Cour administrative d'appel de Lyon
Statuant au contentieux
Société Immobilière Programmation et Communication et commune de Divonne-les-Bains
M. Lopez, Président
M. Veslin, Rapporteur
M. Chanel, Commissaire du gouvernement
Lecture du 15 février 1994
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 décembre 1992, présentée pour la société immobilière 'Programmation et communication' (I.P.C.) par Me de Mallmann, avocat ;
La société I.P.C. demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de LYON, à la demande de M. Leclercq, a annulé le certificat d'urbanisme du maire de Divonne-les-Bains délivré le 28 mars 1990 à l'agence Divonne Immobilier ainsi que son arrêté du 6 mai 1991 portant délivrance d'un permis de construire à la société I.P.C., ensemble la décision du maire du 4 septembre 1991 rejetant le recours gracieux formé par M. Leclercq contre ces décisions ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Leclercq ;
Vu, 2°), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 décembre 1992, présentée pour la commune de Divonne-les-Bains représentée par son maire en exercice, par Me Deygas, avocat ; la commune de Divonne-les-Bains demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de LYON a annulé, à la demande de M. Leclercq, le certificat d'urbanisme et le permis de construire susvisés, délivrés par le maire de Divonne-les-Bains respectivement les 28 mars 1990 et 6 mai 1991 ;
2°) de rejeter la demande de M. Leclercq ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 1994 :
- le rapport de M. Veslin,conseiller ;
- les observations de Me Prévot-Leygonie, substituant la SCP Lefebvre, avocat de la société civile immobilière 'Programmation et communication', de Me Cassin de la SCP Huglo-Lepage associés, avocat de M. Leclercq et de Me Deygas, avocat de la commune de Divonne-les-Bains ;
- et les conclusions de M. Chanel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées, présentées par la SARL Immobilière 'Programmation et communication' (I.P.C.) ainsi que par la commune de Divonne-les-Bains, sont dirigées contre le même jugement du 30 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Lyon, sur la demande de M. Leclercq, a annulé un certificat d'urbanisme et un permis de construire délivrés par le maire de Divonne-les-Bains ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête présentée par la commune :
Sur la légalité du certificat d'urbanisme :
Considérant que par un certificat d'urbanisme positif, délivré le 28 mai 1990 à l'agence Divonne Immobilier, le maire de Divonne-les-Bains a déclaré, d'une part, que le terrain appartenant à la S.A. Cogida cadastré section AE n° 262 d'une superficie de 4 375 m2, était constructible au regard des règles d'urbanisme applicables à la zone UB secteur b fixées par le plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 19 janvier 1984 et mis en révision le 27 mars 1986, d'autre part, que le terrain pouvait être utilisé pour réaliser l'opération d'habitat collectif envisagée par le demandeur, dans la limite d'une surface de plancher hors oeuvre nette de 1 318,50 m2 correspondant au coefficient d'occupation des sols fixé pour le secteur à 0,30 pour les constructions autres que les habitations individuelles ; que la SARL I.P.C., qui avait acquis ce terrain, a déposé le 26 décembre 1990 une demande de permis de construire portant sur deux immeubles d'habitation collective qui respectaient, en particulier, le coefficient d'occupation des sols mentionné dans le certificat d'urbanisme ci-dessus évoqué ; que, par un arrêté du 6 mai 1991, le maire de Divonne-les-Bains a délivré le permis demandé alors qu'il est constant que le projet de construction méconnaissait le coefficient d'occupation des sols de 0,15 résultant du plan d'occupation des sols révisé, approuvé le 17 décembre 1990, qui a transféré le terrain dans le secteur b de la zone UD ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 410-1 du code de l'urbanisme : 'Le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus, et sous réserve de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut : a) être affecté à la construction ; b ) être utilisé pour la réalisation d'une opération déterminée, notamment d'un programme de construction défini en particulier par la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre ...' ; qu'aux termes de l'article L 123-5 dudit code : 'Lorsque l'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit, ou lorsque la révision d'un plan approuvé a été ordonnée, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L.111-8, sur les demandes d'autorisation concernant les constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ...' ; qu'enfin aux termes de l'article R.410-16 du même code : 'Au cas où un sursis à statuer serait opposable à une demande d'autorisation tendant à affecter le terrain à la construction ou à y réaliser une opération déterminée, le certificat d'urbanisme en fait état' ;
Considérant, que lorsqu'elle ne mentionne pas sur le certificat d'urbanisme qu'elle délivre qu'un sursis à statuer serait opposable à une demande de permis de construire ultérieure, l'administration doit être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement estimé que la construction envisagée ne serait pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ; qu'il s'ensuit que le certificat d'urbanisme délivré dans ces conditions n'est régulier que si l'appréciation qu'elle a ainsi portée n'est pas entachée d'une erreur manifeste ;
____Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que, par délibération du 10 avril 1989, le conseil municipal de Divonne-les-Bains avait décidé, conformément aux dispositions du 4ème alinéa de l'article L.123-4 du code de l'urbanisme, d'appliquer par anticipation certaines dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision, dont celles afférentes à la zone où se situe le terrain en question_; qu'un premier certificat d'urbanisme positif avait été délivré pour ce même terrain le 26 octobre 1989_; que ce certificat, en cours de validité lors de la demande du certificat litigieux, faisait état d'un classement en zone UD secteur b résultant du plan d'occupation des sols révisé, dont les dispositions étaient alors en vigueur par l'effet de la délibération portant application anticipée, et indiquait, au titre des prescriptions particulières, que le coefficient d'occupation des sols était fixé pour cette zone à 0,15 et permettait la réalisation, sur ledit terrain, d'une surface de plancher hors oeuvre nette maximale de 656 m2_; que, lors de sa séance du 18 décembre 1989, le conseil municipal de Divonne-les-Bains avait, à l'unanimité, donné son 'accord de principe' au renouvellement pour six mois de l'application anticipée initialement décidée_; que, toutefois, ledit renouvellement n'étant pas entré en vigueur faute de publication et, suite aux explications données par le maire lors de la séance du 22 janvier 1990, le conseil municipal a finalement considéré que le recours à la procédure de sursis à statuer, sur les demandes de permis de construire susceptibles de contrarier les nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision, serait suffisant et qu'il n'y avait plus lieu d'en renouveler l'application anticipée_; qu'ainsi, il résulte de l'instruction qu'au moment où a été délivré le certificat d'urbanisme litigieux, le coefficient d'occupation des sols attribué au terrain concerné par le plan en cours de révision, dont rien ne laissait penser qu'il serait modifié sur ce point, était de 0,15 ; que le maire de Divonne-les-Bains a, en conséquence, commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant implicitement que la construction envisagée, dont le coefficient d'occupation du sol était voisin de 0,30, ne compromettait pas l'exécution du futur plan ; que c'est donc à tort qu'il n'a pas fait figurer dans le certificat d'urbanisme litigieux, comme lui en faisaient obligation les dispositions précitées de l'article R.410-16 du code de l'urbanisme, une mention indiquant que le sursis à statuer serait opposable à une demande de permis portant sur le même terrain ; que ledit certificat étant en conséquence entaché d'illégalité, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon en a prononcé l'annulation ;
Sur la légalité du permis de construire :
Considérant qu'aux termes de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme : '£.. Si la demande formulée en vue de réaliser l'opération projetée sur le terrain notamment la demande de permis de construire prévue à l'article L.421-1 est déposée dans le délai d'un an à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause ...' ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, dès lors que le certificat d'urbanisme a été annulé à bon droit par le jugement attaqué, la société I.P.C. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle ne pouvait se prévaloir dudit certificat à l'appui de sa demande de permis de construire ; que la légalité de ce dernier doit en conséquence être examinée au regard des seules dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance ; qu'il n'est pas allégué que les dispositions du plan d'occupation des sols révisé, approuvées le 17 décembre 1990, n'auraient pas encore été opposables aux tiers le 6 mai 1991 ; qu'il est constant que l'ensemble immobilier projeté par la société I.P.C. méconnaissait les dispositions de l'article UD b-14 fixant le coefficient d'occupation des sols applicable au terrain à 0,15 ; qu'ainsi la société requérante n'est pas davantage fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a, sur la demande de M. Leclercq, annulé le permis de construire délivré à la société I.P.C. le 6 mai 1991 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : 'Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation' ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que M. Leclercq, qui ne constitue pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la commune de Divonne-les-Bains la somme qu'elle réclame à ce titre ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la société I.P.C. et la commune de Divonne-les-Bains à verser chacune la somme de 2 500 francs à M. Leclercq au titre de ces dispositions ;
Article 1er : Les requêtes présentées par la société immobilière 'Programmation et communication' et la commune de Divonne-les-Bains sont rejetées.
Article 2 : La société I.P.C. et la commune de Divonne-les-Bains sont condamnées à verser chacune la somme de 2 500 francs à M. Leclercq au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.