CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 66144
Ministre du Budget
contre
Société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence
Lecture du 01 Février 1989
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 14 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 19 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a accordé à la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence une réduction de la taxe professionnelle à laquelle cette société a été assujettie au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la commune d' Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; 2°) remette intégralement à la charge de cette société les impositions litigieuses,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Honorat, Maître des requêtes, - les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts applicable aux impositions contestées : "La taxe professionnelle a pour base : 1° La valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469 et 1518-A, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant tout ou partie de l'exercice précédent, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période" ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : "La valeur locative est déterminée comme suit : - 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 1967-A : "Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à corriger, pour une année donnée, dans les délais fixés à l'article 1967-A, l'estimation de la valeur locative des immobilisations servant de base au calcul de la taxe professionnelle lorsque celle-ci est insuffisante, que cette insuffisance résulte d'une omission de l'administration ou d'une omission du contribuable ; que, si la correction de la valeur locative servant de base à l'imposition à la taxe professionnelle de la société des "Grands Hôtels d'Aix-en-Provence", au titre des années 1977 et 1978, a été opérée à la suite de directives de l'administration centrale des impôts en vue de l'harmonisation des valeurs locatives des hôtels trois et quatre étoiles, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'administration n'a pas, en corigeant la valeur locative au 1er janvier 1970 de l'hôtel qu'exploitait cette société à Aix-en-Provence, procédé à une actualisation triennale de la valeur locative au moyen de coefficients, sans respecter les prescriptions de l'article 1518 du code général des impôts, mais s'est bornée à corriger, sur la base des dispositions de l'article 1967 A du même code, les insuffisances qu'elle avait constatées dans l'estimation de cette valeur locative ; qu'il s'ensuit que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour accorder la décharge des impositions litigieuses, les premiers juges se sont fondés sur le motif que l'administration n'avait pu, sans procéder à une révision prématurée et illégale des bases d'imposition et sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 1469 du code général des impôts, corriger la valeur locative de l'hôtel exploité par la société requérante pour son imposition à la taxe professsionnelle ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence à l'appui de sa demande devant le tribunal ;
Sur les irrégularités qui entacheraient la décision du directeur des services fiscaux rejetant la réclamation contentieuse :
Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur des services fiscaux d'un département, saisi d'une réclamation contentieuse, rejette celle-ci sont sans influence sur la validité de l'imposition contestée ; que, par suite, le moyen présenté sur ce point par la société requérante et tiré de ce que la décision du directeur, en l'espèce, serait irrégulière est inopérant ;
Sur l'acquiescement aux faits :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-5 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'administration n'a pas, à l'expiration d'un délai de six mois suivant la date de présentation de l'instance, produit ses observations, le président du tribunal administratif peut lui accorder un nouveau délai de trois mois qui peut être prolongé, en raison de circonstances exceptionnelles, sur demande motivée. Le président du tribunal administratif peut imposer des délais au redevable. Si c'est le demandeur qui n'a pas observé le délai, il est réputé s'être désisté ; si c'est la partie défenderesse, elle sera réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les recours" ;
Considérant que, si la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence soutient que le directeur départemental des services fiscaux des Bouches-du-Rhône a produit un mémoire en défense devant le tribunal administratif à une date telle que l'administration doit être réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la demande, il résulte des pièces du dossier de première instance que ce mémoire a été enregistré avant la clôture de l'instruction ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la demande ;
Sur la prise en compte dans les bases d'imposition des locaux affectés au logement du personnel :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1467 du code général des impôts et 310 HA de l'annexe II audit code, la valeur locative d'un bien figurant à un compte d'immobilisations corporelles du bilan de l'exercice clos à la fin ou au cours de l'année précédant celle de l'année d'imposition entre dans la base de la taxe professionnelle, à moins que le contribuable n'établisse que ce bien, au cours de cet exercice, a été détruit ou cédé ou a, pour une autre cause, définitivement cessé d'être utilisable ;
Considérant que, si la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence soutient que les locaux destinés au logement du personnel n'étaient plus utilisés depuis de nombreuses années, elle n'établit pas qu'au cours de la période de référence, ces locaux avaient définitivement cessé d'être utilisables ;
Considérant que, pour demander que ces locaux soient exclus de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle, ladite société ne peut pas utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions du paragraphe 131 de l'instruction de la direction générale des impôts n° 6 E-7-75 du 30 octobre 1975, lesquelles ne concernent que les locaux non affectés à un usage professionnel, ni les dispositions du paragraphe 17 de la documentation administrative de base, n° 8-A-1122, qui portent sur les dispositions du VI de l'article 691 du code général des impôts, lesquelles ne sont pas applicables en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ces locaux ont été pris en compte dans les bases servant au calcul de sa taxe professionnelle ;
Sur l'évaluation du montant de la valeur locative :
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : "La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés à l'article 1496-1 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : - 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; - 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; - b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : - Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble-type était loué normalement à cette date ; - Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; - 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe" ; Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, pour déterminer la valeur locative de l'Hôtel du Roy René, dont la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence est propriétaire, l'administration a, pour l'application des dispositions précitées du 2° de l'article 1498, retenu comme terme de comparaison un hôtel quatre étoiles situé à Marseille ; qu'eu égard à l'importance de la population de la ville de Marseille ainsi qu'au volume et à la nature des activités économiques de cette commune cet établissement n'est pas situé dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune où est situé l'immeuble dont la valeur locative doit être appréciée ; qu'ainsi la société requérante est fondée à soutenir que la valeur locative de son hôtel a été déterminée en méconnaissance des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts ; Considérant, d'autre part, que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à demander que la valeur locative soit effectuée par voie d'appréciation directe, dans les conditions prévues par les dispositions précitées du 3° de l'article 1498 du code général des impôts, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il existe, soit dans la commune d'Aix-en-Provence, soit hors de celle-ci, des immeubles pouvant servir de termes de comparaison et que, de ce fait, la valeur locative de l'immeuble peut être déterminée dans les conditions prévues au 2° du même article ;
Considérant que le Conseil d'Etat ne dispose pas, en l'état du dossier, de termes de comparaison lui permettant de déterminer la valeur locative de l'immeuble litigieux ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de rechercher des termes de comparaison, dans la commune d'Aix-en-Provence s'il existait, à la date du 1er janvier 1970, dans cette commune, des immeubles similaires, ou, dans le cas contraire, dans une commune présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune d'Aix-en-Provence ;
Article ler : Avant de statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, il sera procédé, par les soins du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, contradictoirement avec la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence, à un supplément d'instruction, en vue de rechercher dans la commune d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), s'il existait dans cette commune au 1er janvier 1970 des immeubles similaires à l'hôtel exploité par la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence, ou, dans le cas contraire, dans une commune présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune d'Aix-en-Provence, des termes de comparaison permettant de déterminer la valeur locative de l'hôtel exploité par cette société.
Article 2 : Il est accordé au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget un délai de quatre mois pour faire parvenir au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les renseignements mentionnées par l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société des Grands Hôtels d'Aix-en-Provence et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.