Jurisprudence : CAA Douai, 09-03-2004, n° 00DA00115

CAA Douai, 09-03-2004, n° 00DA00115

A6632DBA

Référence

CAA Douai, 09-03-2004, n° 00DA00115. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1834360-caa-douai-09032004-n-00da00115
Copier

Abstract

Par un arrêt en date du 9 mars 2004, la cour administrative d'appel de Douai considère que le transfert d'un immeuble professionnel ne peut, en principe, être regardé comme l'apport d'une branche complète d'activité au sens de l'article 210 B du CGI afférent au régime de faveur des scissions et apports partiels d'actifs (1). Un régime de faveur des fusions s'applique aux apports partiels d'actif portant sur une branche complète d'activité ou sur des éléments assimilés ; à défaut, un agrément du Ministre des finances est nécessaire .



N° 00DA00115

S.A. Lepetit

M. Soyez, Rapporteur
M. Paganel, Commissaire du gouvernement

Audience du 17 février 2004
Lecture du 9 mars 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE DOUAI

Vu la requête enregistrée le 20 janvier 2000, au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme Lepetit, dont le siège est 169 boulevard de Strasbourg au Havre (76600), par Me Maurel, avocat ; la S.A. Lepetit demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 951848 en date du 22 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge du complément d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités afférentes, auquel elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 1988 ;

2°) de lui accorder la restitution des cotisations déjà payées au titre d'une plus-value de 27 044 francs, majorée des intérêts de retard ;

3°) de prononcer la décharge demandée ;

4°) à titre subsidiaire, s'il n'est pas droit à ses conclusions en décharge, de n'appliquer le taux plein qu'aux plus-values constatées en 1989 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2004

- le rapport de M. Soyez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Lepetit a apporté au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1988 à la S.A. Sogeserdis, lors de la constitution, entre autres actifs, un immeuble détenu par elle en pleine propriété, pour une valeur nette comptable de 424 400 francs ; qu'en contrepartie, la S.A. Sogeserdis lui a remis 4994 actions d'une valeur minimale de 100 francs ; qu'à l'issue de cette opération, la S.A. Lepetit a regardé la valeur nominale de ces actions comme constituant un élément d'actif qui se substituait aux éléments cédés et n'a en conséquence déclaré et acquitté en 1989 comme plus-value imposable que la différence entre la valeur nette comptable des éléments cédés et la valeur nominale des actions reçues en échange ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 1988 et 1989, l'administration a estimé que la valeur réelle de l'immeuble cédé était de 1 500 000 francs et que la plus-value imposable devait être calculée sur cette base ;

Sur les conclusions tendant à l'application du régime de faveur prévu à l'article 210 B du code général des impôts et à la restitution des impositions acquittées en 1989, assortie des intérêts moratoires :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 210 B du code général des impôts, sont exonérées d'impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés par les apports partiels d'actif d'une branche complète d'activité, lorsque la société apporteuse s'est engagée, d'une part, à conserver cinq ans les titres reçus en contrepartie de l'apport, d'autre part, à calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures ;

Considérant, en premier lieu, que la S.A. Lepetit fait valoir que, pour apprécier le caractère complet de la branche d'activité apportée, l'administration s'est référée à une définition qui résulte de la directive C.E.E. n° 90/434 du 2 juillet 1990, postérieure aux impositions contestées, et qui inclut des valeurs inscrites au passif ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les seuls éléments investis dans la société constituant, du point de vue technique, une exploitation autonome, capable de fonctionner selon ses propres moyens, à l'exclusion de toute valeur de passif ;

Considérant, en deuxième lieu, que la S.A. Lepetit soutient qu'il résulte de la réponse ministérielle Virapoullé que le transfert d'un immeuble professionnel pouvait être regardé comme l'apport d'une branche complète d'activité ; que, toutefois, cette faculté est réservée à la scission d'une société entre, d'une part, une société à laquelle est cédée l'exploitation de l'intégralité de l'activité industrielle ou commerciale jusqu'alors exercée et, d'autre part, une société immobilière dont les immeubles sont donnés en location à la société d'exploitation ; que la S.A. Lepetit qui conserve son activité de représentation et de distribution d'équipements mécaniques et navals, et a, à cette fin, loué une partie de l'immeuble apporté, n'entre pas dans les prévisions des textes dont elle se prévaut ;

Considérant, en troisième lieu, que si la S.A. Lepetit excipe d'un rapport du commissaire aux comptes attestant le transfert, à titre d'actif incorporel, d'une clientèle consistant en contrats de distribution d'entreprises étrangères, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'existait effectivement, au sein de la S.A. Lepetit à la date de l'apport, une activité autonome relative à cette clientèle ; qu'au surplus, comme l'ont relevé les premiers juges, cette activité, à la supposer établie, ne pouvait être assurée par un seul salarié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. Lepetit, faute d'avoir apporté une branche complète d'activité, n'est pas fondée à bénéficier du régime d'exonération de l'article 210 B mentionné ci-dessus ni à demander de ce chef la restitution des cotisations acquittées, majorée d'intérêts moratoires ;

Sur les conclusions en décharge du complément d'imposition des plus values résultant de l'apport de l'immeuble professionnel en litige :

En ce qui concerne les bases d'imposition retenues :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où une société anonyme aliène par voie d'apport à une autre société un bien constituant un élément de son actif immobilier inscrit comme tel à son bilan, la cession de ce bien est génératrice d'une plus-value qui doit être prise en compte, suivant le cas, selon le régime des plus ou moins values à court terme ou selon celui des plus ou moins values à long terme, pour la détermination du bénéfice imposable ; que la plus ou moins value de cession est égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle, à la date de la cession des actions d'apport émises par la société cessionnaire et attribuées au cédant et, d'autre part, la valeur d'actif nette pour laquelle le bien cédé figurait au bilan de clôture de l'exercice précédant celui de la cession ; que toutefois si la valeur des actions apportées permet de déterminer la plus-value d'apport qui résulte normalement d'une telle opération, seule la valeur réelle de l'élément cédé par l'apporteur permet d'apprécier la normalité de l'acte de gestion constitué par l'apport ;

Considérant, en premier lieu, que la S.A. Lepetit soutient qu'il résulte tant des recommandations de l'ordre des experts comptables que du compte rendu du comité fiscal de la mission d'organisation administrative du 30 avril 1981 que la plus-value réalisée lors de l'apport doit être déterminée en fonction de la valeur réelle des actions reçues en échange de l'apport et non à partir de la valeur vénale des biens apportés ; qu'il est toutefois constant que le redressement en litige est fondé sur le caractère anormal de l'acte de gestion ayant consisté à céder à un tiers un élément d'actif de la requérante moyennant un prix inférieur à sa valeur réelle et sans contrepartie justifiée ; que, par suite, l'administration était fondée à se référer à la valeur réelle de l'immeuble cédé pour apprécier la normalité de l'acte de gestion constitué par l'apport ; qu'ainsi, au regard du fondement juridique du redressement litigieux, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que l'immeuble apporté est d'une valeur réelle de 1 500 000 francs, manifestement supérieure à celle stipulée dans le traité d'apport entre la S.A. Lepetit et la S.A. Sogeserdis ; que si la requérante soutient que les actions reçues en contrepartie intègrent une plus-value latente qui a été réalisée lors de la cession ultérieure de ces titres, il est constant qu'elle a procédé en 1997 à une réduction de moitié de la valeur de ces actions ; qu'au surplus, comme il a été rappelé ci-dessus, cet apport a entraîné pour la S.A. Lepetit une charge supplémentaire résultant de la prise à bail d'une partie de l'immeuble qu'elle a transférée ; que, dès lors, la renonciation au profit ainsi déterminé présente le caractère d'une libéralité consentie par la S.A. Lepetit à la S.A. Sogeserdis ; qu'une telle libéralité est étrangère à l'intérêt de la S.A. Lepetit et a, dès lors, ainsi constitué un acte anormal de gestion ; que les bases d'imposition de la requérante devaient, par suite, être rehaussées à hauteur de la libéralité ainsi consentie ;

En ce qui concerne le taux d'imposition retenu :

Considérant que la S.A. Lepetit se prévaut des dispositions de l'article 219-1-a) du code général des impôts, en vertu desquelles le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux réduit, ces plus-values, diminuées du montant de cet impôt, devant ensuite être portées à une réserve spéciale en vertu de l'article 209 quater du même code ; que si elle soutient que seules les plus-values nettes du montant de cet impôt pouvaient être imposées à taux plein au cours de l'exercice suivant celui de leur réalisation, voire, en ce qui concerne les distributions, au cours d'un exercice ultérieur, il en va toutefois différemment au cas et dans la mesure où il est établi que les plus-values ont été, aussitôt réalisées, appréhendées par les actionnaires ou associés ; qu'en pareil cas, ces plus-values qui ont été immédiatement distribuées, doivent, en vertu du même article 209 quater, être rapportées aux résultats de l'exercice en cours et soumises à l'impôt sur les sociétés de droit commun ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que S.A. Lepetit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Société Anonyme Lepetit est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Anonyme Lepetit et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Agir sur cette sélection :