COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 4 avril 2001
Pourvoi n° 98-23.157
M. Michel Z ¢
M. Jean-Marie Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Michel Z,
2°/ M. Bernard Z,
demeurant Miraumont,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 septembre 1998 par la cour d'appel de Paris (1re chambre civile, section A), au profit
1°/ de M. Jean-Marie Y, demeurant Péronne Cedex,
2°/ de la Société générale d'assurance et de prévoyance (SGAP), dont le siège est Paris ,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 mars 2001, où étaient présents M. Lemontey, président, Mme Cassuto-Teytaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Sargos, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Cassuto-Teytaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat des consorts Z, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. Y, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte aux consorts Z de ce qu'ils déclarent se désister de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la Société générale d'assurance et de prévoyance (SGAP) ;
Attendu que M. Michel Z qui exploitait, en vertu d'un bail rural, une parcelle d'environ 6 hectares, a contacté M. Y, avocat, aux fins d'obtenir l'autorisation de céder son bail à son fils Bernard Z ; que, par acte du 24 mars 1987, sa bailleresse, Mme ..., lui a notifié un congé aux fins de reprise pour exploitation personnelle ; qu'il a remis ce congé à son avocat qui n'a fait aucune diligence pour le contester dans le délai de 4 mois ; que, par jugement du 17 février 1988, le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté que M. Z se trouvait forclos pour faire valoir quelque moyen que ce soit à l'encontre de cet acte ; qu'il a, par ailleurs, autorisé la cession du bail jusqu'à son terme, soit jusqu'au 30 septembre 1988 ; que par arrêt du 4 janvier 1989, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement et a ordonné l'expulsion du preneur, le bail étant expiré ; que le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté ; qu'ultérieurement, les consorts Z ont formé une demande en réintégration qui a été rejetée par un jugement du 13 octobre 1993 ; qu'estimant que leur avocat, en omettant de contester le congé dans le délai légal, avait commis une faute les ayant privés d'une chance de le voir annuler, les consorts Z ont intenté une action responsabilité à son encontre ; que l'arrêt confirmatif attaqué les a déboutés de cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 1149 du Code civil ;
Attendu que lorsque le dommage réside dans la perte d'une chance de réussite d'une action en justice, le caractère réel et sérieux de la chance perdue doit s'apprécier au regard de la probabilité de succès de cette action ;
Attendu que pour débouter les consorts Z de leur action, la cour d'appel, après avoir relevé qu'un jugement du 13 octobre 1993 avait rejeté leur demande de réintégration dans la parcelle ayant fait l'objet du congé délivré le 24 mars 1987, a estimé qu'ils n'établissaient pas qu'ils disposaient d'une chance de voir prospérer leurs prétentions relatives à son exploitation ;
Attendu qu'en se fondant ainsi sur le résultat d'une procédure postérieure en réintégration pour apprécier la perte d'une chance pour les consorts Z de réussite d'une action en nullité de congé, dont les conditions d'exercice étaient différentes et qui aurait dû être intentée cinq ans auparavant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en laissant sans réponse les conclusions des consorts Z, faisant valoir qu'en leur conseillant de contester la forclusion de l'action en nullité du congé sans pouvoir ignorer qu'en l'état de la jurisprudence cette prétention était vouée à l'échec, M. Y avait manqué à son obligation de conseil leur occasionnant ainsi un préjudice distinct dont ils demandaient réparation, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le surplus des griefs
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille un.