Jurisprudence : Cass. civ. 3, 09-11-2022, n° 21-20.468, FS-D, Rejet

Cass. civ. 3, 09-11-2022, n° 21-20.468, FS-D, Rejet

A97018S4

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C300766

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046555907

Référence

Cass. civ. 3, 09-11-2022, n° 21-20.468, FS-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89719388-cass-civ-3-09112022-n-2120468-fsd-rejet
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Abstract

► Celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du Code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue.


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2022


Rejet


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 766 FS-D


Pourvois n°
H 21-20.468
N 21-20.818 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022


I- La ville de [Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 4] et dont la Direction des affaires juridiques est [Adresse 3],

a formé le pourvoi n° H 21-20.468 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Centre Paris, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

II- La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, a formé le pourvoi n° N 21-20.818 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la Ville de [Localité 5],

2°/ à la société Centre Paris, société à responsabilité limitée,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° H 21-20.468 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° N 21-20.818 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 5], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Centre Paris et Flandinvest, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Schmitt et Gallet, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Aa, Ab, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaire, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 21-20.818 et H 21-20.468 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2021, n° RG 20/18850), le 29 juin 2017, le maire de Paris a assigné les sociétés Flandinvest et Centre Paris, respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation🏛, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° N 21-20.818

Enoncé du moyen

3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛 et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛. »


Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés.

5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation.

6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.


Sur le moyen du pourvoi n° H 21-20.468

Enoncé du moyen

8. La Ville de [Localité 5] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre Paris, alors :

« 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre Paris était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651- 2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

2°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

3°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

4°/ qu'en retenant que la société Centre Paris ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛. »


Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 631-7, alinéa1er, du code de la construction et de l'habitation🏛, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.

10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article.

11. Selon l'article L. 651-2 du même code🏛, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile.

12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014⚖️), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte.

13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme🏛, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2.

14. Ayant constaté que la société Centre Paris avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° H 21-20.468 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de [Localité 5]

L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 5], encourt la censure ;

EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 5] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE PARIS à une amende civile ;

ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE PARIS était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛 ;

ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE PARIS ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation🏛🏛

Moyen produit au pourvoi n° N 21-20.818 par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest

La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 5] une amende de 20 000 euros ;

ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛 », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation🏛.

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