Jurisprudence : CE Contentieux, 06-12-1995, n° 126826

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 126826

SOCIETE ANONYME SAMEP

Lecture du 06 Decembre 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux,
Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 juin 1991, présentée pour la SOCIETE ANONYME SAMEP, dont le siège social est sis 7, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008) ; la SOCIETE ANONYME SAMEP demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule l'arrêt en date du 18 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement en date du 4 juillet 1988 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er mai 1978 au 30 avril 1979 ainsi que des pénalités y afférentes ; 2°) prononce la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu les ordonnances n° 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Austry, Auditeur, - les observations de Me Roger, avocat de la SOCIETE ANONYME SAMEP, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur les moyens ayant trait à la régularité de la procédure d'imposition : En ce qui concerne le déroulement de la procédure jusqu'à la notification des bases d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE ANONYME SAMEP soutient que la perquisition opérée le 30 septembre 1982 par la brigade nationale d'enquêtes économiques sur le fondement des ordonnances susvisées du 30 juin 1945 alors en vigueur aurait été entreprise pour des raisons exclusivement fiscales et constituerait par suite un détournement de procédure ; qu'en déduisant de la circonstance que cette perquisition avait été entreprise en vue de rechercher des infractions aux dispositions des ordonnances précitées du 30 juin 1945, que le détournement de procédure allégué n'était pas établi, sans pour autant exiger de la requérante, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle en apporte la preuve, la cour administrative d'appel de Paris n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits de l'espèce ; Considérant, en deuxième lieu, que, si l'avis de vérification adressé le 3 février 1983 à la société indiquait que les opérations de contrôle devaient débuter le 16 février 1982, antérieurement à la date d'émission de l'avis, l'erreur purement matérielle qui entache cette mention est sans incidence sur la régularité de celui-ci ; qu'en estimant que ce dernier, qui n'avait pas, en tout état de cause, à être motivé, respectait les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la Cour n'a donc, en tout état de cause, commis aucune erreur de droit ; Considérant, en troisième lieu, que si, au cours d'une vérification de comptabilité, il doit être offert au contribuable d'avoir, avec l'agent vérificateur, un débat oral et contradictoire relatif aux constatationsauxquelles donne lieu ce contrôle, il est, en revanche, sans incidence sur la régularité de la vérification que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable à cette occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir auprès de tiers, en vertu du droit de communication de l'administration ; que si la société n'est donc pas fondée à se prévaloir de ce que la Cour aurait dû prendre en compte le fait que ces éléments n'étaient plus en sa possession pour apprécier si elle avait disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil conformément aux dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : "L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des impôts toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu" ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des pièces saisies et des procès-verbaux dressés à la suite de l'intervention de la brigade nationale d'enquêtes économiques dans les locaux de la SOCIETE ANONYME SAMEP ont été communiqués à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire en application des dispositions précitées de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; que si, postérieurement à cette communication, certaines de ces pièces ont été déclarées nulles par un arrêt en date du 30 octobre 1987 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette circonstance ne pouvait être utilement invoquée pour critiquer l'exercice par l'administration de son droit de communication ; Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés que ce que la perquisition susmentionnée aurait été effectuée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors que les dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 qui autorisent les perquisitions domiciliaires à l'initiative d'une autorité administrative sans les placer sous le contrôle de l'autorité judiciaire ne seraient pas conformes auxdites stipulations, de ce que le vérificateur n'aurait pas été compétent pour opérer la vérification de comptabilité à laquelle la SOCIETE ANONYME SAMEP a été soumise et de ce que cette vérification aurait été opérée en méconnaissance des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, qui ont été présentés pour la première fois devant le juge de cassation et qui ne sont pas d'ordre public, ne sont, par suite et en tout état de cause, pas recevables ; En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de rectification d'office : Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition ni aucun principe général n'exige que les notifications de redressement comportent la mention des textes sur le fondement desquels elles sont établies ; que, par suite, la Cour n'a commis aucune erreur de droit en estimant que la notification adressée, le 14 décembre 1983, à la SOCIETE ANONYME SAMEP n'avait pas, pour être conforme aux dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, à mentionner les textes sur le fondement desquels elle est intervenue ; Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que ladite notification comportait, conformément aux prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, un exposé suffisamment précis des modalités de détermination des bases d'imposition rectifiées d'office, la Cour a, sans les dénaturer, porté sur les mentions de cette notification une appréciation souveraine qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler ; Considérant, en troisième lieu, que la même notification contenant, sur l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication, des indications suffisantes, la cour administrative d'appel a, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les observations de la société en estimant que cette dernière ne contestait pas "avoir procédé à des achats fictifs", jugé que l'administration, qui n'était pas tenue de communiquer spontanément, en vue d'un débat contradictoire, lesdits documents, avait régulièrement mis en oeuvre la procédure de rectification d'office ; Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que la mise en oeuvre de cette procédure méconnaîtrait les stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, qui a été présentée pour la première fois devant le juge de cassation et qui n'est pas d'ordre public, n'est, par suite et en tout état de cause, pas recevable ; En ce qui concerne les actes subséquents de la procédure d'imposition :
Considérant que les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement adressé à la société le 9 mars 1984 et de la décision de rejet des réclamations du 9 septembre 1985, qui ont été présentés pour la première fois devant le juge de cassation et qui ne sont pas d'ordre public, ne sont, par suite et en tout état de cause, pas recevables ;
Sur les moyens ayant trait au bien-fondé des impositions : Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que les redressements notifiés au titre de l'année 1978 porteraient sur une année prescrite, qui a été présenté pour la première fois devant le juge de cassation et qui n'est pas d'ordre public, n'est, par suite et en tout état de cause, pas recevable ; Considérant, en second lieu, d'une part, que la société n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'ancien article 173 du code de procédure pénale, qui ne sont pas applicables devant le juge de l'impôt ; que, d'autre part, dès lors que l'administration fiscale a obtenu régulièrement communication de pièces détenues par l'autorité judiciaire, la circonstance que ces pièces auraient été ultérieurement annulées par le juge pénal n'a pas pour effet de priver l'administration du droit de s'en prévaloir pour établir les impositions ; que, par suite, en regardant comme inopérant le moyen tiré par la société de l'annulation, par l'arrêt précité de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, de certaines des pièces saisies et des procèsverbaux dressés à la suite de l'intervention de la brigade nationale d'enquêtes économiques dans les locaux de la société, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur les pénalités : Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant qu'en estimant que, compte tenu du montant des factures fictives et du caractère répété de cette infraction, l'administration justifiait du bien-fondé des pénalités pour absence de bonne foi qui ont assorti les compléments de taxes sur le chiffre d'affaires rappelés, alors que le service a appliqué l'amende prévue à l'article 1731 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable au motif que la société s'était rendue coupable de manoeuvres frauduleuses, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ANONYME SAMEP n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant que ce dernier statue sur les pénalités ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt en date du 18 avril 1991 de la cour administrative d'appel de Paris est annuléen tant qu'il statue sur les pénalités afférentes aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie pour la période du 1er mai 1978 au 30 avril 1979.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME SAMEP est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME SAMEP, au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre de l'économie et des finances.

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