CIV. 1
C.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 février 2002
Rejet
M. LEMONTEY, président
Pourvoi n° E 99-19.053
Arrêt n° 374 F P sur le premier moyen
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Patrick Z, agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de gérant de la société civile professionnelle (SCP) d'avocats P. X, domicilié Tours Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1999 par la cour d'appel d'Orléans (Chambre civile), au profit de M. Patrick ZW, demeurant Balma,
défendeur à la cassation ;
M. ZW a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Bargue, conseiller rapporteur, M. Aubert, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bargue, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché et Laugier, avocat de M. X, de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de M. ZW, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que MM. X et ZW, avocats au barreau de Tours associés dans une société civile professionnelle, sont convenus, en 1996, d'un arbitrage en vue d'arrêter les modalités matérielles et financières de retrait de M. ZW de la SCP ; que la sentence arbitrale a constaté la renonciation, conforme aux dispositions de l'article 32 des statuts de la SCP, de M. ZW à exercer son activité professionnelle à Tours ou dans l'une des communes limitrophes ; que M. ZW s'étant cependant installé à Tours, M. X l'a assigné en paiement d'une somme de 623 400 francs pour défaut d'exécution de son obligation ainsi qu'à 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par M. X
Attendu que M. X fait grief à l'arrêt attaqué (Orléans, 24 juin 1999), infirmant le jugement qui avait fait droit à ces demandes, d'avoir limité à 90 000 francs la réparation de son préjudice moral, tout en rejetant les autres demandes, alors, selon le moyen, qu'ayant constaté que la contravention de M. ZW à l'obligation de ne pas faire résultant des articles 32 et 37 des statuts de la société civile professionnelle d'avocats Simonneau-Roumagnac, l'arrêt infirmatif attaqué ne pouvait refuser à M. X, victime de cette contravention, toute indemnisation de ce chef, en raison de ce qu'il n'avait pas apporté les éléments de détermination du préjudice ainsi subi, de sorte qu'en ajoutant à la loi une condition qui n'y figure pas, les dommages-intérêts étant dus "par le seul fait de la contravention", explicitement constatée, l'arrêt attaqué qui prive M. X de son droit à réparation intégrale, a violé par fausse application l'article 1145 du Code civil ;
Mais attendu que l'article 1145 du Code civil, qui dispense de la formalité de mise en demeure lorsque le débiteur a contrevenu à une obligation de ne pas faire, ne dispense pas celui qui réclame réparation de la contravention à cette obligation d'établir le principe et le montant de son préjudice ; que, dès lors, la cour d'appel ayant souverainement apprécié le montant du préjudice moral et constaté que M. X ne justifiait pas d'un autre préjudice, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. ZW
Attendu que M. ZW reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X une somme de 90 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'arrêt ne constate pas en quoi M. X, dont il n'est pas dit que la réputation personnelle ait été atteinte et dont le cabinet, eût-il été négligé, n'a perdu, selon les juges du fond, aucun client, a pu souffrir un préjudice d'ordre subjectif ou affectif, les premiers juges n'ayant relevé qu'un préjudice financier et une dépense d'énergie soustraite au cabinet d'avocat, de sorte qu'en se bornant à relever un préjudice moral, sans en préciser la nature ni la gravité, l'arrêt attaqué, qui ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, 1145 et suivants et 1184 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient souverainement que le préjudice moral que M. X avait subi résultait du stratagème utilisé par M. ZW pour maintenir indûment son activité professionnelle à Tours ; que la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le montant de ce préjudice, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. ZW ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.