ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
09 Juin 1993
Pourvoi N° 91-40.222
Société Sotralentz
contre
M. ....
Sur le moyen unique Vu les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et L 125-3 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Ruiz ..., employé depuis 1965 par la société Sotralentz, en dernier lieu en qualité de chef de chantier, a été chargé par son employeur d'une mission en Syrie sur un chantier de la société Buttner ; que, le 14 février 1985, quelques jours avant la date fixée pour son départ, et alors qu'il se trouvait à Paris, au siège de cette société, il a téléphoné à son employeur pour lui faire connaître qu'il ne pouvait accepter sa mission aux conditions financières qui lui avaient été proposées ; qu'ayant, dès le 20 février 1985, été licencié pour faute grave, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'indemnités de préavis et de congés payés et d'une demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour dire que le licenciement ne procédait ni d'une faute grave ni d'une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce que le salarié était fondé à refuser de se rendre en Syrie sur un chantier de la société Buttner dès lors que l'opération, qui consistait exclusivement en une fourniture de main d' uvre, s'analysait en un " marchandage " illicite ;
Attendu, cependant, que le prêt de main d' uvre n'est pas prohibé par l'article L 125-3 du Code du travail lorsqu'il n'est que la conséquence nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en uvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse ;
Que la cour d'appel, qui avait constaté que la mission confiée au salarié était une tâche ponctuelle et spécifique consistant à superviser la pose d'un électrofiltre sur un chantier de la société Buttner, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la licéité de l'opération, en ne recherchant pas, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société, si la technicité à laquelle cette opération faisait appel ne relevait pas d'une activité propre à la société Sotralentz ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.