COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2015
N° 2015/ 528
Rôle N° 14/04383
SCI EUROBUL
C/
SA SITA SUD
Grosse délivrée
le
à
Me Roselyne ...
Me Pierre ...
Décision déférée à la Cour
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00229.
APPELANTE
SCI EUROBUL Immatriculée au RCS d'Aix-en-Provence sous le n°D 352 857 20 5, pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, CABRIES
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Lucien SIMON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Delphine GUETCHIDJIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
INTIMÉE
SA SITA SUD Immatriculée au RCS de Narbonne sous le n°712 620 715, pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, NARBONNE
représentée Me Pierre ..., avocat au barreau de MARSEILLE
assistée par Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pascale GUILLAUD-CIZAIRE, avocat au barreau de LYON,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2015,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La S.C.I EUROBUL et la SA SITA SUD ont conclu le 16 février 2008 un bail précaire de 36 mois prenant effet du 20 février 2009 au 20 février 2012 et portant sur un terrain de 3000 m2 à Bouc Bel ... et un hangar de 50 m2.
L'exploitation commerciale de la SA SITA SUD portait sur une activité de collecte des déchets ménagers et industriels, le terrain servant principalement à l'entrepôt du matériel roulant.
Par courrier du 10 janvier 2012, la SA SITA SUD a fait savoir à la S.C.I bailleresse qu'elle quitterait les lieux le 20 février 2012,terme du bail.
La S.C.I EUROBUL a contesté la validité du congé de bail soumis au statut des baux commerciaux en requalifiant sa durée légale à neuf ans et a réclamé à la société locataire le montant des loyers à échoir jusqu'au terme du bail ainsi prolongé ainsi que les travaux de remise en état du site délaissé.
Par jugement en date du 20 février 2014, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a débouté la S.C.I EUROBUL de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SA SITA SUD une somme de 3000euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.C.I EUROBUL a relevé appel de cette décision le 4 mars 2014.
Dans ses dernières conclusions en date du 8 septembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence, la S.C.I EUROBUL demande à la cour de
- réformer le jugement entrepris,
- dire et juger que le bail la liant à la S.C.I Eurobul est un bail commercial de neuf années en application des dispositions de l'article L 145 - 4 du code de commerce et ne peut en aucun cas s'analyser en un bail dérogatoire relevant des dispositions de l'article L 145 - 5 du même code,
- dire et juger que le courrier daté du 10 janvier 2012 informant la bailleresse du départ de sa locataire le 20 février 2012 n'est pas conforme aux dispositions de l'article L 145 - 9 du code de commerce et que de ce chef ne vaut pas congé, lequel aurait été en tout état de cause nul et de nul effet,
- donner acte à la SA Sita sud de ce qu'elle a reconnu en première instance que ce courrier du 10 janvier 2012 ne valait pas congé,
- dire et juger en conséquence qu'il n'a pas été mis fin au bail du 16 février 2008,
- dire et juger qu'en quittant les lieux, dans ces conditions, la SA Sita sud demeure débitrice de l'ensemble des loyers dus jusqu'à l'expiration du bail dont la prise d'effet était au 19 février 2009, soit le 20 février 2018,
- donner acte à la SA Sita sud de ce qu'elle a délivré congé pour le 19 février 2015, date d'échéance de la deuxième période triennale ce qui nonobstant les précautions prises revient à admettre que le bail du 20 février 2009 est bien soumis au statut des baux commerciaux,
- en conséquence eu égard à la nullité du congé précédemment délivré, la condamner au paiement de la somme de 157'321,12 euros,
- la condamner au paiement de la somme de 22'819,68 euros ttc représentant le coût des travaux nécessaires à la remise en état des lieux,
- condamner la SA Sita sud au paiement de la somme de 3500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 juillet 2014 auxquelles il est fait expressément référence, la SA SITA SUD demande à la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la S.C.I EUROBUL de l'intégralité de ses demandes,
- le réformer en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la SA SITA SUD en paiement de la somme de 50 000euros à titre de dommages et intérêts,
en conséquence,
- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la S.C.I EUROBUL,
- déclarer que la S.C.I EUROBUL est dépourvue de tout droit et de tout interet à agir,
- déclarer de plus fort la S.C.I EUROBUL irrecevables en ses demandes
- déclarer nul le procès-verbal de constat d'huissier établi le 20 février 2012, - débouter la S.C.I de l'integralité de ses demandes infondées et injustifiées, à titre reconventionnel,
- condamner la S.C.I Eurobul à payer à la société Sita sud la somme de 50'000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude anti contractuelle et procédure abusive,
À titre reconventionnel et très subsidiairement pour le cas où la cour estimerait qu'un bail soumis au statut des baux commerciaux lierait les parties,
- prononcer la résolution du contrat à la date du 20 février 2012, en l'absence d'exécution de la part de la S.C.I Eurobul de l'ensemble de ses demandes, aucun loyer, ni aucune indemnité d'occupation ni aucune autre somme de quelque nature qu'elle soit n'étant due par la société Sita sud,
- constater à tout le moins, en tant que de besoin et dans l'unique but de préserver ses droits, et sans aucune reconnaissance de l'existence d'un bail commercial et au contraire sous les expresses réserves et contestations la société Sita sud a fait délivrer congé pour le 19 février 2015,
- condamné la SCI Eurobul à payer à la société Sita sud la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
Cette fin de non recevoir évoquée pour la première fois appel sera reçue en la forme par application de l'article 123 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article L 145 - 60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Le bail signé entre la S.C.I Eurobul et la SA Sita sud est intitulé 'bail à titre précaire' et porte sur 'une durée de 36 mois fermes qui prendra effet à compter du 20 février 2009 pour se terminer le 20 février 2012".
Il était prévu à l'article 4 de la convention ' qu'au-delà de cette échéance, le présent contrat étant consenti à titre provisoire et précaire, le preneur ne pourrait revendiquer les dispositions du décret pour solliciter le renouvellement des présentes ce que le preneur reconnaissait expressément et qu'en conséquence de quoi le preneur s'obligeait à quitter les lieux loués à l'expiration des présentes, sans chercher à se maintenir sous quelque prétexte que ce soit ; si contre toute attente le preneur se maintenait en possession, il devrait être considéré comme occupant sans droit ni titre, et son expulsion aurait lieu en vertu d'une ordonnance de référé rendue par Monsieur le président du tribunal de grande instance exécutoire par provision et sans caution, nonobstant opposition ou appel'.
Le bail s'étant terminé le 20 février 2012, la locataire a quitté les lieux au terme du bail sans notifier un quelconque congé conformément aux dispositions contractuelles précitées et en ayant uniquement informé le propriétaire de son départ par courrier daté du mois précédent.
Il ne peut être tiré aucune conséquence du procès-verbal de constat effectué le 20 février 2012 à 15 heures, soit le jour même du départ des locataires alors que le déménagement était en cours pour contester que le locataire se serait maintenu dans les lieux au-delà du terme du bail, aucune preuve n'en justifiant à compter du 21 février 2012.
Il est certain que le bail signé entre les parties ne correspond pas aux prescriptions de l'article L 145 - 5 du code du commerce qui stipule que les parties peuvent lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans, et non de trois ans comme en l'espèce.
Cependant, il appartenait au bailleur, qui bien qu'ayant signé le bail revendique désormais sa requalification en bail de neuf ans soumis au statut, de soumettre cette contestation dans le délai de la prescription biennale, son droit à contester la durée effective du bail commercial étant né le jour même de la conclusion du bail puisque la durée illégale qui y figurait en toutes lettres était présente dès l'origine et que le bailleur connaissait les circonstances de fait lui permettant d'exercer cette action en requalification.
En effet, la société bailleresse ne reproche pas au preneur de s'être maintenu dans les lieux au-delà d'un premier bail dérogatoire de deux ans, situation dont l'effet serait résolu par la simple application de l'article L 145-5 alinéa 2 du code de commerce mais de s'être conformé aux stipulations contractuelles non conformes dès l'origine à la réglementation régissant les baux commerciaux.
Il appartenait donc à la société bailleresse de saisir le tribunal avant le 16 février 2010 ou meme à considérer un report à la date d'entrée dans les lieux du preneur au plus tard avant le 20 février 2011 alors que l'assignation n'a été en toute hypothèse engagée par la S.C.I Eurobul que le 21 décembre 2012.
Seront ainsi déclarés prescrites les demandes de la S.C.I Eurobul tendant à obtenir la requalification du bail ainsi que les conséquences pécuniaires et juridiques qui en découlent à savoir le paiement des loyers au delà du 20 février 2012 et l'irrégularité des formes du congé à donner dans le cadre du statut des baux commerciaux.
Sur la demande de remise en état
La SA Sita sud a quitté les lieux le 20 février 2012 à l'expiration du terme contractuel du bail comme il a été rappelé précédemment.
La bailleresse produit un devis non contradictoire de 22'819,68 euros établi le 3 septembre 2012, soit sept mois après le départ du locataire sans avoir au préalable fait procéder un procès verbal contradictoire ainsi que l'a vainement réclamé la société Sita sud dans ses courriers des 22 février et 28 mars 2012 ou à défaut solliciter une expertise des lieux qu'elle estimait en partie dégradés par rapport à l'état d'origine.
Elle ne justifie ainsi pas des postes du devis unilatéral qu'elle communique et ce d'autant que la locataire indique que les dalles de béton et autres équipements prétendument à enlever étaient préexistants à l'entrée dans les lieux et conteste l'existence d'une quelconque pollution par les huiles des engins lui appartenant.
Le rejet de cette demande sera confirmé.
Sur la demande reconventionnelle
La SA Sita sud ne justifie pas d'un préjudice né d'une attitude anti contractuelle de son adversaire qui serait distinct des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'engager au soutien de sa défense tant en première instance qu'en appel.
C'est donc également à bon droit que le premier juge l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et a condamné la S.C.I Eurobul à lui verser une somme de 3.000 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La S.C.I Eurobul sera condamnée aux dépens d'appel et condamnée en outre à verser à la SA Sita sud une somme supplémentaire de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,
Déclare prescrites les demandes en requalification du bail, en paiement des loyers et en nullité de congé présenté par la S.C.I Euobul,
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires,
Y ajoutant,
Condamne la S.C.I Eurobul à verser à la SA Sita sud une somme de 3.500euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître ... pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,