COUR DE CASSATION
Troisième chambre civile
Audience publique du 4 avril 2001
Pourvoi n° 99-18.899
Mme Francine Z ¢
Mme Laure Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Francine Z, demeurant Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 mai 1999 par la cour d'appel de Paris (16e chambre, section B), au profit
1°/ de Mme Laure Y, épouse Y, demeurant Ferney-Voltaire, prise en sa qualité de nue-propriétaire, venant aux droits de M. Thierry Y,
2°/ de Mme Anne X, demeurant Boulogne-Billancourt, prise en sa qualité d'usufruitière, venant aux droits de M. Thierry Y,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 février 2001, où étaient présents M. Beauvois, président, Mme Stéphan, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Gabet, conseillers, MM. Pronier, Betoulle, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Stéphan, conseiller, les observations de Me Capron, avocat de Mme Z, de Me Foussard, avocat des consorts Y, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 1999), qu'en mars 1978, Mme Y, aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui les consorts Y, a donné en location en renouvellement d'un précédent bail, à Mlle ... et à M. ..., des locaux à usage de pharmacie ; qu'à la suite de cessions successives, Mme ... s'est, en décembre 1989, trouvée seule propriétaire de l'officine ; qu'à l'occasion de cette dernière cession, le loyer a été porté, d'accord parties, à une certaine somme ; que, par acte extrajudiciaire du 30 septembre 1993, le bailleur d'alors, M. Thierry Y, a fait délivrer à Mme ... un congé portant offre de renouvellement du bail moyennant un loyer majoré ; que les parties ne s'accordant pas sur le montant du loyer du bail renouvelé, le bailleur a saisi le juge des loyers commerciaux ;
Attendu que Mme ... fait grief à l'arrêt de fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur locative, alors, selon le moyen
1°/ que la modification notable des obligations respectives des parties au sens de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953, nécessite, lorsqu'il est prétendu qu'elle résulte de l'augmentation du taux du loyer d'origine du bail expiré, que cette augmentation trouve sa raison d'être dans une modification notable des modalités suivant lesquelles le loyer d'origine du bail expiré a été fixé ; qu'en énonçant, dès lors, que toute modification conventionnelle du loyer d'origine du bail expiré qui ne résulte ni de l'application de ce bail expiré, ni de la loi, constitue une modification notable des obligations respectives des parties, et exclut, par conséquent, l'application du système du plafonnement, la cour d'appel, qui se borne à énoncer que les parties ont voulu, quand elles ont augmenté le loyer au cours de l'exécution du bail, "réajuster le loyer selon les prix du marché", sans établir que le loyer d'origine avait été fixé en fonction d'autres modalités que celles résultant du marché, a violé les articles 23-3 et 23-6 du décret du 30 septembre 1953;
2°/que la renonciation à un droit ne résulte que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en relevant, pour écarter la règle du plafonnement, que Mme Francine Z applique cette règle, non sur le loyer d'origine du bail expiré, mais sur ce loyer tel qu'il a été augmenté au cours de l'exécution du bail expiré, la cour d'appel, qui ne justifie pas que Mme Z aurait ainsi renoncé au droit qu'elle avait de voir fixer le taux du loyer du bail renouvelé en conformité avec le dispositif de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953, a violé l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu qu'ayant constaté que les parties avaient, en décembre 1989, fixé le loyer à la valeur locative estimée par elles pour l'ajuster au prix du marché, et retenu que cette modification conventionnelle du loyer dans des conditions étrangères tant à la loi qu'au bail initial s'analysait en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule le déplafonnement du loyer, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur la renonciation de Mme ... à se prévaloir des règles du plafonnement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Z à payer aux consorts Y la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ; rejette la demande de Mme Z ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille un.