Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 09-06-2022, n° 456544, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 09-06-2022, n° 456544, mentionné aux tables du recueil Lebon

A789774A

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:456544.20220609

Identifiant Legifrance : CETATEXT000045895477

Référence

CE 9/10 ch.-r., 09-06-2022, n° 456544, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85514789-ce-910-chr-09062022-n-456544-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-04 Il résulte de la combinaison, d’une part, de l’article 6 du code général des impôts (CGI), d’autre part, de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (CSS), de l’article 1600-0 C du CGI, de l’article 15 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, de l’article 1600-0 G du CGI, de l’article L. 245-14 du CSS, de l’article 1600-0 F bis du CGI et des articles L. 14-10-4 et L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles (CASF) qu’en prévoyant, au III de l’article L. 136-6 du CSS, que la contribution sur les revenus du patrimoine est assise selon les mêmes règles que l’impôt sur le revenu, le législateur a rendu applicable à cette contribution sociale, ainsi qu’à celles qui sont mentionnées par ces dispositions, le principe de l’imposition commune entre époux prévu par l'article 6 du CGI.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 456544

Séance du 23 mai 2022

Lecture du 09 juin 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme B A a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1709433 du 9 juillet 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE03146 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles⚖️, sur appel de Mme A, a, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, réduit les bases d'imposition aux contributions sociales de l'intéressée au titre des années 2010 et 2011, prononcé la décharge des suppléments de cotisations sociales mis à sa charge correspondant à cette réduction de bases imposables, réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel.

Par un pourvoi enregistré le 9 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 à 5 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Recam, dont M. C était le gérant, et de la SCI Brusa et Co, dont il était associé avec son épouse devenue Mme A après leur divorce en 2013, l'administration fiscale a mis à la charge des intéressés des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A tendant à la décharge de ces cotisations. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 juillet 2021, par lequel, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, la cour administrative d'appel de Versailles a partiellement fait droit à l'appel de Mme A en la déchargeant de la part des cotisations en cause correspondant aux revenus de M. C.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 du code général des impôts🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants () / Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles () ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention "Monsieur ou Madame" ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts🏛 sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu () / III.- La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. () ". Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts🏛 : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛 ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996🏛 relative au remboursement de la dette sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Il est institué une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛 () / II. - La contribution est mise en recouvrement et exigible en même temps, le cas échéant, que la contribution sociale instituée par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛 ". Aux termes de l'article 1600-0 G du code général des impôts : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996🏛 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale🏛 alors applicable : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts🏛 sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l'article L. 136-6. Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement ". Aux termes de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors applicable : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale🏛 ". Aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : / () / 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale🏛 et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code🏛. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux ". Aux termes de l'article L. 262-24 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " III.- Les recettes du fonds national des solidarités actives sont, notamment, constituées par une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale🏛 et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code🏛. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. () ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'en prévoyant, au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛, que la contribution sur les revenus du patrimoine est assise selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, le législateur a rendu applicable à cette contribution sociale, ainsi qu'à celles qui sont mentionnées par les autres dispositions citées au point 3, le principe de l'imposition commune entre époux prévu par l'article 6 du code général des impôts🏛. Par suite, en jugeant que Mme A ne pouvait faire l'objet d'une imposition commune à ces contributions avec M. C et qu'il y avait lieu de distinguer entre les revenus des deux époux, la cour a commis une erreur de droit. Le ministre est, dès lors, fondé à demander l'annulation des articles 2 à 5 de l'arrêt qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que les moyens tirés, d'une part, de ce que les dispositions combinées des articles 6 du code général des impôts🏛 et L. 136-6 du code de la sécurité sociale🏛 ne soumettraient pas les époux à une imposition commune en matière de contributions sociales et, d'autre part, que les suppléments de contributions sociales litigieux sont assis sur des revenus intégralement ou principalement perçus par l'ex-époux de Mme A doivent être écartés.

7. En second lieu, Mme A ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts🏛 dans le cadre du présent litige relatif au bien-fondé de l'impôt, dès lors que ces dispositions, qui instituent une obligation solidaire de paiement entre époux, ne peuvent être valablement invoquées que dans le cadre d'un contentieux de recouvrement.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 2 à 5 de la cour administrative d'appel de Versailles du 16 juillet 2021 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de contributions sociales mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011, est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la requête de Mme A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B A.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 9 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam6TI7Q90B

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