ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
Conseil d'Etat
Statuant au contentieux
N° 202965
Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Mme Breton
M Hourdin, Rapporteur
M Goulard, Commissaire du gouvernement
M Fouquet, Président
SCP Lesourd, Avocat
Lecture du 30 Juin 2000
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 décembre 1998 et 16 avril 1999, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 29 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 26 mars 1996 du tribunal administratif de Paris accordant à Mme Jacqueline Breton, venant aux droits de Mme Marie-Louise Géré, la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle cette dernière a été assujettie au titre de l'année 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme Breton,
- les conclusions de M Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 150 N bis du code général des impôts : "Les moins-values réalisées sur les biens ou droits désignés aux articles 150 A à 150 A ter ne sont pas déductibles des revenus imposables du contribuable" ; que si ces dispositions font obstacle à l'imputation des moins-values immobilières sur les plus-values de même nature, elles ne s'opposent pas à ce que la plus-value unique résultant de la vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives soit calculée en faisant la somme algébrique de chacune des différences constatées, quel qu'en soit le sens, entre le prix révisé conformément aux dispositions de l'article 150 K du code général des impôts, de chacune des acquisitions successives et la part correspondante du prix de vente de l'immeuble, les différences positives étant en outre réduites de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150 M du code ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme Géré, propriétaire d'un immeuble sis à Paris, recueilli dans la succession de son mari décédé le 21 novembre 1971, a pour les besoins de la vente en bloc de cet immeuble, racheté le 13 août 1986 les 715/10000 èmes qu'elle avait précédemment cédés le 13 février 1986, le prix du rachat étant sensiblement supérieur au prix de la cession qui l'avait précédé ; que le 5 décembre 1986, elle a vendu en une seule fois, par un seul acte, la totalité de l'immeuble qui constituait un ensemble unique ; qu'une telle cession constitue une vente unique, générant une plus-value ou une moins-value unique ; que la différence négative entre le prix d'acquisition des 715/10 000èmes et la part correspondante du prix de vente de l'immeuble, s'est élevée à 1 214 950 F ; que la différence positive entre le prix d'acquisition des 9 285/10 000 èmes et la part correspondante du prix de vente de l'immeuble, s'est élevée, après application de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150 M du code général des impôts, à 1 434 474 F ; que l'administration a refusé à Mme Géré le droit de faire, ainsi qu'elle avait pratiqué dans sa déclaration, la somme algébrique de ces deux différences aux motifs que la loi lui interdisait la compensation des plus-values et des moins-values immobilières et que la doctrine administrative, invoquée par le contribuable et résultant de la réponse ministérielle du 2 avril 1980 à M Albert Voilquin, sénateur, n'autorisait pas la compensation entre les moins-values à court terme visées par l'article 150 J du code général des impôts et les plus-values à long terme visées par l'article 150 M de ce code ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus sur le calcul de la plus-value unique résultant de la vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives que la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans erreur de droit, déduire des faits susrappelés, en se fondant exclusivement sur les dispositions du code général des impôts relatives aux plus-values immobilières, que la plus-value résultant de la vente de son immeuble par Mme Géré le 5 décembre 1986 devait faire l'objet d'une évaluation unique dans les conditions susexposées ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, par lequel la Cour a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris accordant à Mme Breton, venant aux droits de Mme Géré décédée, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à cette dernière au titre de l'année 1986 ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Jacqueline Breton.