La lettre juridique n°300 du 10 avril 2008 : Conventions et accords collectifs

[Jurisprudence] Versement de l'indemnité de sujétion : conditions et preuve des sujétions

Réf. : Cass. soc., 27 mars 2008, n° 06-44.612, Association départementale amis parents enfants inadaptés (ADAPEI) du Var, FS-P+B (N° Lexbase : A6051D7A)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Le bénéfice des avantages prévus par les conventions collectives au profit de certains salariés est, parfois, subordonné à la présence de conditions particulières. Tel est le cas de l'indemnité de sujétion, prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265 du 21 avril 1999 à la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, qui subordonne le versement de l'indemnité au fait que le cadre subisse au moins une sujétion parmi celles qu'elle énumère. Qui doit établir la présence ou, au contraire, l'absence de cette ou de ces sujétions ? La convention ne prévoit rien de particulier sur ce point. Il n'existe, en outre, aucune présomption au profit du salarié qui permettrait à ce dernier d'être déchargé d'une quelconque preuve. C'est donc à tort que les juges du second degré avaient accordé au salarié le bénéfice de cette indemnité, sans relever la présence d'aucune sujétion, en considérant qu'imposer au salarié qu'il établisse la présence des sujétions revenait à ajouter au texte une condition qu'il ne contient pas. Comme l'affirme justement la Haute juridiction, dans un arrêt du 27 mars 2008, pour se voir attribuer l'indemnité, le salarié doit subir personnellement l'une des sujétions énoncées. Cette solution doit, en tous points, être approuvée.
Résumé

Pour bénéficier de l'indemnité de sujétion prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265 du 21 avril 1999 à la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, le salarié doit subir personnellement l'une ou plusieurs des sujétions énoncées.

Commentaire

I - Régime de l'indemnité de sujétion

  • Seuil de déclenchement

L'article 12 de la Convention collective des établissements et services pour les personnes inadaptées et handicapées a trait aux indemnités de sujétion particulière.

Dans un premier point (article 12-1), ce texte prévoit les conditions de versement aux directeurs et directeurs adjoints de l'indemnité liée au fonctionnement de l'association. Dans un second point (article 12-2), il est traité de l'indemnité liée au fonctionnement des établissements et services.

Cette dernière indemnité, dont il était question dans la décision commentée, est destinée aux cadres ayant des missions de responsabilité dans un établissement et remplissant une ou plusieurs sujétions prévues par le texte.

L'indemnité de sujétion est, ainsi, versée en raison du fonctionnement en continu avec hébergement de l'établissement, et/ou du nombre de salariés, lorsqu'il est supérieur ou égal à 30 permanents à temps plein ou à temps partiel, y compris les titulaires de contrats aidés et/ou des activité économiques de production et de commercialisation et/ou d'une mission particulière confiée par l'association ou la direction et/ou de la dispersion géographique des activités et/ou des activités liées à l'ensemble de structures comprenant au moins trois agréments ou habilitations, trois budgets différents, des comptes administratifs distincts.

Cette indemnité est fixée par l'administration en fonction du nombre et de l'importance des sujétions subies et dans les limites fixées par le texte. Il faut qu'une sujétion énumérée par l'article 12-2 soit présente pour que le salarié puisse y prétendre.

  • Montant de l'indemnité de sujétion

Il est prévu que, pour les cadres de la classe 1, l'indemnité est comprise entre 70 et 210 points et qu'elle ne peut être inférieure à 120 points pour le directeur d'un établissement ou service à fonctionnement continu avec hébergement et pour le directeur cumulant, au moins, deux sujétions.

Le minimum est porté à 140 points pour le directeur d'un établissement ou service à fonctionnement continu avec hébergement soumis à l'une, au moins, des autres sujétions, ainsi que pour le directeur cumulant, au moins, deux des sujétions dont les activités liées à un ensemble de structures comprenant au moins trois agréments ou habilitations, trois budgets différents et des comptes administratifs distincts.

Pour les cadres de la classe 2, l'indemnité est comprise entre 15 et 135 points et ne peut être inférieure à 80 points lorsque le cadre exerce son activité dans un établissent ou service à fonctionnement continu avec hébergement et à 100 points si le cadre est soumis à au moins une autre sujétion (en plus du fonctionnement continu). Il est, en outre, prévu que, lorsque le cadre est soumis à, au moins, deux sujétions, il ne peut se voir attribuer une indemnité inférieure à 70 points.

Enfin, une disposition spéciale est prévue pour les cadres et administratifs de la classe 3. Ces derniers bénéficient d'une indemnité en fonction des sujétions spécifiques qu'ils supportent et qui ne sont pas liées au fonctionnement de l'établissement ou du service. Cette indemnité est fixée entre 15 et 135 points.

C'est cette catégorie de salariés qui était concernée dans la décision commentée et qui demandait le versement de l'indemnité de sujétion. Pour y prétendre, encore faut-il que l'une ou plusieurs sujétions soit effectivement subie par le salarié et que cela soit démontré.

  • Espèce

Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de psychologue cadre, classe 3, à temps partiel, occupait un poste rattaché administrativement à un foyer et exerçait, également, au sein de deux autres structures autonomes. Il avait saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le versement de l'indemnité de sujétion prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, à la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

La cour d'appel avait fait droit à sa demande.

La Cour de cassation ne l'entend pas de la même manière. Cette dernière vient, en effet, au visa de l'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, à la Convention collective nationale des établissement et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, affirmer que, pour bénéficier de l'indemnité, le salarié doit subir personnellement une ou plusieurs sujétions particulières prévues par ce texte.

Relevant que les juges du second degré, pour condamner l'employeur à verser l'indemnité de sujétion, avaient refusé d'imposer au salarié d'établir qu'il supportait effectivement et personnellement une des sujétions prévues par le texte, elle casse cette décision.

Cette solution est parfaitement logique. En décidant dans ce sens, les juges du fonds avaient fait comme si les partenaires sociaux avaient institué, au profit du salarié cadre de troisième classe, une présomption, laquelle ne résulte ni expressément, ni implicitement, des termes de la convention.

II - Une preuve partagée

  • Une preuve partagée

L'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, subordonne le versement de l'indemnité aux cadres ayant des missions de responsabilité et subissant une ou plusieurs sujétions prévues par la convention.

Le fait de subir une sujétion est le seuil de déclenchement du versement de l'indemnité, le seuil d'accroissement étant, quant à lui, lié au nombre et à la nature des sujétions qu'est amené à subir le salarié cadre. Quid de la preuve de ces sujétions ?

L'indemnité est liée non pas à l'emploi, mais au fonctionnement des établissements et services. Il n'existe aucune présomption au profit du cadre qui permettrait de le dispenser de prouver qu'il est en charge de sujétions particulières et donc de lui attribuer l'indemnité juste en raison de sa qualité.

Tel aurait été le cas si les partenaires sociaux avaient retenu une rédaction différente prévoyant une indemnité de principe au profit des cadres, inhérente à cette qualification celle-ci impliquant théoriquement des sujétions particulières (limitativement énumérées par la convention), tout en laissant à l'employeur la possibilité de combattre cette présomption en établissant qu'à l'occasion de son travail, le salarié particulier ne subit aucune des sujétions énumérées.

En l'absence de présomption sur ce point, la charge de la preuve doit être partagée. Il appartient donc aux parties de faire la preuve de leurs prétentions, le salarié devant démontrer la présence d'au moins une sujétion, l'employeur devant, quant à lui, établir que le cadre ne subit, à l'occasion de son travail, aucune des sujétions particulières prévues par l'article 12-2 de la convention.

Le juge, face à une telle situation, ne peut prendre de décision qu'aux vus des éléments fournis par les parties et n'a pas d'autre alternative que d'accorder le bénéfice de la prime au salarié qui subit au moins une sujétion et de le refuser au salarié qui n'établit pas subir au moins une sujétion.

Cette solution a été confirmée par plusieurs décisions inédites du même jour.

  • Une solution confirmée

L'espèce commentée n'est pas la seule décision rendue le 27 mars 2008 dans laquelle il était question de l'indemnité de sujétion prévue par la Convention collective nationale des établissement et services pour personnes inadaptées et handicapées (Cass. soc., 27 mars 2008, Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (ADAPEI) du Var, FS-D, 8 espèces, n° 06-44.617, N° Lexbase : A6055D7E ; n° 06-44.618 N° Lexbase : A6056D7G ; n° 06-44.609 N° Lexbase : A6048D77 ; n° 06-44.610 N° Lexbase : A6049D78 ; n° 06-44.614 N° Lexbase : A6053D7C ; n° 06-44.613 N° Lexbase : A6052D7B ; n° 06-44.611 N° Lexbase : A6050D79 ; n° 06-44.615 N° Lexbase : A6054D7D). Dans tous ces arrêts, il est dégagé et appliqué le même principe, principe en vertu duquel, "le salarié doit subir personnellement une ou plusieurs sujétions énoncées pour bénéficier de l'indemnité".

Lorsque la présence de ces sujétions avait effectivement été relevée par les juges du second degré, la Haute juridiction confirme leur décision. Au contraire, lorsque l'attribution de l'indemnité a été faite sans qu'aucun critère ne soit expressément relevé, comme dans l'espèce commentée, au motif qu'imposer au salarié d'établir qu'il supporte effectivement et personnellement une ou plusieurs sujétions, c'est ajouter au texte un critère qui n'y figure pas, la décision est cassée et les parties renvoyées pour qu'il soit à nouveau jugé... et les éventuelles sujétions dégagées.

Décision

Cass. soc., 27 mars 2008, n° 06-44.612, Association départementale amis parents enfants inadaptés (ADAPEI) du Var, FS-P+B (N° Lexbase : A6051D7A)

Cassation de CA Aix-en-Provence, 18ème ch., 6 juin 2006

Mots clefs : indemnité de sujétion ; convention collective ; critères de versement limitativement énumérés ; preuve de la présence de ces sujétions ; partage de la charge de la preuve.

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