Jurisprudence : Cass. com., 17-12-1996, n° 94-19.489, Cassation partielle.

Cass. com., 17-12-1996, n° 94-19.489, Cassation partielle.

A6183AWW

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Chambre commerciale
Audience publique du 17 Décembre 1996
Pourvoi n° 94-19.489
Mme ...
¢
Crédit fécampois et autres
Vu leur connexité, joint le pourvoi n° 94-19489 formé par Mme ..., ès qualités, et le pourvoi n° 94-19550 formé par M. ..., ès qualités, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 30 novembre 1989, le Tribunal a mis la société Houvenaghel en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant reportée au 10 novembre précédent ; que le Crédit fécampois, tant en son nom personnel qu'au nom de cinq autres banques dont il était le chef de file, a déclaré au passif une créance au titre de crédits qui avaient été consentis, sous diverses formes, à la société débitrice par ce groupe de banques ; que certaines des créances ainsi déclarées ont été contestées par Mme ..., désignée en qualité de représentant des créanciers, et par M. ..., nommé administrateur de la procédure collective ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi du représentant des créanciers et sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, du pourvoi de l'administrateur, réunis
Attendu que le représentant des créanciers et l'administrateur reprochent d'abord à l'arrêt d'avoir admis la régularité de la déclaration de créance faite par le Crédit fécampois en son nom propre alors, selon les pourvois, de première part, que la déclaration de créance au passif du redressement judiciaire du débiteur qui équivaut à une demande en justice ne peut, lorsque le créancier est une personne morale, être effectuée que par ses représentants légaux ou par ses préposés titulaires d'une délégation de pouvoir lui permettant d'accomplir un tel acte ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la déclaration de créance du Crédit fécampois, en son nom, a été faite par M. ... et Mlle ..., attachés au service contentieux du Crédit fécampois ; qu'en estimant que ces personnes avaient la capacité et le pouvoir de déclarer des créances au nom du Crédit fécampois sans constater qu'ils étaient titulaires d'une délégation de pouvoir spéciale à cet effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ; alors, de deuxième part, que nul ne peut se conférer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur la seule attestation délivrée le 24 février 1994 par le " président-directeur général " du Crédit fécampois certifiant que M. ... et Mlle ... bénéficiaient d'un pouvoir spécial pour déclarer les créances de cette banque, sans qu'un tel pouvoir ait jamais été produit, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'il incombe à la personne morale d'apporter la preuve, par la production des documents habilitant ses préposés à effectuer une déclaration de créance en son nom et pour son compte ; qu'en énonçant qu'une telle déclaration de créance était présumée émaner d'un préposé habilité à engager la personne morale, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil ; alors, de quatrième part, que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond, tel le défaut de pouvoir, peuvent être soulevées en tout état de la procédure ; qu'en rejetant l'exception de nullité soulevée par Mme ... et M. ..., ès qualités, tirée du défaut de pouvoirs de M. ... et de Mlle ... aux motifs qu'ils n'avaient pas contesté auparavant leur habilitation, la cour d'appel a violé les articles 117 et 118 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de cinquième part, que, par le canal de conclusions circonstanciées signifiées le 12 février 1994, M. ... et Mme ..., agissant ès qualités, faisaient valoir que la délégation générale telle qu'attestée par M. ..., tant au profit de M. ... que de Mlle ... pour déclarer les créances du Crédit fécampois devait résulter d'un document écrit devant être produit ; qu'en l'espèce, ajoutaient les organes de la procédure collective, aucun document autre qu'une attestation de M. ... n'était présenté à la cour d'appel, " aucune indication n'étant d'ailleurs fournie quant à l'identité et à la qualité de celui qui aurait consenti cette prétendue délégation générale en 1982 ", M. ... n'occupant sa fonction de président du conseil d'administration du Crédit fécampois que depuis 1992 ; qu'en ne
répondant pas, comme elle le devait, à ce moyen péremptoire, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de sixième part, qu'en l'état d'une contestation pertinente sur la qualité effective de préposé de M. ... et de Mlle Lepoivre ... ... fécampois, la cour d'appel qui a écarté des débats des pièces produites tardivement par les banques se rapportant aux conditions dans lesquelles M. ... et Mlle ... auraient été préposés du Crédit fécampois bien que rémunérés par le Crédit industriel de Normandie, ne pouvait se contenter, pour écarter un moyen circonstancié faisant état du fait que les susnommés n'étaient pas les salariés du Crédit fécampois, d'affirmer qu'" importe peu (comme le soutiennent les appelants incidents) que les intéressés (M. ... et Mlle ...) aient également compté parmi les salariés du Crédit industriel de Normandie au groupe duquel appartenait le Crédit fécampois, une telle circonstance n'étant pas incompatible avec le fait qu'ils travaillaient sous la direction et le contrôle de ce dernier pour les affaires le concernant, ainsi que le confirment d'ailleurs en l'espèce l'utilisation du papier à en-tête et la lettre d'instruction adressée à M. ... " ; qu'en l'état de ces motifs qui ne tranchent pas la vraie question soumise à la sagacité de la cour d'appel " oui ou non M. ... et Mlle ... étaient-ils bien préposés, susceptibles de bénéficier d'une délégation régulière du Crédit fécampois pour déclarer les créances de ce dernier à telle ou telle procédure collective, nonobstant la circonstance que les susnommés comptaient parmi les salariés du Crédit industriel de Normandie ? ", la cour d'appel, qui ne serre pas la difficulté telle que soumise à son examen, comme elle le devait, ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, au regard de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les règles et principes qui gouvernent la déclaration de créances s'analysant en une demande en justice ; alors, de septième part, que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur est une demande en justice ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, la déclaration peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoir régulière lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi, étant souligné qu'il peut être justifié de l'existence de la délégation de pouvoir, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance par la production des documents établissant ladite délégation ayant ou non acquis date certaine ; qu'en l'espèce, les organes de la procédure collective et spécialement M. ... insistaient sur le fait qu'aucun document établissant ladite délégation n'était produit ; qu'en ne tenant pas compte de cette donnée centrale de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 853 du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ; alors, de huitième
part, qu'il incombe à la personne morale déclarant une créance, en cas de contestation, d'apporter la preuve, par la production de documents, de la ou des délégations de pouvoir habilitant tel ou tel préposé à effectuer une déclaration de créance en son nom et pour son compte, ne serait-ce que pour que puissent être vérifiée par les organes de la procédure collective, sous le contrôle du juge, la régularité de la ou des délégations consenties ; qu'en affirmant, à partir de motifs inopérants, que les déclarations de créances litigieuses ne pouvaient qu'émaner de préposés habilités à engager sur ce chapitre la personne morale nonobstant l'absence de production du ou des documents justifiant desdites délégations, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; et alors, enfin, que la circonstance que, d'une manière générale, les correspondances signées sur un papier à en-tête d'une société le sont par une personne appartenant au département contentieux de ladite société, ce qui constitue une règle dans la vie des affaires, si bien qu'il est généralement admis qu'il soit présumé que le signataire déclarant est un préposé habilité à engager la personne morale et que, dans le cas particulier, les organes de la procédure collective connaissaient parfaitement lesdits signataires qui étaient leurs interlocuteurs pour d'autres procédures collectives dans lesquelles étaient en jeu les intérêts du Crédit fécampois, apparaissent comme autant de données sans emport au regard de la contestation soumise à la sagacité de la cour d'appel " oui ou non les signataires de la première déclaration de créance et de la déclaration rectificative, avaient-ils reçu respectivement une délégation régulière et encore valable pour déclarer les créances du Crédit fécampois, et ce par le canal d'un document dont la production aux débats n'a pas été faite nonobstant les demandes quant à ce des appelants incidents ? " ; qu'en l'état de ces motifs inopérants et en l'absence de motifs pertinents sur les contestations centrales soumises à la cour d'appel, celle-ci ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 853 du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé qu'il résultait d'une attestation délivrée le 24 février 1994 par le président du conseil d'administration du Crédit fécampois que la déclaration de créance de ce dernier avait été adressée au représentant des créanciers sous la signature de deux personnes dont l'une était le responsable du département contentieux de la personne morale créancière et l'autre un rédacteur de ce même service, la cour d'appel en a exactement déduit que les signataires étaient des préposés du Crédit fécampois, fussent-ils par ailleurs également salariés du Crédit industriel de Normandie ;
Attendu, en second lieu, que la déclaration des créances d'une personne morale peut être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoir lui permettant d'accomplir un tel acte, sans qu'il soit exigé que ce pouvoir revête un caractère spécial ;
Attendu, enfin, qu'une attestation, fût-elle postérieure à l'expiration du délai de déclaration des créances, par laquelle celui ou ceux qui exercent actuellement les fonctions d'organe habilité par la loi à représenter la personne morale créancière certifient que le préposé déclarant bénéficiait, à la date de la déclaration, d'une délégation de pouvoir à cette fin, suffit à établir que celle-ci émanait d'un organe ayant qualité pour la donner ; qu'ayant relevé que, par le document précité du 24 février 1994, le président du conseil d'administration du Crédit fécampois attestait que les préposés signataires de la déclaration de créance litigieuse bénéficiaient chacun, depuis 1982 et encore à la date de la déclaration, d'une délégation de pouvoir leur permettant de l'effectuer, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision, sans être tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur les troisième et quatrième moyens, pris chacun en leurs deux branches, du pourvoi du représentant des créanciers et sur les troisième et quatrième moyens, pris chacun en leurs trois branches, du pourvoi de l'administrateur, qui sont rédigés en termes semblables, réunis (sans intérêt) ;
Et sur les cinquième et sixième moyens, pris en leurs diverses branches, des pourvois du représentant des créanciers et de l'administrateur, qui sont rédigés en termes semblables, réunis (sans intérêt) ;
Mais sur les deuxièmes moyens, chacun pris en leurs trois branches, des pourvois du représentant des créanciers et de l'administrateur
Vu l'article 853, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que si les créances d'une personne morale sont déclarées, non par l'un des organes habilités par la loi à la représenter ou par un préposé investi d'une délégation de pouvoir à cette fin, mais par un tiers n'ayant pas la qualité d'avocat, une telle déclaration ne peut être effectuée qu'en vertu d'un pouvoir spécial donné par écrit ;
Attendu que pour dire régulières les déclarations de créances adressées par le Crédit fécampois au nom des autres banques, l'arrêt retient d'abord que les diverses personnes morales créancières " peuvent être admises à administrer par tous moyens la preuve du mandat de déclarer dont disposait le Crédit fécampois, d'autant que les circonstances particulières à l'espèce, et notamment le rôle joué par ce dernier en qualité de chef de pool, en font présumer l'existence " et, ensuite, que l'existence du mandat de déclarer est amplement confirmée par diverses circonstances et par l'intervention des différentes banques, dès qu'elles ont eu connaissance de la contestation de la régularité de la déclaration ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un " pool " bancaire n'a pas la personnalité morale et qu'en l'absence d'écrit la preuve du mandat de déclarer les créances donné au Crédit fécampois par chacune des autres banques ne pouvait s'induire des circonstances de la cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a admis au passif du redressement judiciaire de la société Houvenaghel le Crédit fécampois pour les sommes de 64 233,35 francs (soixante-quatre mille deux cent trente-trois francs et trente-cinq centimes) à titre privilégié et 31 800 000 francs (trente et un millions huit cent mille francs) à titre chirographaire, l'arrêt rendu le 13 juillet 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

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