La lettre juridique n°264 du 14 juin 2007 : Procédures fiscales

[Doctrine] Etablissements stables et activités occultes : propos de procédure

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

le 07 Octobre 2010

A l'issue des contrôles des établissements stables de sociétés étrangères en France, il arrive que ces dernières voient la période de vérification s'allonger au motif tiré de l'exercice d'une activité occulte. I. L'allongement de la période vérifiée des établissements stables en France de sociétés étrangères

Les services fiscaux peuvent faire application dans ce type de situation des dispositions de l'article L. 169, alinéa 2, du LPF (N° Lexbase : L4751HWU) à l'effet de proroger leur délai de reprise (loi n° 96-1181, du 30 décembre 1996, de finances pour 1997, art. 115-I et VIII N° Lexbase : L2058A4Y).

Cet article précise que, pour l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due et, par exception, son alinéa 2 permet à l'administration d'exercer ce droit jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.

Pour que le délai de reprise de six ans puisse être mis en oeuvre, le texte prévoit deux conditions qui doivent être remplies cumulativement, la première ayant trait à la souscription de déclarations et la seconde aux formalités de déclaration de l'activité du contribuable.

Or, il arrive que les services de vérification considèrent que, au regard de la situation des établissements stables en France de sociétés étrangères, ces deux conditions sont remplies dès lors que ces sociétés se seraient abstenues d'effectuer, au titre de leur établissement stable les demandes d'immatriculation auprès d'un centre de fiscalité des entreprises et n'auraient pas souscrit dans les délais légaux, les déclarations fiscales qu'ils étaient tenus de déposer.

Cependant, on peut observer, dans certains cas, que certaines sociétés étrangères déclarent spontanément leurs opérations en France à la taxe sur le chiffre d'affaires en procédant aux formalités de déclaration et d'identification auprès des recettes des impôts compétentes à l'appui, le plus souvent, d'un mandat désignant un représentant fiscal en France, remontant parfois à bien avant la modification des dispositions de l'article L. 169 du LPF.

L'administration ignore souvent que ces sociétés ont souscrit régulièrement leurs déclarations de TVA depuis très longue date et ce jusqu'à la date du contrôle motivant la recherche de l'existence d'un établissement stable en France.

Parfois même, les services de contrôle sont amenés à procéder à un contrôle des déclarations de TVA souscrites par ces sociétés étrangères par l'intermédiaire de leur représentant pour leurs opérations en France se soldant, parfois, par une absence de redressements.

Il s'ensuit qu'au regard, tout au moins, de la première condition visée par le texte, relative au défaut de souscription de déclarations, celle-ci ne se trouve donc pas normalement remplie pour ces sociétés, dès lors qu'elles ont souscrit leurs déclarations de TVA ; cette circonstance faisant normalement obstacle aux conditions d'application de la prorogation du droit de reprise de l'administration.

En effet, la prorogation du délai de reprise ne s'applique que si le contribuable, à la fois, n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu'il était tenu de souscrire, et s'est abstenu de déclarer son activité.

Selon la volonté du législateur, il faut entendre par "souscription de déclarations", l'une quelconque des déclarations dont la souscription dans les délais incombe au contribuable, et alors même que la déclaration au centre des formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce n'a pas été effectuée. Toujours selon la volonté du législateur, il faut entendre par "activités occultes" les "activités réellement clandestines".

On constatera que la doctrine administrative (instruction du 30 octobre 1997, BOI 13 L-4-97 ; instruction du 1er juillet 2002, BOI 13 L-1218, n° 7, 10 à 11 ; instruction du 16 mars 2000, BOI 13 N-3-00, n° 10 à 12 N° Lexbase : X7863AAH) reprend à son compte les volontés du législateur dans ses commentaires pris pour l'application aux rappels d'impôts de la majoration de 80 % pour activité occulte visée à l'article 1728-1 c du CGI (N° Lexbase : L1715HNT) (CGI, art. 1728-3°, al. 3, ancien N° Lexbase : L4158HMX).

Il apparaît clairement que le délai spécial de six ans n'est pas applicable dans ce type de situation, dans la mesure où le législateur a manifestement voulu, en effet, uniquement pénaliser ceux des contribuables qui ont une activité occulte pris au sens d'activité "clandestine", et non ceux qui se sont fait connaître d'une autre manière, même insuffisante ou avec une certaine négligence, ou encore ceux dont la situation s'analyse en une insuffisance de déclaration ou en une requalification de leurs opérations qu'ils considéraient comme non imposables au regard d'une imposition déterminée.

Il s'ensuit que les conditions visées à l'article L. 169, alinéa 2, du LPF ne se trouvant pas réunies, ce dernier ne peut être normalement appliqué dans ce type de situation en sorte que la prorogation du délai de reprise que peuvent s'octroyer les services de contrôle est dépourvue, dans ces conditions, de toute base légale.

II. Motivation des pénalités pour activités occultes

Les services de contrôle, tirant les conséquences de la prorogation de leur droit de reprise au titre d'une activité qualifiée d'occulte exercée en France par une société étrangère, sous couvert d'un établissement stable, peuvent faire application aux rappels d'impositions de la majoration de 80 % visée à l'article 1728-1 c du CGI (CGI, art. 1728-3°, al. 3, ancien).

La motivation de cette pénalité par les services est souvent identique à celle les ayant indûment conduit à proroger leur délai de reprise sur le fondement de l'article L. 169, alinéa 2 du LPF, à savoir l'absence de déclarations souscrites dans les délais et l'absence de formalités relatives à la déclaration d'une activité exercée en France.

A l'appui de cette motivation, la doctrine administrative est partiellement reproduite (instruction du 16 mars 2000, BOI 13 N-3-00 précitée, reprise des instructions du 30 octobre 1997, BOI 13 L-4-97 et du 1er juillet 2002, BOI 13 L-1218 n° 7, 10 à 11) en occultant l'essentiel de l'interprétation que cette dernière donne des conditions d'application de l'article 1728-3°, alinéa 3 ancien du CGI (CGI, art. 1728-1 c, nouveau) ou en donnant une appréciation totalement erronée de ces mêmes conditions.

En premier lieu, il convient de rappeler que le paragraphe 10 de l'instruction précise que "lorsque l'une quelconque des déclarations incombant au contribuable a été souscrite, le cas échéant hors délai, et alors même que la déclaration au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce n'a pas été effectuée, le dispositif prévu au 3° alinéa 3 de l'article 1728 n'est pas applicable".

Or, il se trouve que l'une quelconque des déclarations incombant aux sociétés étrangères, à savoir la déclaration de taxe sur le chiffre d'affaires CA3/CA4 (visées par les dispositions de l'article L. 169, alinéa 2, du LPF), est parfois souscrite dans les délais comme précisé ci-avant, étant observé que cette dernière a préalablement donné lieu à déclaration de formalités pour identification auprès de la recette des impôts compétente pour les recevoir.

Par ailleurs, cette situation ne doit pas être confondue avec celle des déclarations de résultats souscrites par ces mêmes sociétés étrangères pour leur établissement stable à la suite de mise en demeure et donc hors délais.

En effet, certes, concernant ces dernières, si l'administration précise dans sa doctrine au paragraphe 11, "que [...], lorsque postérieurement à l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité [...] le contribuable souscrit pour la première fois une ou plusieurs des déclarations afférentes à l'activité professionnelle déclarée [...], la majoration de 80 % sera appliquée aux rappels", le service ne peut ignorer que, dans certains cas particuliers, les sociétés étrangères ont souscrit préalablement dans les délais, et ce parfois sur de très longues périodes, leurs déclarations de TVA.

Or, la déclaration de TVA est, au sens du paragraphe précédent, au nombre de "l'une quelconque des déclarations incombant au contribuable" qui justifie la non-application par l'administration du dispositif de l'article 1728-1 c du CGI (CGI, art. 1728-3°, al. 3, ancien).

La position ainsi prise par l'administration dans sa doctrine au regard de la souscription d'une déclaration spécifique concernant la TVA se trouve expressément réitérée au paragraphe 12 de la même instruction, laquelle fait référence, non sans intérêt, à la volonté du législateur.

En effet, dans ce dernier paragraphe, l'administration précise que "compte tenu de l'intention du législateur de réserver l'application de la majoration de 80 % aux activités réellement clandestines, [...] les dispositions ne s'appliquent pas" dans le cas où "le contribuable a souscrit les déclarations de TVA afférentes à une activité professionnelle mais non celles se rapportant [...] aux résultats (IS) correspondants".

Il sera observé que la doctrine définit la notion d'activités occultes par les termes "d'activités réellement clandestines" et qu'elle considère qu'en présence de la souscription régulière de déclarations de TVA par le contribuable, à défaut d'autres déclarations fiscales ou de déclaration au centre de formalités des entreprises, les rappels d'impositions non spontanément déclarées ne peuvent être effectués au titre d'activités occultes prises au sens d'activités "clandestines".

Il s'ensuit que l'application de la majoration de 80 % sur le fondement de l'article 1728-1 c du CGI (CGI, art. 1728-3°, al. 3, ancien) ne peut être normalement appliquée dans ces hypothèses particulières, faute de base légale, dans la mesure où les conditions mêmes de l'article L. 169, alinéa 2, ne sont pas réunies.

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