COUR D'APPEL DE PARIS
15è chambre, section A
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2002
(N°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2001/05578
Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 08/12/2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9/2è Ch. RG n° 1998/22052 Date ordonnance de clôture 21 Octobre 2002
Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision REFORMATION
APPELANTE
Madame Z SiylaZ
demeurant ASNIERES SUR SEINE
représentée par Maître TEYTAUD., avoué
assistée de Maître ... ... ..., Toque K111, Avocat au
Barreau de PARIS, pl. p. la SELAFA CEJEF-ALEXEM-BINDER
INTIMÉ
- -
LE CRÉDIT LYONNAIS SA
pris en la personne de ses 'représentants légaini
ayant son siège PARIS et son siège social LYON
représenté par la SCP HARDOUIN, avoué
;assisté de Maître ... - PHILIPPE, Toque C449, Avocat au Barreau de
PARIS, pl. p. le Cabinet COURNOT r.)i!
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i e-J
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré, Présidente Madame CHAGNY Conseiller Monsieur LE FEVRE Conseillère Madame GIROUD
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'rbÉBATS' r./..-; 711 A l'audience publiqiie du 28 Octobre 2002
GREFFIÈRE
Lors des débats et du prononcé de l'arrêt,
Mademoiselle ...
ARRÊT Contradictoire
Prononcé publiquement par Madame GIROUD, Conseillère,
Signé par Madame CHAGNY, Présidente, et par Mademoiselle ...,
Greffière.
Par jugement du 8 décembre 2000, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de Paris,a débouté Madame Z de toutes ses demandes; il a rejeté la demande du CRÉDIT LYONNAIS au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
Madame Z, appelante, expose que, locataire d'un coffre auprès du CRÉDIT LYONNAIS, elle n'a pu y accéder entre le 5 mai 1996, date; ' de l'incendie survenu dans les locaux de la-banque,- et le --8 avril 1997; elle soutient que de ce fait, elle n'a pu présenter-les certificats au porteur, qui y étaient déposés, auprès de la banque turque émettrice, et n'a ainsi pu percevoir les intérêts pour la période échue du 8avril àu 8 juillet 1996, ni procéder
--;1 renouvellement des certificats afin qu'ils produisent de nouveaux intérêts entre r - =`-le 8 avril 1996 et le 14 avril 1997; .rappelante,demande le sursis, à statuer - I c.-jusqu'à l'isSue de la plainte avec constitution departie civile déposée contre X le 19 mai 1998, entre les mains du juge d'instruction, par l'Association des
'-20 ',.-.,jôcataires de coffres du CREDIT-LYONNAIS .pour destruction d'un- bien - -
chz,/,'Ùr- 77
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appartenant à autrui par l'effet d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes; subsidiairement, elle fait valoir que le contrat de location de coffre-fort prévoit l'indemnisation des locataires à raison des conséquences préjudiciables d' un incendie; elle recherche la responsabilité contractuelle du CRÉDIT LYONNAIS pour ne pas l'avoir mise en mesure d'obtenir la restitution du contenu de son coffre, et pour ne pas l'avoir informée précisément du moment où elle pourrait avoir accès à celui-ci; elle demande condamnation de la banque à lui payer la somme de 79.976,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998, en réparation de son préjudice, outre l'indemnité de 3.810 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
Le CRÉDIT LYONNAIS s'oppose à la demande de sursis à statuer; il conclut à l'application de l'article 1722 du code civil au contrat en cause; il prétend que l'incendie et l'arrêté de péril interdisant l'accès à la salle des coffres constituent un cas de force majeure, l'interdiction administrative relevant du fait du prince, ce qui exclut toute indemnisation; la banque ajoute que, en tout état de cause, Madame Z ne démontre pas que son préjudice a pour origine l'inaccessibilité de son coffre; en conséquence, le CRÉDIT LYONNAIS demande la confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions de l'appelante, et l'indemnité de 4.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .
MOTIFS
Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS a loué à Madame Z un coffre-fort, suivant contrat du 9 juillet 1987; que le 5 mai 1996, un incendie a dévasté les locaux de la banque; que le 13 mai 1996, le préfet de police de Paris a pris un arrêté de péril, rendant les lieux inaccessibles; que la banque, par lettre du 17 juin 1996, a informé sa cliente que la salle des coffres n'avait pas été directement atteinte par l'incendie, mais que son accès ne serait possible qu'après d'importants travaux de consolidation qui allaient durer plusieurs mois; que Madame Z, par lettre de son conseil du 21 juin 1996, a averti la banque de la nécessité pour elle de récupérer le contenu de son coffre; que le 19 juillet suivant, elle a assigné en référé, pour voir désigner un expert, avec mission de rechercher dans quel délai et selon quelles modalités il serait possible d'accéder à son coffre; que par ordonnance du 12 août 1996, le juge des référés a rejeté sa demande; que la banque, par lettre du 24 mars 1997, a indiqué à Madame Z qu'elle pourrait avoir accès à son coffre le 8 avril suivant; que Madame Z, se plaignant de n'avoir pu reprendre possession des titres contenus dans son coffre pendant prés d'un an, a saisi le tribunal de grande instance de Paris le 22 juin 1998;
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Considérant qu'auparavant, le 19 mai 1998, Madame Z, agissant en qualité de présidente de l'association des locataires de coffres du CRÉDIT LYONNAIS, avait déposé plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de destruction d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes; qu'elle allègue que le magistrat instructeur se penchera nécessairement sur les conditions dans lesquelles l'incendie est survenu et les éventuelles responsabilités encourues, notamment celle du CRÉDIT LYONNAIS; qu'elle en déduit que l'instance pénale est susceptible d'influer sur la présente instance; que le CRÉDIT LYONNAIS soulève l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer, au motif qu'elle n' a pas été formée en première instance, avant toute défense au fond; que contrairement à ce que prétend Madame Z, il s'agit bien d'une exception de procédure qui tend à suspendre le cours de l'instance, conformément aux articles 378 et 73 du nouveau code de procédure civile; que la demande de sursis à statuer, soumise à l'article 74 du nouveau code de procédure civile, ne peut être formulée après qu'il ait été conclu à l'irrecevabilité ou au mal fondé des prétentions adverses; qu'en toute hypothèse, le sursis à statuer ne s'impose pas, la cour disposant d'éléments suffisants pour apprécier la responsabilité du CRÉDIT LYONNAIS, indépendamment des causes de l'incendie;
Considérant que par la convention de location, le CRÉDIT LYONNAIS s'est obligé à mettre un coffre à la libre disposition de Madame Z, et donc à lui en permettre l'accès; que cette convention renferme un paragraphe intitulé " responsabilité du Crédit Lyonnais"; que l'appelante ne peut valablement se fonder sur l'alinéa 4 de ce paragraphe, lequel n'envisage que le sinistre entraînant la disparition ou la détérioration des objets contenus dans le coffre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce; mais que l'alinéa 2 du paragraphe prévoit que la responsabilité de la banque ne pourrait être mise en cause en cas de force majeure, notamment d'événements tels que guerre, émeute, insurrection; que l'incendie, qui est à l'origine de l'arrêté de péril, ne constitue pas un événement imprévisible et irrésistible; que dès lors, le CRÉDIT LYONNAIS ne peut opposer la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité contractuelle; qu'il a manqué à ses obligations, sa cliente ne pouvant accéder à son coffre et aux valeurs qui y étaient entreposées, entre le 5 mai 1996 et le 8 avril 1997;
Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS prétend que Madame Z ne démontre pas que les bons au porteur se trouvaient dans le coffre, ni qu'elle devait revenir en France avant le 8 juillet 1996 pour encaisser les intérêts dus par la banque turque; qu'il souligne qu'elle n'a pas mentionné l'existence de ces bons dans sa lettre du 21 juin 1996, ni au cours de la procédure de référé; mais que Madame Z verse aux débats la copie des titres numérotés, ainsi qu'une attestation de la banque OSMANLI BANKASI, datée du 1er mars 2000, précisant le montant de son compte de dépôt au
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porteur, soit 7.500.000.000 livres turques, et le montant de la perte subie du fait de la non présentation des titres dans le délai requis, à savoir 8.516.954.196 livres turques, soit 524.614 Francs en contre-valeur au 8 juillet 1996; qu'il ressort de ces documents, dont la teneur même n'est pas critiquée par le CRÉDIT LYONNAIS, que s'agissant de bons au porteur, Madame Z devait les présenter physiquement à leur échéance du 8 juillet 1996, et que ne l'ayant pas fait, les intérêts ne lui ont pas été payés entre le 8 juillet 1996 et le 14 avril 1997, date à laquelle elle a pu présenter les originaux des titres; que Madame Z, qui a effectué toutes les démarches décrites plus haut, et qui a pu accéder à son coffre le 8 avril 1997, établit ainsi que les titres se trouvaient dans le coffre loué par le CRÉDIT LYONNAIS; que ce dernier devra donc lui payer, en réparation de son préjudice, la somme de 79.976,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998, date de l'assignation; qu'il y a lieu d'allouer une indemnité à l'appelante, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS.
Réforme le jugement,
Statuant à nouveau
Condamne le CRÉDIT LYONNAIS à payer à Madame Z la somme de 79.976,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998, et l'indemnité de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette la demande du CRÉDIT LYONNAIS au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne le CRÉDIT LYONNAIS aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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