Réf. : Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-12.514, Comité d'entreprise DCN Log c/ Société DCN Log, F-P+B (N° Lexbase : A9761EGM)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
En cas de modification dans la situation juridique de l'employeur au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, le montant de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, s'il a été fixé dans l'entreprise d'origine par un usage ou un accord collectif à un montant supérieur à la contribution légale, n'est conservé que si l'institution se maintient dans la nouvelle entreprise. Ne conserve pas son autonomie l'entité faisant l'objet d'un transfert d'activité partiel, laissant subsister au sein de la société cédante les institutions représentatives du personnel existantes. Il s'ensuit que la cour d'appel, qui a constaté que la branche d'activité transférée à la société DCN Log ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société NAVFCO n'avait pas été dissous, en a exactement déduit que l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie et que le comité d'entreprise de la société DCN Log ne pouvait bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société NAVFCO. |
Commentaire
I - La contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise
Le financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise est assuré, pour l'essentiel, par une contribution versée par l'employeur. Son mode de calcul est tel qu'il se borne à pérenniser le passé social. Il résulte, en effet, de l'alinéa 1er de l'article L. 2323-86 du Code du travail (N° Lexbase : L2957H9E) que "la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité d'entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d'entreprise". En application de ce texte, "l'importance de la contribution va dépendre de l'ampleur de l'action sociale naguère menée par l'employeur. Or, celle-ci a pu être réduite, voire inexistante, et rien n'a été prévu pour les entreprises nouvelles où aucun dépense n'a pu être effectuée avant la constitution du comité d'entreprise, de sorte qu'aucune subvention n'est légalement due par l'employeur" (1).
Compte tenu du caractère pour le moins lacunaire des dispositions légales, dans nombre de cas, le financement des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise va dépendre des conventions collectives ou des usages. Ces sources peuvent, en réalité, jouer un double rôle. En premier lieu, seuls des accords collectifs ou des usages peuvent garantir au comité un financement normal des activités sociales lorsque la contribution légale est insuffisante ou inexistante. En second lieu, et de manière très classique, l'accord ou l'usage peut fixer le montant de la contribution de l'employeur à un montant supérieur à la contribution légale (2).
Dès lors qu'un accord collectif ou un usage fixe le montant de la contribution patronale aux activités sociales du comité à un montant supérieur à la contribution légale, il convient de s'interroger sur l'avenir de ce financement en cas de restructuration de l'entreprise. Ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, "en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur au sens de l'article L. 1224-1 du Code du travail, le montant de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, s'il a été fixé dans l'entreprise d'origine par un usage ou un accord collectif à un montant supérieur à la contribution légale, n'est conservé que si l'institution se maintien dans la nouvelle entreprise".
Il est pour le moins difficile de ne pas se ranger à une telle solution. Il convient, tout d'abord, de rappeler que le transfert de l'entreprise à un nouvel employeur ne met pas en cause les règles d'usage, qui sont, en tant que règles en vigueur dans cette entreprise, opposables au nouvel employeur (3). Tant que ce dernier n'a pas dénoncé l'usage, il se doit de le respecter. Pour ce qui est de l'accord collectif, la situation est quelque peu différente, dans la mesure où celui-ci va être mis en cause consécutivement à la restructuration affectant l'entreprise. Cet accord va, certes, continuer à s'appliquer postérieurement à celle-ci, mais pour une durée limitée. Il convient, en effet, de rappeler qu'en application de l'article L. 2261-14 du Code du travail (N° Lexbase : L2442H9C), la convention ou l'accord collectif mis en cause continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention qui lui est substituée ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis de trois mois.
Cela étant, et ainsi que l'a décidé par le passé la Cour de cassation, "la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles ne peut être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées au cours des trois dernières années précédant la suppression de l'usage ou de l'accord collectif instituant cette contribution, sauf si la masse salariale diminue" (4). Toutefois, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, le cessionnaire ne peut être tenu de verser la contribution plus favorable aux activités sociales que si l'institution bénéficiaire se maintient dans la nouvelle entreprise.
Le nouvel employeur peut se trouver débiteur d'une obligation qu'il n'a nullement souscrite, consécutivement à la restructuration. Appliquée au cas qui nous intéresse, cela signifie que le nouvel employeur peut être tenu de verser au comité d'entreprise une contribution supérieure à celle fixée par la loi en vertu d'un usage ou d'un accord applicable dans l'entreprise d'origine. Mais cela n'a de sens que si, postérieurement à la restructuration, subsiste le créancier de l'obligation en question. Seul ce dernier peut exiger le respect de cette obligation et non le comité d'entreprise existant dans la société d'accueil ou le comité nouvellement créé. L'engagement a été pris à l'égard d'une personne, serait-elle morale, déterminée qui, seule, peut en exiger le respect. Cela étant admis, reste à savoir à quelles conditions cette personne morale subsiste postérieurement au transfert.
II - Le maintien du comité en cas de restructuration de l'entreprise
La restructuration affectant une entreprise peut avoir des répercussions importantes sur les institutions représentatives du personnel en place. Si le Code du travail envisage le sort des mandats des représentants du personnel dans une telle hypothèse, il ne règle que très imparfaitement celui des institutions elles-mêmes (5). En effet, seuls le comité central d'entreprise et le comité de groupe font l'objet de dispositions spécifiques (C. trav., art. L. 2327-11 N° Lexbase : L9902H8A et art. L. 2331-2 N° Lexbase : L9926H87). Raisonnant par analogie, la Cour de cassation considère que le sort des comités d'établissement et d'entreprise est lié au maintien de "l'autonomie juridique" de l'entreprise. Si tel est le cas, l'institution demeure. Tout va donc dépendre de l'ampleur et de la nature de la restructuration affectant l'entreprise.
En l'espèce, une société NAVFCO était en charge, jusqu'en 1994, de deux activités, enseignement et logistique. L'activité logistique ayant été reprise par le groupe DCN, dans le cadre d'une société DCN Log en juin 1994, le comité d'entreprise de cette dernière société a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir fixer la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité à un pourcentage de 1,4 % de la masse salariale, identique à celui qui était en usage au sein de la société NAVFCO. En février 2003, un accord transactionnel a été signé entre le comité d'entreprise de la société DCN Log et cette société, fixant la contribution à un pourcentage de 1 % du jour de la scission au 1er janvier 2003, puis à 1,1 % à compter de cette date. En juin 2005, le comité d'entreprise de la société DCN Log a saisi le tribunal de grande instance en annulation de cette transaction, comme contraire à l'ordre public, et aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de la contribution qui aurait dû être versée depuis la cession, à concurrence de 1,4 % de la masse salariale.
Débouté de ses demandes, le comité d'entreprise soutenait, dans son pourvoi, qu'est autonome et conserve son autonomie au sens de l'article L. 2324-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9783H8T), l'entité économique dont le transfert, seul, permet la mise en activité d'une entreprise. Le comité faisait par suite valoir que la société DCN Log, qui provenait d'une "coquille vide", avait été constituée et mise en activité par le seul apport de la branche "logistique" de la société NAVFCO, telle qu'elle existait au sein de cette société, en sorte que l'autonomie dont l'entité "logistique" disposait nécessairement au sein de la société NAVFCO, n'avait pu qu'être conservée à la suite de son transfert. Aussi, en considérant que la société DCN Log ne procédait pas du transfert d'une entité autonome au sens de l'article L. 2324-26 du Code du travail, la cour d'appel a violé ce texte.
Cette argumentation n'a pas convaincu la Cour de cassation qui rejette le pourvoi en soulignant "que ne conserve pas son autonomie l'entité faisant l'objet d'un transfert d'activité partiel, laissant subsister au sein de la société cédante les institutions représentatives du personnel existantes ; qu'il s'en suit que la cour d'appel, qui a constaté que la branche d'activité transférée à la société DCN Log ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société NAVFCO n'avait pas été dissous en a exactement déduit que l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie et que le comité d'entreprise de la société DCN Log ne pouvait bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société NAVFCO".
La solution retenue par la Cour de cassation dans le présent arrêt ne constitue pas une surprise dans la mesure où elle peut être rapprochée d'une décision rendue antérieurement (6). Elle est, par ailleurs, justifiée, quoique son énoncé puisse paraître troublant. En effet, à lire le motif de principe de la décision, dans la mesure où la branche d'activité transférée ne comportait pas d'institutions propres et que le comité d'entreprise de la société d'origine n'avait pas été dissout, l'entité économique n'avait pas conservé son autonomie. Outre que l'on peut s'étonner qu'une simple activité reçoive la qualification d'"entité économique", on est en droit de se demander si en lieu et place d'avoir perdu son autonomie, cette "entité" ne l'avait jamais eu. Si tel avait été le cas, l'entité aurait vraisemblablement comporté des institutions représentatives du personnel qui lui étaient propres ou, à défaut, n'aurait pas laissé subsister au sein de la société cédante les institutions existantes.
En définitive, on peut se demander s'il n'aurait pas été plus juste de considérer que l'activité transférée n'avait jamais été une entité économique autonome. Il convient, à ce propos, de rappeler que les textes relatifs au sort des mandats ou des institutions en cas de restructuration exigent que l'"entreprise" conserve son autonomie (7). En bonne logique, il convient donc d'abord de caractériser le transfert d'une entreprise avant de vérifier que celle-ci a conservé son autonomie.
Mais à dire vrai, cette voie aurait-elle été empruntée, cela n'aurait rien changé à l'issue de l'affaire dans la mesure où, là non plus, le comité d'entreprise de la société cessionnaire n'aurait pu bénéficier du maintien du montant de la contribution aux oeuvres sociales et culturelles en usage au sein de la société cédante.
Décision
Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-12.514, Comité d'entreprise DCN Log c/ Société DCN Log, F-P+B (N° Lexbase : A9761EGM) Rejet, CA Paris, 18ème ch., sect. C, 1er décembre 2007 Textes concernés : C. trav., art. L. 2323-86 (N° Lexbase : L2957H9E), L. 2324-6 (N° Lexbase : L2976H94) et L. 2327-11 (N° Lexbase : L9902H8A) Mots-clefs : comité d'entreprise ; activités sociales et culturelles ; financement ; montant ; usage plus favorable ; restructuration ; maintien de l'usage Lien base : |
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