COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 21 Octobre 1999
Pourvoi n° 97-22.039
directeur régional des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône-
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône-Alpes, domicilié Lyon,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 1997 par la cour d'appel de Grenoble (Chambre sociale), dans l'affaire opposant
- Mme Remziye ..., demeurant Pierre-Châtel,
défenderesse à la cassation ;
à - la Caisse d'allocations familiales (CAF) de Saône-et-Loire, dont le siège est Paris Mâcon ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 juin 1999, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Gougé, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., Mme ..., M. ..., conseillers, MM ..., ..., Mme ..., M. ..., conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gougé, conseiller, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu que Mme ..., de nationalité turque, a demandé le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés ; que la cour d'appel (Grenoble, 6 octobre 1997) a accueilli son recours contre la décision de la caisse d'allocations familiales qui avait rejeté sa demande en raison de sa nationalité étrangère et de l'absence de réciprocité portant sur cette prestation entre la France et la Turquie ;
Attendu que le directeur régional des affaires sanitaires et sociales fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en l'absence de l'adoption par le Conseil des Communautés des mesures de mise en oeuvre de la décision 3/80 du Conseil d'association en date du 19 septembre 1980, prise en application du protocole additionnel à l'accord d'association conclu entre la CEE et la Turquie le 12 septembre 1963, en date du 23 novembre 1970, entériné par le règlement CEE 2760/72, du 19 décembre 1972, ses dispositions ne sont pas directement applicables dans les États membres et ne sont pas de nature à engendrer pour les particuliers le droit de s'en prévaloir devant les juridictions nationales ; qu'en se fondant sur les dispositions de cette décision pour dire que Mme ... devait bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés dans les mêmes conditions qu'un ressortissant français, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 3, 4, 12 et 13 de la décision 3/80 du Conseil d'association en date du 19 septembre 1980, prise en application du protocole additionnel à l'accord d'association conclu entre la CEE et la Turquie le 12 septembre 1963, en date du 23 novembre 1970, entériné par le règlement CEE 2760/72 et l'article L821-1 du Code de la sécurité sociale ; et alors, d'autre part, que l'allocation aux adultes handicapés, prestation non contributive, ne peut être assimilée à une prestation d'invalidité, au sens de l'article 12 de
la décision 3/80 précitée ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de nouveau violé ces textes ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950, et de l'article 1er du protocole n° 1 à cette Convention, du 20 mars 1952, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme, directement applicables à toute personne relevant de la juridiction des États signataires, que la jouissance d'une prestation telle que l'allocation aux adultes handicapés doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur l'origine nationale ; qu'il n'est pas contesté que Mme ..., de nationalité turque, résidant en France, remplit les conditions requises pour l'obtention de la prestation litigieuse, en sorte que la décision de la Caisse d'allocations familiales refusant l'attribution de cette prestation n'est pas justifiée ; qu'il en résulte que Mme ... peut prétendre au bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône-Alpes aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.