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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés
le 07 Octobre 2010
La procédure de l'article L. 16 B du LPF caractérise un moyen encadré "d'investigations" de recherche de la preuve de la fraude fiscale par l'administration fiscale pour les besoins de son contrôle, susceptible de déboucher sur une éventuelle action correctionnelle.
Elle doit être distinguée de la procédure de vérification de comptabilité (LPF, art. L. 47 N° Lexbase : L3907ALB) et de la procédure d'enquête visée à l'article L. 80 F du LPF (N° Lexbase : L7991AEP), ainsi que de la perquisition pénale prévue par les dispositions des articles 56 (N° Lexbase : L8712GQQ), 67 (N° Lexbase : L7247A48) et 96 (N° Lexbase : L0974DYQ) du Code de procédure pénale. En effet, la procédure de "visite domiciliaire" n'a pour seul objet que de permettre, sous contrôle de l'autorité judiciaire, la seule prise ou saisie de pièces et documents en rapport direct avec la fraude recherchée n'impliquant aucun contrôle ou interrogatoire sophistiqué, ce dernier se trouvant limité à l'indication du lieu de situation des documents.
Cette procédure spécifique et exorbitante peut être, ainsi, schématisée au plan de la chronologie des opérations et de ses suites :
Il est à noter que cette procédure a été validée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 8 janvier 2002, req. 51578/99, Keslassy c/ France N° Lexbase : A9798DDA ; Cass., civ. 2, 21 avril 2005, n° 02-21.148, FS-P+B N° Lexbase : A9541DHT) en ce qu'elle ne contrevenait pas aux dispositions des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH).
L'opération de "visite domiciliaire" ne peut être engagée par l'administration que sous des conditions et modalités spécifiques expressément visées par les dispositions de l'article L. 16 B du LPF tenant à l'autorisation de "visite" et de "saisie", ainsi qu'aux modalités d'intervention des différents acteurs à la procédure.
1. Les conditions et modalités d'intervention des différents acteurs à la procédure de "visite" et de "saisie"
L'administration des impôts doit, préalablement à toute "visite", saisir l'autorité judiciaire, seule à autoriser ses agents, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts (LPF, art. R. 16 B-1 N° Lexbase : L3960ALA), à rechercher la preuve des agissements frauduleux des contribuables.
Chaque visite doit, en effet, être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
Il doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation, qui lui est soumise, est bien fondée et, à cet effet, la demande d'autorisation de l'administration doit comporter tous les éléments d'information en sa possession de nature à justifier la visite.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention comporte l'adresse des lieux à visiter, ainsi que le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite.
Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux, dont la preuve est recherchée. S'agissant d'une présomption de fraude (Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-30.258, Mlle Celine Uzan c/ M. le Directeur général des impôts N° Lexbase : A4592C79), l'action du juge conduit à "contrôler l'apparence" de la situation qui lui est présentée par l'administration à l'appui des pièces produites détenues par cette dernière d'une manière licite (Cass. com., 11 juillet 2000, n° 98-30.366, M. Bernard Gille c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9138AGK) et dont l'origine doit être mentionnée dans l'ordonnance.
Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit, dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal.
La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. A cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations.
Il désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
Il peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention.
A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal qui sera délivré. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.
A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance dans les conditions prévues par les articles 550 et suivants du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3944AZ4), prévoyant que les citations et significations sont faites par exploits d'huissier de justice.
La visite, qui ne peut être commencée avant six heures, ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts.
Les agents de l'administration des impôts mentionnés peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs.
Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense (C. pr. pén., art. 56 et 58 N° Lexbase : L0817G97).
Un procès-verbal, relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées, est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts.
Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire, ainsi que par l'occupant des lieux ou son représentant ou à défaut par les témoins choisis par l'officier de police judiciaire. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire, et un inventaire est, alors, établi.
Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite et une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant.
Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite. Toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente.
2. Les modalités de contestation des opérations de "visite" et de "saisie"
Les délais et modalités des voies de recours, dont dispose le contribuable "visité" pour contester la procédure dont il a fait l'objet, sont mentionnés sur les actes de notification et de signification tant de l'ordonnance que celle du procès-verbal de perquisition et d'inventaire.
Ces mentions ne portent essentiellement que sur les délais et modalités de contestation de l'ordonnance (C. pr. pén., art. 588, alinéa 1er N° Lexbase : L4426AZX, art. 576 N° Lexbase : L3969AZZ et suivants). Il n'est dit mot, en revanche, sur les modalités de contestation des opérations d'exécution de la "visite". Quant aux suites et aux effets de la perquisition sur la procédure de redressement et, le cas échéant sur l'ouverture d'une action pénale, par l'administration à l'encontre du contribuable, dont la fraude est recherchée, les modalités de contestation de la perquisition suivent les délais et modalités propres auxdites procédures ultérieurement engagées par les services de vérification.
Ainsi, les contestations afférentes à une opération de "visite" ou de perquisition s'étendent, donc, dans le temps. Trois phases se distinguent, les deux premières ayant trait aux opérations de saisie et, principalement, à l'ordonnance et la troisième ayant trait à l'appréciation des redressements notifiés qui s'en sont suivis et leurs suites judiciaires, éventuellement, pénales.
SCHEMA
La question des modalités de contestation de la "visite domiciliaire" n'est pas sans intérêt, dans la mesure où l'administration des impôts peut opposer au contribuable les informations recueillies dans le cadre de son contrôle. Elle ne peut le faire, toutefois, qu'après avoir procédé à la restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction pour la mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 du LPF.
2.1. Les recours sur les opérations de "visite" et de "saisie" et sur l'ordonnance
Le contribuable "visité" doit apprécier formellement les opérations de "visite" et de "saisie", ainsi que le contenu de l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire.
- Le recours devant le juge des libertés et de la détention autour des difficultés rencontrées durant l'exécution des opérations de "visite" et de "saisie".
Le contribuable faisant l'objet de la visite domiciliaire devra s'attacher à surveiller, au cours du déroulement des opérations de "visite" et de "saisie", les conditions et les modalités de leur exécution par les autorités habilitées par le juge des libertés et de la détention, ainsi que leurs agissements tant au niveau des personnes que des biens, objets de la procédure, ainsi que des informations de toute sorte qu'il aura pu recueillir.
En effet, ce contrôle de vigilance lui permettra d'apprécier l'opportunité d'engager sur-le-champ, c'est-à-dire en cours d'opération ou, ultérieurement, les recours appropriés sur les difficultés rencontrées lors de l'exécution des opérations de visite domiciliaire. Ces irrégularités seront susceptibles d'aboutir à l'annulation de l'intégralité de la procédure de "visite".
Toutefois, la visibilité, dont dispose le contribuable "visité" sur le ou les recours applicables à la contestation des opérations matérielles de "visite" et de "saisie", est particulièrement "brouillé" depuis un revirement de jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation intervenue le 30 novembre 1999 (Cass. com., 30 novembre 1999, n° 98-30.005, Société Bec frères c/ Directeur général de la Concurrence de la Consommation N° Lexbase : A5559AWS) et transposée à la procédure administrative fiscale de visite domiciliaire par un arrêt du 18 avril 2000 (Cass. com., 18 avril 2000, n° 98-30.146, M. Jean Asquini c/ Directeur général des impôts, inédit au bulletin, Cassation sans renvoi N° Lexbase : A3815CW9 ; Cass. crim., 23 mai 2002, n° 00-30.305, La Société CGEA Transports et autres N° Lexbase : A1760CZ9), aux termes desquels la mission du juge des libertés et de la détention prend fin avec la remise de la copie du procès-verbal de perquisition et d'inventaire, en sorte qu'il ne peut plus être saisi, par la suite, d'une irrégularité des opérations. En effet, selon la Haute cour, une telle contestation relève "du contentieux, dont peuvent être saisies les autorités de décision [ou juridiction] appelées à statuer sur les poursuites éventuellement engagées sur le fondement des documents, ainsi, appréhendés". Avant cette jurisprudence, le contribuable "visité" disposait d'un seul et unique recours "en difficulté d'exécution" des opérations de "visite" et de "saisie" devant un seul et unique juge, le juge de "l'autorisation" (le Président du tribunal de grande instance ou un magistrat ayant reçu délégation avant l'intervention du juge des libertés et de la détention). Désormais, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut, ainsi, contester lesdites opérations à deux moments dans le temps et devant deux autorités distinctes.
En premier lieu, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut contester la régularité des opérations de "visite" et de "saisie", en cours de déroulement, en demandant leur annulation devant "le juge des libertés et de la détention" à l'origine de l'autorisation des visites, et ce, jusqu'à la signature du procès-verbal de perquisition et d'inventaire.
Il convient d'observer qu'il peut être parallèlement demandé devant ce même juge la suspension et l'arrêt des opérations de "visite" et de "saisie". En effet, tout intéressé, préalablement à tout recours sur la régularité de l'ordonnance ou des opérations de visites et de saisies autorisées, tient de la loi le droit de solliciter par requête devant le magistrat qui a pris la décision d'autorisation, la suspension ou l'arrêt des opérations en cours d'exécution, en raison de l'existence de motifs graves pouvant justifier son emploi. Il est fait observer que cette procédure de suspension était systématiquement rejetée, antérieurement à la jurisprudence précitée, par le magistrat concerné par les opérations et qu'aujourd'hui elle n'a pas plus de chance de prospérer qu'avant.
En second lieu, le contribuable "visité" ou toute personne intéressée peut valablement contester, à l'occasion de la procédure d'établissement de l'impôt, la régularité des opérations de "visite" et de "saisie" devant "les autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites", qui se sont, au sens de la jurisprudence dominante et d'une partie de la doctrine, non encore définitivement fixées sur ce sujet (voir ci-après 2.2.), l'administration fiscale puis le juge de l'impôt appelés à statuer sur les impositions redressées fondées sur les documents appréhendés lors des opérations de "visite" et de "saisie".
- Le recours devant le juge civil des référés (tribunal de grande instance)
Cette action sur le fondement de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC), dont l'objectif serait d'annuler les opérations de "visite" peut être envisagée plus particulièrement dans deux hypothèses. La première correspond à la situation dans laquelle les opérations ont conduit les autorités habilitées par le juge des libertés et de la détention à saisir, par exemple, des pièces et documents sans rapport aucun avec le but assigné à l'administration par l'ordonnance. La seconde correspond à la situation dans laquelle il serait constaté au cours des opérations de visite un comportement de ces mêmes autorités excédant l'exercice normal de leur pouvoir conformément, toujours, aux prescriptions de l'ordonnance. Ces circonstances caractérisent de près ou de loin "une atteinte aux libertés publiques détachables des pouvoirs" donnés à l'administration par l'ordonnance et, donc, "un trouble manifestement illicite" (Cass. com., 4 avril 1995, n° 93-18.016, Société Somedec et autres c/ Direction nationale d'enquêtes fiscales N° Lexbase : A1256AB7). Ce constat conduit à subordonner la recevabilité et la validité d'une telle action visant à l'annulation des opérations de "visite" et de "saisie" que si les irrégularités constatées sont détachables de l'autorisation de "visite" et de "saisie" délivrée par le juge des libertés et de la détention.
Le contribuable ayant fait l'objet "d'une visite domiciliaire" doit s'attacher à examiner la validité des mentions formelles devant impérativement figurer sur l'ordonnance au sens de l'article L. 16 B du LPF relatives tant à la compétence des acteurs de la procédure qu'à leurs obligations (qu'il s'agisse des autorités fiscales, du juge délivrant l'ordonnance et de l'autorité de police judiciaire assistant le juge) qu'à l'objet de l'autorisation de la "visite" ou perquisition (touchant aux personnes concernées, aux lieux et objet des visites, ainsi qu'à la nature des investigations autorisées et aux pièces saisies). Ce contrôle devrait mettre à même le contribuable d'apprécier l'opportunité de se pourvoir ou non en cassation sur les irrégularités de l'ordonnance d'autorisation de "visite".
L'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale, lequel n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance et, aux termes des dispositions de l'article 568 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0864DYN), le contribuable dispose, pour former son pourvoi en cassation, d'un délai de cinq jours francs à compter de la notification de l'ordonnance.
Ce recours non suspensif, matérialisé par une déclaration de pourvoi, doit être formé, aux termes de l'article 576 du même code (N° Lexbase : L3969AZZ), au greffe du tribunal, dans le ressort duquel le juge des libertés et de la détention, qui a rendu l'ordonnance, exerce ses compétences.
Ce pourvoi doit être dûment signé par le demandeur en cassation lui-même ou par un avoué près la juridiction, qui a statué, ou par un fondé de pouvoir spécial.
Le demandeur au pourvoi doit notifier son pourvoi, selon les dispositions de l'article 578 toujours du même code, à l'administration fiscale et au ministère public.
Le demandeur aura la précaution de faire appel à un avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat pour préparer et introduire un mémoire ampliatif, et ce, dans l'intérêt bien compris de sa défense. A cet endroit, il est rappelé que les dispositions de l'article 584 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4425AZW) précisent que le demandeur en cassation a la faculté de déposer lui-même, soit en faisant sa déclaration de pourvoi, soit dans les dix jours suivants, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, un mémoire, signé de lui, contenant ses moyens de cassation.
Il est à noter, enfin, qu'à la suite des ordonnances des 24 juillet et 1er novembre 2000 du Premier président de la Cour de cassation, les pourvois formés contre les ordonnances autorisant les visites domiciliaires relèvent, désormais, de la compétence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
2.2. Les différents recours sur les conséquences des opérations de "visite" et "saisie" domiciliaire à l'appui de la procédure de contestation des impositions
Ces recours sont susceptibles d'intervenir, notamment, après la restitution des documents saisis lors de la visite. Cette restitution doit intervenir dans le délai de six mois suivant l'achèvement des opérations autorisant l'administration à opérer, le cas échéant, un redressement à partir des documents saisis. Elle ne peut effectuer légalement de redressements fondés sur ces documents sans les avoir préalablement restitués au contribuable "visité". A compter de cette restitution, plusieurs recours sont susceptibles d'être employés par ce dernier à l'appui de la procédure de contestation des impositions.
Cette procédure permet aux parties concernées par la visite d'accéder a posteriori aux pièces du dossier, sur lequel le juge des libertés et de la détention a fondé son ordonnance. Cette faculté, dont dispose le contribuable "visité", constitue seulement une "mesure d'administration judiciaire" (Cass. com., 3 octobre 1995, n° 94-13.381, Ministre de l'Economie c/ Société Béton de France N° Lexbase : A1386ABX ; Cass. crim., 24 octobre 2001, n° 99-30.412, La Société exploitation Airnet et autres N° Lexbase : A7814CZG). Ces documents seront, en principe, communiqués au greffe de la Cour de cassation et l'avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat pourra les consulter. A défaut, la procédure d'accès aux pièces pourrait être intentée.
A l'occasion, en premier lieu, de la procédure de redressement et, notamment, par la voie des "observations du contribuable", puis, en second lieu, en cas de maintien de la position de l'administration, lors de la réclamation, puis, ensuite, devant les juridictions compétentes appelées à connaître du litige, le contribuable ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire pourra, au niveau de ces différents recours, tirer arguments pour faire tomber les redressements notifiés, soit de l'annulation de l'ordonnance par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, soit des irrégularités commises, lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire, et qui n'avaient pu donner lieu à suspension de la procédure, pour autant, bien entendu, que les redressements en question se fondent sur les pièces et documents appréhendés.
Il doit être rappelé que la notification de redressements doit, en toute hypothèse, se référer à la procédure de l'article L. 16 B du LPF et préciser la nature et la teneur des pièces saisies (avec le numéro de compostage), sur lesquelles le service de vérification s'appuie pour procéder à ses rehaussements.
Dans l'hypothèse où l'ordonnance a bien été contestée, l'effectivité et l'efficacité de la contestation dépendront des conséquences données par la Haute cour à l'issue du recours en annulation de l'ordonnance. Il doit être envisagé, à cet égard, les trois hypothèses classiques de décision de la Cour, à savoir, respectivement, la cassation, l'irrecevabilité et le rejet, en sorte que seules les décisions de cassation auront un effet direct et immédiat sur la procédure fiscale suivie, le cas échéant, par l'administration à l'encontre du contribuable "visité".
Une décision de cassation emportera, en effet, des conséquences sur la suite de la procédure de redressement en empêchant le service d'exploiter les documents saisis, lors de la visite.
Mais, cette circonstance favorable, le cas échéant, au contribuable "visité", en revanche, n'empêchera pas l'administration de procéder à des redressements à l'égard d'un autre contribuable que celui qui a fait l'objet d'une perquisition en se fondant sur des faits révélés à l'occasion des opérations de visites et de saisies pour établir son imposition, en raison du principe d'indépendance des procédures.
Si aucun recours en contestation des opérations de visites n'a été intenté lors du déroulement des opérations de perquisition devant le juge des libertés et de la détention et, qu'ultérieurement, sont décelées des irrégularités sur la période suivie le contribuable, à l'occasion de la procédure de contestation des impositions devant le juge de l'impôt, le contribuable pourra tenter d'invoquer ces irrégularités pour faire annuler la procédure d'imposition et rendre inopérant l'exploitation des documents saisis.
Le contribuable pourra, en effet, se référer à la jurisprudence naissante de certaines juridictions administratives, qui semblent reconnaître comme étant au nombre des "autorités de décision appelées à statuer sur les poursuites" l'administration fiscale, puis le juge de l'impôt appelés à statuer sur les impositions redressées fondées sur les documents appréhendés lors des opérations de visite et de saisie (TA Versailles, 19 septembre 2002, n° 97-4588, Société Ouest Emballages c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ; CAA Lyon, 5ème ch., 4 mai 2005, n° 98LY01732, M. Jean Peyre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3144DKN). Mais, cette solution n'est pas, à ce jour, encore entièrement acquise compte tenu de la jurisprudence contradictoire d'autres tribunaux administratifs et cours administratives d'appel sur le sujet (CAA Bordeaux, 3ème ch., 28 mars 2000, n° 97BX02040, SARL Le Métropole c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7070BEL ; CAA Bordeaux, 4ème ch., 26 mai 2005, n° 01BX01059, Héritiers de M. Grégoire Topalian c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6912DIT), et ce, dans l'attente d'une décision à venir du Conseil d'Etat.
Reste, bien entendu, à apprécier l'impact des irrégularités soulevées des opérations de "visite" et de "saisie" ou d'une annulation de l'ordonnance sur l'éventuelle procédure pénale résultant de la plainte engagée par l'administration pour fraude fiscale et pour autant que cette fraude soit révélée par les pièces et documents saisis lors des opérations de perquisition. D'une manière générale, il est observé que, si la fraude alléguée se trouve fondée sur des documents ou des moyens découlant d'une procédure judiciaire déclarée irrégulière, le juge pénal devrait, normalement, être conduit à décider l'annulation de la procédure pour fraude.
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