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N5821BSE
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par Frédéric Subra et Mathieu Le Tacon, avocats associés au sein du cabinet Delsol Avocats
le 28 Juin 2011
Aux termes de l'article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2011, le bouclier fiscal s'appliquerait pour la dernière fois au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010.
Les contribuables redevables de l'ISF au titre de l'année 2012 pourraient, sauf exception (le contribuable titulaire de la créance cesse d'être redevable de l'ISF, décès du titulaire de la créance, imposition séparée à l'ISF), exercer le droit à restitution acquis au 1er janvier 2012 en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur la cotisation d'ISF due en 2012, et le cas échéant les années suivantes. Il en irait de même des redevables de l'ISF au titre de 2011 qui n'auront pas déposé une demande de restitution avant le 30 septembre 2011.
1 - Modification du tarif de l'ISF
Le projet de loi propose de modifier le barème de l'ISF comme suit :
Valeur nette taxable du patrimoine | Tarif applicable (%) |
Egale ou supérieure à 1,3 millions d'euros et inférieure à 3 millions d'euros | 0,25 |
Egale ou supérieure à 3 millions d'euros | 0,50 |
Les pourcentages indiqués ci-dessus s'appliqueraient sur l'ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine (i.e. à compter du premier euro).
Le montant de l'ISF calculé selon ce nouveau barème serait réduit à 1 500 euros pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 1,3 millions d'euros et de moitié pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 3 millions d'euros.
Afin de limiter l'effet de seuil, le montant de l'impôt serait par ailleurs réduit d'une somme calculée en appliquant, respectivement, les formules suivantes :
Valeur nette taxable du patrimoine (P) | Réduction du montant de l'imposition |
Egale ou inférieure à 1,3 millions d'euros et inférieure à 1,4 millions d'euros | 24 500 euros - (7 x 0,25 % P) |
Egale ou supérieure à 3 millions d'euros et inférieure à 3,2 millions d'euros | 120 000 euros - (7,5 x 0,50 % P) |
Au titre de l'ISF 2011, les redevables dont le patrimoine net taxable est supérieur ou égal à 1,3 millions d'euros seraient assujettis à l'impôt selon le barème voté en décembre 2010 (i.e. ancien barème). Les personnes dont le patrimoine net taxable est inférieur à 1,3 millions d'euros échapperaient ainsi à l'ISF dès 2011.
Le délai pour déposer la déclaration d'ISF 2011 et s'acquitter de l'impôt est reporté au 30 septembre 2011.
2 - Formalités déclaratives
A compter de l'ISF 2012, les personnes dont le patrimoine net taxable est inférieur à 3 millions d'euros seraient dispensées du dépôt d'une déclaration d'ISF au 15 juin. Leur obligation déclarative se limiterait à porter le montant de la valeur nette taxable de leur patrimoine sur la déclaration des revenus n° 2042. L'impôt serait mis en recouvrement par le Trésor public en même temps que l'impôt sur le revenu.
3 - Assouplissement des conditions d'exonération au titre du pacte "Dutreil"
En l'état actuel de la législation fiscale, la conclusion d'un engagement collectif, d'une durée minimale de deux ans, permet sous certaines conditions d'exonérer d'ISF les titres de sociétés à concurrence de 75 % de leur montant.
Le projet de loi prévoit de ne pas remettre en cause le bénéfice de cette exonération en cas de cession par un cosignataire de ses titres à un tiers, si les autres cosignataires conservent leurs titres jusqu'au terme de l'engagement et si les droits attachés à ces titres respectent le seuil requis de 20 ou 34 %, ou si le cessionnaire souscrit à l'engagement collectif de manière à ce que le pourcentage de droits demeure respecté et à la condition que l'engagement collectif soit alors reconduit pour une durée minimale de deux ans.
Par ailleurs, l'engagement collectif initial pourrait être ouvert à un nouvel associé sans que la signature d'un nouveau pacte soit nécessaire, à condition que l'engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.
4 - Assouplissement des conditions d'exonération des biens professionnels
L'exonération d'ISF des biens professionnels ne porte, actuellement, que sur les biens nécessaires à l'exercice à titre principal d'une profession et, dans le cas des sociétés soumises à l'IS, sur les parts ou actions détenues dans une société où le contribuable exerce effectivement une fonction de direction. Ainsi, en cas d'exercice d'activités multiples, l'exonération est subordonnée au caractère soit similaire, soit connexe et complémentaire des différentes activités exercées.
Le projet de loi prévoit d'élargir l'exonération des biens professionnels à l'ensemble des participations détenues par le contribuable, dès lors que ce dernier respecte, pour chaque participation, les conditions requises par le CGI, étant précisé que les rémunérations tirées de l'exercice des fonctions de direction seraient globalisées pour apprécier si elles représentent plus de la moitié des revenus professionnels.
D'autre part, le seuil actuel de détention requis, soit 25 %, serait réduit, sous certaines conditions, à 12,5 %, lorsque la participation du redevable se trouve diluée du fait d'une augmentation du capital.
5 - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non-résidentes pour la valorisation des parts de sociétés à prépondérance immobilière
Actuellement, les personnes non-résidentes peuvent être soumises à l'ISF en France sur la valeur des parts de sociétés à prépondérance immobilière qu'elles détiennent, à proportion du rapport entre la valeur des biens détenus en France par la société et l'actif totale de cette dernière. En revanche, les comptes courants des non-résidents sont exonérés d'ISF.
Ainsi, les non-résidents pouvaient, jusqu'à présent, échapper à l'ISF, en finançant une société à prépondérance immobilière dont ils détiennent les parts par le biais d'apports en compte courant.
Le projet de loi de finances prévoit d'exclure les dettes de compte courant pour la valorisation des parts des sociétés à prépondérance immobilière.
6 - Réduction d'ISF par personne à charge
Sur amendement des députés, la réduction d'ISF par personne à charge, actuellement égale à 150 euros, passerait à 300 euros.
1 - Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe
Le projet de loi prévoit de porter de 35 à 40 % le taux applicable pour la fraction de la part nette taxable comprise entre 902 838 euros et 1 805 677 euros (bornes de la tranche en 2011), et de 40 à 45 % pour la fraction de la part nette taxable au-delà de 1 805 677 euros.
Cette disposition serait applicable aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
2 - Augmentation de 6 à 10 ans du délai de rappel des donations
Le projet de loi prévoit de revenir à un délai de rappel fiscal de 10 ans (délai applicable antérieurement à l'adoption de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 N° Lexbase : L6429HET).
Pour le calcul des droits de succession ou de donation postérieurement à l'entrée en vigueur du projet de loi de finances rectificative pour 2011, il conviendrait donc d'ajouter la valeur des biens ayant fait l'objet de donations ou de déclarations de succession au cours des dix années précédentes.
Ainsi, dans l'hypothèse de donations déjà consenties, postérieurement à juillet 2001 et antérieurement à juin 2005, les personnes intéressées peuvent avoir intérêt à procéder à une nouvelle libéralité avant l'entrée en vigueur du projet de loi en cours de discussion, afin de bénéficier encore du délai de rappel fiscal de six ans.
Afin de lisser l'impact de cette mesure, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit qu'il serait fait application d'un abattement sur la valeur des donations passées dans les dix années précédant l'entrée en vigueur de la loi, à hauteur de :
- 20 % si la donation est passée depuis plus de six ans et moins de sept ans ;
- 40% si la donation est passée depuis sept ans et moins de huit ans ;
- 60 % si la donation est passée depuis huit ans et moins de neuf ans ;
- 80 % si la donation est passée depuis huit ans et moins de dix ans. En contrepartie de cet assouplissement, le droit de partage serait porté de 1,10 % à 2,20 %.
3 - Suppression des réductions de droits de donation liés à l'âge du donateur
L'actuel article 790 du CGI (N° Lexbase : L1922HNI) prévoit des réductions des droits de donation qui sont variables en fonction de l'âge du donataire et de la nature des droits transmis.
Donateur âgé de moins de 70 ans | Donateur âgé de 70 ans à moins de 80 ans | |
Donation de la pleine propriété | 50 % | 30 % |
Donation de la nue-propriété | 35 % | 10 % |
Le projet de loi de finances rectificative envisage de supprimer ces réductions de droit.
L'Assemblée nationale a toutefois maintenu une réduction de droits de 50 % en cas de donation en pleine propriété de titres de sociétés ou d'entreprise individuelle, lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans.
4 - Assouplissement des conditions de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit au titre du pacte "Dutreil"
Les assouplissements prévus en matière d'ISF sont repris pour l'exonération de droits de mutation à titre gratuit afférents aux transmissions de parts ou actions de sociétés grevées d'un engagement collectif de conservation.
5 - Régime des dons manuels
Sur amendement des députés, le texte clarifie le régime fiscal des dons manuels en prévoyant que les droits doivent être acquittés dans le mois qui suit la réalisation de ce don ou, sur option du donataire, lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur.
Les droits doivent, par ailleurs, être acquittés dans le mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé, lorsque cette révélation est la conséquence d'une réponse à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal.
Les droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou sur sa valeur au jour de la donation si elle est supérieure ; le bail et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration du don manuel.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 prévoyait de créer une nouvelle taxe sur les résidences secondaires détenues en France par des personnes physiques non résidentes.
Le Gouvernement a cependant annoncé, le 20 juin dernier, renoncer à cette mesure.
Dans un contexte législatif et jurisprudentiel qui appréhende, jusqu'à présent, mal les trusts, le projet de loi se propose de soumettre aux droits de succession les transmissions réalisées par l'intermédiaire d'un trust.
Dans l'hypothèse où les transmissions réalisées via le trust pourraient être qualifiées de donation ou de succession, celles-ci seraient soumises aux droits de mutation existants compte tenu du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire. Seraient concernés par cette taxation les biens ou droits mis en trust, ainsi que les produits capitalisés.
Le projet de loi crée par ailleurs un nouveau cas d'application des droits de succession au décès du constituant, que les biens, droits ou produits capitalisés soient transmis au décès du constituant ou à une date postérieure :
- lorsqu'à la date du décès, la part d'un bénéficiaire est déterminée, celle-ci serait taxée aux droits de mutation par décès en fonction de son lien de parenté avec le constituant défunt ;
- dans le cas où la part revenant aux bénéficiaires ne peut pas être déterminée pour chacun d'entre eux à la date du décès, des droits de mutation seraient dus au décès du constituant au taux maximum applicable en ligne directe sur la part des biens, droits ou produits capitalisés qui a vocation à être transmise à des descendants du constituant, et au taux de 60 % sur les autres biens, droits et produits restant dans le trust. Dans ce cas, les droits de mutation seraient acquittés par le trustee.
Ces droits seraient dus, soit lorsque le défunt a son domicile fiscal en France, soit lorsque les biens mis en trust sont situés en France.
Le constituant et les bénéficiaires seraient, par ailleurs, soumis à un prélèvement de 0,50 % sur la valeur de l'ensemble des biens, droits ou produits capitalisés composant le trust. Ce prélèvement serait opéré par le trustee. Ce prélèvement ne serait, toutefois, pas applicable à raison des biens, droits ou produits capitalisés placés dans le trust, qui ont été inclus dans le patrimoine du constituant ou d'un bénéficiaire pour l'imposition à l'ISF. Il est à noter qu'un amendement présenté par le sénateur Philippe Marini propose de porter ce taux à 0,70 %.
Pour l'application de ces dispositions, il convient d'entendre par "constituant d'un trust", soit la personne physique qui l'a constitué, soit, lorsqu'il a été constitué par une personne physique agissant à titre professionnel ou par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens et droits.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 prévoit d'instaurer un dispositif visant à taxer à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux les plus-values latentes sur les valeurs mobilières et droits sociaux constatées avant le changement de résidence fiscale des personnes physiques. Est également concernée la créance de complément de prix qu'un contribuable peut détenir au jour de son départ.
Seraient visés les contribuables qui transfèrent hors de France leur domicile fiscal et qui détiennent, lors de ce transfert, avec les autres membres de leur foyer fiscal, une participation directe ou indirecte d'au moins 1 % dans le capital d'une société, ou une participation directe ou indirecte dans une société d'une valeur supérieure à 1,3 millions d'euros lors de ce transfert. Les plus-values latentes afférentes à ces participations seraient taxées lors du transfert hors de France. Il en irait de même des plus-values bénéficiant à cette date d'un report d'imposition.
Il est à noter que, par une fiction légale, et pour éviter les éventuelles contrariétés avec les dispositions conventionnelles, le transfert de résidence constitutif du fait générateur de l'"exit tax" serait réputé avoir lieu la veille du départ effectif.
Un sursis de paiement sans prise de garanties serait accordé en cas de transfert du domicile fiscal dans un Etat de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement. Dans les autres cas, le sursis de paiement ne s'appliquerait que sur présentation de garanties adéquates.
Le sursis de paiement, de droit ou sur option, prendrait fin lors de la cession, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres ou lors de la donation de ces titres. Cependant, si le contribuable justifie que la donation n'avait pas pour seule fin d'éluder l'impôt, l'impôt sur la plus-value serait dégrevé.
L'impôt sur la plus-value latente ne serait plus exigible à l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de France. A noter, les prélèvements resteraient toutefois dus, tout en continuant à bénéficier du sursis de paiement.
Lorsqu'un contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France sans avoir auparavant cédé ses titres, l'impôt calculé sur la plus-value d'échange ou de cession serait dégrevé ou restitué et le report d'imposition rétabli de plein droit.
L'impôt relatif à la plus-value latente lors du transfert de domicile serait diminué si la plus-value effectivement réalisée était inférieure à la plus-value constatée au moment du transfert du domicile fiscal hors de France ou effacé si une moins-value était constatée.
Afin d'éviter une double imposition, l'impôt éventuellement acquitté dans le pays de résidence serait imputable sur l'impôt dû en France, dans la limite de ce dernier et à proportion de la part d'assiette taxée en France.
L'"exit tax" s'appliquerait pour les transferts intervenus à compter du 3 mars 2011.
L'application de ce nouveau dispositif, au regard du droit communautaire et des conventions fiscales, suscite de nombreuses interrogations, qu'il reviendra aux juridictions compétentes de trancher.
Les mesures touchant les droits de succession pourraient inciter les contribuables à s'orienter davantage encore vers les contrats d'assurance-vie.
Pour limiter ce risque, l'Assemblée nationale a voté un amendement mettant fin à l'exonération des contrats souscrits par un résident fiscal étranger au moment de la souscription. Le prélèvement ci-dessus s'appliquerait dès lors que le bénéficiaire a son domicile fiscal en France au moment du décès et qu'il l'a eu pendant au moins six années au cours de dix années précédant le décès ou dès lors que l'assuré a, au moment du décès, son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY).
Par ailleurs, en cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l'usufruitier seraient considérés, pour l'application du prélèvement prévu à l'article 990 I du CGI (N° Lexbase : L0534IHA), comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par l'organisme d'assurance, déterminée selon le barème prévu à l'article 669 du CGI (N° Lexbase : L7730HLU). A l'heure actuelle, seul l'usufruitier est taxé sur la part lui revenant.
Enfin, le Sénat propose, sur amendement, de porter de 20 à 25 % le taux de taxation des sommes figurant sur un contrat d'assurance-vie en cas de décès (CGI, art. 990 I), lorsque l'assuré a effectué des versements avant l'âge de 70 ans.
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