Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2022, n° 21-20.910, F-D N° Lexbase : A34468XW
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par Perrine Cathalo
le 21 Décembre 2022
► L’article L. 225-38 du Code de commerce, qui soumet à l’autorisation préalable du conseil d’administration certaines conventions conclues par les dirigeants, administrateurs ou actionnaires significatifs, ont pour but d’éviter les conflits d’intérêts entre la société et ceux-ci ; ces dispositions sont également applicables aux conventions auxquelles une des personnes visées par ce texte est indirectement intéressée.
Faits et procédure. Par convention du 16 octobre 2007, une bailleresse a donné à bail à une société représentée par son directeur général, également beau-frère de l'intéressée, pour une durée de deux ans, des locaux à usage du bureaux dont elle était propriétaire en indivision avec son époux.
Par décision du 21 novembre 2011, le directeur général a été révoqué de son mandat social et licencié le 12 décembre suivant.
La bailleresse a ensuite assigné la société anonyme venant au droit de la société preneuse en résiliation du bail, paiement d’un arriéré de loyers et fixation d’une indemnité d’occupation. La société anonyme a, quant à elle, sollicité reconventionnellement la nullité du bail sur le fondement des articles L. 225-38 N° Lexbase : L8876I37 et L. 225-42 N° Lexbase : L5630LQL du Code de commerce, relatifs aux conventions réglementées.
Par décision du 26 mai 2021, la cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 26 mai 2021, n° 20/00457 N° Lexbase : A13854TH) a prononcé la nullité du bail, condamné la bailleresse à payer certaines sommes à la société preneuse au titre des loyers versés et des frais et taxes engagés du fait du bail et limité à une certaine somme l’indemnité d’occupation, aux motifs que l’ancien directeur général de la société avait été indirectement intéressé à la conclusion de la convention d’occupation précaire entre la société preneuse dont il était le DG et sa belle-sœur, auquel le bien loué appartient en indivision avec son frère.
La bailleresse a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Haute juridiction rappelle que l’article L. 225-38 du Code de commerce, qui soumet à l’autorisation préalable du conseil d’administration certaines conventions conclues par les dirigeants, administrateurs ou actionnaires significatifs, est applicable aux conventions auxquelles une des personnes visées par ce texte est indirectement intéressée.
Or, les juges de la cour d'appel ont constaté que le bail litigieux a été conclu entre le directeur général d’une société et la belle-sœur de celui-ci, qui avait contracté sous son seul nom de jeune fille, et portait sur des locaux dont elle était avec son époux, propriétaire en indivision, sans que celui-ci n’ait pour autant signé le bail.
En outre, les juges du fond ont relevé que les locaux donnés à bail étaient mitoyens du siège social d’une entreprise dans laquelle l’époux de la bailleresse exerçait une activité et qui partageait avec la société preneuse une partie de ces locaux, de sorte que la surface mentionnée dans le contrat de bail ne correspond pas à un usage exclusif au bénéfice de celle-ci.
L’ensemble de ces éléments ont permis aux juges d'appel de conclure que le DG avait privilégié les intérêts de sa famille et de caractériser ainsi la nature de l’intérêt personnel que celui-ci avait indirectement tiré de la convention, laquelle relève du régime des conventions règlementées comme l’a justement énoncé la cour d’appel.
La cour d'appel a également jugé que le bail litigieux a eu pour effet de faire supporter à la société preneuse un loyer surélevé tant au regard du marché qu’en raison de la surface dont celle-ci avait la jouissance exclusive, au seul profit de la bailleresse et du frère du DG, notamment dans la mesure où le contrat de bail mentionne une surface utile nette des locaux loués de 48 mètres carrés, au lieu des 34,60 mètres établis par le relevé de surface dressé par un géomètre-expert.
Par conséquent, la Cour de cassation approuve le raisonnement adopté par la cour d’appel et rejette le pourvoi.
Observations. Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, dont la Chambre commerciale rappelle fréquemment que la réglementation des conventions réglementées a vocation à s’appliquer non seulement aux conventions intervenues entre la société et l’un de ses dirigeants, administrateurs ou actionnaires significatifs, mais encore aux conventions auxquelles l'une de ces personnes est indirectement intéressée (Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-22.987, F-P+B+I N° Lexbase : A5865TTE ; Cass. com., 16 mai 2018, n° 16-18.183, F-D N° Lexbase : A4469XNT).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contrôle de la gouvernance de la société anonyme, Les conventions interdites et réglementées, in Droit des sociétés, Lexbase N° Lexbase : E011603P. |
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