Jurisprudence : Cass. civ. 2, 19-01-2023, n° 21-21.516, FS-B+R, Cassation

Cass. civ. 2, 19-01-2023, n° 21-21.516, FS-B+R, Cassation

A937388N

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C200072

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047023634

Référence

Cass. civ. 2, 19-01-2023, n° 21-21.516, FS-B+R, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92417606-cass-civ-2-19012023-n-2121516-fsb-r-cassation
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Abstract

Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. S'agissant d'un contrat prévoyant la garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative consécutive à certaines causes qu'il énumère, dont l'épidémie, est formelle la clause qui exclut ces pertes d'exploitation de la garantie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique. Une clause d'exclusion n'est pas limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. N'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'il énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées


CIV. 2

CM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2023


Cassation partielle


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 72 FS-B+R


Pourvois n°
W 21-21.516
Q 21-23.189 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2023


I. La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-21.516 contre un arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Zen Prado, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

II. La société Zen Prado, société par actions simplifiée unipersonnelle, a formé le pourvoi n° Q 21-23.189 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, défenderesse à la cassation.

Les demanderesses aux pourvois n° W 21.21-516 et Q 21.23-189 invoquent, à l'appui de leur recours, chacune, un moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Zen Prado, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, le pourvoi n° W 21-21.516, formé par la société Axa France IARD, et le pourvoi n° Q 21-23.189, formé par la société Zen Prado, sont joints.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juin 2021), la société Zen Prado, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » à effet du 1er février 2020 incluant une garantie « protection financière ».

3. A la suite d'un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Zen Prado a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

4. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

5. La société Zen Prado a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 5 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020.

6. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° W 21-21.516 formé par la société Axa France IARD

Enoncé du moyen

7. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut et de le condamner à payer à la société Zen Prado une provision à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies par celle-ci lors des fermetures de son établissement, alors :

« 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie » et « maladie contagieuse » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 ;

2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la rédaction de la clause d'exclusion de garantie, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit « une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication », de sorte que, même si elles ne figurent pas dans la clause d'exclusion, les notions d'épidémie et de maladies contagieuses constituent des conditions de la mise en oeuvre de la garantie », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La société Zen Prado conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que les développements des conclusions de l'assureur ne distinguant pas entre arguments principaux et subsidiaires, ils étaient difficilement conciliables entre eux puisqu'il était soutenu simultanément que la validité de la clause d'exclusion était indépendante de la signification du mot « épidémie », que ce dernier comportait plusieurs sens qu'il fallait nécessairement prendre ensemble, que les stipulations contractuelles ne nécessitaient aucune interprétation et que les mots y figurant devaient être compris en fonction de la commune intention des parties. Elle en déduit que ces affirmations étant contradictoires entre elles, les cinq premières branches du moyen entrent nécessairement en contradiction avec l'un ou l'autre des passages des conclusions d'appel de l'assureur et qu'elles sont, dès lors, irrecevables comme étant contraires à la thèse soutenue par ce dernier en appel.

9. Cependant, il résulte sans équivoque de la lecture des conclusions de l'assureur que ce dernier a soutenu principalement devant la cour d'appel que le terme « épidémie » ne figurant pas dans la clause d'exclusion, il ne pouvait en affecter la validité, et que la définition de l'épidémie ne présentait pas d'ambiguïté, et, à titre subsidiaire, que si le juge estimait devoir interpréter le contrat, il lui appartenait de rechercher la commune intention des parties lors de sa conclusion, en application de l'article 1188 du code civil🏛.

10. Le moyen, qui n'est pas contraire à l'argumentation soutenue en appel est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 :

11. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

12. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

13. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que la rédaction de la clause d'exclusion de garantie, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit « une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication », de sorte que, même si elles ne figurent pas dans la clause d'exclusion, les notions d'épidémie et de maladies contagieuses constituent des conditions de la mise en oeuvre de la garantie.

14. Il énonce, ensuite, que le contrat ne contient aucune définition des termes « maladie contagieuse » ou « épidémie » et qu'il résulte des écritures des parties que, contrairement à ce qui est soutenu, la définition du terme « épidémie » n'est ni évidente, ni commune puisque l'assureur considère qu'une épidémie peut toucher un nombre limité de personnes et être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement, tandis que pour l'assurée « une maladie contagieuse transformée en épidémie car s'étant propagée » a forcément des conséquences qui touchent un nombre important de personnes « obligeant la fermeture d'autres établissements, au moins un autre ».

15. Il en déduit que la clause d'exclusion de garantie nécessite une interprétation du terme « épidémie » mentionné dans la clause en tant que « cause identique », de sorte qu'elle n'est pas formelle.

16. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Et sur le moyen, pris en sa neuvième branche, du pourvoi n° W 21-21.516 formé par la société Axa France IARD

Enoncé du moyen

17. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances🏛, 1170 et 1171 du code civil. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 :

18. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.

19. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

20. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que la clause d'exclusion en cause n'est nullement limitée puisqu'elle mentionne, d'une part, tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, la notion « d'autre établissement » étant particulièrement large, d'autre part, le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel demeure un nombre important de personnes, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département, de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie d'une maladie contagieuse, et aboutit à la vider de sa substance.

21. Il ajoute que, contrairement à ce que prétend l'assureur, il n'est nullement démontré que c'est par application des clauses litigieuses qu'il a indemnisé en 2018 un assuré, l'arrêté préfectoral déclarant les bâtiments de cette exploitation de volailles comme étant infectée d'influenza aviaire n'ayant pas ordonné une fermeture de cet établissement mais diverses mesures contraignantes.

22. Il en déduit que la clause ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances🏛.

23. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

24. En application de l'article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation intervenue du chef du dispositif déclarant non écrite la clause d'exclusion et condamnant l'assureur à garantie entraîne la cassation du chef du dispositif ordonnant une expertise portant sur le montant des pertes d'exploitation, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

25. Pour le même motif, elle rend sans objet l'examen du pourvoi n° Q 21-23.189 formé par la société Zen Prado, qui attaque le chef de dispositif rejetant sa demande de condamnation de l'assureur pour résistance abusive.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valables l'avenant soumis à la signature de la société Zen Prado et la résiliation intervenue par lettre du 22 octobre 2020, à effet du 1er janvier 2021 et déboute, en conséquence, la société Zen Prado de sa demande de condamnation de la société Axa France IARD à poursuivre l'exécution du contrat aux clauses et conditions stipulées à sa souscription, le 20 février 2020, et de sa demande en paiement de la somme de 225 000 euros correspondant à trois mois de chiffre d'affaires moyen qu'elle ne pourra plus assurer à compter du 1er janvier 2021, l'arrêt rendu le 29 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Zen Prado aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° W 21.21-516 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD

La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait et de l'avoir condamnée à payer à la société Zen Prado une provision de 150 000 € à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies par celle-ci lors de la fermeture de son établissement pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 27 septembre au 5 octobre 2020 et depuis le 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois ;

1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie » et « maladie contagieuse » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 ;

2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la rédaction de la clause d'exclusion de garantie, notamment dans sa locution finale ‘pour une cause identique', renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit ‘une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication', de sorte que, même si elles ne figurent pas dans la clause d'exclusion, les notions d'épidémie et de maladies contagieuses constituent des conditions de la mise en oeuvre de la garantie » (arrêt p. 9 § 6), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 ;

3) ALORS QUE la cour d'appel s'est bornée à constater que les parties s'opposaient sur le sens à donner au terme « épidémie » (arrêt p. 9 § 7) pour en déduire que ce terme serait sujet à interprétation et, partant, que la clause d'exclusion litigieuse ne serait pas formelle ; qu'en statuant par un tel motif impropre à caractériser une ambiguïté du terme « épidémie », qui de surcroît ne figure pas dans la clause d'exclusion litigieuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 ;

4) ALORS QU'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés du jugement, que l'acception usuelle du terme « épidémie » est définie par le dictionnaire Aa comme le « développement et [la] propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population », ce dont il résulterait que ce terme impliquerait nécessairement, dans son acception usuelle, un nombre significatif de cas d'une maladie infectieuse risquant de se propager, de sorte qu'il serait impossible qu'une épidémie touche une population dans un espace donné et donc un seul établissement, sans répondre aux conclusions (p. 28-29) par lesquelles AXA faisait valoir en appel qu'une population se définit comme un ensemble de personnes constituant, dans un espace donné, une catégorie particulière et que, partant, une épidémie peut être circonscrite à un lieu unique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

5) ALORS QU'à supposer même que le terme d'« épidémie » impliquerait nécessairement, dans son acception usuelle, une maladie touchant un grand nombre de personnes dans une aire géographique étendue – ce qui est contesté –, le simple constat que l'assureur en proposait une définition différente fondée sur des documents scientifiques ne permettait pas d'en déduire ipso facto que le terme « épidémie » était sujet à interprétation et que la clause d'exclusion litigieuse n'était pas formelle ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté ces motifs du jugement, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 ;

6) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de l'absence de preuve par l'assureur que sa garantie aurait déjà joué (arrêt p. 9 dernier § et jugement p. 8 dernier §), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances🏛, 1170 et 1171 du code civil ;

7) ALORS QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « la clause d'exclusion susvisée n'est nullement limitée puisqu'elle vise : - tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion ‘d'autre établissement' étant particulièrement large, - le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel demeure un nombre important de personnes, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département » (arrêt p. 9 § 9), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA en invoquant et en produisant notamment des consultations d'épidémiologistes qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances🏛, 1170 et 1171 du code civil ;

8) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait affirmer que « l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause [d'exclusion] s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département rend en réalité la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie d'une maladie contagieuse illusoire, et aboutit à la vider de sa substance » (arrêt p. 9 § 10), sans répondre aux conclusions (p. 17, 31, 32 et 38) par lesquelles AXA donnait des exemples concrets non seulement de cas dans lesquels des « clusters » de l'épidémie de Covid-19 avaient entraîné la fermeture administrative d'un seul établissement dans un même département, mais aussi de cas de fermetures administratives individuelles d'établissement causées par des épidémies autres que celle du Covid-19, la garantie portant sur les fermetures administratives d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

9) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances🏛, 1170 et 1171 du code civil ;

10) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait réputer non écrite la clause d'exclusion litigieuse en se fondant sur l'article 1170 du code civil🏛, qui énonce que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite » (arrêt p. 8 § 1), sans vérifier si l'obligation de l'assureur limitée par la clause d'exclusion était essentielle compte tenu des autres risques garantis par celui-ci aux termes du contrat d'assurance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité. Moyen produit au pourvoi n° Q 21.23-189 par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Zen Prado

La société Zen Pardo SASU fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Alors que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité des plaideurs ; que pour débouter la société Zen Prado SASU de sa demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt énonce que le refus d'indemnisation de l'assureur résulte en l'espèce d'une mauvaise analyse des clauses du contrat, dont il n'est pas démontré qu'elle a été intentionnelle et commise dans le but de porter préjudice à son assurée, de sorte qu'il n'est pas établi que ce refus d'indemnisation est abusif ; qu'en statuant ainsi, quand l'abus de procédure ne requiert pas d'intention de nuire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles 1240 du code civil🏛.

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