CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
383712
M. B.
M. Vincent Villette, Rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, Rapporteur public
Séance du 7 octobre 2015
Lecture du
9 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
M. A. B. a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 9 janvier 2012 par laquelle les autorités du centre pénitentiaire de Caen (Calvados) ont saisi et retenu son ordinateur et d'enjoindre à l'administration pénitentiaire, sous astreinte, de lui restituer son ordinateur. Par un jugement n° 1201028 du 24 janvier 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande que lui avait présentée M. B.
Par un arrêt n° 13NT01435 du 24 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B. contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 12 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, son avocat, de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A. B. ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il a été procédé à un contrôle du matériel informatique de M. B. le 9 janvier 2012, à l'issue duquel une corde a été découverte dans l'ordinateur du requérant ; que le directeur du centre pénitentiaire de Caen a alors décidé de retenir ce matériel informatique en vue d'une éventuelle procédure pénale ; que le 24 février 2012, une saisie judiciaire de ce matériel informatique a été réalisée ;
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale alors applicable : " Les détenus peuvent acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. Une instruction générale détermine les caractéristiques auxquelles doivent répondre ces équipements, ainsi que les conditions de leur utilisation. En aucun cas, les détenus ne sont autorisés à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles ou d'enseignement ou de formation ou professionnelles, sur un support informatique. Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à un détenu peut, au surplus, être retenu, pour ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire du détenu " ;
3. Considérant que, si une mesure de contrôle par l'administration pénitentiaire des équipements informatiques des détenus, eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus, ne constitue pas, en elle-même, un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, tel n'est en revanche pas le cas de la décision distincte de retenue de ces équipements qui, prise sur le fondement des dispositions précitées, le cas échéant, en résulte ;
4. Considérant qu'en regardant, pour rejeter comme irrecevable la requête de M. B., ses conclusions comme dirigées contre la seule décision de contrôle de ses équipements informatiques, alors qu'il demandait l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision de retenue administrative de ces équipements à laquelle ce contrôle avait conduit, qui est susceptible de recours, la cour administrative d'appel de Nantes s'est méprise sur la portée des écritures dont elle était saisie ; qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B. est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
5. Considérant que M. B. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Potier de la Varde-Buk Lament, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 24 avril 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Potier de la Varde-Buk Lament, avocat de M. B., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A. B. et à la garde des sceaux, ministre de la justice.