Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 16 décembre 1997
Cassation
N° de pourvoi 95-41.901
Inédit titré
Président M. MERLIN conseiller
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Mutualité sociale agricole, dont le siège est Saint-Brieuc , représentée par son directeur, M. Pierre ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 janvier 1995 par la cour d'appel de Rennes (chambre sociale), au profit
1°/ de Mlle Jacqueline ..., demeruant Lehon,
2°/ de la Direction régionale du Travail et de la Protection sociale agricole, dont le siège est Rennes Cedex, défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 novembre 1997, où étaient présents M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM. ..., ..., conseillers, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de Mutualité sociale agricole, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article L. 122-1-1 du Code du travail alors applicable ;
Attendu que, selon ce texte, le contrat à durée déterminée peut ne pas comporter un terme précis lorsqu'il est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu;
qu'à moins que les parties ne lui aient fixé un terme précis, il doit être conclu pour une durée minimale et il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ;
Attendu que Mlle ... a été engagée par la Mutualité sociale agricole des Côtes d'Armor par lettre du 22 septembre 1989, au titre d'un contrat à durée déterminée pour assurer le remplacement de Mme ..., en congé de maternité, précisant que la durée du contrat serait celle de la vacance de poste de Mme ...;
qu'à l'issue de son congé de maternité, la salariée absente a sollicité le bénéfice d'un congé parental d'éducation;
que Mlle ... a été maintenue dans son emploi pendant le congé parental de Mme ..., sans qu'un nouveau contrat ait été établi à l'issue du congé de maternité;
que son contrat ayant pris fin au retour de la salariée remplacée, Mlle ... a sollicité devant la juridiction prud'homale, sa requalification en contrat à durée indéterminée ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de la salariée, la cour d'appel a énoncé qu'il résulte des dispositions des articles L. 122-1-1 et suivants du Code du travail qu'un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour remplacer un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail, et doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion à moins qu'il s'agisse d'un des deux cas prévus à l'article L. 122-1-2, alinéa III, où il n'est pas possible de déterminer un terme précis s'agissant de remplacer une personne dont on ignore la date de retour;
que si la convention collective autorise l'engagement à titre temporaire "en vue du remplacement de la personne titulaire bénéficiant des dispositions de l'article 39 (maternité) pendant toute la durée de son congé", article 39 qui fait référence au congé de maternité et au congé sans solde (congé parental), le contrat de travail à titre temporaire du 22 septembre 1989 qui définit les droits et obligations des parties fait seulement référence à la vacance de poste de Mme ... en congé de maternité;
qu'il n'est pas établi que Mlle ..., le jour de son engagement ait eu communication des dispositions de l'article 39 de la convention collective ou qu'à l'issue du congé de maternité, il lui ait été proposé, par application de l'article L. 122-3-10, de signer un avenant à son contrat de travail stipulant que son remplacement se prolongerait pendant le congé parental de la titulaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat avait été conclu pour la durée minimale du congé de maternité de la salariée absente, et qu'il avait pour terme la fin de l'absence de la salariée remplacée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 janvier 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.