La lettre juridique n°196 du 5 janvier 2006 : Procédures fiscales

[Textes] Un nouvel horizon pour les pénalités !

Réf. : Ordonnance du 7 décembre 2005, n° 2005-1512, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités (N° Lexbase : L4620HDH)

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

le 07 Octobre 2010

L'ordonnance du 7 décembre 2005 portant diverses mesures de simplification en matière fiscale, harmonise et aménage le régime des pénalités fiscales.
Si l'objet de cette ordonnance participe à l'amélioration des relations entre les contribuables et l'administration en ce qui concerne les droits et garanties qui leur sont reconnus, elle opère surtout une véritable refonte des pénalités dans leur ensemble.
A cet effet, l'ordonnance réorganise les dispositions relatives aux pénalités en distinguant les intérêts de retard visés à l'article article 1727 (art. 12) des sanctions fiscales (art. 13) visés à l'article 1728 et suivants du CGI . Pour ces dernières elle fait ressortir neuf catégories principales d'infractions :

- infractions relatives aux déclarations et actes comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (CGI, art. 1728 à 1729 A) ;
- infractions relatives à la production de documents (CGI, art. 1729 B) ;
- retard de paiement des impôts (CGI, art. 1730 à 1731) ;
- opposition à fonctions et obstacles au contrôle de l'impôt (CGI, art. 1732 à 1735) ;
- infractions commises par les tiers déclarants (CGI, art. 1736) ;
- infractions aux règles de facturation (CGI, art. 1737) ;
- non-respect des obligations ou paiement par voie électronique (CGI, art. 1738) ;
- non-respect des conditions auxquelles sont subordonnés des avantages fiscaux (CGI, art. 1739 à 1740) ;
- délivrance irrégulière de documents permettant à un tiers de bénéficier d'un avantage fiscal (CGI, art. 1740 A).

Il n'échappera pas au lecteur attentif de l'ordonnance l'extension insidieuse de certaines sanctions spécifiques à des situations qui, jusqu'alors, ne se trouvaient pas expressément visées par l'application de certaines pénalités, telles les pénalités de mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses ou encore celles sanctionnant l'opposition à contrôle fiscal.

Il en est, ainsi, à compter du 1er janvier 2006, date d'application de l'ordonnance, des restitutions de créances fiscales (CGI, art. 1729) constituées par les crédits d'impôt ou les créances nées du report en arrière des déficits et dont le versement a été indûment obtenu. Ces pénalités ne s'appliquaient, jusqu'à l'intervention de l'ordonnance, principalement qu'aux hypothèses de remboursements de crédits de TVA.

Il sera noté la suppression de l'obligation visée à l'article 131 quater du CGI relative à l'obligation d'autorisation préalable du ministre de l'Economie et des Finances pour l'exonération du prélèvement libératoire des produits des emprunts contractés hors de France par les personnes morales françaises.

On remarquera avec intérêt les changements de formulation et la limitation des taux et montants des pénalités applicables.

Ainsi, la notion de "manquement délibéré" se substitue à celle de "mauvaise foi" (CGI, art. 1729).

En ce qui concerne la limitation des taux et montants, on observera que la majoration pour opposition à contrôle fiscal est ramenée de 150 % à 100 % (CGI, art. 1732). Il en est de même de la majoration de 80 % pour défaut de déclaration dans les délais de trente jours d'une seconde mise en demeure ramenée à 40 %, sauf dans l'hypothèse d'activités occultes dont la majoration demeure toujours fixée à 80 % (CGI, art. 1728).

Suivent de la même manière une réduction de taux (CGI, art. 1761) :

- de 80 % à 50 %, l'amende appliquée aux tiers déclarants pour défaut de déclaration des versements de revenus de capitaux mobiliers ;
- 100 % à 25 %, les amendes infligées pour infraction aux dispositions portant sur sur l'imposition des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents ou pour défaut de versement de la taxe forfaitaire sur les objets précieux.

Enfin, l'article 1731 du CGI refondu supprime la sanction de non-déductibilité pour défaut de déclaration des commissions, ristournes ou honoraires versés à des tiers pour la remplacer par une amende de 50 % (CGI, art. 1736 I-1).

Toutefois, les augmentations de taux ou de montants ne sont pas complètement absentes de l'ordonnance, il en est, ainsi, des augmentations :

- de 50 % à 80 %, la majoration pour dissimulation de prix en matière de droits d'enregistrement (CGI, art. 1729) ;
- de 15 euros à 150 euros, l'amende pour non dépôt de document servant à l'assiette de l'impôt (CGI, art. 1729 B) ;
- de 7 500 euros à 10 000 euros, l'amende pour défaut de réponse aux demandes en matière de prix de transfert (CGI, art. 1735) ;
- de 300 euros à 750 euros, l'amende relative aux contraventions opérées en matière de registre de consignation (CGI, art. 1788).

L'affirmation de la reconnaissance des droits et garanties des contribuables se traduit par l'insertion dans le Livre des procédures fiscales (LPF) d'un nouvel article L. 76 B, prévoyant que l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.

De même, aux termes des dispositions de l'article L. 80 E du LPF modifié, la décision d'appliquer les majorations en cas d'insuffisance de déclaration (CGI, art. 1729) et en cas d'évaluation d'office (CGI, art. 1732) sera, désormais, prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret (inspecteur départemental), qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités.

Un nouvel article L. 98 B est introduit dans le Livre des procédures fiscales ouvrant la faculté à l'administration des impôts de collecter, notamment, par voie électronique, auprès des organismes de recouvrement de Sécurité sociale, des informations recueillies par le biais des chèques emploi-service où des chèques emploi-service universels, ainsi que de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAE) concernant les salaires perçus dans le cadre des emplois familiaux.

Il est, enfin, inséré, au Code des douanes, un article 345 bis-I prévoyant que, lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapporté à la date des opérations constituant le fait générateur, elle ne peut constater par voie d'avis de mise en recouvrement et recouvrer les droits et taxes perçus selon les modalités dudit code, en soutenant une interprétation différente. Il en est de même au regard de l'appréciation par l'administration d'une situation de fait (CGI, art. 345 bis II) étant, toutefois, observé que l'octroi de la mainlevée des marchandises mentionnée aux articles 73 et 74 du règlement n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le Code des douanes communautaire (CDC) (N° Lexbase : L6102AUK) ne constitue pas une prise de position (CGI, art. 345 bis III), la garantie ne s'appliquant pas plus à la dette douanière définie aux 9), 10) et 11) de l'article 4 du règlement précité établissant le CDC (CGI, art. 345 bis-IV).

On notera que cette ordonnance s'inscrit dans la mouvance de la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719, 30 décembre 2005, de finances pour 2006 N° Lexbase : L6429HET) qui ramène le taux des intérêts de retard de 0,75 % à 0,40 % par mois, ainsi que dans la jurisprudence de l'année relative au plafonnement du cumul des pénalités de retard et insuffisance de déclaration (CE, Contentieux, 22 avril 2005, n° 257254, Société Limelight Boy's c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9334DH8).

On remarquera, concernant l'application de cette dernière jurisprudence que l'ordonnance adopte une position s'écartant de l'arrêt du Conseil d'Etat, ainsi que de la doctrine administrative censurée par ce dernier, en adoptant, dans un nouvel article 1729 A-2 du CGI, une solution qui prévoit que dans l'hypothèse d'un redressement portant sur une déclaration produite tardivement par le contribuable, la majoration pour retard s'applique à l'intégralité de l'impôt qu'il s'agisse de celui qui résulte de la déclaration tardive ou des redressements, ajoutant que la majoration pour inexactitude ou omission prévue à l'article 1729 du CGI ne se cumule pas avec la majoration pour retard sur la fraction de l'impôt correspondant aux redressements, mais s'y substitue lorsque son taux est supérieur.

Cet aspect de règlement de combinaison des différentes pénalités applicables se trouve dans l'ordonnance, notamment, en cas de rehaussements passibles de plusieurs majorations différentes. Dans cette hypothèse aux termes des dispositions de l'article 1729 A-I, les majorations seront appliquées dans l'ordre décroissant de leur taux.

Par ailleurs, lorsque la déclaration d'ensemble des revenus visés à l'article 170 du CGI déposée hors délai comporte des éléments provenant d'une ou plusieurs déclarations de revenus catégoriels également déposées hors délais et que plusieurs majorations de taux différents sont encourues, ces dernières, selon les dispositions du nouvel article 1728-4 du CGI, seront appliquées à l'impôt sur le revenu réparti proportionnellement aux revenus représentatifs de chaque infraction étant observé que le taux de la majoration encourue au titre de la déclaration d'ensemble des revenus s'applique à la totalité de l'impôt lorsqu'il est supérieur à celui applicable au titre des autres déclarations.

Enfin, l'ordonnance uniformise à l'article 1754-I et II nouveaux du CGI les règles générales de recouvrement et de contentieux des pénalités en prévoyant que le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt et que pour les autres pénalités ils sont régis par les dispositions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

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