CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
326635
Mlle QUEVAL
Mme Séverine Larere, Rapporteur
M. Pierre Collin, Rapporteur public
Séance du 6 octobre 2011
Lecture du
26 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème sous-section)
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 29 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Frédérique QUEVAL, demeurant au 14 rue du Bas à Marenla (62990) ; Mlle QUEVAL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00450 du 29 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0703471 du 21 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, à la décharge des impositions et pénalités contestées ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de Mlle QUEVAL,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de Mlle QUEVAL ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (.) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (.)" ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 16 A du même livre : "Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse (.)" ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, Mlle QUEVAL a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2004, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, à raison de treize crédits enregistrés sur ses comptes bancaires au sujet desquels l'administration lui avait adressé, en application des articles L. 16 et L. 16 A, une demande de justifications puis une mise en demeure de compléter sa réponse ; que, par un jugement du 21 février 2008, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande aux fins de décharge ; que l'intéressée se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;
Considérant qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que Mlle QUEVAL, bien qu'ayant indiqué, dans sa réponse à la demande de justifications de l'administration, que les treize crédits litigieux étaient de simples dépôts effectués par un tiers qu'elle déclarait être son concubin pour faciliter la gestion de leur vie commune, n'avait produit aucun document justifiant de l'origine de cinq de ces crédits, la cour a pu en déduire sans commettre d'erreur de droit que la contribuable n'avait pas mis en mesure l'administration d'apprécier la nature et le caractère imposable de ces cinq crédits ; que, toutefois, en jugeant qu'il en allait de même pour les huit autres crédits litigieux, après avoir pourtant relevé que la contribuable avait produit des relevés de comptes établissant que ces crédits correspondaient à des versements du tiers susmentionné et alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration reconnaissait la nature des relations entre les intéressés, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que Mlle QUEVAL est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, en tant seulement qu'il porte sur les impositions et pénalités relatives à ces huit crédits ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mlle QUEVAL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 31 mars 2009 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que sur les pénalités correspondantes relatives au virement de 560 euros du 13 avril ainsi qu'aux versements de 17 000 euros, 4 500 euros, 57 000 euros, 5 500 euros, 3 500 euros, 4 000 euros et 5 300 euros, enregistrés respectivement les 12 et 27 août, 7 et 21 septembre, 12 octobre, 19 novembre et 21 décembre 2004 au crédit des comptes bancaires de Mlle QUEVAL.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle QUEVAL une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mlle QUEVAL est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Frédérique QUEVAL et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Délibéré dans la séance du 6 octobre 2011 où siégeaient : M. Jean-Pierre Jouguelet, Président de sous-section, Président ; M. Jean de L'Hermite, Conseiller d'Etat et Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes-rapporteur.