Jurisprudence : CAA Nantes, 1ère ch., 11-04-2000, n° 96NT01386

Cour administrative d'appel de Nantes

Statuant au contentieux
Société Epargne-Construction-Loisirs


Mme MAGNIER, Rapporteur
M. GRANGE, Commissaire du gouvernement


Lecture du 11 avril 2000



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juin 1996, présentée pour la société Epargne-Construction-Loisirs (ECL) dont le siège est 11 C quai Conti, 78430 Louveciennes, par la SCP WAQUET-FARGE-HAZAN, avocats au Conseil d'Etat ;
    La société Epargne-Construction-Loisirs demande à la Cour :
    1 ) de réformer le jugement n 93.854 du 2 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987, 1988 et 1989 ;
    2 ) de la décharger de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2000 :
    - le rapport de Mme MAGNIER, premier conseiller,
    - et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;


    Sur la régularité du jugement :
    
Considérant que, pour qualifier le contrat de franchise liant la société ECL à d'autres sociétés pour l'exploitation d'un brevet de construction de maisons en kit, dont la société Mi-France était par ailleurs titulaire, le Tribunal administratif d'Orléans qui a statué au vu de l'instruction, a rejeté la demande de la société ECL au motif que celle-ci n'apportait aucun élément de nature à étayer son affirmation selon laquelle les redevances qu'elle avait encaissées à raison de ce contrat devaient entrer dans le champ d'application de l'article 39 terdecies du code général des impôts ; que la société ECL n'est par suite, et en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'en n'ordonnant pas de mesure d'instruction sur ce point, le tribunal, qui n'était pas tenu de prendre une telle mesure, aurait omis de statuer sur le litige qui lui était soumis ;
    Sur le bien-fondé des impositions :
    En ce qui concerne l'application de l'article 39 terdecies du code général des impôts :
    Considérant qu'aux termes de l'article 39 terdecies du code général des impôts : 'Le régime des plus-values à long terme est applicable, dans les conditions et limites qui pourront être fixées par décret, aux produits des cessions de brevets, de procédés et de techniques, ainsi qu'aux concessions de licences exclusives d'exploitation ... Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables lorsque les droits, procédés et techniques ne présentent pas le caractère d'éléments de l'actif immobilisé ou ont été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans' ;
    Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Mi-France, propriétaire du brevet de construction de maisons en kit et de la marque 'Maisons Mikit', a concédé en exclusivité à la société ECL, par une convention en date du 15 septembre 1983 modifiée en 1986, les droits et l'exploitation de la marque, des dessins et modèles 'Mikit' et des 'bibles' de savoir-faire ; que la société ECL, qui a elle-même amélioré ces procédés de construction, a, à son tour, sous-concédé à d'autres sociétés ces mêmes éléments dans le cadre de contrats de franchise ; qu'elle a déclaré les produits de cette sous-concession au titre des plus-values à long terme en application des dispositions précitées de l'article 39 terdecies du code général des impôts ;
    Considérant qu'à supposer même que la société ECL puisse prétendre, comme elle le soutient, pour une partie des redevances qu'elle perçoit, au bénéfice des dispositions précitées de l'article 39 terdecies du code général des impôts, elle n'apporte à la Cour, en se bornant à rappeler certaines des clauses du contrat de franchise, aucun document d'aucune sorte de nature à justifier de la proportion ou du montant de ces redevances pouvant être imposées selon le régime des plus-values à long terme ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'éléments concrets susceptibles de justifier une mesure d'instruction, le moyen de la société ECL ne peut qu'être rejeté ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a pu réintégrer l'intégralité des redevances dans les produits d'exploitation de la société ;
    En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :


    Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 'Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 5 ) les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables' ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables, des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seraient supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, et qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la clôture de l'exercice ;
    Considérant que la société ECL a constitué des provisions, au cours des exercices en litige, portant sur plusieurs créances considérées comme douteuses détenues sur plusieurs de ses sociétés franchisées ; qu'elle fait valoir qu'elle connaissait les difficultés financières de ces sociétés, en vertu des obligations d'information issues du contrat de franchise ; qu'elle a en outre mis en demeure certaines de ces sociétés d'acquitter des dettes par des courriers qu'elle produit pour la première fois en appel ; qu'enfin, plusieurs de ces entreprises ont été mises en liquidation quelques mois plus tard ;
    Considérant toutefois que les documents que la requérante produit sont trop généraux, ou ne comportent pas d'indication chiffrée, ou mentionnent des chiffres ne correspondant pas aux créances provisionnées, ou encore ne lèvent pas certaines incertitudes quant à l'identité réelle des débiteurs ; que, dès lors, ces pièces ne permettent pas d'établir un lien précis entre les provisions constituées et le caractère probablement irrécouvrable des créances concernées ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer ces provisions dans la base imposable de la société ECL ;
    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ECL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la totalité de ses demandes ;
    Sur les conclusions de la société ECL tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

    Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société ECL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


Article 1er : La requête de la société ECL est rejetée.
Article 2  : Le présent arrêt sera notifié à la société ECL, à Me RIFFIER, liquidateur judiciaire de la société ECL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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