Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 20 Janvier 1993
Cassation.
N° de pourvoi 90-44.074.
Président M. Kuhnmunch .
Demandeur Société Setforge
Défendeur M. ... et autres.
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Graziani.
Avocats Mme ..., la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique
Vu l'article L 521-1 du Code du travail ;
Attendu que la grève ayant pour effet de suspendre l'exécution du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de payer le salaire pendant la période de cessation du travail ; que ce n'est que dans le cas où les salariés se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations, que celui-ci peut être condamné à payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires ;
Attendu que pour obtenir une augmentation de salaire, les salariés de la société Setforge se sont mis en grève à partir du 9 mars 1987 jusqu'au 20 mars 1987, date de la signature d'un protocole de fin de conflit ; que, soutenant que l'accord avait été conclu dès le 16 mars 1987 et qu'ils avaient néanmoins été obligés de continuer la grève en raison de la carence de l'employeur à dresser le procès verbal et à le signer, M. ... et vingt autres salariés grévistes ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir une indemnité compensant la perte de leurs salaires du 16 au 20 mars 1987 ;
Attendu que pour faire partiellement droit à cette demande en accordant aux intéressés une indemnité pour la période du 17 au 20 mars 1987, le conseil de prud'hommes retient que l'accord entre la direction et les grévistes est intervenu le 16 mars, qu'il appartenait à la société de faire dactylographier, en tous cas de faire mettre par écrit, dans la journée du 16 mars le contenu de l'accord conclu avec les représentants des organisations syndicales, qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute qui est la cause unique de la poursuite de la grève ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le fait reproché à l'employeur ne constitue pas un manquement grave et délibéré de sa part à l'une de ses obligations, et alors, d'autre part, que l'accord étant réalisé, les salariés n'étaient pas contraints de continuer leur grève jusqu'à sa signature, le conseil de prud'homme a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er juin 1990, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Saint-Chamond.