Jurisprudence : Cass. crim., 26-06-2024, n° 23-86.945, F-B, Rejet

Cass. crim., 26-06-2024, n° 23-86.945, F-B, Rejet

A12375LE

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:CR00862

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049857460

Référence

Cass. crim., 26-06-2024, n° 23-86.945, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/109071604-cass-crim-26062024-n-2386945-fb-rejet
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Abstract

Le départ impromptu de l'avocat au cours de l'audition de son client ne peut faire obstacle à la poursuite de cet acte par les enquêteurs, qui ne sont pas tenus de réitérer la notification à la personne entendue de son droit de se taire, régulièrement faite lors du placement en garde à vue


N° F 23-86.945 F-B

N° 00862


MAS2
26 JUIN 2024


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 JUIN 2024



Mme [T] [Y], épouse [V], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 novembre 2023, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de violences suivie de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 29 janvier 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de Mme [T] [Y], épouse [V], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mme [T] [Y], épouse [V], assistante maternelle, a été soupçonnée d'être à l'origine d'un grave traumatisme crânien subi par un bébé dont elle avait la garde, et placée en garde à vue le 14 décembre 2022 à 10 heures.

3. Mme [V] a été entendue à plusieurs reprises, en présence d'un avocat commis d'office, qui était également présent au début de la confrontation organisée entre elle et la mère de la victime, le 15 décembre 2022 à 22 heures.

4. Pendant cet acte, à 23 heures 30, l'avocat a quitté les locaux de garde à vue. La confrontation s'est poursuivie sans avocat jusqu'au lendemain, à 2 heures du matin.

5. Mme [V] a été mise en examen du chef susvisé le 16 décembre 2022.

6. Par requête du 15 juin 2023, elle a sollicité l'annulation de pièces de la procédure.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté au fond la requête en nullité de Mme [Aa], dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure et constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D120, alors :

« 1°/ que les officiers de police judiciaire sont en principe tenus de notifier immédiatement au gardé à vue son droit de solliciter l'assistance d'un nouvel avocat commis d'office, lorsqu'il avait invoqué son droit d'être assisté par un avocat au début de sa garde à vue, et que l'avocat commis d'office pour l'assister n'est pas en mesure d'accomplir sa mission durant toute la durée de la garde à vue ; qu'en outre, si cette défection de l'avocat commis d'office survient au cour d'un interrogatoire ou d'une confrontation, les officiers de police judiciaire sont tenus d'y mettre immédiatement un terme, à moins que le gardé à vue, informé de son droit à l'assistance d'un nouvel avocat, y ait expressément renoncé, ou que cet interrogatoire soit indispensable pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement la procédure ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ; qu'en l'espèce, pour refuser d'annuler le procès-verbal de confrontation entre Mme [V] et Mme [G] [R], menée en présence de cinq officiers de police judiciaire entre le 15 décembre 2022 à 22 heures et le 16 décembre 2022 à 2 heures du matin, malgré le départ à 23 heures 30 de l'avocat commis d'office pour assister Mme [V] et malgré les déclarations auto-incriminantes tenues par elle après ce départ, la chambre de l'instruction a retenu que cet avocat avait fait sciemment le choix de partir, que les enquêteurs n'avaient pas fait obstacle à l'assistance de la gardée à vue par un avocat et que la période de garde à vue arrivait bientôt à expiration ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que, d'une part, les officiers de police judiciaire n'avaient pas notifié à Mme [V] qu'elle avait le droit de solliciter l'assistance d'un nouvel avocat commis d'office et que, d'autre part, elle n'avait pas renoncé à ce droit à l'assistance d'un avocat, la chambre de l'instruction, qui n'a relevé aucune nécessité impérieuse de ne pas interrompre cette confrontation afin d'éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement la procédure ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 6, §3, c de la Convention européenne des droits de l'homme🏛, des articles préliminaire, 63-1, 3° et 63-4-3 du code de procédure pénale, et de l'article 3 de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 du Parlement européen et du Conseil relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales, ensemble les principes des droits de la défense et du droit à un procès équitable ;

2°/ qu'en tout état de cause, les officiers de police judiciaire sont tenus de rappeler à la personne gardée à vue son droit de garder le silence lorsqu'ils décident de ne pas interrompre un interrogatoire ou une confrontation après le départ de l'avocat commis d'office pour l'assister ; qu'en refusant, en l'espèce, d'annuler le procès-verbal de confrontation entre Mme [V] et Mme [G] [R], menée en présence de cinq officiers de police judiciaire entre le 15 décembre 2022 à 22 heures et le 16 décembre 2022 à 2 heures du matin, malgré le départ à 23 heures 30 de l'avocat commis d'office pour assister Mme [V] et malgré les déclarations auto-incriminantes tenues par elle après ce départ, sans qu'il résulte de la procédure que Mme [Aa] se soit vue rappeler son droit de garder le silence après ce départ, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 6, §3, c de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles préliminaire, 63-1, 3° et 634-3 du code de procédure pénale, et de l'article 3 de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 du Parlement européen et du Conseil relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales, ensemble les principes des droits de la défense et du droit à un procès équitable. »



Réponse de la Cour

8. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que l'avocat de Mme [Aa] a sciemment fait le choix de partir alors que la confrontation n'était pas terminée, et que les enquêteurs n'ont en aucun cas fait obstacle à l'assistance de la personne gardée à vue par un avocat.

9. Les juges ajoutent que, compte tenu du délai restant de garde à vue, les enquêteurs n'avaient aucune obligation d'interrompre leur acte, qui devait être mené promptement.

10. Ils en concluent que la défense ne saurait invoquer l'absence de l'avocat, qui en est le seul responsable, durant les déclarations incriminantes de sa cliente.

11. En cet état, dès lors que la nécessité de procéder aux actes d'enquête utiles à la manifestation de la vérité permettait de poursuivre le déroulement de la confrontation, auquel le comportement de l'avocat ne pouvait faire obstacle, et que la notification du droit de garder le silence, régulièrement faite lors du placement en garde à vue, n'a pas à être renouvelée, la chambre de l'instruction n'a pas encouru les griefs allégués.

12. Ainsi, le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.

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