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DEM - 2
DEF - 6 TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ PRONONCÉE
PAR MONSIEUR DE BAECQUE, PRÉSIDENT,
ASSISTE DE MADAME DANCHOT, GREFFIER
LE 3 AOÛT 2011
Par sa mise à disposition au Greffe
R.G. 2011052610 (1)
26/07/2011
ENTRE SAS MEDERIC INNOVATION - dont le siège social est - PARIS - RCS PARIS B 503080731
PARTIE DEMANDERESSE comparant par Maître Michel AYACHE - Avocat P334 (SCP V SALAMA & ASSOCIÉS)
ET 1/ SA ASSISTEO EUROPE, Société de
droit Luxembourgeois - dont le siège social est L-5811 FENTAGE - LUXEMBOURG, - RCS LUXEMBOURG B131454 et également c/o CABINET BICHOT & ASSOCIÉS, PARIS
2/ Monsieur Richard S - demeurant - VERSAILLES
3/ Monsieur Édouard R - demeurant - VERSAILLES
4/ Monsieur Laurent Q - demeurant - LEVALLOIS-PERRET
PARTIES DÉFENDERESSES comparant par Maître Mathieu P (CABINET BICHOT & ASSOCIÉS - AARPI) et Maître Antoine O - Avocats R137 (STASI CHATIN & ASSOCIÉS)
5/ SAS ASSISTEO FRANCE - dont le siège social est - VERSAILLES - RCS VERSAILLES B 481832095
PARTIE DÉFENDERESSE non comparante
Les
FAITS
Depuis mars 2008, le GROUPE MALAKOFF MEDERIC, via sa filiale la Société SAS MEDERIC INNOVATION, est actionnaire de la Société ASSISTEO FRANCE qui appartient majoritairement à une Société de Droit luxembourgeois ASSISTEO EUROPE ; les autres actionnaires sont son Président, Monsieur S
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R et son Directeur général, membre du Conseil de Surveillance, Monsieur Édouard R, ainsi que Monsieur Laurent Q.
Le 28 avril 2008, un premier pacte d'actionnaires est signé ; il est amendé le 28 janvier 2010, compte tenu de l'adhésion de deux nouveaux actionnaires.
Le 29 juillet 2010, à la suite de désaccord entre les actionnaires, MEDERIC INNOVATION et ASSISTEO EUROPE concluent un contrat de cession de titres de ASSISTEO FRANCE.
Le 24 juin 2011, ASSISTEO EUROPE assigne au fond MEDERIC INNOVATION devant ce tribunal pour obtenir la résolution du pacte d'actionnaires.
Le 27 juin 2011, lors de l'assemblée générale ordinaire d'ASSISTEO FRANCE, les membres du conseil d'administration représentant MEDERIC INNOVATION n'ont pas été renouvelés.
La
PROCÉDURE
4 Par une ordonnance du 12 juillet 2011, MEDERIC INNOVATION a été autorisée à assigner pour l'audience du 26 juillet à 15 heures devant nous ASSISTEO EUROPE, ASSISTEO FRANCE, ainsi que Messieurs S et Édouard R et Laurent Q, ci-après les DÉFENDEURS.
4 Par un acte des 13, 18 et 20 juillet 2011, sur le fondement des articles 872 et 873 du CPC et 1134 du Code civil, MEDERIC INNOVATION nous demande de
suspendre les décisions de nomination des deux membres du comité de surveillance qui auraient dû être choisis parmi les candidats proposés par MEDERIC INNOVATION,
ordonner aux DÉFENDEURS, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de reconvoquer une assemblée générale ordinaire d'ASSISTEO FRANCE qui devra se tenir huit jours après ladite décision,
ordonner aux DÉFENDEURS, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la date à laquelle l'assemblée susvisée doit se tenir, de révoquer la nomination des deux membres du comité de surveillance illégalement désignés et de nommer deux membres parmi les candidats présentés par MEDERIC INNOVATION,
dire que le juge des référés se réservera le droit de liquider les astreintes ainsi prononcées,
subsidiairement désigner un mandataire de justice qu'il plaira, à effet de remettre tout document destiné aux Tribunal de commerce de Paris N° RG 2011052610
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membres du comité de surveillance d'ASSISTEO FRANCE, d'être convoqué et d'assister à toutes les réunions de ce dernier, d'en faire le compte-rendu régulier à MEDERIC INNOVATION,
condamner les DÉFENDEURS aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.
4 Lors de l'audience du 26 juillet 2011
1°) Par conclusions, sur le fondement des articles 872, 873, 873-1 du CPC, et 1142 du Code civil, la Société ASSISTEO EUROPE, Messieurs Richard S, Édouard R et Laurent Q, nous demandent de
dire n'y avoir lieu à référé,
renvoyer les parties au fond,
débouter MEDERIC INNOVATION de l'ensemble de ses demandes,
condamner MEDERIC INNOVATION aux dépens et à leur payer la somme de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du CPC.
2°) Après avoir entendu les observations des parties, nous clôturons les débats puis nous disons que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe du tribunal, le mercredi 3 août à 11 heures.
Les MOTIFS de la DÉCISION
Nous relevons que
MEDERIC INNOVATION fonde sa demande sur l'application de l'article 2.1.2a du pacte d'actionnaires.
Les DÉFENDEURS répliquent que
1) MEDERIC INNOVATION est irrecevable à former les demandes en référé dès lors qu'il existe une instance au fond qui est en cours,
2) les conditions prévues par les articles 872 et 873 du CPC ne sont pas réunies en l'espèce,
3) au surplus la loi ne permet pas que les mesures demandées soient ordonnées puisque les décisions prises par l'assemblée générale des associés de ASSISTEO FRANCE sont parfaitement licites et régulières, elles ne peuvent de ce fait être mises en cause,
4) enfin, le juge des référés n'a pas la possibilité de sanctionner ASSISTEO FRANCE par les mesures demandées qui Tribunal de commerce de Paris N° RG 2011052610
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s'apparentent à une demande d'exécution forcée du pacte, car il n'y a aucun trouble manifestement illicite.
. Nous retenons des débats
Que l'instance au fond introduite par les DÉFENDEURS qui porte sur une demande de résolution du pacte d'actionnaires est une demande différente de celle qui fait l'objet de la présente instance,
Que ce litige porte, sur le refus des DÉFENDEURS d'appliquer l'article 2-1.2 du pacte d'actionnaires,
Que le juge des référés n'a pas le pouvoir, comme le demande MEDERIC, de suspendre la nomination de membres élus par une assemblée générale régulièrement tenue,
Mais qu'en application du deuxième alinéa de l'article 873 du CPC, il " peut ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ",
Qu'il doit donc examiner si l'existence de cette obligation n'est pas " sérieusement contestable ", et dans ce litige, si une convention de vote licite peut s'avérer abusive en cours d'exécution du contrat et justifier alors le droit pour les DÉFENDEURS de ne pas la respecter,
Comme ils l'ont écrit en page 10 de leurs conclusions au paragraphe 21 " s'il n'est pas contesté que le droit de vote des associés d'ASSISTEO FRANCE était encadré par les termes du pacte d'associés conclu avec MEDERIC en des termes tels que s'il avait été appliqué dans les conditions normales, ils auraient dû conduire ASSISTEO EUROPE, Messieurs Édouard R et Laurent Q à voter en faveur du renouvellement des membres du comité de surveillance représentant groupe MALAKOFF, il n'en demeure pas moins qu'eu égard aux circonstances dans lesquelles l'assemblée a été amenée à se prononcer, la décision prise par ASSISTEO EUROPE ainsi que Messieurs Édouard R et Laurent Q est parfaitement licite, eu égard de la loi et de leurs engagements "
Que l'article 2-1.2a du pacte d'actionnaires stipule " le comité de surveillance est composé de 5 membres nommés et révoqués librement par les associés de la société statuant la majorité simple parmi les candidats présentés, selon les principes suivants 3 membres seront nommés parmi les candidats présentés par ASSISTEO EUROPE, 2 membres seront nommés parmi les candidats présentés par le partenaire (MEDERIC)
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Que le pacte d'actionnaires est toujours en vigueur, car ce n'est pas parce que les défendeurs ont assigné MEDERIC pour obtenir du tribunal la résolution du pacte d'actionnaires que celui-ci n'est plus en vigueur,
Que les DÉFENDEURS ont décidé de ne pas voter conformément aux dispositions contractuelles, car ils reprochent à MEDERIC un comportement déloyal en n'ayant pas respecté la clause d'exclusivité en ayant investi chez un concurrent direct de ASSISTEO FRANCE,
Mais que MEDERIC conteste formellement ces griefs de concurrence déloyale qui sont allégués par les DÉFENDEURS,
Que le juge des référés ne peut pas se prononcer sur la validité de ces griefs,
Qu'il ne peut donc se prononcer sur le fait de savoir si MEDERIC exécute de bonne ou de mauvaise foi ses engagements de partenariat et notamment son respect d'engagement d'exclusivité, les faits allégués par les défendeurs n'ayant pas l'évidence requise pour la juridiction des référés,
Qu'il n'est nullement justifié qu'il ne soit pas de l'intérêt social de ASSISTEO FRANCE, que deux membres du groupe MEDERIC soient à son comité de surveillance,
Qu'il n'est nullement justifié que la présence de ces deux membres, au demeurant minoritaires au sein du comité de surveillance, entraverait le bon fonctionnement de ASSISTEO FRANCE,
Qu'il est par contre, de l'intérêt de MEDERIC, actionnaire et associée de ASSISTEO FRANCE, d'être tenu informée des délibérations du comité de surveillance et de la marche de la société dont elle est toujours actionnaire,
Qu'il y a bien un trouble manifestement illicite au sens du 1er alinéa de l'article 873 du CPC à ce qu'un pacte d'associés ne soit pas respecté et qu'un actionnaire soit exclu d'un organe de surveillance d'une SAS,
Qu'en effet le droit à l'exécution est l'effet le plus direct du principe de force obligatoire des contrats,
Qu'une telle mise en force du contrat est le moyen naturel d'assurer le respect de la loi contractuelle,
Qu'il est fondamental pour le bon fonctionnement des entreprises que la règle selon laquelle " les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ", soit respectée,
Que si, au terme de l'article 1142 du Code Civil " l'obligation de faire se résout en dommages et intérêts ",
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dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas de l'inexécution de la part d'un débiteur, mais du non respect d'un pacte d'actionnaires,
Que s'agissant d'une obligation de vote en application d'un pacte d'actionnaire, il ne s'agit pas de mettre en cause la liberté individuelle du vote, mais d'obliger un actionnaire à agir en appliquant l'engagement qu'il a contacté,
Qu'en l'espèce, il s'agit de contraindre les DÉFENDEURS à respecter un contrat qui est toujours en vigueur et à prendre une décision dont il n'est pas prouvé qu'elle porterait préjudice au fonctionnement de ASSISTEO FRANCE,
Que les DÉFENDEURS n'ont pas à se faire justice eux-mêmes en refusant d'appliquer le pacte d'actionnaires qui les lie toujours à MEDERIC,
1~r En conséquence, nous ordonnerons aux DÉFENDEURS, de convoquer une nouvelle assemblée générale ordinaire de ASSISTEO FRANCE qui devra se tenir dans un délai de vingt jours après la signification de l'ordonnance, et ceci sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant ladite signification,
Nous ordonnerons aux DÉFENDEURS de révoquer, lors de ladite assemblée, la nomination de deux des membres du comité de surveillance élus le 27 juin 2011, puis de nommer deux membres parmi les candidats présentés par le partenaire (MEDERIC INNOVATION), et ceci sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la tenue de cette assemblée et ce pendant un délai de 30 jours, après quoi, il sera à nouveau fait droit,
Nous condamnons solidairement les DÉFENDEURS aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, déboutant sur le surplus.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance réputée contradictoire en premier ressort, nous
· Ordonnons à la Société de Droit luxembourgeois ASSISTEO EUROPE, à Messieurs S et Édouard R de convoquer une nouvelle assemblée générale ordinaire de ASSISTEO FRANCE qui devra se tenir dans un délai de vingt jours après la signification de l'ordonnance et ceci sous Tribunal de commerce de Paris N° RG 2011052610
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astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant ladite signification,
· Ordonnons à la société de Droit Luxembourgeois ASSISTEO EUROPE, à Messieurs S et Édouard R et à Monsieur Laurent Q de révoquer, lors de ladite assemblée, la nomination de deux des membres du comité de surveillance élus le 27 juin 2011 puis de nommer deux membres parmi les candidats présentés par le partenaire (MEDERIC INNOVATION), et ceci sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la tenue de cette assemblée et ce pendant un délai de 30 jours, après quoi, il sera à nouveau fait droit,
· Condamnons solidairement la société de Droit Luxembourgeois ASSISTEO EUROPE, Messieurs S et Édouard R et Monsieur Laurent Q à payer à la société MEDERIC INNOVATION, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
· Déboutons les parties de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
· Condamnons la société de Droit Luxembourgeois ASSISTEO EUROPE, Messieurs S et Édouard R et Monsieur Laurent Q aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 127,57 euros TTC dont 20,69 euros de TVA.
La présente décision est de plein droit exécutoire, par provision, en application de l'article 489 du Code de Procédure Civile.
La minute de l'ordonnance est signée par Monsieur de BAECQUE Président et Madame ... Greffier.