Références
Cour Administrative d'Appel de MarseilleN° 10MA03605Inédit au recueil Lebon
7ème chambre - formation à 3lecture du mardi 07 mai 2013REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu le recours, enregistré le 14 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0704744 du 2 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a accordé à l'Association Varoise d'Aide aux Travailleurs Handicapés, dénommée AVATH Ermitage, la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée non imputés par elle au titre des années 2001 à 2003, et de la taxe sur les salaires au titre des mêmes années :
2°) de remettre à la charge de l'association AVATH Ermitage les montants admis en déduction, soit 316 188 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, et 93 475 euros au titre de la taxe sur les salaires ;
3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, portant loi de finances pour 2006 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c/ République française (C- 243/03) et Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2013 :
- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Meynet substituant la Selarl Delsol Avocats ;
1. Considérant que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande l'annulation du jugement du 2 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a accordé à l'Association varoise d'aide aux travailleurs handicapés (AVATH Ermitage) la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non imputée au titre de la période correspondant aux années 2001 à 2003, et le remboursement de la taxe sur les salaires au titre des mêmes années ;
Sur le droit à restitution de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dont il convient de faire application, compte tenu de la date à laquelle ont été rendus les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dont la requérante entend se prévaloir, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;
3. Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;
4. Considérant que, par deux arrêts du 6 octobre 2005 rendus dans des affaires opposant la Commission à la République française et au Royaume d'Espagne, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ; que, plus particulièrement, ces deux arrêts condamnent, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive, s'agissant notamment des redevables recevant des subventions publiques, sans distinguer, comme l'a relevé le tribunal administratif de Toulon, entre subventions d'équipement et subventions de fonctionnement ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association AVATH Ermitage, qui assure la gestion d'établissements ayant pour objectif l'aide à l'insertion par le travail d'adultes handicapés et la scolarisation d'enfants en difficultés a constitué, au regard de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, deux secteurs distincts d'activité ; que l'association n'a pas opéré la déduction à laquelle elle aurait pu prétendre, dans le cadre de la réalisation d'une opération de construction d'un immeuble abritant une partie d'un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) et d'une entreprise adaptée (EA), alors que ce secteur était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, au motif que le financement avait été assuré par des emprunts dont le remboursement s'est opéré au moyen de subventions perçues par elle ; qu'il en a été de même s'agissant des dépenses de caractère administratif concernant la gestion de ces deux établissements ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Toulon, les droits à déduction de l'association AVATH Ermitage qui recevait des subventions publiques, ont été effectivement limités à tort du fait du régime de déduction applicable en droit interne, au cours des années 2001 à 2003, années au titre desquelles l'association AVATH Ermitage a demandé à l'administration fiscale le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite et de la taxe sur les salaires acquittée au titre des mêmes années ;
6. Considérant que, s'agissant des années 2001, 2002 et 2003, années postérieures au 1er janvier de la quatrième année précédant l'année 2005 au cours de laquelle ont été rendues les deux arrêts susmentionnés de la Cour de justice des Communautés européennes, l'association AVATH Ermitage, qui a formulé le 19 décembre 2006 une réclamation dans le délai ouvert par le c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, était donc fondée à demander le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite par elle, dont le montant n'est pas contesté, ainsi, par voie de conséquence, que de la taxe sur les salaires au titre des mêmes années, pour laquelle aucun moyen spécifique n'est invoqué par le ministre ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à la demande de l'association AVATH Ermitage ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'association AVATH Ermitage une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à l'association AVATH Ermitage.
Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Est.
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SM