COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 19 Mai 1999
Pourvoi n° 96-20.332
MX et autre
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société Interfimo.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon les énonciations des juges du fond (Angers, 30 avril 1996), que, le 12 septembre 1983, la Compagnie interprofessionnelle de financement immobilier et mobilier (Interfimo), ayant MX pour avocat, a demandé l'autorisation de prendre inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles de M. ... pour sûreté de la somme de 105 801,65 francs ; que l'inscription a été prise par MX le 26 octobre 1983 avec effet jusqu'au 26 octobre 1986 et n'a pas été renouvelée ; que M. ... a été condamné, par un arrêt du 19 octobre 1987, à payer à Interfimo la somme de 105 801,65 francs avec intérêts au taux conventionnel à compter du 7 novembre 1983 et capitalisation des intérêts échus le 19 février 1987 ; que MX a pris une inscription définitive le 28 décembre 1988, pour une somme de 193 000 francs en principal ; que, par un jugement du 7 juin 1994, confirmé le 3 mai 1995, MX a été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par Interfimo du fait du non-renouvellement de l'inscription d'hypothèque provisoire, et a été condamné, in solidum avec les Mutuelles du Mans, à indemniser celle-ci ; que, dans l'instance en fixation de l'indemnité, Interfimo a fait valoir que MX avait commis une seconde faute en ne faisant pas en sorte que l'inscription prise par lui couvre les intérêts et les frais ; que l'arrêt attaqué, admettant l'existence de cette seconde faute, a condamné MX et les Mutuelles du Mans à payer à Interfimo la somme de 191 205 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1991 ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors que, en faisant droit à l'action en responsabilité de la société Interfimo fondée sur une prétendue seconde faute de l'avocat, la cour d'appel, dont la saisine était limitée à la seule question de l'évaluation du préjudice, aurait excédé ses pouvoirs et violé l'article 481 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'instance était pendante devant le tribunal de grande instance, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a justement observé que le principe de l'autorité de chose jugée n'interdisait pas à la société Interfimo, dans ces conditions, de reprocher à MX une seconde faute, s'est prononcée comme elle a fait ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le second moyen
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors que, en décidant que MX avait engagé sa responsabilité professionnelle pour ne pas avoir effectué l'inscription hypothécaire relative aux intérêts composés, sans rechercher si la société Interfimo, professionnelle des opérations de crédit, ne pouvant ignorer la nécessité d'une telle inscription, lui avait donné mandat pour l'effectuer, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'avocat n'est pas déchargé de ses obligations professionnelles du seul fait des compétences personnelles de son client ; qu'ayant relevé, d'une part, que, s'agissant de la demande d'autorisation de prendre une mesure conservatoire pour sûreté d'une créance en capital portant intérêts, le mandataire normalement diligent qui en est chargé doit faire en sorte que la mesure sollicitée couvre non seulement le capital et les intérêts échus mais encore les intérêts à échoir et les frais prévisibles et que, de même, lors du renouvellement de l'inscription de l'hypothèque provisoire, il a le devoir de faire en sorte que les nouveaux intérêts à échoir soient garantis par la sûreté renouvelée, et d'autre part, que le mandat général donné à l'avocat lui permettant d'effectuer tous les actes utiles à la défense des intérêts de son client, il ne pouvait être soutenu que MX n'aurait pu prendre inscription pour les intérêts et les frais que sur mandat exprès, la cour d'appel, qui ne s'est prononcée que sur les intérêts de la créance garantie, a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.