COMM. CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 6 décembre 2011
Cassation partielle
Mme FAVRE, président
Arrêt no 1252 FS-P+B
Pourvoi no P 10-23.466
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Pascal Z, domicilié Luxémont-et-Villotte,
contre l'arrêt rendu le 10 juin 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Ditec France, anciennement dénommée Diffusion Technologie Ditec, dont le siège est Massy,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 novembre 2011,
où étaient présents Mme Favre, président, M. Lecaroz, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mmes Riffault-Silk, Levon-Guérin, MM. Espel, Rémery, Mme Jacques, M. Laborde, Mme Wallon, conseillers, Mme Guillou, M. Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Texier, conseillers référendaires, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lecaroz, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. Z, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ditec France, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, et l'article L. 132-8 du code de commerce ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la prescription des actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la Convention est régie par les dispositions de celle-ci ; qu'il s'ensuit que l'action en garantie du paiement du prix du transport, prévue par le second de ces textes, se prescrit conformément aux dispositions du premier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 7 juin, 20 juin, 6 juillet et 15 juillet 2005, la société Ditec SPA a confié à la société Assocam International, l'acheminement de marchandises de l'Italie vers la France à destination de la société Ditec France ; que la société Assocam International a sous-traité ce transport à M. Z qui a procédé aux livraisons les 8 juin, 21 juin, 6 juillet et 20 juillet 2005 ; que n'ayant pu obtenir paiement des sommes dues par la société Assocam International, M. Z a poursuivi la société Ditec France en sa qualité de garante du paiement du prix du transport et obtenu une injonction de payer signifiée le 7 août 2006 contre cette dernière qui a formé opposition ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action du transporteur en garantie du paiement du fret contre le destinataire, l'arrêt fait application de l'article L. 133-6 du code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. Z à l'encontre de la société Ditec France sur le fondement de l'abus de droit dans l'exercice de l'opposition à injonction de payer, l'arrêt rendu le 10 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Ditec France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. Z.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande formée par M. Pascal Z à l'encontre de la société DITEC FRANCE ;
AUX MOTIFS QUE " les opérations de transport relevaient bien d'un transport international et donc de la convention de Genève dite CMR du 19 mai 1956 ; que toutefois, les règles de prescription posées par la convention CMR ne peuvent être appliquées à une action, étrangère à la convention CMR, et fondées sur l'article L. 132-8 du code de commerce ; que si M. Z peut se prévaloir d'une action directe, telle que prévue à l'article L. 132-8 du code de commerce, son action doit être déclarée irrecevable, conformément à la prescription annale dès lors que la requête aux fins d'injonction de payer, en date du 21 juin 2006 ne saurait être assimilée à un acte interruptif d'instance, et que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, intervenue le 28 juillet 2006, est intervenue au-delà du délai d'un an ayant couru à compter du 20 juillet 2005, date de la dernière livraison " ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que le transport est un transport international, seules les dispositions de la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, sont applicables, s'agissant de la prescription à l'exclusion des règles du droit interne régissant la prescription ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1 et 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
ALORS QUE, deuxièmement, seules les règles de prescription édictées par la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR étant applicables, le transporteur, s'il est autorisé à se prévaloir du droit français, en tant qu'il prévoit une action directe, aux termes de l'article L. 132-8 du Code de commerce, dès lors qu'il est établi en France et que la livraison intervient en France, cette circonstance ne peut soustraire l'action, du point de vue de la prescription, aux stipulations de la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ; que de ce point de vue, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 4 § 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980, L. 132-8 du code de commerce et 32 de la convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR.