Réf. : Cass. crim., 21 novembre 2018, n° 17-81.096, FP-P+B (N° Lexbase : A0164YNE)
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N6569BXL
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par June Perot
le 28 Novembre 2018
► Les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d’un préjudice résultant de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction visée à la poursuite ; tel n’est pas le cas du préjudice découlant du comportement consistant, pour des participations à une compétition sportive, à s’entendre pour en fausser le résultat, ce comportement n’étant que l’un des faits constitutifs de l’infraction d’escroquerie ;
► la participation en connaissance de cause à une entente frauduleuse des différents parieurs, qui se caractérise notamment par des modalités particulières de paris et qui repose sur la modification ou l’altération du jeu sur la première mi-temps d’un match litigieux, est constitutive des manoeuvres frauduleuses qui ont déterminé la FDJ à verser des gains hors de proportion avec ceux payés habituellement pour ce genre de manifestation ;
► satisfait aux exigences de l’article 184 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2974IZ8), sans encourir la critique d’un défaut d’impartialité, l’ordonnance de règlement du juge d’instruction qui, d’une part, précise la qualifications des faits à partir des éléments tirés de l’entente préalable et des paris frauduleux portés à la connaissance des intéressés au moment de leur mise en examen du chef d’escroquerie commise au préjudice de la FDJ, d’autre part, qui précise les éléments à charge et à décharge concernant chacun des demandeurs et répond aux articulations essentielles des observations de ces derniers.
Telles sont les solutions d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 21 novembre 2018 (Cass. crim., 21 novembre 2018, n° 18-81.096, FP-P+B N° Lexbase : N6569BXL).
Au cas de l’espèce, à la suite d’un signalement opéré par la société Française des Jeux (FDJ), alertée sur des suspicions de fraude par un volume inhabituel de paris sportifs portant sur le score de la mi-temps d’un match, le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire, puis ouvert une information judiciaire, des chefs de corruption dans le cadre d’une manifestation sportive donnant lieu à des paris sportifs, escroquerie, complicité de ce délit et recel. Les investigations effectuées dans ce cadre ont révélé que l’un des leaders de l’équipe de handball concernée et parieur d’habitude, avait organisé l’opération, assisté en cela d’un de ses amis et tenancier d’un centre de jeu, en mettant en place une entente préalable qui avait permis que, d’une part, les paris, qui concernaient tous le score à la mi-temps et qui devaient rester anonymes, soient passés à la même heure et selon les mêmes modalités, d’autre part, les joueurs sur le terrain, qui ont fait prendre des paris, se comportent de façon à ce que l’équipe soit menée, ne serait-ce que d’un but, à la mi-temps du match.
Plusieurs personnes, dont les demandeurs, ont été mis en examen du chef d’escroquerie commise au préjudice de la FDJ. A l’issue de l’information, le juge d’instruction a ordonné le renvoi des demandeurs du chef d’escroquerie, et notamment de deux d’entre eux pour avoir, à l’aide d’une entente préalable déterminé la FDJ à remettre une somme totale de 300 000 euros aux gagnants correspondant au paiement des gains obtenus sur la somme pariée. Le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits et les a condamnés de ce chef. Sur l’action civile, il a déclaré irrecevables les constitutions des parties civiles. Les prévenus, le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel.
Pour rejeter l’exception de nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal, l’arrêt a énoncé que 184 du Code de procédure pénale n’interdit pas au juge d’instruction, lorsqu’il rend une ordonnance conforme au réquisitoire définitif, de s’y référer expressément et d’en reprendre les termes dès lors qu’il prend en compte les observations des parties, répond à leurs articulations essentielles et analyse les éléments à charge et à décharge, ce qui est le cas en l’espèce. S’agissant du grief concernant la prévention qui viserait des faits qui n’ont pas été notifiés aux demandeurs lors de leur mise en examen, l’arrêt, qui relève que les intéressés ont été mis en examen du chef d’escroquerie, pour avoir, par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, en l’espèce, en étant en possession d’une information selon laquelle les joueurs s’étaient préalablement entendus pour modifier ou altérer le déroulement normal de la rencontre, objet de paris sportifs, réalisé de tels paris en misant sur la défaite de leur équipe à la mi-temps, et ainsi trompé la FDJ en la déterminant à son préjudice à remettre les sommes correspondant aux tickets de jeu gagnants, a énoncé que la prévention visée dans l’ordonnance de renvoi ne faisait que reprendre la manoeuvre frauduleuse initialement retenue de connaissance d’une entente frauduleuse, l’étayant en visant la mise en oeuvre des modalités pratiques de cette entente et que la notion d’une entente “entre certains joueurs” ne constitue que la reprise de la mise en examen visant “des joueurs”. Enfin, que la notion de connaissance d’une entente préalable jointe à celle de pari effectif implique participation à cette entente.
Pour déclarer irrecevable les constitutions de partie civile, l’arrêt a énoncé que si celles-ci ont bien subi un préjudice causé par le retentissement médiatique que les infractions ont engendré, retentissement qui a eu un impact négatif sur l’image mais surtout sur les résultats du club, ce préjudice n’est pas en lien direct avec les infractions d’escroquerie reprochées, mais avec le défaut d’exécution de bonne foi du contrat de travail liant chaque joueur au club, manquement qui a donné lieu à des licenciements et des départs conventionnellement conclus de certains membres de l’équipe, seules éprouvant un préjudice résultant directement de l’infraction d’escroquerie les personnes déterminées par les manoeuvres frauduleuses à verser des fonds.
Saisie de l’affaire, la Cour de cassation énonce les solutions susvisées et également que si c’est à tort que, pour déclarer irrecevables les constitutions de partie civile, l’arrêt énonce, notamment, que leur préjudice est indirect en ce qu’il prend sa source dans la relation contractuelle qui les unit aux prévenus, alors que l’existence d’une relation contractuelle entre l’auteur des faits et la partie civile n’est pas en elle-même de nature à exclure la recevabilité de la constitution de cette dernière, l’arrêt n’encourt toutefois pas la censure.
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