La lettre juridique n°196 du 5 janvier 2006 : Droit financier

[Jurisprudence] L'exécution forcée d'une offre publique obligatoire : des injonctions judiciaires prononcées dans les affaires "Hyparlo" et "Billon"

Réf. : CA Paris, 1ère ch., sect. H, 13 septembre 2005, n° 2005/04058, ADAM (N° Lexbase : A4372DK7) ; CA Paris, 14ème ch., sect. A, 19 octobre 2005, n° 05/15501, M. Roger Chamla c/ M. le président de l'AMF en la personne de Monsieur Michel Prada (N° Lexbase : A2454DLH)

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le 07 Octobre 2010

Par deux décisions récentes, rendues à un mois d'intervalle dans des affaires distinctes (Hyparlo, 13 septembre 2005 et Billon, 19 octobre 2005), deux formations de la cour d'appel de Paris sont venues rappeler, illustrer et conforter le pouvoir du juge judiciaire d'ordonner la mise en oeuvre d'une offre publique obligatoire. Cette irruption contentieuse est, en soi, suffisamment remarquable pour être relevée, eu égard à la quasi-inexistence de jurisprudence sur le sujet depuis l'introduction du mécanisme dans notre droit positif. On s'aventurerait à y voir la trace ou l'amorce d'un mouvement de résistance des actionnaires de contrôle, ou qualifiés tels par détermination de la loi, à l'obligation qui leur est faite de déposer auprès de l'autorité de marché, en certaines hypothèses pré-définies, un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société cédée. Fort heureusement, la soumission à ce devoir d'offre, aussi contraignant soit-il, continue et continuera sans doute à ne nécessiter de détour judiciaire qu'à titre exceptionnel, ce qu'invitent à penser les décisions rapportées. Laissant là l'aspect comptable des choses, l'on s'attachera davantage à la teneur de ces arrêts qui, au plan juridique, sont loin de n'avoir pour seul mérite que d'exister.

Pour partir du plus général, on relèvera, tout d'abord, la confirmation de la place de cette offre contrainte d'acquisition parmi les obligations susceptibles d'exécution forcée. Le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique passe ainsi, avec succès, l'épreuve de l'injonction de faire instituée, à titre de principe, par le droit boursier et démontre qu'il n'y est pas, par nature, rétif. D'aucuns pourront y voir l'emportement, au nom des impératifs boursiers, des pudeurs du droit civil face à l'exécution en nature des obligations de faire, et des illusions du droit des sociétés, bercées par une affectio societatis ne tolérant qu'une entrée libre au capital social (1). La vue serait superficielle et la déduction hâtive, qui surestimerait les obstacles évoqués et ignorerait l'évolution des matières considérées. Il suffit de constater, en droit commun, la réduction constante du noyau des obligations insusceptibles d'exécution forcée (2), surtout lorsque, comme ici, l'exécution forcée présente, faute d'alternative possible, un caractère indirect, heurtant moins brutalement les droits et libertés fondamentaux du débiteur. Tandis que l'on comprendrait mal, en droit des sociétés, qu'un actionnaire de contrôle puisse exciper d'un défaut d'affectio societatis pour échapper aux sujétions juridiques pesant sur lui ès qualités. Si l'on y ajoute la nature de type légal et réglementaire des obligations méconnues (3) et l'efficacité qui doit présider à la sanction de dispositions boursières destinées à la protection de l'investissement et de son marché, les raisons sont nombreuses de se féliciter de la confirmation jurisprudentielle ainsi apportée.

Le principe acquis, l'attention se fixe sur la mise en oeuvre et les enseignements susceptibles, à cet égard, d'être tirés des deux espèces. Or, qu'il s'agisse des modalités de calcul du prix de cette offre forcée judiciairement, compliquées par la tardiveté de son lancement, de la fixation de son calendrier, de l'appréciation de sa recevabilité, du recours à l'astreinte, de l'identification du débiteur dans l'hypothèse d'un franchissement de seuil par l'effet d'un concert, ou du type d'injonction susceptible d'être utilisée, les arrêts sous étude recèlent leur lot d'informations. Sous ce dernier regard, on ne manquera pas d'être frappé par l'éminence du rôle joué, ici, par le juge judiciaire, qui résiste manifestement au risque de marginalisation engendré par l'attribution à l'autorité de marché d'un pouvoir d'injonction direct et autonome. Des raisons techniques ou procédurales expliquent cette position centrale du juge judiciaire, naturelle lorsque l'injonction est prononcée en lieu et place de l'autorité de marché (affaire Hyparlo) (I), moins attendue, a priori, lorsqu'elle est recherchée par l'autorité de marché elle-même (affaire Billon) (II). Leur présentation doit épouser cette dualité d'hypothèses, correspondant à des configurations juridiques fort différentes.

I - L'injonction judiciaire prononcée en lieu et place de l'AMF : L'affaire Hyparlo

Les autres aspects de l'affaire ayant été accordés dans les colonnes de cette revue (4), on se focalisera sur la décision prise par la première chambre, section H, de la cour d'appel de Paris, à la suite de l'annulation de la dérogation à l'offre publique obligatoire accordée par l'AMF, d'enjoindre à la société Carrefour et/ou aux membres de la famille A. de déposer un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société Hyparlo et "libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré recevable par l'Autorité des marchés financiers, dans un délai de trois mois à compter du jour où le présent arrêt deviendra exécutoire".

L'utilisation du mécanisme de l'injonction est, ici, remarquable, sans précédent même en matière d'offre publique, fait remarquer un annotateur averti (5). Et pour cause : la voie de l'injonction avait été fermée par la cour d'appel de Paris elle-même ! Dans une affaire Lagardère-Filipacchi, jugée le 11 juin 1997, les conseillers parisiens, tout en procédant à l'annulation d'une dérogation à l'obligation de lancer une offre publique, avaient déclaré irrecevable la demande d'injonction formée par le représentant de la minorité agissante, pour la raison qu'il n'était pas en leur "pouvoir d'ordonner une offre publique d'achat relevant des attributions du seul Conseil des marchés financiers" (6).

Sachant que la succession de l'AMF au CMF s'est réalisée à droit constant au plan de l'étendue du contrôle juridictionnel de telles décisions, force est de constater le revirement de position ainsi opéré, qui emporte un déplacement sensible de l'équilibre des pouvoirs entre le juge judiciaire et l'autorité de marché, témoin d'une évolution significative de la perception par celui-ci de sa mission de contrôle et de sa fonction régulatrice.

L'innovation ne peut être comprise et appréciée que replacée dans le cadre dérogatoire de la compétence attribuée à la cour d'appel de Paris pour connaître des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers en matière d'offres publiques (C. mon. fin., art. L. 621-30 N° Lexbase : L6261DIQ et art. R. 621-44 et s. N° Lexbase : L4584HCR). Intervenant non pas, comme à l'habitude, en tant que juge judiciaire du second degré, mais en tant que juge "administratif" (7) statuant en premier et dernier ressort, par exception au principe du double degré de juridiction, la cour d'appel de Paris, répondant à ceux qui voulaient la figer dans la posture étroite du juge de l'excès de pouvoir ou de la légalité, avait réussi à s'imposer, dans le silence des textes (8) et des cours supérieures (9), comme un juge de plein contentieux ou de l'opportunité (10). Avec la décision rapportée, elle balaie quelque ancienne réserve émise par ses propres soins pour dérouler jusqu'au bout la logique du recours de plein contentieux, au point de poser, aujourd'hui, la question des limites extrêmes des pouvoirs autorisés par un tel contrôle. Celles-ci devraient se déduire du principe même sur lequel repose ce recours, conçu comme permettant à la cour d'appel de Paris de substituer, en cas de censure, ses propres décisions à celles de l'autorité de marché, participant ainsi, à titre exceptionnel, à l'administration active. Pour autant, l'expression "pleine juridiction" ne doit pas laisser accroire que la cour pourrait alors tout faire. Investi d'un simple pouvoir de "contrôle", la compétence du juge se trouve logiquement placée dans la dépendance de celle de l'autorité de marché, ce qui devrait interdire à celui-là de prendre des mesures que celle-ci ne pourrait prendre elle-même. Aussi, par exemple et contrairement à l'idée avancée un temps par certains, la cour d'appel de Paris ne saurait, au cas d'annulation d'une décision de recevabilité, fixer directement le prix d'une offre publique (11) ; ou bien trancher des contestations relevant exclusivement du droit privé des obligations (12). Il faut encore compter avec la force des choses, qui ajoute à l'insubstituabilité de l'AMF, la réformation d'une décision de recevabilité ou, comme en l'espèce, d'une décision de dérogation, conduit à renvoyer les actionnaires débiteurs concernés devant l'autorité de marché chargée d'apprécier la recevabilité de l'offre publique que ceux-ci sont sommés de présenter.

Au cas particulier, ces conditions semblent réunies. D'une part, la cour d'appel de Paris n'empiète pas sur la compétence de l'AMF, à laquelle il est demandé d'apprécier la recevabilité du projet d'offre publique à déposer par la société Carrefour et les membres de la famille A. D'autre part, la faculté d'ordonner la mise en oeuvre d'une offre publique obligatoire, dont fait usage la cour, appartient en propre à l'AMF, qui pourrait à cet effet mobiliser son pouvoir d'injonction directe. La chose était là moins évidente, car la définition de ce pouvoir, auquel il peut être recouru pour "ordonner qu'il soit mis fin, en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires" avait, un temps, été interprété par un auteur comme autorisant exclusivement "des injonctions négatives [...]", ni l'autorité de marché ni la cour ne pouvant "adresser aux intéressés des injonctions positives" (obligation de faire) (13). Cette interprétation, paralysante au cas de faute par omission, semblait cependant dépassée en jurisprudence comme en doctrine.

La solution retenue paraît donc se situer en-deçà des bornes juridiques du recours de plein contentieux, à un petit détail près cependant, qui passerait presque inaperçu, pour la raison qu'il n'a pas prêté, ici, à conséquence. On veut parler de l'astreinte, que la cour évoque pour finalement ne pas y recourir. S'il n'y a pas "lieu", selon son expression, d'assortir l'obligation ordonnée d'une astreinte, c'est bien que la possibilité ne s'en trouvait pas exclue, ce qui soulève une difficulté juridique car l'AMF ne dispose pas du pouvoir de prononcer directement une telle mesure. Si l'AMF peut bien demander en justice le prononcé d'une astreinte, la loi dispose que seul son président possède alors qualité pour agir et que, au surplus, la mesure relève de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance de Paris (C. mon. fin., art. L. 621-14, II N° Lexbase : L8009HBA). Si le juge du contrôle persistait sur cette voie, il faudrait se résoudre à admettre que le principe de stricte substitution ou d'emprunt de compétence qui gouverne le recours de pleine juridiction peut souffrir d'entorses fondées sur l'imperium juridictionnel (14). Il en résulterait, en tous cas, une atteinte sensible aux prérogatives de l'AMF, réduite au seul examen de recevabilité du projet d'offre publique déposé dans le délai fixé par le juge, dans des conditions telles que l'on s'interroge, par exemple, sur la possibilité pour elle d'accéder à une nouvelle demande de dérogation, et de son président, en position difficile d'obtenir en justice le prononcé d'une astreinte, tout au moins à l'intérieur dudit délai (15).

II - L'injonction judiciaire demandée par l'AMF : l'affaire Billon

L'arrêt, inédit, du 19 octobre 2005, rendu par la 14ème chambre, section A, de la cour d'appel de Paris, intervient dans un contexte juridique radicalement distinct, puisque les demandes de dérogation à l'offre publique obligatoire avaient, cette fois, été refusées par l'AMF (16), qui recherchait le prononcé judiciaire d'une injonction, afin d'amener le débiteur à résipiscence. Celle-ci était, en l'espèce, assez compréhensible, puisque la société (Billon), dont le seuil du tiers du capital et des droits de vote avait été franchi en avril 2004 par M. R. Chamla, de concert avec des sociétés qu'il contrôlait, connut des difficultés financières telles qu'il fallut, un an plus tard, la placer sous redressement judiciaire (T. com. Lyon, 28 avril 2005). Saisi fort opportunément par l'AMF, une semaine avant l'ouverture de la procédure collective, le président du TGI de Paris, statuant en la forme des référés, par décision du 13 juillet 2005 :

" - ordonnait à M. Chamla de déposer dans les 8 jours de la signification de l'ordonnance, un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société Billon et libellé dans des conditions telles qu'il aurait pu être déclaré recevable par l'AMF s'il avait déposé le 22 avril 2004 et ce sous astreinte de 3.000 € par jour de retard courant à compter du 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance,
  - disait que le prix de l'offre serait augmenté des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2004".

L'ordonnance du 13 juillet 2005 restera dans les annales judiciaires comme la première décision d'exécution forcée en matière d'offre publique, même si elle se situe dans la droite ligne du précédent intervenu il y a une dizaine d'années dans le champ voisin des garanties de cours, lors de la mémorable affaire Hubert Industries (17). Cette rareté des recours au juge, soulignons-le, s'explique par la rareté du contentieux lui-même et non par une sorte d'affaiblissement du judiciaire au profit de l'AMF. On doit, au contraire, relever le parti pris de l'autorité de marché de s'adresser systématiquement au juge, en dépit de son pouvoir d'injonction autonome, dont l'étendue coïncide pourtant, aujourd'hui, avec celle du pouvoir reconnu au président du TGI de Paris (18). A la différence près, qui n'est sans doute pas négligeable en pareille circonstance, que l'AMF serait impuissante à assortir son injonction d'une astreinte (19).

Il faut croire, au surplus, que ladite ordonnance n'est mal fondée ni en fait ni en droit, puisqu'elle se trouve confirmée en tous points par la cour d'appel de Paris. Les moyens dirigés contre elle s'organisaient globalement autour de l'analyse de l'action de concert et des conditions de l'offre ordonnée.

L'appelant contestait, tout d'abord, l'existence d'un concert avec l'une des sociétés (Midimaille) dont le contrôle lui était attribué, indiquant avoir "par erreur" déclaré agir de concert avec elle. Sans exclure le principe d'une telle démonstration, la cour en écarte, ici, l'occurrence en s'appuyant sur un certain nombre d'éléments factuels concordants (déclarations multiples, décomptes aux assemblées générales, compétence juridique de R. Chamla...). C'étaient, ensuite, les conséquences tirées du concert constaté qui tombaient sous la critique de R. Chamla, lequel reprochait à l'AMF de ne pas avoir mis en cause les autres membres du concert. Le moyen se brise sur la solidarité légale passive des concertistes (C. com., art. L. 233-10 III N° Lexbase : L6313AIN), qui contraint chacun pour la totalité (C. civ., art. 1200 N° Lexbase : L1302ABT). La solution est d'autant plus brutale, ici, que l'intéressé avait cessé, depuis le mois de mai 2005, d'être actionnaire de la société Billon, à la suite de la vente de ses actions à trois amis. Mais cette sortie de la société devait logiquement rester indifférente à l'appréciation de la faute commise un an plus tôt. On saisit mal, en conséquence, l'effort des juges à établir que les actions "complaisamment acquises par les trois amis de M. Chamla [...] devaient être en compte dans le calcul des droits de vote détenu par le concert".

Le fait qu'il convienne de se placer au moment de l'infraction commise pour fixer les obligations du débiteur ressort plus nettement de la solution retenue pour déterminer les conditions de l'offre publique à venir. Sans apparemment justifier sa position, l'appelant faisait valoir que la décision du premier juge, ordonnant que l'offre soit réalisée aux conditions qui auraient été celles du 22 avril 2004, était contraire au règlement général de l'AMF. L'enjeu financier n'était pas mince pour lui compte tenu de l'effondrement depuis lors du cours de l'action Billon, passé de 1,70 € à 0,41 €. La prétention est justement écartée par la cour, mais au terme d'une réponse un peu contournée et non dépourvue d'ambiguïté : "qu'un projet d'offre publique au prix de 0,41 €, sanctionnerait les actionnaires susvisés et bénéficierait à celui qui n'a pas respecté la loi ; qu'en effet M. Chamla devait déposer son projet d'offre publique le 24 avril 2004, ce qu'il savait pertinemment puisqu'il a sollicité alors des demandes de dérogations qui ont toutes été rejetées ; Qu'il se devait de respecter la loi, sans que l'AMF soit obligé de délivrer une quelconque injonction ou mise en demeure [...] ; que M. Chamla est seul responsable de l'irrégularité commise qui ne peut être réparée que dans les conditions fixées par le premier juge, quelqu'en [sic] soient les conséquences envers M. Chamla ; qu'une telle réparation qui fait respecter le moins mal possible l'égalité susvisée entre actionnaires n'est donc ni une pénalité ni une "allocation de dommages et intérêts". C'est ainsi un langage de responsabilité qui est employé, une responsabilité dont on nous dit qu'elle est dépourvue de caractère punitif et dont on comprend que le mode adéquat de réparation se réalise non pas en équivalent mais en nature. On peut se demander s'il s'agissait là du langage le plus approprié et si, plutôt que de réparation en nature, au demeurant incertaine dans l'hypothèse inverse où le cours des titres sociaux se serait apprécié depuis le franchissement des seuils, il ne vaudrait pas mieux parler d'exécution en nature de l'obligation méconnue. La seule allocation possible de dommages-intérêts, que ne paraissent pas interdire les termes de l'article L. 621-14, II, du Code monétaire et financier, prenant alors la forme de dommages-intérêts moratoires, par addition au prix de l'offre, ainsi précisément déterminé, des intérêts au taux légal.

Quel que soit le raisonnement qui la sous-tend, la solution retenue constitue, en l'espèce, une aubaine pour les actionnaires minoritaires -voire même l'ensemble des actionnaires !(?)- de la société Billon, appelés à bénéficier d'une sortie in extremis du capital et ce à un prix très avantageux eu égard à la valeur actuelle de leurs titres. D'autant que, tenant compte peut-être de la situation économique de la société, plus sûrement de "résistance délibérée et persistante de M. Chamla à respecter la loi" et du "temps suffisant" dont celui-ci a disposé pour préparer son offre, la cour confirme la teneur comminatoire de l'ordonnance du premier juge ayant fixé à 8 jours de la signification de l'ordonnance le terme ultime du dépôt du projet d'offre publique, et ce sous astreinte de 3 000 € par jour de retard courant à compter du 15ème jour suivant la signification de l'ordonnance.

Alain Pietrancosta
Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Directeur du Master Droit financier
Centre de Recherches en Droit financier


(1) V. A. Mignon-Colombet, L'exécution forcée en droit des sociétés, Economica, 2004.
(2) Voir en dernier lieu, N. Molfessis, Force obligatoire et exécution : un droit à l'exécution en nature ?, RDC, 2005.37 ; comp. Y. M. Laithier, La prétendue primauté de l'exécution en nature, RDC, 2005.161.
(3) On sait que la jurisprudence française a été historiquement plus encline à prononcer l'exécution forcée d'un devoir légal que d'une simple obligation contractuelle, v. G. Viney, La responsabilité : effets, Traité de droit civil, LGDJ, 1988, n° 35.
(4) V. J.-B. Lenhof, Affaire Hyparlo : l'ADAM croque... l'AMF, Lexbase Hebdo n° 185 du 13 octobre 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N9555AIQ). Adde, RDBF, sept.-oct. 2005, p. 35, obs. A. Couret ; Banque et Droit, sept. 2005, n° 103, p. 45, obs. H. de Vauplane, J.-J. Daigre ; Bull. Joly, 2005.1380 § 301, note D. Schmidt.
(5) D. Schmidt, note précitée.
(6) V. Revue CMF, 1997, n° 3, p. 30, obs. M. d'Orazio ; D. 1998, somm. p. 73, obs. Y. Reinhard ; JCP éd. E 1997, I, n° 676, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Banque et Droit, 1997, n° 54, p. 35, obs. H. de Vauplane ; Bull. Joly Bourse, 1997.750 § 120, note N. Rontchevsky.
(7) V. not. P. Delvolvé, La nature des recours devant la cour d'appel de Paris contre les actes des autorités boursières, Bull. Joly, 1990, p. 499, § 133 ; du même auteur, La cour d'appel de Paris, juridiction administrative, Etudes offertes à J.-M. Auby, Dalloz, 1992, p . 47 ; G. Canivet, Le juge et l'autorité de marché, RJ com., 1992, p. 185 ; A. Viandier, Compétence du juge judiciaire en matière de recours contre certaines décisions du CBV, Bull. Joly, 1991, p. 771 ; J.-P. Marchi, La compétence de la Cour d'appel de Paris en matière de droit boursier, Gaz .Pal., 1991, 2, 786. En faveur d'un retour du contentieux au juge administratif, v. not. P. Delvolvé, La cour d'appel de Paris, juridiction administrative, précité ; Conseil d'Etat, Rapport public 2001, Les autorités administratives indépendantes, Etudes et documents, n° 52, spéc. p. 334.
(8) Comp. la qualification réglementaire expresse retenue en matière de recours contre les décisions de sanction de l'AMF dont le Conseil d'Etat est appelé à connaître (C. mon. et fin., art. R. 621-45, I, al. 2 N° Lexbase : L4585HCS).
(9) L'exigence d'un recours de plein contentieux n'est posée qu'en matière de décisions de sanction, tant par le Conseil constitutionnel (v. en matière audiovisuelle, Décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 N° Lexbase : A8194ACH et Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 N° Lexbase : A9054AGG), que par la Cour européenne des droits de l'homme (v. not. CEDH, 23 juin 1981, Req. 00006878/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique N° Lexbase : A3823AU7, série A n° 43 § 51 ; 10 février 1983, Req. 7299/75, Albert et Le Compte c/ Belgique N° Lexbase : A3824AU8, série A n ° 58 ; 26 septembre 1995, Req. 25/1994/472/553, Diennet c. France N° Lexbase : A3826AUA, série A n° 325).
(10) Il convient à cet égard de se garder d'une fausse interprétation de l'expression "prétendue plénitude de juridiction", utilisée parfois par la cour d'appel de Paris , v. not. CA Paris, 13 juillet 1988, Holophane, Bull. Joly, 1988, p. 715, Doct. et le commentaire de Y. Sexer, Une décision importante en matière d'offre publique d'achat : l'arrêt Holophane, JCP éd. E, 1988; II, n° 15337, note Th. Forschbach ; P. Delvolvé, précité ; G. Canivet, précité ; comp. A. Viandier, OPA-OPE..., éd. F. Lefebvre, 1999, n° 175 ; D. de Béchillon, D. Martin et N. Molfessis, A propos de l'étendue des pouvoirs de la Cour d'appel de Paris dans le contentieux des décisions prises par l'Autorité des marchés financiers au sujet de la recevabilité d'une offre publique, Mélanges AEDBF IV, 2004, p. 31.
(11) V. A. Pietrancosta, Nouvelles contributions de la Cour de cassation à la "banalisation" juridique et à la praticabilité du retrait obligatoire, Bull. Joly Bourse, 2001.541 § 93.
(12) V. CA Paris, 13 juillet 1988, précité.
(13) Delvolvé, n° 25.
(14) On sait, du côté judiciaire tout au moins, que le juge s'est reconnu le pouvoir de prononcer des astreintes avant même que celui-ci ne fasse l'objet d'une consécration légale.
(15) En l'espèce, la question ne se pose plus, la société Carrefour ayant, le 21 décembre, déposé auprès de l'AMF un projet d'OPA simplifiée, v. M.-A. Depagneux, Carrefour va débourser 320 millions pour reprendre Hyparlo, Les Echos, 22 décembre 2005, p. 23.
(16) V. Avis Euronext Paris, 204C1317, 3 novembre 2004.
(17) V. TGI Paris, ord. 5 août 1994, RDB, n° 46, nov.-déc. 1994, p. 267, obs. M. Germain et M.-A. Frison-Roche ; JCP éd. E, 1994, II, n° 623 note A. Viandier, Bull. Joly Bourse, 1994 .597, note C. Ducouloux-Favard ; D. Schmidt, Voies d'actions judiciaires de l'AMF, Dict. Joly Bourse, n° 69 et s. ; CA Paris, 1ère ch., sect. A, 18 septembre 1995, H. Finance et participation c/ Conseil des Bourses de Valeurs (N° Lexbase : A1655ATH), JCP éd. E 1995, II, n° 745, RDB, n° 53, 1996, p. 28, obs. M. Germain et M.-A. Frison-Roche ; Bull. Joly Bourse, 1995.511 § 88, note P. Le Cannu.
(18) T. Bonneau, F. Drummond, Droit des marchés financiers, Economica, 2e éd., 2005 , n° 283.
(19) T. Bonneau, F. Drummond, ibid.

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