La lettre juridique n°343 du 26 mars 2009 : Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - mars 2009

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N9834BI3

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Cette chronique débute par une illustration de l'application de la présomption de transfert des bénéfices à l'étranger par l'administration fiscale (CAA Paris, 2ème ch., 25 juin 2008, n° 06PA02841, Société Novartis Groupe France SA). Puis, le Conseil d'Etat revient sur la question de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit qui ne cesse de générer une jurisprudence importante depuis la décision "Société Ghesquière Equipement" anéantie depuis lors par le législateur (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic). Enfin, la cour administrative d'appel de Paris qualifie de revenus de capitaux mobiliers les sommes perçues par un associé qui a revendu à la société émettrice ses actions n'ayant pas été par la suite annulées (CAA Paris, 2ème ch., 4 février 2009, n° 08PA00863, Mlle Mercedes X).
  • Prix de transfert et présomption de transferts de bénéfices : "Le monde fleurit par ceux qui cèdent à la tentation" (1) (CAA Paris, 2ème ch., 25 juin 2008, n° 06PA02841, Société Novartis Groupe France SA N° Lexbase : A9753D94)

Dans le cadre des échanges internationaux, et à défaut d'une chimérique uniformisation des différentes juridictions fiscales, la tentation est grande de localiser la base imposable en fonction de l'imposition applicable dans certains Etats pour autant que la stabilité politique soit au rendez-vous. C'est dans ce cadre que les prix de transfert entre entreprises liées -c'est-à-dire dépendante en droit ou en fait (CE Contentieux, 25 janvier 1989, n° 49847, Société Hempel Peintures Marine France N° Lexbase : A0838AQ4 ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 8 décembre 2005, n° 02BX01366, Société Corail N° Lexbase : A5173DMK ; CE 3° et 8° s-s-r., 7 novembre 2005, n° 266436, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Cap Gemini N° Lexbase : A4994DLK)- sont susceptibles de générer un contentieux avec l'administration fiscale. En effet, afin de freiner les contribuables, le législateur est intervenu afin, d'une part, de relocaliser les bénéfices en France lorsque l'entreprise est sous la dépendance -ou contrôle- d'une entreprises étrangère (CGI, art. 57 (2) N° Lexbase : L1594HLM) ; et, d'autre part, d'améliorer le contrôle des comptabilités en imposant à l'entreprise une documentation sur les prix de transfert (LPF, art. L. 13 B N° Lexbase : L8501AEL ; v. également : Najib Gharbi, Le contrôle fiscal des prix de transfert, L'Harmattan, coll. : Finances publiques, 2005, p. 329 et s. ; F. Berger et P. Jan, Prix de transfert : vers de nouvelles obligations en France ?, Option Finance n° 1007, 8 décembre 2008, p. 31 ; C. de Manneville et V. Renoux, Projet de loi en matière de documentation de prix de transfert : La nouvelle donne, Option Finance, n° 986, 23 juin 2008, p. 33). Signe des temps, l'administration fiscale a mis en ligne un guide relatif aux prix de transferts à l'intention des petites et moyennes entreprises (instruction du 28 novembre 2006, BOI 4 A-13-06 N° Lexbase : X7692ADA) qui ne pourront plus se retrancher derrière le paravent de l'ignorance : les PME sont concernées tout autant que les grandes multinationales ! (3).

La preuve du transfert indirect des bénéfices revêtant une importance de premier ordre qui n'est pas sans entraîner des difficultés pour l'administration fiscale, cette dernière a obtenu une exception -non sans distiller préalablement quelques arguments afin de convaincre les parlementaires d'abonder dans son sens- lorsque "le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié" au sens de l'article 238 A du CGI (CGI, art. 238 A N° Lexbase : L4758HLS). Dans cette hypothèse, l'administration fiscale n'est alors plus tenue de rapporter la condition de dépendance ou de contrôle.

Au cas d'espèce, la société requérante a été redressée à la suite d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale a estimé que la société mère suisse avait facturé de façon excessive un principe actif à sa filiale française qu'elle utilisait pour la fabrication d'un produit phytosanitaire. En effet, selon l'administration, la marge globale "c'est-à-dire l'écart entre le prix de vente du produit final et l'ensemble des coûts supportés tant par la société suisse que par la société française, était répartie entre ces deux sociétés de manière trop disproportionnée par rapport à la part de ces coûts supportée par chacune". Le service en a alors déduit, d'une part, un prix normal de cession du principe actif s'élevant à 494,05 francs (75,30 euros) au lieu de 649,05 francs (98,93 euros) au kilogramme en répartissant la marge globale proportionnellement aux coûts respectifs ; d'autre part, il a estimé que la différence, soit 155 francs (23,62 euros) par kilogramme, était une majoration de charges pour la filiale française constitutive d'un transfert de bénéfices à l'étranger taxable du chef de l'article 57 du CGI, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce (CGI, art. 57 N° Lexbase : L1592HLK) et compatible, selon les juges du fond, avec les dispositions de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK) (CAA Paris, 30 avril 2004, n° 99PA02135, Société Firmenich et cie N° Lexbase : A2434DC7).

Les conseillers de la cour administrative d'appel de Paris disent pour droit que "lorsque [l'administration fiscale] constate que les prix facturés par une entreprise étrangère à une entreprise établie en France qui lui est liée, sont supérieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en achetant des biens à un prix excessif, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé". Mais au cas d'espèce, la juridiction d'appel ne sera pas convaincue par la démarche suivie par l'administration fiscale car "le service n'a pas effectué de comparaisons avec les prix auxquels des produits comparables sont vendus par des entreprises similaires exploitées normalement". S'il est reproché à l'administration fiscale de ne pas avoir établi de comparaisons adéquates en fonction du produit en cause, il est toutefois permis de s'interroger sur la possibilité de les réaliser lorsque des spécificités très particulières existent de sorte qu'une comparaison apparaît de facto peu pertinente, voire dénuée de toute signification exploitable.

Pour autant, c'est une véritable leçon que la cour administrative d'appel de Paris assène à l'administration quant à la détermination d'un juste prix de transfert : il lui est ainsi reproché de n'avoir présenté "aucune argumentation relative à la nature du 'Propiconazole', à ses modalités de production et de transformation et à ses conditions de commercialisation permettant d'estimer qu'une telle proportionnalité devrait, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux caractéristiques de la filière, être retenue" ; ou encore que le ministre "n'établit pas que le coût de production complet de la société suisse, qu'il a déterminé à partir du prix de vente à la filiale américaine, aurait pris en compte l'ensemble des éléments de ce coût, et notamment l'ensemble des redevances versées à des tiers". Enfin, il se déduit des écritures des parties en présence que, s'agissant de l'estimation des frais administratifs, de transport, de publicité et de recherche, l'administration fiscale ne pouvait contester "sérieusement" les critiques de la contribuable quant au raisonnement suivi par le service.

Ainsi, l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris est un florilège de tout ce que l'administration fiscale n'aurait pas dû faire : une estimation inexacte et incomplète d'un circuit économique visant à élaborer et commercialiser un fongicide dans lequel le raisonnement de l'administration fiscale s'est dissous...

  • Retour sur l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic N° Lexbase : A1150EDX)

L'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et la correction symétrique des bilans continuent de susciter des conflits avec l'administration fiscale.

De façon succincte, rappelons que, lorsque l'administration rectifie le bilan en augmentant l'actif ou en diminuant le passif, l'actif net est majoré d'autant ce qui entraîne une imposition en application des dispositions du CGI (CGI, art. 38-2 N° Lexbase : L3699ICY) prévoyant que le bénéfice net imposable est égal à la différence, pour un même exercice, entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture du bilan. Telle serait l'hypothèse d'une dette de l'entreprise inscrite au passif du bilan alors même qu'elle serait prescrite. Cependant, il est de jurisprudence ancienne (CE, 27 octobre 1958, n° 39769, RO (4) 226, BCD (5) 1959.111 ; GAJF, Dalloz, 4ème édition, 2003, p. 577 et s.) que l'administration doit corriger symétriquement les bilans successifs dans le cas où la même erreur -ou l'omission- s'y retrouverait. Pour autant, devait-on fixer une limite temporelle à ces corrections symétriques ? Pendant longtemps, la règle de la correction symétrique des bilans pouvait entraîner une absence d'imposition dans l'hypothèse d'un rattachement d'une erreur ou d'une omission à un exercice prescrit (6). Cependant, cette situation ne dura pas puisque le Conseil d'Etat a fixé un butoir (CE Contentieux, 31 octobre 1973, n° 88207 N° Lexbase : A7634AYE) : c'est la règle prétorienne de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Ainsi, "le caractère définitif du bilan de clôture du dernier exercice prescrit, en tant qu'il a servi de base à une imposition devenue définitive, entraîne nécessairement l'opposabilité tant au contribuable qu'à l'Administration du 'bilan d'ouverture' du premier exercice non prescrit" (7). Cette jurisprudence, qui a souvent joué au profit de l'administration fiscale (8), autorise ainsi, par exemple, la remise en cause d'une provision ou d'un déficit reporté même au titre d'un exercice prescrit (9). En d'autres termes, elle a permis, sans intervention du législateur, de faire échec aux règles relatives à la prescription. En 2004, le Conseil d'Etat décide de reconsidérer l'application de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (10) -sans abandonner pour autant la notion de correction symétrique des bilans- par une décision remarquée sous réserve de l'absence d'erreurs ou d'omissions délibérément commises par le contribuable (11) (CE Contentieux, 7 juillet 2004, n° 230169, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Ghesquière Equipement N° Lexbase : A0698DD9).

Alors même que d'autres voies consistant à reconsidérer son approche du contrôle fiscal auraient pu être exploitées par l'administration fiscale, cette dernière a préféré convaincre le législateur -sans rencontrer trop de résistance- d'adopter une loi rétroactive anéantissant les effets de la jurisprudence honnie "Société Ghesquière Equipement" (loi n° 2004-1485, 30 décembre 2004, de finances rectificative pour 2004 N° Lexbase : L5204GUB ; Dr. fisc., 2005, comm. 201 ; CGI, art. 38 4 bis N° Lexbase : L3699ICY ; instruction du 29 juin 2006, BOI 4 A-10-06 N° Lexbase : X7004ADR) considérée comme non-conforme aux attentes budgétaires de l'Etat.

Une fois légalisée et assortie d'exceptions -dont l'une consiste à un droit à l'oubli si l'erreur ou l'omission entachant l'actif net est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit-, le débat s'est poursuivi devant le juge de l'impôt (CE 3° et 8° s-s-r., 30 juin 2008, n° 288314, M. Lemoine N° Lexbase : A4484D9X ; CAA Nantes, 1ère ch., 1er octobre 2007, n° 04NT00220, SA Catimini International et SA Catimini N° Lexbase : A6119DZN ; CE 9° et 10° s-s-r., 16 mai 2007, n° 290264, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Chambouleyron N° Lexbase : A3893DW4) qui a reconnu qu'"à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien" (CE 3° et 8° s-s-r., 19 février 2008, n° 292948, Société Getecom N° Lexbase : A3127EBG) pour en refuser l'application au cas d'espèce puisque l'espérance légitime n'était pas compatible avec la hâte avec laquelle les autorités publiques ont mis un terme au revirement jurisprudentiel ; ce qui témoigne de la possibilité de mobiliser rapidement les ressources de l'Etat si nécessaire !

Au cas particulier et à l'issue d'une vérification de comptabilité d'une société en nom collectif, les faits rapportent qu'une entreprise a rattaché -pour l'évaluation de ses stocks- des produits et des charges d'exercices antérieurs entraînant une surestimation de l'actif net du bilan clôturé et prescrit de l'exercice de l'année 1981. En application de la règle prétorienne de la correction symétrique des bilans et de la règle du butoir, l'erreur comptable fut corrigée et rattachée au premier exercice non prescrit -c'est-à-dire 1982- entraînant une imposition à la charge du contribuable. Contestant le raisonnement de l'administration fiscale, le contribuable fut débouté en appel (CAA Paris, 5ème ch., 22 mai 2006, n° 02PA02322, M. Jean-Marc Saupic N° Lexbase : A3254DQL) et son pourvoi en cassation sera également rejeté par la Haute juridiction administrative (CE 3° et 8° s-s-r., 13 février 2009, n° 296117, M. Saupic N° Lexbase : A1150EDX) compte tenu de la rédaction du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 (14) qui légalise rétroactivement les impositions établies avant le 1er janvier 2005 "en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable aurait pu demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et des exercices antérieurs". L'administration pouvait rectifier le bilan de clôture de l'exercice clos en 1981 et, par conséquent, celui d'ouverture du premier exercice non prescrit, soit l'exercice 1982. On remarquera alors la dyssimétrie nécessairement formulée au profit de l'administration fiscale de par la loi puisque les dispositions du IV de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 "ne peuvent être invoquées que par l'administration fiscale".

  • Rachat de titres non suivis de leur annulation : imposition au titre des revenus de capitaux mobiliers (CAA Paris, 2ème ch., 4 février 2009, n° 08PA00863, Mlle Mercedes X N° Lexbase : A5219EDN)

Une directrice salariée d'une agence de publicité pendant une quinzaine d'années a acquis trois cents puis sept cents actions d'une société filiale. Aux termes du protocole signé entre les parties, la salariée s'engageait à céder ses actions à l'agence de publicité en question ou à toute autre personne désignée par la société dans l'hypothèse où son contrat de travail prendrait fin. Une fois cédée, la requérante considéra que la plus-value devait être imposée au taux proportionnel de 16 %. Or, les titres ainsi rachetés n'ont pas fait l'objet d'une annulation par la société émettrice ce qui a entraîné un redressement émis par le service au titre de l'impôt sur le revenu en application des articles 109 (N° Lexbase : L2060HLU) et 161 (N° Lexbase : L2664HLA) du CGI.

Selon la cour administrative d'appel de Paris, "lorsqu'une société rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, les droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux sur le prix d'acquisition de ces droits, mais dans la mesure seulement où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d'imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession mis à la disposition du cédant, qui a la même nature qu'un boni de liquidation, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers".

Cette motivation n'est pas une nouveauté : elle est l'exacte reprise du considérant émis par le Conseil d'Etat dans sa décision de principe "Roesch" (CE 9° et 10° s-s-r., 29 décembre 2000, n° 179647, M. Roesch N° Lexbase : A1979AI7) confirmée depuis lors (CE 9° et 10° s-s-r., 28 février 2007, n° 284565, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Persicot N° Lexbase : A4284DU9 ; CE 3° s-s., 30 juillet 2003, n° 220260, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Boutin N° Lexbase : A2708C98) et adoptée par les juridictions du fond (CAA Bordeaux, 26 avril 2004, n° 00BX02237, M. Duffiet N° Lexbase : A0162DCY ; CAA Lyon, 2ème ch., 24 octobre 2002, n° 97LY02597, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Yves Lavoise N° Lexbase : A2208A7W) dont la présente cour administrative d'appel qui a considéré que les faits de l'espèce constituaient une distribution imposable au titre des revenus de capitaux mobiliers soumis au barème progressif de l'IR.

Les conseillers parisiens considèrent que l'application du second alinéa de l'article 161 du CGI n'est pas limitée aux seuls rachats de titres suivis de leur annulation confirmant ainsi, sur le principe, la position exprimée dans le même sens par la doctrine administrative dans des hypothèses comparables pour des faits en vigueur à la date de publication de ladite doctrine (DB 4 J 1224, du 1er novembre 1995, n° 15 et n° 16 N° Lexbase : X6662AAY (15) ). Au soutien de leur raisonnement, on remarquera l'absence de distinction opérée par la loi fiscale applicable aux faits de l'espèce : tout type de rachat -suivi d'une annulation des titres ou non- semble concerné. On attendra la confirmation de cette jurisprudence sur ce point par le Conseil d'Etat.


(1) Julien Gracq.
(2) "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A [N° Lexbase : L4758HLS]. En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales [N° Lexbase : L8501AEL], les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 [N° Lexbase : L5447H9Mà L. 61 du même livre. A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement".
(3) On relèvera dans la documentation administrative de 1993 que : "La mise en jeu de ces dispositions n'a pendant longtemps concerné que les entreprises de très grande dimension, relevant pour la plupart de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI). Mais le développement de l'activité internationale rend possible l'apparition de phénomènes de transferts occultes de bénéfices au niveau d'entreprises de taille relativement moyenne. C'est pourquoi l'attention du service est appelée sur la nécessité de surveiller attentivement les transactions entre sociétés apparentées en vue de déceler de tels transferts occultes et de mettre en jeu l'article 57 lorsque des facturations anormales auront été relevées", DB 4 A 121 et 4 A 1211, du 1er septembre 1993 N° Lexbase : X7003AAM).
(4) Recueil officiel de jurisprudence fiscale (DGI).
(5) Bulletin des contributions directes (Dupont).
(6) "Votre jurisprudence antérieure à la décision du 31 octobre 1973 n'avait en général pas hésité à aller jusqu'au bout de la logique de la correction symétrique et à admettre par conséquent, la rectification d'écritures d'exercices prescrits ou amnistiés, ce qui interdisait évidemment à l'Administration d'en tirer des conséquences fiscales", concl. M. Schricke sous CE Contentieux, 13 mars 1981, n° 12508, Caisse centrale (N° Lexbase : A7037AKT), GAJF, p. 586.
(7) GAJF, op. cit., p. 587. V. également l'exemple donné dans le même ouvrage (p. 586).
(8) "Il est clair, qu'en pratique, les contribuables omettent plus souvent de déclarer des produits que de déclarer des charges, de sorte que la jurisprudence du 31 octobre 1973 est nécessairement plus souvent favorable au Trésor qu'au contribuable", concl. M. Schricke sous CE Contentieux, 13 mars 1981, n° 12508, Caisse centrale N° Lexbase : A7037AKT, GAJF, op. cit., p. 589.
(9) CE 9° et 7° s-s-r., 28 janvier 1976, n° 77909 (N° Lexbase : A8826B8E) ; CE Contentieux, 27 juillet 1979, n° 11717 (N° Lexbase : A2343AKY) ; CE Contentieux, 20 avril 1984, n° 37050 (N° Lexbase : A2777ALG).
(10) "Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du Code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt [...]. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés' ; que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du Livre des procédures fiscales".
(11) Ce dernier aspect étant conforme à sa jurisprudence antérieure : "Considérant qu'il est constant que, d'une part, la société requérante avait augmenté la valeur de son actif net comptable à la clôture des exercices antérieurs à 1964, notamment à la clôture de l'exercice 1963, en laissant figurer à l'actif, au poste travaux en cours', des sommes correspondant à des frais de fabrication supportés au cours de l'exercice et constituant purement et simplement des charges d'exploitation de l'exercice ; que, d'autre part, la société a entrepris à partir de 1964 de résorber' ce poste ne correspondant à aucun actif réel ; qu'enfin c'est précisément la diminution du montant de ce poste de l'actif entre l'ouverture et la clôture de l'exercice 1964 qui est la cause des résultats déficitaires litigieux ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme le soutient d'ailleurs la société requérante elle-même, ce n'est pas par erreur ou inadvertance, mais au contraire volontairement, eu égard aux inconvénients de toute nature qu'aurait entraînés la mise en lumière de sa situation réelle, que la société a surestimé, au moyen du poste travaux en cours', la valeur de son actif net à la clôture de l'exercice 1963 ; qu'en raison du caractère délibérément irrégulier de ces écritures, celles-ci n'étaient pas opposables à l'administration, qui s'est donc refusée à bon droit à regarder la perte comptable résultant de la remise en ordre opérée en 1964 comme constituant un déficit reportable de cet exercice", CE Contentieux, 27 juillet 1979, n° 11717 (N° Lexbase : A2343AKY).
(12) "Le bon sens commande peut-être que les services fiscaux, avant de chercher auprès du Parlement une parade juridique à la décision min. c/ SARL Ghesquière Equipement, déterminent dans quelle mesure une refonte ou un accroissement de leurs contrôles [...] pourrait permettre [...] de limiter la perte de matière imposable imputable au revirement de jurisprudence", Centre de documentation du Conseil d'Etat, Correction des écritures comptables : la règle de l'intangibilité à l'heure du bilan, RJF, octobre 2004, p. 719.
(13) "En application du troisième alinéa du 4 bis de l'article 38, la règle de l'intangibilité du bilan ne s'applique pas en cas de correction d'omissions ou d'erreurs résultant : - de la pratique de dotations aux amortissements excessifs au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 au cours de la période prescrite ; - de la passation à tort en charges au cours d'exercices prescrits de frais qui auraient dû venir majorer le coût de revient d'éléments de l'actif immobilisé ; - de la comptabilisation en charges au cours d'exercices prescrits de dépenses constitutives d'immobilisations", instr. précitée, § 39.
(14) "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales [N° Lexbase : L2974IAEsont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard".
(15) "Le rachat par une société d'actions de son propre capital quand il ne s'accompagne pas de leur annulation et d'une réduction corrélative de ce capital, a néanmoins pour effet de transférer dans le patrimoine de l'actionnaire une partie de l'actif social qui revêt le caractère de revenus distribués au sens de l'article 109-1° [N° Lexbase : L8052AEX] et 2° du CGI. Il s'ensuit que, dans ce cas, l'impôt sur le revenu est exigible sur l'excédent du prix de rachat soit sur le montant des apports réels ou assimilés, soit, s'il est supérieur, sur le prix d'acquisition des droits sociaux, c'est-à-dire sur l'enrichissement du porteur" .

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