consommateur en retard de paiement du délai et des conditions dans lesquels la fourniture pourra être réduite ou suspendue à défaut de règlement. Il est également tenu d'informer son client de la possibilité de saisir le fonds de solidarité pour le logement. Sauf opposition de sa part dans un délai de huit jours à compter de la réception de ce courrier, le fournisseur avertira de cette absence de paiement le président du conseil général, le maire de sa commune de résidence et, s'il y a lieu, le président de l'EPCI, au moins cinq jours ouvrables avant l'interruption complète des prestations.
La loi simplifie et allège la procédure de classement des réseaux de distribution de chaleur et de froid que peut demander une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités pour ceux existant ou à créer sur leur territoire. Le classement permet de définir des périmètres de développement prioritaire sur lesquels l'autorité territoriale peut imposer le raccordement au réseau de toute installation nouvelle. Le préfet prononce le classement dans les neuf mois suivant la demande ; passé ce délai, le silence vaut acceptation.
III. Dispositions diverses relatives au logement et à la cohésion sociale
Le titre III regroupe trois chapitres : dispositions relatives à la construction ; dispositions relatives aux rapports entre les bailleurs et les locataires ; autres dispositions.
L'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, relative au logement et à la construction (N° Lexbase : L8527G8C) sera ratifiée par la loi portant engagement national pour le logement, moyennant certaines modifications.
Les SA d'HLM des DOM voient leurs compétences étendues. Elles peuvent, en qualité de prestataires de services, construire, vendre, gérer des logements à usage d'habitation pour le compte de SCI bénéficiant du régime fiscal dit "Girardin" afin de favoriser l'offre locative sociale. Ces logements bénéficient de plafonds de loyer et de ressources des locataires inférieurs à ceux applicables aux prêts locatifs sociaux (PLS).
L'Etat peut subventionner à 100 % les aires de grand passage pour les gens du voyage destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l'occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels. Le préfet applique le taux maximal après avis de la commission consultative départementale, dans la limite d'un plafond fixé par décret. La région, le département et les caisses d'allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires.
Une dérogation à la continuité territoriale d'une communauté de communes est introduite de manière transitoire jusqu'au 1er janvier 2007. Une commune, dénuée de lien territorial, peut demander son adhésion à un tel EPCI si ce dernier est compétent en matière de PLH et si tous deux sont inclus dans le périmètre d'un même SCOT dont la majorité de la population appartient à la communauté de communes.
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Réf. : Cass. soc., 14 juin 2006, n° 05-40.995, Association I Comme c/ Mme Denis et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A0044DQP)
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N0465ALS
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Les contrats conclus par les associations intermédiaires, en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, en vue de mettre un salarié à disposition d'une personne physique ou morale, ne sont pas soumis au droit commun du contrat de travail à durée déterminée. |
Décision
Cass. soc., 14 juin 2006, Association I Comme c./ Mme Denis et autres, n° 05-40.995, Association I Comme c/ Mme Denis et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A0044DQP) Cassation (CPH Cambrais, section commerce, 13 décembre 2004) Mots clefs : association intermédiaire, mise à disposition des salariés, soumission de ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée, inapplicabilité du régime général des CDD. Texte visé : C. trav., art. L. 322-4-16-3 (N° Lexbase : L6153ACU). Lien base : . |
Faits
Une association avait engagé plusieurs salariés pour effectuer des missions auprès d'une société selon plusieurs contrats de détachement conclus pour différentes périodes déterminées. A l'issue de la période de mise à disposition, chaque salarié avait été payé pour les heures effectuées. Ces derniers, estimant que le contrat avait été rompu en violation des dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5457AC4), entendaient obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive et avaient, pour ce faire, saisi la juridiction prud'homale. Le conseil de prud'hommes avait fait droit à leur demande. Il avait, en effet, considéré que les salariés n'avaient été rémunérés que pour une période limitée dans le temps, et qu'en ne fournissant plus de travail à l'issue de cette période, l'association avait rompu les contrats de travail à durée déterminée en violation de l'article L. 122-3-8 du Code du travail. |
Solution
1. Cassation 2. "Attendu cependant que les contrats de travail conclus par les associations intermédiaires, en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, en vue de mettre un salarié à la disposition d'une personne physique ou morale, ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée". 3. "En statuant comme elle l'a fait, alors que les contrats de travail conclus entre les salariées et l'association intermédiaire ne pouvaient être considérés comme rompus en application de l'article L. 122-3-8 du Code du travail, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé". |
Commentaire
1. Un contrat particulier
L'article L. 322-4-16-3 du Code du travail prévoit la possibilité, pour les associations intermédiaires, de conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières, des contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale. Cette faculté est subordonnée à la conclusion préalable d'une convention entre l'Etat (et, singulièrement, de son représentant le Préfet de département du siège de l'association) et l'association, d'une durée maximale de trois ans, ayant pour objet la mise à disposition de personnes physiques ou morales (décret n° 99-109 du 18 février 1999, article 3 N° Lexbase : L8369AIS). Ces mises à dispositions sont réglementées (C. trav., art. L. 322-4-16-3 ; décret n° 99-109). Un contrat de mise à disposition contenant diverses mentions doit être conclu par écrit (décret n° 99-109, article 5). La durée totale des contrats conclus avec un salarié, que ce soit avec un ou plusieurs employeurs, ne peut dépasser 240 heures par période de douze mois à compter de la date de la première mise à disposition (décret n° 99-109, article 8). Une fois les missions effectuées, l'association peut-elle se "débarrasser" des salariés ? L'association employeur est-elle tenue au paiement des 240 heures ? Cette dernière peut-elle se voir condamnée pour non-respect du délai minimal imprimé à un CDD, et singulièrement, pour non-respect de la durée maximale prévue à l'article L. 122-3-8 du Code du travail ? Si l'on s'attache à la lettre de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, l'employeur ne peut être contraint d'indemniser les salariés dans ce cas. L'article 8 du décret précise, en effet, que la durée totale des contrats de mises à disposition ne peut dépasser 240 heures sur 12 mois. Rien ne lui interdit donc de faire travailler les salariés pour une durée moindre ou sur une période plus courte. Ce n'était pas ce que pensaient les salariés bénéficiaires de la convention dans la décision commentée, ni le conseil de prud'hommes devant lequel ils avaient porté leur requête. Pour ce dernier, en effet, les salariés avaient été employés et rétribués sur une période limitée dans le temps et, en ne fournissant plus de travail aux salariés à l'issue de cette période, l'association avait violé l'article L. 122-3-8 du Code du travail. Cette dernière avait donc été condamnée à indemniser les salariés. C'est cette position, et singulièrement, la soumission de ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée que vient ici sanctionner la Cour de cassation.
La Haute juridiction considère, en effet, que les contrats conclus avec des associations intermédiaires en vue de mettre un salarié à la disposition d'une personne physique ou morale ne sont pas soumis aux articles L. 122-1 et suivants du Code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée. Les contrats conclus ne pouvaient donc être considérés comme rompus en violation des dispositions de l'article L. 122-3-8 du même code. Cette solution semble a priori logique, ce qui nous amène à regretter que le législateur n'ait prévu aucune sanction pour protéger les salariés bénéficiaires de ces dispositions. 2. Une exclusion inévitable
Rien dans l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail ne prévoit de soumettre ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée, tout semble même les exclure de son champ d'application. Le législateur ne fait, en premier lieu, dans cette disposition aucun renvoi, qu'il soit direct ou indirect, aux articles L. 122-1 et suivants du Code du travail, relatifs au droit commun du contrat de travail à durée déterminée. Contrairement aux autres contrats aidés, le législateur n'emploie même pas les termes contrats à durée déterminée pour qualifier ce type de contrat (voir C. trav., art. L. 981-2 N° Lexbase : L4800DZS). Ces contrats ont, en second lieu, un objet distinct d'un CDD de droit commun. Alors que l'objet du CDD est de pourvoir à un emploi temporairement vacant de l'entreprise, l'objet des contrats conclus en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail est l'insertion par la mise à disposition. Les heures de travail exercées par les salariés sont, enfin, limitées sur une année alors qu'un CDD l'est pour une période maximum de 18, voire 24 mois (C. trav., art. L. 122-1-2 II). Le décret d'application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail prévoit, en effet, que la mise à disposition de ces salariés ne peut excéder 240 heures sur une période de 12 mois qui court à compter de la date de la première mise à disposition. Le fait pour l'employeur de ne pas avoir mis à disposition ces salariés pour une durée de 240 heures n'est pas une faute. Le délai n'est, en effet, pas un minimum mais un maximum. La seule sanction envisageable est celle du dépassement par l'employeur de la durée maximale de 240 heures. Le problème est que dans ce cas aucune sanction n'est plus prévue. Or, la généralité de la solution rendue, risque de compromettre la bonne application du dispositif.
En l'absence d'emprunt au droit commun du CDD, aucune sanction n'est encourue par l'employeur ayant dépassé la durée maximum annuelle de travail de ces salariés. La seule sanction prévue par la loi pour ce type de contrat est devenue sans objet. Le législateur prévoyait, en effet, qu'en cas de dépassement de la durée maximale prévue au b (mise à disposition maximale par an et par employeur abrogé par l'article 15 de loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9), le contrat conclu était réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée (C. trav., art. L. 322-4-16-3, 2 c, alinéa 2). En dehors de cette disposition désormais caduque, aucune autre sanction n'est directement, ou par renvoi, prévue. Ceci n'est pas grave lorsque, comme dans l'espèce commentée, la mise à disposition a été régulière et que les salariés ont été payés. Cette exclusion du droit commun peut, en revanche, se révéler injuste lorsque par exemple l'employeur ne respecte pas la durée maximale du travail sur une année ou ne respecte pas la durée prévue dans le contrat de mise à disposition, durée qui est pourtant impérative (décret n° 99-109 du 18 février 1999, article 5). Dans ce cas, comme d'ailleurs dans toutes les autres hypothèses, l'employeur ne doit rien craindre des tribunaux. Exclus du droit commun des contrats de travail à durée déterminée et dépourvus de sanctions propres, ils échappent à toute répression. Le visa, et la généralité de l'attendu de principe, ne laissent en effet aucun doute sur ce point. Un réajustement s'impose donc pour arriver à un équilibre préservant les droits des salariés. |
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Réf. : Cass. civ. 1, 13 juin 2006, n° 05-18.469, Mme Valentine Mesplou, F-P+B (N° Lexbase : A9541DP3)
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Le 07 Octobre 2010
Tout à fait classiquement oserait presque-t-on dire, une société avait annoncé à un consommateur qu'il avait gagné le premier prix d'un jeu qu'elle avait organisé, si bien que le consommateur avait assigné la dite société en paiement d'une somme correspondant au montant du prix annoncé. Mais les juges du fond, pour le débouter de sa demande, avaient fait valoir que, si, en effet, la première lettre parvenue au consommateur lui annonçait l'heureuse nouvelle, une seconde lettre, envoyée par la société quelques jours plus tard, faisait nettement apparaître l'existence d'un aléa, puisqu'il était indiqué au consommateur qu'il ne pouvait en définitive que prétendre, au terme d'un simple pré-tirage, qu'à l'un des prix mis en jeu.
C'est cette décision que casse, ici, la Cour suprême : elle énonce, en effet, sous le visa de l'article 1371 du Code civil, "qu'en se déterminant ainsi, en contemplation, notamment, d'un document postérieur à la lettre du 15 avril 1996 (première lettre), alors que l'existence d'un aléa affectant l'attribution du prix doit être mise en évidence, à première lecture, dès l'annonce du gain, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
On retiendra donc d'abord de cette décision que la Cour de cassation maintient le fondement de la solution posée en 2002 et entend, ainsi, continuer à contraindre les organisateurs de loteries qui annoncent un gain à une personne dénommée à s'exécuter, l'obligation de l'organisateur trouvant sa source dans un quasi-contrat.
Se trouvent ainsi délaissés les autres fondements auxquels la jurisprudence a parfois eu recours dans le passé et, en l'occurrence, l'engagement unilatéral de volonté (2), le contrat (3) ou la responsabilité civile. Toujours est-il qu'il n'est pas question ici de revenir sur l'importance d'une telle solution, tant il a déjà parfaitement été montré à quel point elle bouleverse l'économie et la logique du quasi-contrat (4).
Ensuite, et c'est sans doute là son principal apport, l'arrêt renseigne sur l'appréciation de la condition posée en 2002 par l'arrêt de Chambre mixte de la Cour de cassation tenant à l'absence d'aléa : pour pouvoir contraindre, sur le fondement du quasi-contrat, l'organisateur d'une loterie à payer au consommateur la somme promise, encore faut-il qu'il ait annoncé un gain "sans mettre en évidence l'existence d'un aléa".
Comme on pouvait s'en douter, le contentieux devait immanquablement se déplacer sur cette question, les organisateurs de loteries s'efforçant plus ou moins habilement d'introduire un aléa pas toujours facile à détecter pour le consommateur. Et, notamment, l'une des ruses consiste dans le fait, après avoir fermement annoncé un gain, à revenir en quelque sorte en arrière en faisant apparaître l'existence d'un aléa dans un document postérieur. Tel était ce qu'avait d'ailleurs mis en oeuvre l'organisateur de la loterie dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rapporté. Soit, mais, trop tard : tel est le message de la Cour de cassation.
L'aléa excluant la remise de la somme annoncée doit avoir existé ab initio. Cette précision est utile et importante. Il reste à savoir si elle sera suffisante pour tarir le contentieux en la matière...
David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit
(1) Cass. mixte, 6 septembre 2002, n° 98-14.397, M. Stéphane Marchewka, P (N° Lexbase : A2645AZY) ; Cass. mixte, 6 septembre 2002, n° 98-22.981, Association UFC Que Choisir (N° Lexbase : A2644AZX), Bull. civ. n° 4, D. 2002, p. 2963, note Mazeaud ; puis, dans le même sens, Cass. civ. 1, 18 mars 2003, n° 00-19.934, M. Roger Vilanova c/ société Maison française de distribution, F-P+B (N° Lexbase : A5453A74), Bull. civ. I, n° 85, Rép. Defrénois 2003, p. 1168, obs. Libchaber, RDC 2003, p. 80, obs. Fenouillet, et nos obs., Les loteries et le quasi-contrat : la Cour de cassation enfonce le clou !, Lexbase Hebdo n° 66 du 10 avril 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N6808AAE).
(2) Cass. com., 28 mars 1995, n° 92-17.805, Société France direct service et autre c/ Mme Santucci (N° Lexbase : A8158ABR), D. 1996, p. 180, note Mouralis.
(3) Cass. civ. 2, 11 février 1998, n° 96-12.075, Société France direct service c/ Mme Fonvieille (N° Lexbase : A2639ACQ), D. 1999, p. 109, obs. Libchaber.
(4) Voir not. Mazeaud, note préc..
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Réf. : Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-16.200, M. Jacques Moyrand, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1171DQG)
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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial
Le 07 Octobre 2010
I - L'examen par la Haute juridiction de l'application de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises
Aux termes de l'article 192 de la loi de sauvegarde des entreprises, "les procédures ouvertes en vertu des articles L. 621-98 (N° Lexbase : L6950AIA), L. 624-1, L. 624-4 (N° Lexbase : L3850HB9) et L. 624-5 (N° Lexbase : L7044AIQ) du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur".
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, examinant d'office l'application de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, énonce, dans les termes d'un attendu de principe, que selon cette disposition, "les procédures ouvertes en vertu de l'article L. 624-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur ; qu'il s'ensuit que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte à l'égard des personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social, par une décision prononcée antérieurement au 1er janvier 2006, fût-elle frappée de recours, continue d'être régie par les dispositions du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi précitée peu important que l'exécution provisoire ait été, le cas échéant, arrêtée".
Cette solution, inédite s'agissant des procédures ouvertes sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce, rejoint celles déjà rendues sur l'application de l'article 192 de la loi de sauvegarde des entreprises s'agissant des procédures ouvertes sur le fondement des articles L. 624-4 et L. 624-5 du Code de commerce.
En effet, la Haute cour a déjà eu l'occasion de préciser qu'il résulte de la combinaison des articles 190 et 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises que les instances engagées aux fins d'ouverture d'une procédure collective à l'égard des dirigeants des personnes morales sur le fondement des articles L. 624-5 et L. 624-6 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à cette loi, peuvent être poursuivies si la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire a été ouverte avant le 1er janvier 2006, peu important le mode de saisine du tribunal (Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-16.668, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A3948DPW ; Cass. com., 13 juin 2006, n° 05-14.081, M. Jean-Pierre Weiss c/ Société civile professionnelle (SCP) Bruart, FS-D N° Lexbase : A9976DP8). Ainsi a-t-elle pu ajouter que l'article L. 624-5 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, bien qu'abrogé par cette loi, peut encore servir de fondement au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer contre le dirigeant d'une personne morale soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006, ayant commis l'un des actes qui y sont mentionnés (Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.637, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9397DND).
La Cour de cassation conclut donc, en l'espèce, que les procédures respectives ouvertes à l'encontre des associés de la SNC, sur le fondement de l'article L. 624-1 du Code de commerce, continuent à être régie par les dispositions de ce code. Se pose, alors, la question de savoir quelles sont les règles applicables à la fixation de la date de la cessation des paiements dans le cadre des procédures ouvertes à l'encontre de ces personnes.
II - La date de cessation des paiements des personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social
Rappelons que la date de cessation des paiements est fixée par le tribunal, et mentionnée dans le jugement d'ouverture. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate . Par ailleurs, est prévue la possibilité de reporter la date de cessation des paiements, une ou plusieurs fois ; cependant, la date de cessation des paiements ne pourra être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture .
En 1989, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait eu l'occasion d'affirmer que, lorsque le dirigeant d'une personne morale en redressement ou en liquidation judiciaire est soumis lui-même à l'une de ces procédures, la date de cessation des paiements est celle fixée à l'égard de la personne morale (Cass. com., 24 janvier 1989, n° 87-17.770, Société anonyme Ternay c/ M. Sapin, syndic de la liquidation des biens de M Esebag, publié N° Lexbase : A9014AA4).
Dans notre espèce, appliquer aux associés de la SNC la date de cessation des paiements fixée dans la procédure collective de la SNC elle-même revenait à fixer, pour ces associés, une date de cessation des paiements antérieure de plus de dix-huit mois au jugement d'ouverture de leur procédure. Or, la limite posée par l'article L. 621-7, alinéa 1, du Code de commerce, ne le permet pas. C'est en ce sens qu'a statué la cour d'appel de Paris, estimant que, si, certes, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une personne morale produit ses effets à l'égard de toutes les personnes membres de la personne morale indéfiniment et solidairement responsables du passif social, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de procédures distinctes et que, par conséquent, l'article L. 621-7 du Code de commerce leur est applicable.
Telle n'est pas, en revanche, la position de la Cour de cassation. Celle-ci, en effet, adopte d'abord une position conforme à sa jurisprudence de 1989, considérant que, "lorsqu'il a été fait application de l'article L. 624-1 du Code de commerce aux personnes, membres ou associées d'une personne morale en procédure collective, indéfiniment et solidairement responsables du passif social, la date de la cessation des paiements de ces personnes, soumises chacune à une procédure collective indépendante, est la date fixée pour la personne morale". Et ce, quand bien même cette date serait antérieure de plus de dix-huit mois à celle du jugement d'ouverture de la procédure des personnes concernées.
L'arrêt d'appel est donc cassé pour violation des articles L. 621-7 et L. 624-1 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Cette solution surprend en ce que les termes peuvent paraître contradictoires. En effet, si la Haute cour rappelle que ces personnes sont, chacune, soumises à une procédure collective indépendante, cette indépendance est relative : relative au point d'avoir une date de cessation des paiements identique à celle de la personne morale ayant fait l'objet d'une procédure collective, et ce, jusqu'au point d'en écarter l'application de l'article L. 621-7, alinéa 1, du Code de commerce.
De plus, cette solution est critiquable sur le plan de la sécurité juridique. En effet, rappelons que certains actes accomplis pendant la cessation des paiements doivent ou peuvent être annulés. Si les nullités de la période suspecte sont, certes, prévues aux fins de recomposer le patrimoine du débiteur, une "période suspecte" trop étalée dans le temps pourrait, cependant, avoir pour conséquence de remettre en cause un trop grand nombre d'actes .
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