CIV.3 L.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mai 2004
Cassation
M. WEBER, président
Arrêt n° 593 FS P+B
Pourvoi n° Y 03-11.303
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Marie Z, veuve Z, demeurant Allevard,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 novembre 2002 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), au profit de M. Gilbert Y, demeurant Sassenage, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mars 2004, où étaient présents M. Weber, président, M. Garban, conseiller rapporteur, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Bellamy, M. Foulquié, conseillers, MM. Betoulle, Jacques, Mme Monge, conseillers référendaires, M. Cédras, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Garban, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme ..., les conclusions de M. Cédras, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Vu l'article L. 145-47, alinéa 3, du Code du commerce, ensemble l'article L. 145-15 de ce Code ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 novembre 2002) rendu en matière de référé, que M. Y a donné à bail à Mme ... un local à usage de café, bar, PMU ; que par avenant du 6 février 1998 à effet du 15 janvier 1998, les parties sont convenues d'adjoindre aux activités initiales les activités de tabac, journaux, loterie moyennant une augmentation du loyer ; que des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire avant de l'assigner en constatation de la résiliation du bail ; que Mme ... a soutenu que l'avenant était contraire aux dispositions de l'article L. 145-47 du Code de commerce ;
Attendu que, pour débouter Mme ... de sa demande en annulation de l'avenant du 6 février 1998, l'arrêt retient que l'article L. 145-47 du Code de commerce n'interdit pas une modification contractuelle des loyers mais ne fait que préciser dans son alinéa 3 les conditions de cette modification en l'absence de dispositions conventionnelles librement consenties entre les parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 145-47 sont d'ordre public et ne peuvent être écartées que par une renonciation intervenant une fois acquis le droit à la despécialisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y à payer à Mme ... la somme de 1 900 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quatre.