CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 138718
M. HO-A-CHUCK Elections cantonales de Roura (Guyane)
Lecture du 14 Mai 1993
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 juin 1992, présentée pour M. Claude HO-A-CHUCK, demeurant 51, rue Félix Eboué à Cayenne (97300) ; M. HO-A-CHUCK demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 1er juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé son élection en qualité de conseiller général lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le canton de Roura (Guyane) ; 2°) de rejeter les protestations de MM. Riché, Neyrat et de Mmes Carcenac et Luap contre ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes, - les observations de Me Foussard, avocat de M. Claude HO-A-CHUCK, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour annuler l'élection de M. HO-A-CHUCK en qualité de conseiller général du canton de Roura (Guyane) le tribunal administratif de Cayenne s'est appuyé sur le contenu de deux lettres produites le jour de l'audience ; que, dès lors que lesdits documents ne lui ont pas été communiqués alors qu'ils ne sont pas restés sans incidence sur la solution adoptée par les premiers juges, M. HO-A-CHUCK est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que le délai imparti par l'article R.114 du code électoral au tribunal administratif pour statuer sur les réclamations en matière d'élections des conseillers généraux est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en vertu de l'article R.117 du même code, de statuer sur les protestations soumises au tribunal administratif ;
Sur les protestations de Mmes Carcenac et Luap et de MM. Riché et Neyrat : Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 43 du code électoral : "Les bureaux de vote sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau..." ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où le maire assure la présidence d'un des bureaux de vote, il lui appartient d'appeler à la présidence des autres bureaux les adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau ;
Considérant qu'il est constant que M. HO-A-CHUCK, maire de Roura, a confié la présidence du bureau de Cacao à son deuxième adjoint sans l'avoir préalablement proposée à Mme Destembert, premier adjoint ; que toutefois, et sans qu'il soit besoin de rechercher si cette dernière avait auparavant fait connaître qu'elle n'était jamais disponible le dimanche, il ne ressort pas du dossier que cette méconnaissance du texte applicable ait eu une incidence sur la sincérité des résultats du scrutin, alors notamment que l'écart entre les deux candidats en présence dans le bureau de Cacao est inférieur à celui qui, pour tout ce canton, séparait les deux candidats ; Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'entre pas dans les compétences du juge administratif d'apprécier la régularité des inscriptions sur la liste électorale, sauf si celles-ci présentent le caractère de man euvres frauduleuses ; qu'il n'est pas établi que les inscriptions contestées sur la liste électorale aient été constitutives de man euvres de nature à fausser les résultats du scrutin ; que, si les protestataires relèvent que trois électeurs inscrits ne figuraient pas sur les listes d'émargement, il résulte de l'instruction que dans un cas l'omission alléguée manque en fait et que, dans les deux autres cas, l'erreur de transcription n'a pas empêché les intéressés de voter ; que, contrairement à ce qui est soutenu, M. Poco a été régulièrement mentionné sur la liste d'émargement et admis au vote dès lors que, remplissant la condition d'âge après la clôture des délais d'inscription, il avait été porté sur le tableau rectificatif de la liste électorale établi le 28 février 1992 selon la prodécure prévue par les articles L.30 et suivants du code électoral ; Considérant, en troixième lieu, que si le maire a désigné le secrétaire de mairie de Roura pour exercer les fonctions de secrétaire du bureau du bourg, ce choix a été entériné par la majorité des membres du bureau ; que, dès lors, les protestataires, qui n'alléguent d'ailleurs pas que la procédure suivie aurait favorisé des fraudes, ne sont pas fondés à invoquer une violation des dispositions de l'article R.42 du code électoral ; Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'est pas établi que les autres faits reprochés au maire de Roura et à son épouse aient été constitutifs de pressions exercées sur le corps électoral ; Considérant, enfin, que les griefs tirés d'une méconnaissance des prescriptions des articles L.76 et L.76-1 du code électoral ne sont pas assortis d'une précision suffisante pour permettre au juge d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; que l'absence, sur un petit nombre de procuration, du cachet de l'autorité devant laquelle elles ont été établies provient, ainsi qu'il résulte de l'attestation de l'officier de police judiciaire concerné, d'une simple omission de sa part et ne saurait être regardée en l'espèce comme une irrégularité de nature à entraîner une modification des résultats du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les protestations de Mmes Carcenac et Luap et de MM. Riché et Neyrat doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 1er juin 1992 est annulé.
Article 2 : Les protestations de Mmes Carcenac et Luap, de MM. Riché et Neyrat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Claude HO-A-CHUCK, Mmes Martine Carcenac, Jocelyne Luap, MM. Jacques Riché, Pierre-Antoine Neyrat et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.