Jurisprudence : TA Pau, du 21-03-2013, n° 1300336

TA Pau, du 21-03-2013, n° 1300336

A0103KBG

Référence

TA Pau, du 21-03-2013, n° 1300336. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8047243-ta-pau-du-21032013-n-1300336
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Abstract

Des arrêts de travail liés à une maladie imputable au service ne peuvent être pris en compte au titre de la maladie ordinaire, rappelle le tribunal administratif de Pau dans un jugement rendu le 21 mars 2013 (TA Pau, 21 mars 2013, n° 1300336, voir déjà CE 3° et 8° s-s-r., 21 novembre 2012, n° 344561, publié au recueil Lebon et lire).




N° 1300336


Mme Aa A


Mme Perdu


Juge des référés


Ordonnance du 21 mars 2013


**REPUBLIQUE FRANCAISE**

**AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS**

Le Tribunal administratif de Pau


Le juge des référés,



Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2013 sous le n° 1300336, présentée pour Mme Aa A, demeurant … … … …, … … (…), par Me Pombieilh, avocate au barreau de Pau ; Mme A demande au juge des référés :


1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, la suspension de l'exécution de la décision du 4 juillet 2012, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie a décidé que les arrêts de travail dont bénéficie l'intéressée seraient désormais pris en compte au titre de la maladie ordinaire ;


2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie une somme de 2 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative🏛 ;


Elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que :


- avant d'effectuer des soins nécessaires pour soulager ses douleurs (soins de kinésithérapie, en particulier), elle est soumise au régime de l'entente préalable ; que, par ailleurs, les trajets pour se rendre à Paris, à des rendez-vous médicaux avec le médecin spécialiste qui la suit, ne sont plus pris en charge ; qu'elle n'a d'ailleurs pas pu se rendre à un rendez-vous, en raison d'un refus de prise en charge de ses frais de transports ;


- elle supporte une baisse de 50% de ses revenus depuis le 7 mars 2013 ; qu'elle doit subvenir aux besoins de sa fille qui poursuit ses études et de son fils qui recherche un emploi ; que si son mari travaille, les charges fixes du couple doivent être prises en compte ; qu'elle subit un préjudice économique immédiat et important ;


- en raison de la longueur de la procédure en annulation, son état de santé impose que l'exécution de la décision illégale du directeur du centre hospitalier soit immédiatement suspendue ;


Elle soutient, en outre, que des moyens sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet :


- la procédure à l'issue de laquelle le directeur a pris la décision contestée est viciée dès lors que, d'une part, l'avis de la commission de réforme ne lui a pas été notifié et que, d'autre part, le directeur ne l'a pas invitée à présenter des observations avant de prendre sa décision et a ainsi méconnu les obligations découlant des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000🏛 ; en outre, elle n'a pas eu accès à son dossier (article 65 de la loi du 22 avril 1905🏛 applicable aux mesures prises " en considération de la personne ") et n'a pas été en mesure d'assurer sa défense, alors que ce principe est reconnu en tant que principe fondamental à valeur constitutionnelle ;


- la décision est entachée d'erreur de fait et d'appréciation sur l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, dès lors que cette dernière est liée aux vaccinations successives qu'elle a reçues dans le cadre de son activité professionnelle d'aide soignante ; que deux rapports de professeurs spécialistes en neurologie (le professeur Brochet en 2009 et le professeur Authier en 2011) ainsi que le B Ab, dont l'expertise a été diligentée par le centre hospitalier et qui a rendu son rapport le 12 avril 2011, rattachent sa maladie aux administrations successives de vaccins adjuvantés sur hydroxydes d'aluminium ; les conclusions de l'expert désigné par le Tribunal, le docteur C, ont une finalité indemnitaire (" aucun dommage ne peut être évalué "), tandis que ce médecin considère bien que les lésions musculaires dont elle souffre se sont développées à la suite d'une vaccination réalisée, certes, dans les règles de l'art ;


- l'hôpital a commis une erreur en ne retenant dans la décision contestée que l'accident de travail déclaré le 11 septembre 2006 (chute dans le cadre d'activité de sapeur-pompier de l'intéressée) ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2013, présenté pour le centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie, par Me Friederich, avocat au barreau de Strasbourg, qui conclut au rejet de la requête et demande au juge des référés de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ;


Il précise que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que Mme A n'a pas déposé de demande de congés de longue durée ou de longue maladie et qu'elle ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude en mettant en avant ses difficultés financières ; qu'enfin, une clôture de l'instruction a été prononcée dans la requête au fond déposée par l'intéressée de sorte que, le jugement au fond devant intervenir prochainement, l'urgence à suspendre les effets de la décision en litige n'est pas avérée ;


Il ajoute qu'aucun des moyens invoqués ne peut être accueilli ; qu'ainsi :


- la procédure suivie par le centre hospitalier est celle applicable aux demandes d'imputabilité au service d'une maladie et que Mme A a toujours été informée de la tenue des séances des différentes commissions de réforme qui ont été amenées à statuer sur sa situation, et a été mise à même d'être présente et assistée ; que le principe du contradictoire a donc été respecté ;


- à la suite de l'accident déclaré le 11 septembre 2006, l'état de santé de l'intéressée (douleurs dorsolombaires) a été consolidé en décembre 2006 ; qu'aucun autre accident de travail n'a été déclaré ; que les différents avis rendus par la commission de réforme ont ensuite pris en compte, à compter de 2009, les conclusions du docteur Ac précisant la pathologie musculaire dont souffre l'intéressée ;


- le docteur Ad a conclu dans son expertise rendue en juin 2011 que l'ensemble des troubles dont souffre l'intéressée ne pouvait être imputé de manière certaine et exclusive à la lésion musculaire in situ de fasciite à macrophages ; que c'est en particulier au vu de ses conclusions que le centre hospitalier a pris la décision en litige ;


- le centre hospitalier a toujours suivi les différents avis rendus par la commission de réforme, sauf le dernier ; en tout état de cause, les avis rendus ne lient pas l'autorité administrative ;


- aucune erreur de fait ou de qualification n'est établie ; à cet égard, les vaccinations incriminées ont eu lieu en 1994 et 1995 alors que l'intéressée évoque des troubles musculaires à compter seulement de 2009 ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la loi n° 86-33 du 19 janvier 1986 portant statut de la fonction publique hospitalière, en particulier l'article 41 ;


Vu le code de justice administrative ;


Vu la requête n° 1002357 par laquelle Mme A a saisi le Tribunal de céans d'une demande d'expertise ;


Vu l'ordonnance du 27 février 2011 par laquelle le juge des référés du Tribunal de céans a diligenté une expertise afin, notamment, d'examiner l'intéressée et de préciser si son état de santé actuel résultait, et dans quelle mesure, des vaccinations effectuées par les services du centre hospitalier, et désigné un expert, Mme C ;


Vu le rapport d'expertise, enregistré au greffe le 22 juin 2011 ;


Vu la requête n° 1201604 par laquelle Mme A demande l'annulation de la décision du 4 juillet 2012 ;


Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Perdu, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé ;


Après avoir régulièrement convoqué à une audience publique :


- Me Pombieilh, représentant Mme A;


- Me Friederich, représentant le centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie;


Vu le procès-verbal de l'audience publique du 21 mars 2013 à 14h00 au cours de laquelle ont été lu le rapport et entendues les observations de :


- Me Pombieilh, représentant Mme A, qui développe ses arguments et précise que :


* le préjudice économique subi en raison du passage à mi-traitement de Mme A est direct et important ; qu'en outre, son accès aux soins est compliqué, voir matériellement et financièrement impossible (elle n'a pu bénéficier en 2012 de la prise en charge d'une cure thermale qui soulage ses douleurs) ;


* l'intéressée a subi des vaccinations successives jusqu'en 1998 et qu'il est faux d'affirmer que les symptômes ne seraient apparus qu'en 2008 ou 2009 ; que c'est un diagnostic de fasciite à macrophages qui a été posé, mais l'intéressée souffrait de douleurs musculaires depuis de nombreuses années, comme déjà précisé dans les écritures ;


- Me Marcel, substituant Me Friederich, pour le centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie, qui maintient ses précédentes écritures et ajoute que :


* le centre hospitalier ne minimise pas l'état de santé de l'intéressée mais considère qu'elle ne remplit pas les conditions posées par l'arrêt récent du Conseil d'Etat (CE, n° 344561 et 356462⚖️) ;


* le seul accident de travail déclaré est celui du 11 septembre 2006 ;


Après avoir prononcé, à l'issue de l'audience à 14h40, la clôture de l'instruction ;


1. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que Mme A a été victime le 11 septembre 2006 d'une chute reconnue en tant qu'accident du travail ; que des arrêts de travail intervenus jusqu'en 2008, date d'une reprise partielle d'activité de cette aide soignante, entre le mois de mai et le mois de novembre 2008, ont été pris en charge à ce titre ; que les nouveaux arrêts de travails dont a bénéficié l'intéressée à compter de la fin de l'année 2008, en raison des douleurs diffuses et de l'asthénie intense dont elle souffrait, ont également été pris en charge au titre du régime des accidents du travail ; que, par la décision contestée du 4 juillet 2012, le directeur du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie a décidé que les arrêts de travail de Mme A, postérieurs à la notification de cette décision, relèvent du régime de la maladie ordinaire et ne sont donc plus pris en charge au titre du régime des accidents du travail ; que Mme A, qui n'a jamais repris son activité, demande au juge des référés de prononcer la suspension des effets de cette décision du 4 juillet 2012 ;


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :


2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;


3. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;


4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A perçoit un mi-traitement depuis le mois de mars 2013, correspondant à la somme de 804 € nets mensuels ; qu'il résulte également de l'instruction que son époux travaille et a déclaré, en 2011, des revenus annuels s'élevant à 18 848 €, tandis qu'il a été précisé à l'audience que ces revenus s'élèvent en 2013 à 1 400 € nets mensuels ; que le couple continue, par ailleurs, de subvenir aux besoins de ses deux enfants majeurs et supporte des charges fixes s'élevant à environ 1 000 € par mois, comprenant en particulier le remboursement d'emprunts immobiliers ; que, par ailleurs, Mme A fait état de la nécessité de se rendre en consultation auprès du professeur Authier, spécialiste en neurologie, et en particulier des lésions de myofasciite à macrophages, qu'elle consulte au Centre de références des maladies neuromusculaires du CHU de Créteil depuis 2008 et de l'impossibilité matérielle dans laquelle elle se trouve désormais de supporter, à ses frais, le coût d'un billet d'avion pour se rendre à ces rendez-vous ; qu'enfin, elle a consulté ce médecin en février 2013, et à la suite d'une récente hospitalisation, elle justifie d'un nouveau rendez-vous pris pour le 28 mars 2013, pour lequel elle doit effectuer le trajet en avion ; qu'ainsi, en tenant compte de l'ensemble de ces circonstances, l'exécution de la décision attaquée porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de l'intéressée, et la condition d'urgence doit donc être regardée comme remplie ;


5. Considérant, par ailleurs, qu'en l'état de l'instruction, au vu du rapport d'expertise réalisé en juin 2011, par le B C, désigné par le juge des référés du tribunal, le moyen soulevé et tiré de l'erreur de droit ou de qualification commise par le directeur du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service, c'est-à-dire aux vaccinations subies par Mme A dans le cadre professionnel, des arrêts de travail liés aux lésions de myofasciite à macrophages dont elle souffre, est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée du 4 juillet 2012 ;


6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exécution de la décision du 4 juillet 2012 du directeur du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie doit être suspendue ;


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


7. Considérant que ces dispositions font obstacle aux conclusions du centre hospitalier dirigées contre Mme A qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie à verser à Mme A la somme de 1 000 € en application desdites dispositions ;


O R D O N N E


Article 1er : L'exécution de la décision du directeur du centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie en date du 4 juillet 2012 est suspendue jusqu'à la notification du jugement à intervenir sur la requête n° 1201604.


Article 2 : Le centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie versera à Mme A la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Aa A et au centre hospitalier d'Oloron-Sainte-Marie.


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