Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 18 Novembre 1997
Rejet.
N° de pourvoi 95-19.516
Président M. Lemontey .
Demandeur Société Self Tissus
Défendeur société Acor Atlantique
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Le Foyer de Costil.
Avocats M. ..., la SCP Boré et Xavier.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches
Attendu que, par une convention du 21 mai 1985, la société Self Tissus (Self Tissus) a confié à la société d'expertise comptable Acor Atlantique (Acor) la mission consistant en la mise en place d'un compte d'exploitation flash mensuel, l'établissement de deux situations pendant l'exercice, l'établissement du bilan et du compte de résultat à la date d'arrêté des comptes, l'établissement des diverses déclarations fiscales, l'assistance durant toute l'année sur le plan comptable et fiscal ;
Attendu que Self Tissus fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 29 juin 1995) de l'avoir déboutée de sa demande tendant à être indemnisée du préjudice subi en raison des fautes commises par Acor, alors, selon le moyen, que, d'une part, le dommage résultant de l'inexécution contractuelle de résultat est impliqué par cette seule inexécution, que l'expert comptable est tenu d'une obligation de résultat d'établir des comptes sinon fiables, à tout le moins exempts d'erreur, que la cour d'appel qui a expressément retenu deux fautes d'Acor résidant dans l'absence de mise en demeure d'inventorier les stocks et dans l'établissement d'un flash erroné, tout en estimant que sa responsabilité contractuelle n'était pas engagée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1147 du Code civil ; alors que, d'autre part, après avoir expressément relevé qu'Acor n'avait jamais mis en demeure le gérant de Self Tissus de procéder à un inventaire physique des stocks de la société depuis le début de leurs relations, ce qui impliquait que l'image comptable de la société n'était pas fiable depuis 1985, la cour d'appel ne pouvait ensuite se borner à prendre en compte la seule variation entre les stocks supposés et les stocks réels entre 1987 et 1988, pour estimer qu'en raison de son faible taux, Self Tissus n'avait subi aucun préjudice de ce fait, sans rechercher le taux de cette variation depuis 1985, et que l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; alors que, en outre, pour estimer que les éléments de préjudice allégués par Self Tissus étaient sans lien causal avec les fautes commises par Acor, la cour d'appel ne pouvait se limiter à constater que ces éléments de préjudice étaient sans corrélation avec le flash émis en mars 1988, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si l'effet conjugué résultant de l'absence de fiabilité de la comptabilité de la société qui reposait sur des éléments artificiels, et du flash erroné, n'avait pas conduit Self Tissus à prendre des décisions de gestion, qui se sont révélées désastreuses lorsque la réalité comptable a été rétablie, et conditionné la réaction hostile des partenaires de l'entreprise, de sorte que l'arrêt manque à nouveau de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; alors que, enfin, en tout état de cause, Self Tissus faisait valoir que les décisions prises par la Banque populaire et par les fournisseurs sont intervenues à la suite de la brusque révélation de la réelle situation financière de la société, en sorte que le préjudice en résultant, dû à la faute initiale d'Acor, était nécessairement postérieur à la rectification opérée par cette société, et qu'en relevant que ces événements étaient postérieurs à la rectification opérée par Acor pour écarter la relation causale entre les préjudices allégués et la faute commise par la société d'expertise comptable, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et l'arrêt manque encore de base légale au regard du texte précité ;
Mais attendu qu'une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ;
Et attendu que la cour d'appel relève souverainement que Self Tissus dont l'attention a été attirée à maintes reprises sur la nécessité d'indiquer des stocks conformes aux stocks réels et de limiter ceux-ci aux stricts besoins de l'entreprise ne démontre nullement que les quantités qu'elle indiquait à Acor n'étaient pas conformes aux quantités existantes ; qu'elle constate que Self-Tissus n'établit pas que l'erreur comptable commise soit à l'origine des difficultés qu'elle a rencontrées par la suite, dans la mesure où 1o elle ne justifie pas avoir augmenté ses achats par rapport aux périodes précédentes entre le 21 mars 1988, date à laquelle elle a eu connaissance de la situation, et le 27 juin 1988, date à laquelle l'erreur a été rectifiée, 2o c'est en février 1988 que la Banque populaire a demandé, alors que la situation n'était pas connue, des apports en compte courant à hauteur de 250 000 francs, 3o c'est sur la base du bilan au 31 juillet 1988, qui était exempt d'erreur que cette banque a refusé la mise en place de concours bancaires le 29 mars 1989, 4o c'est fin 1989, alors que le bilan au 31 juillet 1989 était lui-même connu que certains fournisseurs ont exigé d'être payés comptant ; qu'ayant ainsi pu déduire de ces constatations et énonciations que Self Tissus n'établissait pas la preuve d'un lien entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.