CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 59878
Thomas
Lecture du 23 Juin 1986
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les 12 juin et 12 octobre 1984, lesdits requête et mémoire présentés pour M. René THOMAS demeurant 36 rue Geoffroy St Hilaire, 75005 Paris et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 mars 1984 rejetant sa demande d'annulation de la décision en date du 20 janvier 1983 de l'assemblée de professeurs du Muséum national d'histoire naturelle portant résiliation de la convention du 4 juillet 1978 l'autorisant à occuper au jardin des plantes un local servant de librairie pour les ouvrages de sciences naturelles ; 2°) annule la décision du 20 janvier 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le décret du 10 juin 1793 ;
Vu le décret du 12 décembre 1891 modifié par le décret du 15 janvier 1948 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Namin, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Boullez, avocat de M. René THOMAS et de la S.C.P. de Chaisemartin , avocat du Muséum national d'histoire naturelle, - les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée :
Considérant que le contrat conclu entre le Muséum National d'Histoire Naturelle et M. THOMAS avait pour objet d'autoriser celui-ci à occuper des locaux situés à l'intérieur du jardin des plantes à Paris pour y exploiter un service de vente au public de livres, illustrations, documents et objets concernant uniquement les sciences naturelles ; que les biens immobiliers du jardin des plantes attribués au Muséum sont soit attribués à l'usage direct du public soit affectés au service public que gère cet établissement public et spécialement aménagés à cet effet ; qu'ils font partie du domaine public de l'établissement et que les locaux faisant l'objet du contrat sont l'un des éléments de ce domaine ; qu'ainsi la convention en cause a le caractère d'un contrat comportant occupation du domaine public du Muséum National d'Histoire Naturelle ;
Considérant que l'article 9 du décret du 12 décembre 1891 donne à l'assemblée des professeurs du Muséum, organe délibérant de cet établissement, le pouvoir d'administrer les biens affectés à l'établissement ; qu'il suit de là que cette assemblée était compétente pour prendre la décision d'autoriser une personne privée à occuper un élément du domaine public de l'établissement et pour mettre fin à cette occupation ; que si, à l'inverse des conventions précédentes qui avaient été signées par le Directeur du Muséum, la convention du 4 juillet 1978 comporte la signature du Directeur des services fonciers de Paris, accompagnée de celle du Directeur du Muséum, ce fonctionnaire n'a pas agi au nom de l'Etat mais pour le cmpte du Muséum auquel il a apporté son assistance technique et pour le compte duquel la redevance d'occupation est perçue ainsi que le rappelle l'article 4 de la convention ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il appartenait bien à l'assemblée des professeurs du Muséum et non au Directeur des services fonciers à Paris, de prendre la décision de dénoncer le contrat d'occupation du domaine consenti au profit de M. THOMAS ;
Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée des vices de procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 12 décembre 1891 "les délibérations de l'assemblée sont transmises au ministre avec l'avis du Directeur. Elles ne sont exécutoires qu'après avoir reçu l'approbation du ministre" ; que si le défaut d'approbation d'une délibération de l'assemblée des professeurs a pour effet de faire obstacle à son exécution, il ne saurait avoir d'influence sur sa légalité ; qu'ainsi le moyen susénoncé, en tant qu'il est invoqué à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de cette délibération, est inopérant ;
Considérant que l'article 2 de la convention du 4 juillet 1978 stipule que celle-ci est consentie pour une période de trois, six ou neuf années à compter rétroactivement du 1er janvier 1978 et que chacune des parties aura la faculté de résilier cette concession à charge pour elle de prévenir l'autre six mois avant l'expiration de chaque période de jouissance ; qu'en faisant usage de ce droit de résiliation à l'expiration de la seconde période triennale de validité de la convention, en vue de provoquer la négociation d'un nouveau contrat à des conditions financières plus avantageuses pour l'établissement public, l'assemblée des professeurs a pris une mesure relative à la gestion du domaine public de l'établissement, non prononcée en considération de la personne de M. THOMAS et qui n'a nullement le caractère d'une sanction ; que celui-ci n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'eu égard à son caractère une telle décision, ne pouvait être légalement prise qu'à l'issue d'une procédure contradictoire et qu'elle aurait dû être motivée ;
Sur le bien fondé de la décision attaquée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision prise par l'organe délibérant du Muséum, de dénoncer à l'une de ses échéances, le contrat qui liait cet établissement à M. THOMAS a été provoquée par le refus de l'intéressé d'accepter un relèvement important de la redevance d'occupation du domaine, prévue au contrat ; qu'en usant pour ce motif du droit qu'il tenait du contrat, pour assurer une meilleure exploitation du domaine de l'établissement, l'assemblée des professeurs n'a pas fait un usage abusif de ses pouvoirs ;
Considérant que les dispositions du second alinéa de l'article 5 de la convention, qui permettaient au Muséum de réviser chaque année le montant de la redevance, n'avaient ni pour objet ni pour effet de priver l'établissement du droit que lui conférait l'article 2 précité, de dénoncer le contrat à l'une de ses échéances pour renégocier, sur des bases financières nouvelles, un nouveau contrat avec le même partenaire ou, le cas échéant, avec un tiers et que l'établissement, qui percevait une redevance annuelle de 44 000 F pouvait, sans abus de droit, n'accepter la conclusion d'une nouvelle convention avec le concessionnaire en place, que moyennant le paiement d'une redevance de 66 000 F alors que, deux ans plus tard, après le refus opposé à cette offre par M. THOMAS et la dénonciation de la convention, le Muséum a pu obtenir d'un tiers, pour la location des mêmes locaux pour le même usage, le versement d'une redevance d'occupation de 150 000 F par an ; que M. THOMAS n'est, par suite, fondé à soutenir ni que la décision de dénonciation du contrat n'était pas justifiée ni qu'en prenant une telle décision à l'effet d'obtenir de meilleures conditions financières, l'établissement a commis un détournement de procédure ou un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. René THOMAS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. René THOMAS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. René THOMAS,au Directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle et au ministre de l'éducation nationale.