CIV. 1
M.F.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 5 février 2002
Rejet
M. RENARD-PAYEN, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° C 99-14.934
Arrêt n° 186 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par l'Entreprise Arlaud, société anonyme, dont le siège est Gencay,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 février 1999 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre civile, 1re Section), au profit
1°/ de la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Vienne, dont le siège est Poitiers Poitiers,
2°/ de M. Jean-Pierre Y, demeurant Marnay,
3°/ de la société Le GAN, société anonyme, dont le siège est Paris La Défense ,
4°/ de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est Niort,
5°/ de la société Soletco, société anonyme, dont le siège est La Villedieu du Clain,
6°/ de M. Bernard V, domicilié Poitiers, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Soletco,
défendeurs à la cassation ;
En présence de
- l'Agent judiciaire du Trésor, domicilié en ses bureaux, Paris, Cedex 12,
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
l'Agent judiciaire du Trésor déclare s'associer aux moyens du pourvoi ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Jean-Pierre Ancel, Durieux, conseillers, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l'Entreprise Arlaud, de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de l'Agent judiciaire du Trésor, de Me Choucroy, avocat de la SMABTP, de la SCP Defrénois et Levis, avocat de la société Le GAN, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y, les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 2 février 1999), que M. Y, agriculteur, a passé avec la Direction départementale de l'agriculture (DDA) de la Vienne une convention de maîtrise d'oeuvre incluant la surveillance des travaux, pour la réalisation d'un bassin de retenue d'eau ; que la réalisation de ces travaux a été confiée à la société Arlaud ; que M. Y s'étant plaint de pertes anormales d'eau réduisant la possibilité d'irrigation, l'arrêt attaqué, statuant au vu d'une expertise, a retenu la compétence de la juridiction judiciaire, condamné in solidum l'agent judiciaire du trésor public représentant la DDA et la société Arlaud à payer diverses sommes à M. Y et mis hors de cause la SMABTP, et la société GAN, assureurs de la société Arlaud ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la société Arlaud fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que le litige relevait de la compétence judiciaire alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1992, "l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation ; sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général" ; qu'ainsi, si la Direction départementale de l'agriculture a assuré la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une digue de recueil d'eaux, c'est non seulement dans l'intérêt de M. Y, mais aussi dans l'intérêt général du développement des ressources en eau ; qu'elle est donc intervenue dans le cadre d'une mission de service public, qui peut parfaitement coïncider avec un intérêt privé ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre qu'elle a conclu avec M. Y était donc un contrat administratif, et que le contentieux né de l'exécution de ce contrat relevait de la compétence du juge administratif ; qu'en se jugeant néanmoins compétente, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790 et la loi du 28 pluviôse an VIII ; alors, d'autre part, que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il lui appartient, en cas de carence des parties, de rechercher le contenu de cette règle de droit ; qu'ainsi, en l'espèce, pour statuer sur sa compétence, le juge devait déterminer si l'attribution des subventions pour la construction de la digue était légalement soumise à la condition que cette construction soit réalisée dans le cadre d'une mission de service public ; qu'en se jugeant compétente au motif qu'il n'était pas justifié par les parties de l'existence de cette condition légale, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté que les travaux litigieux avaient été exécutés sur des biens privés pour la réalisation d'un ouvrage d'usage privé et que la Direction départementale de l'agriculture en avait assuré la maîtrise d'oeuvre, dans le cadre d'un contrat dépourvu de clauses exorbitantes du droit commun, non en sa qualité de délégataire d'une mission de service public, mais en celle de cocontractante d'une personne de droit privé ;
Attendu, d'autre part, qu'elle a relevé que l'allocation de possibles subventions pour le financement de ces travaux ne constituait pas un critère permettant de reconnaître au contrat un caractère administratif, et qu'il n'était pas justifié de la nécessité de la prise en charge de cette mission par le service en cause pour l'attribution des aides financières ni de la nécessité de donner à la réalisation une finalité de service public pour pouvoir bénéficier de ces aides ;
Attendu, dès lors, que, sans avoir à procéder à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen
Attendu que la société Arlaud fait encore grief à l'arrêt d'avoir jugé que la SMABTP ne devait pas garantir la société des condamnations prononcées contre elle, alors que l'arrêt attaqué reproche à la société Arlaud d'avoir prétendument fait une fausse déclaration de risque, en minorant l'importance des travaux de terrassement qu'elle effectuait ; qu'à supposer même que cela soit exact, la fausse déclaration de risque ne pouvait entraîner un refus de garantie que si elle avait été faite intentionnellement ; que dans le cas contraire, elle ne pouvait donner lieu qu'à une réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance ; qu'en jugeant que l'assureur ne devait pas garantie sans rechercher si la déclaration de risque prétendument fausse avait été faite intentionnellement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est fondée sur le fait que les travaux litigieux correspondaient à une activité distincte de celle à laquelle se rapportait exclusivement le contrat d'assurance souscrit, a, loin de retenir à l'encontre de l'assurée une fausse déclaration de risque, expressément écarté cette hypothèse, et estimé que la société n'avait manifestement pas entendu déclarer à son assureur l'activité pour laquelle la garantie était demandée ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Entreprise Arlaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'Entreprise Arlaud à payer à M. Y la somme de 2 200 euros ; rejette la demande du GAN ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille deux.