TRIBUNAL
DE GRANDE
INSTANCE
DE PARIS
3ème chambre 1ère
section
N° RG 09/15210
N° MINUTE
JUGEMENT
rendu le 22 Novembre 2011
DEMANDERESSE
S.A.S. IMPERIAL CLASSIC DIFFUSION - ICD
PARIS
représentée par Me Stéphanie D'HAUTEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1087
DÉFENDERESSE
Société REBIRTH
JOINVILLE LE PONT
représentée par Me Benedict ... - SELARL CARLER Associés,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0122
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente
Thérèse ANDRIEU, Vice Présidente
Laure COMTE, Juge
assistées de Katia CARDINAL, lors des débats
et de Léoncia BELLON, lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience du 27 Juin 2011 tenue publiquement devant Marie-Christine ... et Thérèse ..., juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.
Expéditions
exécutoires .2 tt AL44
délivrées le
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoirement
en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
La société IMPERIAL CLASSIC DIFFUSION, ICD, plus connue sous la marque " BEN SIMON ", édite et commercialise des vêtements et notamment des chaussures.
Elle commercialise depuis 1981 la chaussure tennis BENSIMON qu'elle vend chaque année à des milliers d'exemplaires.
La tennis BENSIMON présente les caractéristiques suivantes selon la société demanderesse
- D'une allure d'autrefois se distinguant très nettement de toutes les chaussures de tennis créées et utilisées pour la pratique de ce sport, elle se distingue par la simplicité de sa ligne, l'épaisseur normale de sa semelle au contraire des semelles compensées très épaisses et techniquement plus élaborées qui sont en vogue depuis des années et qui caractérisent au-delà même de la chaussure de tennis, la chaussure de sport, voire la chaussure quotidienne que porte toute une génération.
- Toutes les variantes ou déclinaisons du modèle, qu'il soit à lacets, bas ou montant, ou à élastique, comportent élément commun constitué par la et le bout de la chaussure qui forment un indissociable en caoutchouc aux aspects spécifiques
- le bout arrondi de la chaussure comporte un dessin original mélangé de rayures dans le sens de la longueur et d'une partie lisse séparées par une ligne qui évoque le dessin d'un arc ou d'une accolade ;
- la semelle est bordée d'une bande de renforcement au motif répété de petits losanges, élargie au niveau du bout de la chaussure ;
-le dessous de la semelle est une composition originale bandes formées de six lignes ondulées et placées en biais ; ces bandes encadrent un motif unique et répété qui évoque un pas de vis ;
- l'ensemble des motifs décrits est apposé sur le talon et la pointe de la semelle à l'exception de l'espace recevant la voûte plantaire et est cerné par un motif continu de petits rectangles évoquant une tête de marteau;
- sous la plante du pied le caoutchouc de la semelle est en effet lisse ; il y est incrusté dans un rectangle la marque " collection B BENSIMON ". Le même logo est imprimé sur la semelle intérieure à l'endroit où repose le talon.
-des lacets en tissu, des embouts en métal qui compriment le tissu évitant son effilochage et constituent les oeillets de la chaussure,
- une languette de même couleur que celle de la toile.
- La couvrante de la chaussure est généralement en toile, teinte de diverses couleurs selon les collections ; elle est agrémentée de piqûres et surpiqûres apparentes qui
-pour la tennis à lacets montante délimitent le talon, attachent une bande de tissu qui suit la ligne des oeillets des lacets et dessinent sur chacun des deux cotés de la chaussure un rectangle au niveau de la jonction des pans latéraux de la chaussure et de la languette.
-pour la tennis à lacets basse suivent le tracé d'un U, de même couleur que celle de la toile, encadrent les lacets en tissu le plus souvent de même couleur que la toile et délimitent le talon.
La société REBIRTH met sur le marché des tennis à lacets basses et à lacets montantes sur la même structure de base constituée par l'ensemble semelle/bout de la chaussure.
Sur ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris en date du 4.09.2010 l'y autorisant, la société ICD fait procéder à une saisie-contrefaçon les 5 et 6.09.2009 sur le stand de la société REBIRTH dans le salon des expositions Porte de Versailles à Paris pour y saisir différentes tennis estimées contrefaisantes et portant le signe " American Eagle ".
Par acte d'huissier en date du 5.10.2009, la société IDC fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société REBIRTH pour contrefaçon et concurrence déloyale.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 13.05.2011, la société IDC demande au tribunal de
Dire et juger que la société ICD est investie des droits d'auteur sur les tennis à lacets basses et montantes commercialisées sous la marque BEN SIMON revendiquées dans la présente procédure,
Dire et juger que les chaussures tennis lacets basses et montantes d'ICD commercialisées sous la marque " BENSIMON " sont originales et protégeables par les dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
Dire et juger que les modèles de chaussures Tahiti, Tahiti mono, Tahiti multicolo, Hawaï, Hawaï mono et Hawaï multicolo commercialisées par REBIRTH reproduisent à l'identique les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes d'ICD,
Dire et juger qu'en fabricant ou faisant fabriquer, en important ou en faisant importer, en présentant à la vente et en commercialisant directement ou indirectement ces modèles de tennis reproduisant les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes d'ICD, la société REBIRTH porte atteinte aux droits d'auteur dont est investie ICD,
En conséquence,
Débouter la société REBIRTH de l'ensemble de ses demandes, Interdire à la société REBIRTH dès la signification du jugement à intervenir, de fabriquer, faire fabriquer, d'importer, de faire importer, d'offrir à la vente, de livrer, de commercialiser, de promouvoir, directement ou indirectement, par tout moyen, et notamment la vente en ligne et sur quelque support que ce soit, les modèles de chaussure TAHITI, TAHITIMONO, HAWAI et HAWAIMONO " AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes d'ICD, ceci sous astreinte non comminatoire et définitive de 1000 euros par infraction,
Dire et juger que le tribunal se réservera le droit de liquider directement cette astreinte,
Ordonner à la société REBIRTH dès la signification du jugement à intervenir et sous astreinte non comminatoire et définitive de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée, la confiscation et la destruction de tous modèles de chaussures référencés TAHITI,
TAHITIMONO, HAWAI, HAWAIMONO " AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques essentielles et originales de tennis à lacets basses et montantes d'ICD offerts à la vente et commercialisées par elle qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs ainsi-que de tous documents notamment catalogues, brochures, publicités sur lesquels seraient reproduits lesdits modèles ceci par huissier et aux frais de la défenderesse,
Dire et juger que le tribunal se réservera le droit de liquider l'astreinte directement,
Ordonner à la société REBIRTH dès la signification du jugement à intervenir et sous astreinte non comminatoire et définitive de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée, la suppression de toute reproduction sur quelque support que ce soit de tous modèles de chaussures référencées TAHITI, TAHITIMO NO, HAWAI, HAWAIMONO ".AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques originales et essentielles des tennis à lacets basses et montantes d'ICD,
Dire et juger que le tribunal se réservera la liquidation de l'astreinte, Condamner la société REBIRTH à payer à la société ICD la somme 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes portées à ses droits d'auteur sur ses tennis à lacets basses et montantes, Ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux ou revues françaises ou étrangères de son choix aux frais de la société REBIRTH sans que le coût de chaque insertion n'excède 4000 euros, Dire et juger que la société REBIRTH a commis des actes de concurrence déloyale, à tout le moins des agissements fautifs au préjudice de la société ICD,
Condamner la société REBIRTH à payer à la société ICD la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait de ces actes de concurrence déloyale et de parasitisme à tout le moins fautifs, Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,
Subsidiairement,
Commettre tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission de rechercher dans la comptabilité de REBIRTH le nombre d'exemplaires reproduisant les caractéristiques originales de tennis à lacets basses et montantes commercialisées sous la marque " BENSIMON " qui ont été commandés, fabriqués, et vendus par REBIRTH et chacun de ses ponts de vente, le chiffre d'affaires ainsi réalisé et la marge brute bénéficiaire de ces exploitations illicites,
Condamner en ce cas dès à présent REBIRTH à payer à ICD une indemnité provisionnelle de 75.000 euros,
Condamner en tous les cas la société REBIRTH à payer à la société ICD une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux dépens qui seront recouvrés par Maître d'HAUTEVILLE, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, la société ICD estime rapporter la preuve de la création et de la divulgation des tennis à lacets commercialisés depuis 1982 sous le nom BENSIMON, patronyme de ses fondateurs et marque dont la société est licenciée. Elle fait valoir que les tennis à lacets basses e Page 4
et montantes sont clairement définies et que leur forme est arrêtée depuis leur création. Elle soutient qu'elles sont originales du fait des caractéristiques qui résultent des choix esthétiques propres et arbitraires révélant sa créativité et qui prises isolément comme combinées les unes avec les autres confèrent aux chaussures arguées de contrefaçon une originalité évidente qui a entrainé un grand succès auprès du public. Elle conclut à la commission des actes de contrefaçon par la société REBIRTH ainsi qu'à des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société REBIRTH évoluant sur le même marché et ayant pratiqué un prix inférieur sans avoir eu à exposer les frais de recherche et de création avec la volonté de détourner la clientèle.
En réplique, par conclusions notifiées le 18.05.2011, la société REBIRTH demande au tribunal de
A titre principal,
Débouter la société ICD de l'intégralité de ses demandes en l'absence de toute contrefaçon et de toute concurrence déloyale,
A titre reconventionnel,
Condamner la société ICD à payer à la société REBIRTH la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamner la société ICD à payer à la société REBIRTH la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Ordonner l'exécution provisoire sur les condamnations demandées à titre reconventionnel nonobstant toute voie de recours et de garantie.
A l'appui de ses demandes, la société REBIRTH fait valoir l'absence de contrefaçon au titre des droits d'auteur, la société ICD ne rapportant pas la preuve de la date certaine de création des tennis et se limitant à produire des revues et magasines des années 80 qui ne divulguent pas les tennis en litige. Par-ailleurs, elle conteste l'originalité des tennis, les éléments mis en avant par la société requérante ne caractérisant pas l'originalité sachant que les tennis litigieuses trouvent leur origine dans les stocks de surplus militaire. En tout état de cause, la société REBIRTH conclut au rejet de la demande en contrefaçon au regard des différences flagrantes et évidentes entre les tennis en cause et à titre subsidiaire à l'absence de préjudice.
La société REBIRTH relève que la société ICD n'établit pas de faits distincts à l'appui de sa demande en concurrence déloyale et que par-ailleurs les produits vendus par la société REBIRTH ne sont pas mis en vente à un prix inférieur de moitié à celui pratiqué par la société requérante.
La clôture est prononcée le 18.05.2011.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon de droits d'auteur par la société ICD pour les tennis BEN SIMON
L'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.
Ainsi, en l'absence de revendication de l'auteur, l'exploitation d'une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon qu'elle est titulaire sur l'oeuvre des droits d'auteur.
Pour bénéficier de cette présomption, la personne morale qui revendique la titularité des droits d'auteur n'est pas tenue de justifier du transfert des droits d'auteur de la personne physique à l'origine de la création du modèle mais doit établir avec certitude la date, soit de la création, soit de la divulgation ainsi-que la correspondance entre le produit divulgué et celui dont la titularité est revendiquée.
En l'espèce, la société REBIRTH soutient que la date de création des tennis litigieuses n'est pas établie de façon certaine par la société ICD ce qui est exact mais celle-ci produit des magazines versés au débat dans lesquels sont divulguées sous la marque BENSIMON les tennis à lacets sur lesquels elle revendique les droits d'auteur.
En effet, la société ICD verse un extrait du magasine ELLE du 21.06.1982 présentant la tennis à lacets basse, objet du présent litige (pièce n° 101) et des extraits des magasines GAP d'août 1984 et JACINTE du 10.11. 1984 présentant les tennis à lacets montantes également objet du présent litige (pièces n° 66, 68-1 et 68-2) ainsi que des articles de son dossier de presse faisant mention de la fête organisée pour les vingt cinq ans de la marque en 2006 ( pièce n° 6) venant ainsi confirmer l'ancienneté des produits de sorte qu'elle rapporte la preuve de la titularité de ses droits sur les chaussures litigieuses à compter de 1982, date de la divulgation des tennis à lacets basses et de 1984, date de la divulgation des tennis à lacets montantes.
La personne morale titulaire des droits, pour caractériser l'originalité des produits revendiqués peut procéder à la description des produits mais cette description est insuffisante à qualifier le produit d'oeuvre de l'esprit ; la description détaillée est utile pour distinguer le produit des autres mais elle est insuffisante pour faire passer un objet industriel ou artisanal au niveau de l'oeuvre de l'esprit.
En l'espèce, la société REBIRTH relève que la société ICD fait état d'éléments subjectifs pour tenter de prouver l'originalité des chaussures évoquant une " allure d'autrefois ", une simplicité des lignes, une épaisseur normale de semelle et d'éléments descriptifs qui ne peuvent pas caractériser l'originalité des chaussures.
La société ICD se livre à une description des tennis en cause de la façon suivante
-d'une allure d'autrefois, se distinguant très nettement de toutes les chaussures créées et utilisées pour la pratique de ce sport, elle se distingue par la simplicité de sa ligne, l'épaisseur normale de sa semelle au contraire des semelles compensées très épaisses et techniquement plus élaborées qui sont en vogue depuis des années et qui caractérisent au-delà même de la chaussure de tennis, la chaussure de sport voire la chaussure quotidienne de toute une génération.
-toutes les variantes ou déclinaisons du modèle (sic) qu'il soit notamment à lacets ou à élastique comportent un élément commun constitué par la semelle et le bout de la chaussure qui forment un ensemble indissociable en caoutchouc aux aspects spécifiques.
La société ICD procède à une description technique de la chaussure en ce qu'elle combine une semelle spécifique bordée d'une bande de renforcement au motif répété de petits losanges, élargie au niveau de la chaussure, un bout arrondi qui comporte un dessin composé de rayures dans le.sens de la longueur et d'une partie lisse séparées par une ligne qui évoque le dessin d'un arc ou d'une accolade, un dessous de semelle fait de bandes formées de six lignes ondulées et placées en biais encadrant un motif unique et répété qui évoque un pas de vis, la marque BENSIMON étant incrustée dans une partie lisse de la semelle, la partie couvrante de la chaussure étant en tissu de couleur et agrémentée de piqûres et surpiqûres apparentes.
La société ICD fait état, outre ces éléments descriptifs détaillés des chaussures litigieuses qui les distinguent des autres tennis, de l'allure générale de la chaussure, de ce qu'elle dégage et ces éléments critiqués par la société défenderesse permettent au contraire à la société ICD de démontrer l'originalité des chaussures revendiquées lesquelles au-delà des différences techniques énoncées dont la combinaison est originale, font référence à une allure un peu démodée faite de simplicité et de légèreté de par la ligne et les matériaux employés, notamment la toile.
Ces choix mis en avant révèlent un parti-pris esthétique et une empreinte de la personnalité de l'auteur de sorte que la société ICD explicite suffisamment l'originalité des tennis à lacets basse et montante.
Le fait pour la société REBIRTH de soutenir que la société ICD s'est contentée de s'inspirer des chaussures de l'armée est inopérant dans la mesure où même si des éléments ont pu être empruntés au stock de l'armée comme le tissu ou le caractère montant de la chaussure, les chaussures créées sous la marque BENSIMON révèlent un effort créatif certain pour une chaussure de tennis adaptée à un mode de vie urbain.
Les chaussures CONVERSE, CHIPIE et PATAUGAS auxquelles la société défenderesse fait référence pour contester l'originalité des tennis BEN SIMON ne constituent pas des antériorités pertinentes soit parce que postérieures aux tennis litigieuses ou non datées soit ne présentant pas la combinaison des caractéristiques essentielles des tennis commercialisées sous la marque BENSIMON.
La société I.C.D, démontrant tant la titularité de ses droits que l'originalité des tennis arguées de contrefaçon est recevable à agir en contrefaçon de ses droits d'auteur sur les tennis à lacets basses et montantes à l'égard de la société REBIRTH.
Sur les actes de contrefaçon
L'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que " toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans
le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayant cause est illicite.
En l'espèce, les tennis basses TAHITI et TAHIMONO commercialisées par la société REBIRTH présentent le même bout arrondi de la chaussure comportant un dessin de rayures dans le sens de la longueur, la même semelle bordée d'une bande de renforcement au motif répété cette fois de petites lignes, un même talon découpé dans la semelle, une partie couvrante de la chaussure en toile teinte et agrémentée de surpiqûres apparentes d'une fine bande de tissu suivant le tracé d'un même U de même couleur que celle de la toile et qui encadrent des lacets en U.
Il se dégage de l'ensemble des éléments décrits composant les tennis basses de la société REBIRTH une impression d'ensemble similaire à celle produite par les tennis basses BEN SIMON du fait de la reprise des éléments essentiels des caractéristiques.
Les tennis hautes HAWAÏ et HAWAIMONO commercialisées par la société REBIRTH présentent le même bout arrondi de la chaussure comportant un dessin de rayures dans le sens de la longueur, la même semelle bordée d'une bande de renforcement au motif répété de petites lignes, un même talon découpé dans la semelle, une partie couvrante de la chaussure également en toile peinte et agrémentée de piqûres et surpiqûres apparentes d'une fine bande de tissu de même couleur que celle de la toile qui encadrent des lacets en tissu les oeillets des lacets ainsi que dessinant sur chacun des deux côtés de la chaussure un rectangle au niveau de la jonction des pans latéraux de la chaussure et de la languette, de mêmes lacets en tissu et des embouts en métal constituant les oeillets de la chaussure ainsi qu'une languette de même couleur que celle de la toile, une même surpiqûre arrondie dessinant le talon de la chaussure.
Il se dégage de l'ensemble des éléments décrits composant les tennis montantes de la société REBIRTH une impression d'ensemble similaire à celle produite par les tennis BEN SIMON du fait de la reprise des éléments essentiels des caractéristiques.
La société I.C.D, pour contester la contrefaçon, s'appuie sur les conclusions de l'expertise diligentée à sa demande et réalisée par Monsieur ... (pièce 10 I.C.D) qui relève dans sa conclusion, outre des différences, le fait que les tennis commercialisées par la société REBIRTH comportent " en très grand la marque sur le côté extérieur " ;
Les différences relevées apparaissent d'une part comme mineures s'agissant du nombre d'oeillets ou le dessin du dessous de la semelle, et d'autre part l'inscription de la marque " AMERICAN EAGLE " ne peut constituer une différence pertinente en matière de contrefaçon de droit d'auteur puisque la confusion n'intervient pas dans l'appréciation de la contrefaçon, de sorte qu'il convient d'écarter ces arguments et de dire que, la société REBIRTH a commis des actes de contrefaçon, des tennis à lacets basses et montantes de la société I.C.D et doit en conséquence réparer le préjudice subi par la société I.C.D à ce titre.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe du de la liberté du commerce.
Le demandeur à l'action fondée sur l'article 1382 du code civil doit rapporter la preuve de faits distincts de ceux de la contrefaçon.
Il ressort des éléments produits au débat que les deux sociétés évoluent sur le même marché de la chaussure tennis, qu'elles utilisent les mêmes réseaux de distribution et exposent sur les mêmes salons.
En conséquence, les faits allégués par la société I.C.D à l'encontre de la société REBIRTH ne peuvent constituer que des actes de concurrence déloyale et non parasitaires en ce compris pour ce qui est d'une éventuelle captation d'une valeur économique.
Les faits allégués de ce que la société REBIRTH voudrait bénéficier de la renommée acquise par la société I.C.D sous la marque " BENSIMON " et de ce qu'elle bénéficierait de ses investissements de création et de promotion et de marketing en se plaçant dans le sillage de son succès ne constituent pas des actes de concurrence déloyale s'agissant uniquement de circonstances aggravantes du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon.
La pratique alléguée d'un vil prix n'est pas davantage rapportée même si le prix des tennis de la société REBIRTH est inférieur à celui des tennis BENSIMON.
La société I.C.D fait également état de la volonté de la société REBIRTH de copier ses modalités de présentation commerciale. Elle produit à l'appui de ses dires des documents (pièces 4 et 27) qui démontrent que la société REBIRTH lors du salon d'exposition Who'Snex où a eu lieu la saisie-contrefaçon, présentait ses tennis accrochés par leurs lacets à des clous reprenant ainsi la présentation des tennis BENSIMON pendus par les lacets.
La société REBIRTH tente de justifier ce choix de présentation des tennis pendus par les lacets de façon identique à celui de la société I.C.D par le manque de place, ce qui ne peut être retenu, s'agissant d'un choix qui apparaît comme délibéré avec pour effet de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre le produit incriminé et le produit revendiqué par le titulaire des droits de sorte qu'il constitue un acte distinct de concurrence déloyale et que la société REBIRTH sera condamnée à ce titre.
Sur la réparation du préjudice
L'article L 331-1-3 du code de propriété intellectuelle dispose que " Pour fixer le préjudice subi, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives dont le manque à gagner subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de
l'atteinte. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. "
Il convient de constater que la société REBIRTH ne communique pas de documents sur les ventes réalisées des tennis contrefaisantes sur dix neuf mois, que dans ces conditions en l'absence d'éléments suffisants pour statuer sur le préjudice, il convient d'ordonner à la société REBIRTH de communiquer sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la
signification du présent jugement le nombre d'exemplaires reproduisant les caractéristiques originales de tennis basses et montantes " BENSIMON " s'agissant des tennis TAHITI, TAHITIMONO, HAWAI et HAWAIMONO et qui ont été commandés, fabriqués et vendus par la société REBIRTH, le chiffre d'affaires réalisé et la marge bénéficiaire brute réalisée.
Une provision de 50.000 euros sera versée par la société REBIRTH à valoir sur le préjudice définitif.
Les parties s'accorderont sur le préjudice définitif et à défaut pourront ressaisir le tribunal en vue de la liquidation du préjudice.
Les mesures accessoires seront ordonnées telles que prévues suivant les modalités fixées dans le dispositif.
La demande de procédure abusive présentée à titre reconventionnel par la société REBIRTH est rejetée.
La société REBIRTH est condamnée à verser à la société I.C.D la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exécution provisoire de la présente décision est ordonnée hormis en ce qui concerne les mesures de publication et de destruction.
Les dépens sont supportés par la société REBIRTH, partie perdante avec distraction au profit de Maître d' HAUTEVILLE en application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, mis à la disposition du public par remise au greffe au jour du délibéré,
Dit que la société ICD est titulaire des droits d'auteur sur les tennis à lacets basses et montantes commercialisées sous la marque BENSIMON,
Dit qu'en fabricant ou faisant fabriquer, en important ou en faisant importer, en présentant à la vente et en commercialisant directement ou indirectement les tennis basses TAHITI, TAHITIMONO et les tennis montantes HAWAI et HAWAIMONO reproduisant les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes d'ICD, la société REBIRTH a porté atteinte aux droits d'auteur de la société I.C.D et a commis des actes de contrefaçon,
Dit que la société REBIRTH a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société I.C.D,
En conséquence,
Interdit à la société REBIRTH à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement, de fabriquer, faire fabriquer, d'importer, de faire importer, d'offrir à la vente, de livrer, de commercialiser, de promouvoir, directement ou indirectement, par tout moyen, et notamment la vente en ligne et sur quelque support que ce soit, les tennis TAHITI, TAHITIMONO, HAWAI et HAWAIMONO " AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes d'ICD, et ce sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard et ce pendant un délai courant pendant six mois,
Dit que le tribunal se réserve le droit de liquider cette astreinte,
Ordonne la destruction aux frais de la société défenderesse, une fois la présente décision devenue définitive, de tous modèles de chaussures référencés TAHITI, TAHITIMONO, HAWAI, HAWAIMONO " AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques essentielles et originales de tennis à lacets basses et montantes d'ICD offerts à la vente et commercialisées par elle qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs ainsi-que de tous documents notamment catalogues, brochures, publicités sur lesquels seraient reproduits lesdits modèles,
Ordonne à la société REBIRTH à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement la suppression de toute reproduction sur quelque support que ce soit de tous modèles de chaussures référencées TAHITI, TAHITIMONO, HAWAI, HAWAIMONO " AMERICAN EAGLE " et plus généralement tous modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques originales et essentielles des tennis à lacets basses et montantes d'ICD,
Condamne la société REBIRTH à payer à la société ICD la somme 50.000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice subi,
Ordonne à la société REBIRTH de communiquer à la société ICD le nombre d'exemplaires de tennis basses TAHITI et de tennis montantes HAWAI qui ont été commandés, fabriqués et vendus par elle, chacun de ses points de vente, le chiffre d'affaires et la marge brute bénéficiaire
ainsi réalisée à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard courant pendant un délai de trois mois,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,
Dit que les parties se mettront d'accord sur le montant du préjudice définitif au vu des pièces communiquées, et à défaut les autorise à saisir à nouveau le tribunal en liquidation du préjudice,
Déboute la société I.C.D de sa demande d'expertise,
Ordonne la publication de l'extrait du présent jugement suivant
Par jugement du 22.11.2011, le tribunal de grande instance de Paris a dit qu'en fabricant ou faisant fabriquer, en important ou en faisant importer, en présentant à la vente et en commercialisant directement ou indirectement les tennis basses Tahiti et les tennis montantes Hawaï reproduisant les caractéristiques essentielles et originales des tennis à lacets basses et montantes de la société ICD, la société REBIRTH a porté atteinte aux droits d'auteur de la société I.C.D et a commis des actes de contrefaçon ; que la société REBIRTH a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société I.C.D
Et ce dans trois journaux ou revues françaises au choix de la société I.C.D et aux frais de la société REBIRTH sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 4000 euros dans le délai d'un mois une fois le jugement devenu définitif,
Déboute la société REBIRTH de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne les mesures de publication et de destruction,
Condamne la société REBIRTH à payer à la société ICD la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société REBIRTH aux dépens qui seront recouvrés par Maître d'HAUTEVILLE, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 22 Novembre 2011
Le Pr