Jurisprudence : CAA Nancy, 1ère ch., 15-10-1992, n° 91NC00797

CAA Nancy, 1ère ch., 15-10-1992, n° 91NC00797

A5175A88

Référence

CAA Nancy, 1ère ch., 15-10-1992, n° 91NC00797. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1157001-caa-nancy-1ere-ch-15101992-n-91nc00797
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Abstract

01-04-03-03-03, 16-03-01-04-02, 71-02-01-03 En application de l'article L. 131-2 du code des communes le maire doit pourvoir au nettoyage des voies publiques, ce qui implique le soin de pourvoir au déneigement des mêmes voies. Le refus de l'autorité de police d'user de ses pouvoirs est fautif au cas où il résulterait d'une erreur d'appréciation ou ne respecterait pas le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques. En l'espèce, en refusant de déneiger un chemin forestier desservant une seule habitation isolée, le maire n'a pas, compte tenu de la circulation réduite sur ce chemin, commis d'erreur manifeste d'appréciation ; dès lors, par ailleurs, qu'il n'est pas établi que d'autres habitants de la commune se trouvant dans une situation comparable à celle du requérant bénéficieraient d'un déneigement de leur chemin de desserte, le maire ne peut être regardé comme ayant méconnu le principe d'égalité des citoyens.

Cour administrative d'appel de Nancy

Statuant au contentieux
Bailly Cowell

M. Woehrling, Président
M. Bonhomme, Rapporteur
M. Pietri, Commissaire du gouvernement


Lecture du 15 octobre 1992



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 30 décembre 1991 et 17 juin 1992 au greffe de la Cour administrative d'appel présentés pour M. Patrick BAILLY COWELL demeurant 39150 CHAUX DES PRES ;
    M. BAILLY COWELL demande à la Cour :
    1 - d'annuler le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Chaux des Prés à lui verser une somme de 10 000 francs en réparation des préjudices subis du fait du refus de procéder au déneigement de la voie communale menant à son habitation ainsi qu'une autre indemnité de 5 000 francs au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    2 - de faire droit à sa demande de première instance, l'indemnité de 5 000 francs étant fondée sur les dispositions de l'article L. 8-1 du code précité ;
    Vu le mémoire en défense enregistré le 3 avril 1992 au greffe de la Cour présenté pour la commune de Chaux des Prés représentée par son maire en exercice dûment habilité à défendre en justice par délibération du 18 mars 1992 du conseil municipal de ladite commune ; la commune conclut au rejet de la requête et par la voie incidente demande la condamnation de M. BAILLY COWELL à lui verser la somme de 3 000 francs en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Vu le jugement attaqué ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la loi du 28 pluviose An VIII ;
    Vu le code des communes ;
    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 1992 :
    - le rapport de M. BONHOMME, Conseiller,
    - les observations de Me SUISSA, substituant Me DUFAY, avocat de M. BAILLY COWELL,
    - et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement ; Sur la régularité du jugement :


    
Considérant qu'il ressort du jugement contesté que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré par M. BAILLY COWELL de ce que le maire de la commune de Chaux des Prés s'est abstenu de faire usage de ses pouvoirs de police ; que dès lors, le jugement attaqué qui est entaché d'une omission à statuer doit être annulé ;
    Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens de la demande de M. BAILLY COWELL présentés tant devant le tribunal que devant la Cour ;
    Sur la demande de M. BAILLY COWELL :
    Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des communes : 'La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique£ Elle comprend notamment : 1°) Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais et places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement ...' ; que ces dispositions concernent l'ensemble des voies ouvertes à la circulation publique ; que le déneigement des voies en vue de permettre la commodité de la circulation publique fait partie des missions de la police municipale au sens des dispositions précitées ; que les mesures que l'autorité de police doit prendre en vue d'assurer le déneigement dépendent de l'importance et de la nature de la circulation publique sur les voies, ainsi que des fonctions de desserte de celles-ci ; que compte tenu de ces éléments, l'autorité de police municipale peut décider, à condition de respecter le principe d'égalité des citoyens durant ces charges publiques et sous le contrôle du juge administratif, de ne pas procéder au déneigement d'une voie ;


    Considérant que la maison d'habitation dont M. BAILLY COWELL est propriétaire sur le territoire de la commune de Chaux des Prés est située dans un écart isolé dont il est l'unique habitant ; que pour relier cette habitation à la commune de Chaux des Prés et à celle de Prénovel, M. BAILLY COWELL doit emprunter un chemin forestier, dit 'Chemin de la Faicle' ; que s'il est constant que cette voie, qui appartient à la commune de Chaux des Prés laquelle d'ailleurs en assure l'entretien régulier, est ouverte à la circulation publique, elle ne connaît presque pas de trafic en hiver et ne sert durant cette saison, en dehors de l'exploitation de la forêt, qu'à la desserte de M. BAILLY COWELL ; que dans ces conditions, bien que la commune ne soit pas fondée à se prévaloir d'une convention aux termes de laquelle M. BAILLY COWELL se serait engagé à ne pas demander le déneigement de cette voie, le maire pouvait, compte tenu des caractéristiques de cette voie, décider de ne pas faire usage de son pouvoir de police pour assurer son déneigement, sans commettre d'erreur d'appréciation ; que si M. BAILLY COWELL fait valoir que la commune a ainsi méconnu le principe d'égalité de traitement, il n'apporte aucun élément de nature à établir que d'autres voies, présentant les mêmes caractéristiques de circulation et de desserte que le chemin de la Faicle, feraient l'objet d'un déneigement régulier de la part de la commune ; que par ailleurs, le requérant n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 131-2-6° du code des communes relatif à l'obligation de prévenir les fléaux calamiteux et de prévoir les secours nécessaires, dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que l'enneigement occasionnel des voies d'accès à sa maison ai correspondu aux situations prévues par ces dispositions ;
    Considérant enfin que le déneigement ne fait pas partie des obligations d'entretien normal des voies publiques incombant aux collectivités propriétaires desdites voies ; que par suite, quel que soit le statut juridique du chemin de la Faicle, le requérant ne peut utilement invoquer un défaut d'entretien normal de cette voie pour mettre en cause la responsabilité de la commune à raison d'un refus de son maire de faire régulièrement procéder au déneigement de ladite voie ;
    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de condamnation de la commune de Chaux des Prés présentée par M. BAILLY COWELL ne peut être accueillie ;
    Sur les frais de procès :

    Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner M. BAILLY COWELL, lequel en tout état de cause ne peut obtenir le remboursement des frais de procès exposés par lui, à payer à la commune de Chaux des Prés la somme de 3 000 francs au titre des frais irrépétibles ;


Article 1 : Le jugement du 7 novembre 1991 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La requête de M. Patrick BAILLY COWELL est rejetée.
Article 3 : M. BAILLY COWELL est condamné à payer à la commune de Chaux des Prés la somme de 3 000 francs au titre des frais de procès non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. BAILLY COWELL et à la commune de Chaux des Prés.

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